20000 Lieues sous les mers Part 2

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20000 Lieues sous les mers Part 2 Page 2

by Jules Verne


  Or, c'était une troupe de ces argonautes qui voyageait alors à la surface de l'Océan. Nous pouvions en compter plusieurs centaines. Ils appartenaient à l'espèce des argonautes tuberculés qui est spéciale aux mers de l'Inde.

  Ces gracieux mollusques se mouvaient à reculons au moyen de leur tube locomoteur en chassant par ce tube l'eau qu'ils avaient aspirée. De leurs huit tentacules. six. allongés et amincis. flottaient sur l'eau, tandis que les deux autres. arrondis en palmes, se tendaient au vent comme une voile légère. Je voyais parfaitement leur coquille spiraliforme et ondulée que Cuvier compare justement à une élégante chaloupe. Véritable bateau en effet. Il transporte l'animal qui l'a sécrété, sans que l'animal y adhère.

  « L'argonaute est libre de quitter sa coquille, dis-je à Conseil, mais il ne la quitte jamais.

  Ainsi fait le capitaine Nemo. répondit judicieusement Conseil. C'est pourquoi il eût mieux fait d'appeler son navire l'Argonaute. »

  Pendant une heure environ. Le Nautilus flotta au milieu de cette troupe de mollusques. Puis, je ne sais quel effroi les prit soudain. Comme à un signal, toutes les voiles furent subitement amenées ; les bras se replièrent, les corps se contractèrent. Les coquilles se renversant changèrent leur centre de gravité, et toute la flottille disparut sous les flots. Ce fut instantané, et jamais navires d'une escadre ne manoeuvrèrent avec plus d'ensemble.

  En ce moment, la nuit tomba subitement, et les lames, à peine soulevées par la brise, s'allongèrent paisiblement sous les précintes du Nautilus.

  Le lendemain, 26 janvier, nous coupions l'Équateur sur le quatre-vingt-deuxième méridien, et nous rentrions dans l'hémisphère boréal.

  Pendant cette journée, une formidable troupe de squales nous fit cortège. Terribles animaux qui pullulent dans ces mers et les rendent fort dangereuses. C'étaient des squales philipps au dos brun et au ventre blanchâtre armés de onze rangées de dents, des squales oeillés dont le cou est marqué d'une grande tache noire cerclée de blanc qui ressemble à un oeil. des squales isabelle à museau arrondi et semé de points obscurs. Souvent, ces puissants animaux se précipitaient contre la vitre du salon avec une violence peu rassurante. Ned Land ne se possédait plus alors. Il voulait remonter à la surface des flots et harponner ces monstres, surtout certains squales émissoles dont la gueule est pavée de dents disposées comme une mosaïque, et de grands squales tigrés, longs de cinq mètres, qui le provoquaient avec une insistance toute particulière. Mais bientôt le Nautilus, accroissant sa vitesse, laissa facilement en arrière les plus rapides de ces requins.

  Le 27 janvier, à l'ouvert du vaste golfe du Bengale, nous rencontrâmes à plusieurs reprises, spectacle sinistre ! des cadavres qui flottaient à la surface des flots. C'étaient les morts des villes indiennes. charriés par le Gange jusqu'à la haute mer, et que les vautours, les seuls ensevelisseurs du pays, n'avaient pas achevé de dévorer. Mais les squales ne manquaient pas pour les aider dans leur funèbre besogne.

  Vers sept heures du soir, le Nautilus à demi immergé navigua au milieu d'une mer de lait. A perte de vue l'Océan semblait être lactifié. Était-ce l'effet des rayons lunaires ? Non, car la lune, ayant deux jours à peine, était encore perdue au-dessous de l'horizon dans les rayons du soleil. Tout le ciel, quoique éclairé par le rayonnement sidéral, semblait noir par contraste avec la blancheur des eaux.

  Conseil ne pouvait en croire ses yeux, et il m'interrogeait sur les causes de ce singulier phénomène. Heureusement, j'étais en mesure de lui répondre.

  « C'est ce qu'on appelle une mer de lait, lui dis-je, vaste étendue de flots blancs qui se voit fréquemment sur les côtes d'Amboine et dans ces parages.

  Mais, demanda Conseil, monsieur peut-il m'apprendre quelle cause produit un pareil effet. car cette eau ne s'est pas changée en lait, je suppose !

