Bohemian Flats

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Bohemian Flats Page 10

by Mary Relindes Ellis


  Puis, se tournant vers Raimund, il ajouta :

  — À quoi ça ressemble ? Comment peut-il regarder Magdalena ? Surtout maintenant qu’elle est enceinte !

  Raimund, lui, savait très bien ce qui se passait.

  Magdalena avait la beauté exotique et illicite des femmes qui s’exhibaient sur les cartes postales. Il ne pouvait dénoncer l’hypocrisie flagrante de son père sans avouer qu’il connaissait l’existence de sa collection de cartes pornographiques. Il ne voulait pas non plus risquer de perdre les images qu’il possédait, tant elles lui étaient devenues chères. Les chances qu’il avait de vivre enfin une aventure sexuelle dans le climat de répression qui l’entourait étaient nulles ; et même s’il rencontrait une fille consentante, il ne voulait pas risquer de devenir père. Raimund ne s’imaginait pas marié avant un moment. Apparemment, son père non plus.

  En ce mois de mai, à la veille de son seizième anniversaire, Heinrich lui fit savoir qu’il comptait le placer au séminaire pour qu’il devienne prêtre, selon la tradition voulant qu’un enfant de la fratrie soit consacré au service du Seigneur.

  — Je ne veux pas devenir prêtre, lui répondit Raimund.

  — Oh que si, tu le voudras, vu le choix qui te reste. Tu préférerais te faire soldat ?

  Il ne voulait pas non plus être soldat. Depuis toujours, son père le comparait à son oncle Dieter, même s’il n’arrivait pas trop à savoir pourquoi. Il s’était si souvent exposé à la colère paternelle qu’il avait des cicatrices à l’arrière des jambes. Le sang ne lui faisait pas peur. Mais, hormis les fois où il mettait à l’épreuve la rigidité de son père, Raimund fuyait toute forme de querelle et ne recourait à la bagarre que pour protéger son ami Leo, qui essuyait encore des moqueries en raison de sa petite taille et de son application à l’école.

  Son père ne lui dit pas exactement quand il était censé entrer au séminaire, mais seulement que ce serait après la prochaine fête de la Bière, prévue vers le milieu du mois d’août. Cet événement préoccupait beaucoup Heinrich : il avait élaboré une bière blonde couleur des blés et il était impatient de savoir quel rang elle obtiendrait au concours. Il l’avait appelée la Kaufmann Gold.

  La dégustation des différentes bières, qui serait présidée ce soir-là par des juges venus de Munich, était précédée d’un bal en cours d’après-midi. Albert et Raimund restèrent regarder les danseurs, en compagnie de leur mère et de Magdalena. Celle-ci marquait la cadence, un bras instinctivement enroulé autour de son ventre proéminent. Heinrich dansait la Schuhplattler, danse populaire bavaroise qui exigeait que l’on saute sur une jambe et que l’on se frappe en rythme les cuisses, les genoux et la plante des pieds. Quand cette danse fut terminée, il était hors d’haleine. Mais l’orchestre entonna ensuite la polka du Hollandais volant. Profitant de l’occasion, Heinrich saisit Magdalena pour en faire sa partenaire ; mais, au milieu de cette polka, il fit un bond extravagant, se raidit dans les airs et retomba brutalement au sol tel un bloc de granit. Un médecin – celui-là même qui l’avait examiné plusieurs années auparavant – se fraya un chemin à travers la foule, s’agenouilla auprès de Heinrich gisant à terre et lui appliqua un stéthoscope sur la poitrine. Raimund n’eut pas besoin du verdict du médecin pour savoir que son père était mort, qu’à l’instant même où il s’était retrouvé dans les airs, son cœur avait lâché. Otto, ivre, s’avança en titubant, regarda fixement leur père étendu sur la piste et leva les yeux vers Magdalena, qu’il s’empressa de montrer du doigt.

  — C’est toi qui l’as tué.

  Le médecin se releva.

  — Ne soyez pas stupide. J’ai prévenu votre père il y a bien longtemps que ce jour viendrait. Elle n’a rien à voir avec ça.

  Puis il fit signe à Ernst Geringer.

  — Faites sortir Otto et ensuite, revenez aider Raimund et Albert à transporter leur père.

  Ils l’inhumèrent deux jours plus tard. Avant de débuter la liturgie des funérailles, le prêtre souligna l’ironie de la situation : Heinrich avait quitté ce monde sans savoir que sa bière avait remporté le premier prix. C’était une époque où la mort n’était jamais bien loin. En tout cas, Heinrich avait vécu une belle vie à tous égards. Raimund et Albert le respectaient pour ce qu’il avait accompli et l’honoraient de cette manière formelle dont les fils étaient censés honorer leur père. Ils ne pleurèrent pas l’amour paternel qu’il ne leur avait jamais manifesté ouvertement. Raimund pleura plutôt sa vie dissolue et la manière dont elle avait pris fin. Albert et lui observèrent sobrement le cercueil que l’on descendait dans la fosse et, tandis que le prêtre continuait à parler d’un ton monocorde, Raymond se pencha vers Albert.

  — Malgré tous ses défauts, il méritait une mort plus digne, murmura-t-il. Mourir en train de danser dans une culotte de peau, c’est comme prendre une balle quand on est aux chiottes, le pantalon baissé.

  — Ja. Ç’aurait été mieux qu’il meure en se promenant dans les champs, renchérit Albert.

  Quatre jours plus tard, le notaire ouvrit le testament de Heinrich. En vertu des lois de primogéniture, la ferme revenait à Otto. À l’époque, la loi successorale empêchait aussi Otto de diviser la ferme entre ses cinq frères et sœurs. Non qu’il l’eût souhaité : à l’instar de son homonyme conservateur, Otto croyait en l’unité des familles ; la ferme Kaufmann ne devait donc avoir qu’un seul maître. Quelques minutes seulement après le départ du notaire, Otto se leva et cita la célèbre phrase de Bismarck : Une épée maintient au fourreau celle de l’autre. Il exigeait que ses frères et sœurs travaillent à la ferme sous ses ordres. Les deux sœurs aînées de Raimund et leurs époux refusèrent en lui faisant bien comprendre qu’ils n’avaient aucune obligation légale envers lui. Quant à Albert, il ne voulait pas laisser leur mère seule, prisonnière de la volonté d’Angelika, et Magdalena ne voulait pas s’éloigner de sa propre famille.

  — Nous allons rester en espérant qu’Otto changera d’avis et me fera copropriétaire. Et nous devons protéger maman. Cette maison n’est plus à elle, confia Albert à Raimund.

  — Magdalena et toi serez morts avant que cela n’arrive.

  — Peut-être que non. Papa savait qu’Otto n’était pas capable de diriger la ferme. Au bal, il a dit à Ernst qu’Otto n’avait pas assez de jugeote. Il est mort avant d’avoir pu modifier son testament. En tout cas, si Otto s’attire des ennuis, il aura besoin de moi. Toi, tu pourras fuir grâce à tes études. Tu peux passer tes examens d’entrée à l’université maintenant, même si tu n’as que seize ans.

  Raimund commença donc à préparer ses examens, soulagé d’avoir échappé aux projets de son père, qui consistaient à le consacrer au service de l’Église. Mais une semaine après la mort de Heinrich, Otto intima à Raimund de faire sa valise et de rejoindre dès le lendemain le séminaire Saint-Michael, à Traunstein. Raimund ne dit mot et se contenta de traverser la cour de la ferme en ignorant Otto ; ce dernier interpréta son silence comme une acceptation de son destin.