  Non, mon garçon, et cette blancheur qui te surprend n'est due qu'à la présence de myriades de bestioles infusoires, sortes de petits vers lumineux, d'un aspect gélatineux et incolore, de l'épaisseur d'un cheveu, et dont la longueur ne dépasse pas un cinquième de millimètre. Quelques-unes de ces bestioles adhèrent entre elles pendant l'espace de plusieurs lieues.

  Plusieurs lieues ! s'écria Conseil.

  Oui, mon garçon, et ne cherche pas à supputer le nombre de ces infusoires ! Tu n'y parviendrais pas, car, si je ne me trompe, certains navigateurs ont flotté sur ces mers de lait pendant plus de quarante milles. »

  Je ne sais si Conseil tint compte de ma recommandation, mais il parut se plonger dans des réflexions profondes, cherchant sans doute à évaluer combien quarante milles carrés contiennent de cinquièmes de millimètres. Pour moi, je continuai d'observer le phénomène. Pendant plusieurs heures, le Nautilus trancha de son éperon ces flots blanchâtres, et je remarquai qu'il glissait sans bruit sur cette eau savonneuse, comme s'il eût flotté dans ces remous d'écume que les courants et les contre-courants des baies laissaient quelquefois entre eux.

  Vers minuit, la mer reprit subitement sa teinte ordinaire, mais derrière nous. jusqu'aux limites de l'horizon. Le ciel. réfléchissant la blancheur des flots. sembla longtemps imprégné des vagues lueurs d'une aurore boréale.

  II. UNE NOUVELLE PROPOSITION DU CAPITAINE NEMO

  Le 28 février, lorsque le Nautilus revint à midi à la surface de la mer, par 9°4' de latitude nord, il se trouvait en vue d'une terre qui lui restait à huit milles dans l'ouest. J'observai tout d'abord une agglomération de montagnes, hautes de deux mille pieds environ, dont les formes se modelaient très capricieusement. Le point terminé, je rentrai dans le salon, et lorsque le relèvement eut été reporté sur la carte, je reconnus que nous étions en présence de l'île de Ceylan, cette perle qui pend au lobe inférieur de la péninsule indienne.

  J'allai chercher dans la bibliothèque quelque livre relatif à cette île, l'une des plus fertiles du globe. Je trouvai précisément un volume de Sirr H. C., esq., intitulé Ceylan and the Cingalese. Rentré au salon, je notai d'abord les relèvements de Ceyland, à laquelle l'antiquité avait prodigué tant de noms divers. Sa situation était entre 5°55' et 9°49' de latitude nord, et entre 79°42' et 82°4' de longitude à l'est du méridien de Greenwich ; sa longueur, deux cent soixante-quinze milles ; sa largeur maximum, cent cinquante milles ; sa circonférence. neuf cents milles ; sa superficie, vingt-quatre mille quatre cent quarante-huit milles, c'est-à-dire un peu inférieure à celle de l'Irlande.

  Le capitaine Nemo et son second parurent en ce moment.

  Le capitaine jeta un coup d'oeil sur la carte. Puis, se retournant vers moi :

  « L'île de Ceylan, dit-il, une terre célèbre par ses pêcheries de perles. Vous serait-il agréable, monsieur Aronnax, de visiter l'une de ses pêcheries ?

  Sans aucun doute, capitaine.

  Bien. Ce sera chose facile. Seulement, si nous voyons les pêcheries, nous ne verrons pas les pêcheurs. L'exploitation annuelle n'est pas encore commencée. N'importe. Je vais donner l'ordre de rallier le golfe de Manaar, où nous arriverons dans la nuit. »

  Le capitaine dit quelques mots à son second qui sortit aussitôt. Bientôt le Nautilus rentra dans son liquide élément, et le manomètre indiqua qu'il s'y tenait à une profondeur de trente pieds.

  La carte sous les yeux, je cherchai alors ce golfe de Manaar. Je le trouvai par le neuvième parallèle, sur la côte nord-ouest de Ceylan. Il était formé par une ligne allongée de la petite île Manaar. Pour l'atteindre, il fallait remonter tout le rivage occidental de Ceylan.