  Il attendit que tous soient endormis. Il ne pouvait dire au revoir à sa mère, à Albert, ni à Magdalena sans les compromettre. Par chance, Otto ayant oublié de changer la combinaison du coffre qui se trouvait dans la brasserie, il déroba une somme conséquente et l’ajouta à l’argent qu’il avait économisé et caché sous le parquet, sous son lit. Il se glissa hors de la maison tel le voleur qu’il était devenu, prit l’un des meilleurs étalons dans la grange et chevaucha quatre jours durant sans s’arrêter. Il atteignit Brême au moment où le SS Havel s’apprêtait à gagner le port de New York. Il vendit le cheval et sa selle ; puis, au cours des quelques heures qui précédèrent l’embarquement, il s’acheta un pantalon neuf, une chemise et une veste munie de poches secrètes dans lesquelles il dissimula l’argent qu’il lui restait. Ensuite, il passa la visite médicale, se procura un passeport et tous les papiers dont il aurait besoin à son arrivée en Amérique. Une heure avant le départ, il se précipita au bureau situé dans le port afin d’acheter son billet.

  * * *


  1. Extrait du Nouveau colosse, poème d’Emma Lazarus gravé sur le piédestal de cette statue. (Toutes les notes sont du traducteur.)

  2. Tous les termes en italique suivis d’un astérisque sont en français dans le texte.

  Joie de vivre

  * * *

  1896-1899

  AU GUICHET, RAIMUND HÉSITE. L’agent maritime tambourine de ses doigts boudinés sur la table et, à l’occasion, lève les mains pour frotter les pointes cirées de sa moustache argentée. Raimund lit et relit le prix des billets : 100 $ pour la première classe, 60 $ pour la seconde et 24 $ pour l’entrepont. Ce pourrait être son seul voyage à bord d’un grand navire. Il imagine déjà les installations luxueuses de la première classe.

  — Dépêchez-vous, jeune homme ! On abaisse les passerelles !

  Les passerelles. Il regarde par la petite fenêtre qui fait face au bateau amarré : on en abaisse deux. Leur usage respectif est évident, à en juger par les deux files vers lesquelles sont orientés les passagers.

  — L’entrepont.

  — Vous êtes sûr ? demande l’agent.

  Il observe Raimund avec attention et celui-ci sait ce qu’il voit : des vêtements de bonne qualité, un corps athlétique et un visage soigné. Puis le regard de l’agent s’arrête sur ses mains – calleuses. Un fils de fermier. Il soupire. Encore un jeune homme qui fuit l’Allemagne.

  — Oui.

  Alors qu’il attend pour embarquer, Raimund prend conscience qu’il ne peut de toute façon voyager en première ou seconde classe : on reconnaîtrait son nom de famille à cause de la bière de son père. En revanche, il est moins probable que les Allemands pauvres et les ouvriers qui l’entourent connaissent ce nom, parce qu’ils n’en ont sans doute jamais bu : la Kaufmann Lager est chère.

  — Vous êtes en fuite ?

  Il se tourne et se retrouve face à un garçon d’à peu près son âge. Il lui répond par un mensonge :

  — Non.

  — Moi, oui. Avec la bénédiction de mes parents. Dans deux jours, je suis censé rejoindre l’armée à Dresde. Je m’appelle Erwin Schaeffer, poursuit le jeune homme.

  Et il lui tend la main.

  — Raimund Kaufmann.

  Erwin ne semble pas reconnaître son nom. Il confie à Raimund que ses parents lui ont donné tout l’argent qu’ils avaient pu mettre de côté, mais que cela ne suffit pas. Comme d’autres indigents qui voyagent dans l’entrepont, il paie une partie de la traversée en effectuant des travaux subalternes à bord. Erwin parle sans discontinuer tandis qu’ils gravissent la passerelle et descendent l’escalier menant au pont situé juste au-dessus des entrailles du navire.

  — J’espère avoir assez gagné dans un an pour faire venir mes père et mère, dit-il.

  Il vient de choisir une place et de mettre ses affaires en sécurité. Raimund s’assied sur sa couchette : l’effet de sa fuite le frappe tel un coup de poing. Il veut dormir. Il veut qu’Erwin se taise, mais il ne sait pas comment le lui faire savoir poliment. Soudain, un cri se fait entendre.

  — Il faut que j’y aille. Les ordres, explique Erwin.

  Raimund se couche, terriblement soulagé à l’idée qu’Erwin sera occupé pour toute la durée du voyage. Lui-même avait été un garçon bavard au point de devenir agaçant. J’ai de la chance qu’ils ne m’aient pas jeté dans le puits, songe-t-il

  Sur ce, ses paupières se ferment, comme lestées par les ancres du bateau.

  Pour une fois, Raimund n’est pas obligé de travailler. Il n’a d’ailleurs aucune envie de nettoyer les cabines ni d’enfourner du charbon dans la salle des machines. Pas plus qu’il ne souhaite rester en bas, avec les femmes et les enfants. Au bout de deux jours, cependant, il s’ennuie. Se sentant inutile et coupable, il se propose alors d’enseigner l’anglais aux passagers de l’entrepont, dont la connaissance de cette langue n’excède pas leur capacité à se présenter.

  C’est en emmenant un groupe d’enfants découvrir le pont supérieur réservé aux passagers de première classe qu’il la voit. Allongée sur une méridienne, à environ vingt mètres, se trouve une femme d’un certain âge qui ressemble exactement à la rousse de sa carte postale.

  — Elle s’appelle Maria Engel. Mais c’est tout ce que je sais. Et je regrette de ne pas en savoir plus, lui dit Erwin ce soir-là.

  Les mains à hauteur de poitrine, il fait mine de soupeser une paire de seins.

  Dès le lendemain, Raimund retourne arpenter le pont supérieur à la recherche de Maria Engel. Il la trouve au même endroit, allongée sur sa méridienne. Tout en restant à l’écart, il lui lance un coup d’œil discret. Il regrette de ne pas avoir emporté ses cartes postales : il aurait pu comparer.

  Le soir du cinquième jour, alors qu’il se penche par-dessus le garde-corps afin de contempler un banc de dauphins qui s’ébattent le long du bateau, il sent une main sur son épaule.

  — Vous me surveillez. Est-ce que je vous connais ?

  Des mèches de cheveux échappées de leurs épingles lui barrent le visage sous l’effet du vent. Elle a les yeux verts.

  — Vous… Vous ressemblez à quelqu’un que j’ai vu un jour. En photo, répond-il.

  — J’ai figuré sur de nombreuses photos. Voudriez-vous les voir ?

  Le luxe qui règne dans sa cabine de première classe est fascinant : une salle de bains privée et un authentique lit de plumes. Elle sort un album de photographies, témoignage de sa vie de chanteuse et de comédienne. Mais si aucune de ces images ne la montre dévêtue, elle arbore néanmoins sur deux d’entre elles une tenue burlesque et très légère.

  — C’est joli, ici, dit-il, histoire de faire la conversation.

  Elle le toise tout en retirant les pinces de son épaisse chevelure auburn.

  — Quel âge as-tu ?

  — Seize ans.

  — Ah. On te donnerait plus. As-tu déjà connu une femme ?

  Il hésite.

  — Non.

  — Voudrais-tu en connaître une ?

  Elle lui apprend à déshabiller une femme, lentement, en commençant par défaire les crochets de ses élégantes bottines. Puis à détacher d’autres crochets, avant de déboutonner le corsage de sa robe. Il est nerveux, mais ses mains ne le trahissent pas. Elle se retourne afin qu’il puisse défaire toute une série d’agrafes sur son corset. Enfin, Maria Engel s’assied au bord du lit, vêtue seulement de ses bas et d’une chemise. Elle se passe les mains sur les jambes.

  — Maintenant, ceux-là.

  Alors seulement ses mains se mettent à trembler, tandis qu’il défait les jarretières et roule les bas.

  — Très bien, dit-elle en se penchant pour lui baiser les doigts.

  Il se tient debout devant elle.

  — Rien de tout cela n’a d’importance si la femme n’est pas consentante ou qu’on la force. Une mauvaise rencontre avec un homme peut lui gâcher à vie le plaisir que son corps devrait lui procurer. Tu es sur le point d’apprendre à ne jamais devenir un tel homme, poursuit-elle en déboutonnant son pantalon.

  Ainsi débute son éducation sur l’art de faire l’amour à une femme. Non seulement Maria Engel lui apprend les aspects essentiels des rapports physiques, mais aussi leurs divers agréments – plaisirs supplémentaires qu’il n’aurait jamais pu imaginer lorsqu’il se masturbait au grenier.

  — L’acte, n’importe qui peut l’accomplir. Regarde les chiens dans la rue.

  Tout en parlant, elle ouvre une boîte de cigares Frossard et lui en tend un, qu’il refuse. Il se contente de la regarder couper l’extrémité du sien et y ajouter un embout d’ivoire avant de l’allumer.

  — Il y a baiser et il y a faire l’amour. L’essentiel, c’est de se rappeler qu’il n’est pas nécessaire d’être amoureux pour faire l’amour. Chaque femme devrait se sentir aimée, indépendamment du fait qu’on la paie ou non. Ensuite, dit-elle un ton plus bas, quand on se quitte, on se quitte bon amis.

  Elle l’embrasse ; ses lèvres et sa langue ont un goût de tabac et de clou de girofle.

  L’éducation sexuelle de
Raimund se poursuit tout au long des quatorze jours en mer, si bien que lorsqu’il débarque à Ellis Island, son expérience de la chair est terriblement avancée pour son âge.

  — Pssst. Raimund !

  C’est Erwin. Dans la file de nouveaux arrivants qui attendent d’être enregistrés, c’est la quatrième personne derrière lui. Il murmure quelque chose à la femme qui le précède et le voilà qui s’avance.

  — Comment…

  — Je leur ai dit que j’étais ton frère, répond Erwin, et qu’on ne pouvait pas nous séparer. Où est-ce que tu vas, après ça ? Tu ne me l’as pas dit avant.

  — Je vais chercher du travail à New York.

  — Pourquoi rester ici ? Ce serait comme mettre le pied sur le seuil sans jamais entrer dans la pièce.

  — Toi, où est-ce que tu vas ?

  — Au cœur du pays ! Dans le Middle West ! J’ai un cousin à Minneapolis. Tu peux habiter chez nous. Il y a de grosses usines, là-bas, et de bons boulots. Viens avec moi, dit-il d’un ton pressant. Tu trouveras un travail tout de suite dans les usines, et puis tu as l’expérience de la ferme. Attends de voir le ciel. D’après mon cousin, tu peux toucher le soleil quand il se lève, il t’embrasse le sommet du crâne à midi et tu peux le toucher encore une fois quand il se couche. C’est un pays comme aucun autre.

  Raimund sourit ; il éprouve quelques doutes quant à cette affirmation, puis il se rappelle ce que Richter avait dit de Karl May : Lui n’est allé que jusqu’à New York. Erwin a raison. Avoir fait tout ce chemin pour se contenter de mouiller ses bottes sur le littoral de ce qui semble un pays gigantesque, ce serait du gâchis.

  Ils prennent le train ensemble le lendemain et Erwin parle sans arrêt. Même quand il dort sur sa couchette, les mots jaillissent de ses lèvres, si bien que Raimund est accablé de bruit durant tout le trajet. Il décline la proposition d’Erwin d’aller habiter avec lui chez son cousin. S’il le faut, il dormira dans un fossé aux abords de la ville. Là, au moins, il pourra jouir du silence qu’offrent l’herbe et la boue. Tôt un matin, au bout d’une semaine de voyage, le train pénètre enfin dans la ville de Minneapolis, traverse le Mississippi sur un vaste pont de pierre, puis s’arrête dans l’immense gare du centre-ville. Raimund dit au revoir à Erwin et, après avoir promis qu’ils se reverront bientôt, il se dirige vers un agent des chemins de fer aux cheveux tout blancs et lui demande où il pourrait trouver du travail.

 

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