  « Monsieur le professeur, me dit alors le capitaine Nemo, on pêche des perles dans le golfe du Bengale, dans la mer des Indes, dans les mers de Chine et du Japon, dans les mers du sud de l'Amérique, au golfe de Panama, au golfe de Californie ; mais c'est à Ceylan que cette pêche obtient les plus beaux résultats. Nous arrivons un peu tôt, sans doute. Les pêcheurs ne se rassemblent que pendant le mois de mars au golfe de Manaar, et là, pendant trente jours, leurs trois cents bateaux se livrent à cette lucrative exploitation des trésors de la mer. Chaque bateau est monté par dix rameurs et par
dix pêcheurs. Ceux-ci, divisés en deux groupes, plongent alternativement et descendent à une profondeur de douze mètres au moyen d'une lourde pierre qu'ils saisissent entre leurs pieds et qu'une corde rattache au bateau.

  Ainsi, dis-je, c'est toujours ce moyen primitif qui est encore en usage ?

  Toujours, me répondit le capitaine Nemo, bien que ces pêcheries appartiennent au peuple le plus industrieux du globe, aux Anglais, auxquels le traité d'Amiens les a cédées en 1802.

  Il me semble, cependant, que le scaphandre, tel que vous l'employez, rendrait de grands services dans une telle opération.

  Oui, car ces pauvres pêcheurs ne peuvent demeurer longtemps sous l'eau. L'Anglais Perceval, dans son voyage à Ceylan, parle bien d'un Cafre qui restait cinq minutes sans remonter à la surface, mais le fait me paraît peu croyable. Je sais que quelques plongeurs vont jusqu'à cinquante-sept secondes, et de très habiles jusqu'à quatre-vingt-sept ; toutefois ils sont rares, et, revenus à bord, ces malheureux rendent par le nez et les oreilles de l'eau teintée de sang. Je crois que la moyenne de temps que les pêcheurs peuvent supporter est de trente secondes, pendant lesquelles ils se hâtent d'entasser dans un petit filet toutes les huîtres perlières qu'ils arrachent ; mais, généralement, ces pêcheurs ne vivent pas vieux ; leur vue s'affaiblit ; des ulcérations se déclarent à leurs yeux ; des plaies se forment sur leur corps, et souvent même ils sont frappés d'apoplexie au fond de la mer.

  Oui, dis-je, c'est un triste métier, et qui ne sert qu'à la satisfaction de quelques caprices. Mais, dites-moi, capitaine, quelle quantité d'huîtres peut pêcher un bateau dans sa Journée ?

  Quarante à cinquante mille environ. On dit même qu'en 1814, le gouvernement anglais ayant fait pêcher pour son propre compte, ses plongeurs, dans vingt journées de travail, rapportèrent soixante-seize millions d'huîtres.

  Au moins, demandai-je, ces pêcheurs sont-ils suffisamment rétribués ?

  A peine, monsieur le professeur. A Panama, ils ne gagnent qu'un dollar par semaine. Le plus souvent, ils ont un sol par huître qui renferme une perle, et combien en ramènent-ils qui n'en contiennent pas !

  Un sol à ces pauvres gens qui enrichissent leurs maîtres ! C'est odieux.

  Ainsi, monsieur le professeur, me dit le capitaine Nemo, vos compagnons et vous, vous visiterez le banc de Manaar, et si par hasard quelque pêcheur hâtif s'y trouve déjà, eh bien, nous le verrons opérer.

  C'est convenu, capitaine.

  A propos, monsieur Aronnax, vous n'avez pas peur des requins ?

  Des requins ? » m'écriai-je.

  Cette question me parut, pour le moins, très oiseuse.

  « Eh bien ? reprit le capitaine Nemo.

  Je vous avouerai, capitaine, que je ne suis pas encore très familiarisé avec ce genre de poissons.

  Nous y sommes habitués, nous autres, répliqua le capitaine Nemo, et avec le temps, vous vous y ferez. D'ailleurs, nous serons armés, et, chemin faisant, nous pourrons peut-être chasser quelque squale. C'est une chasse intéressante. Ainsi donc, à demain, monsieur le professeur, et de grand matin. »

  Cela dit d'un ton dégagé, le capitaine Nemo quitta le salon.

  On vous inviterait à chasser l'ours dans les montagnes de la Suisse, que vous diriez : « Très bien ! demain nous irons chasser l'ours. » On vous inviterait à chasser le lion dans les plaines de l'Atlas, ou le tigre dans les jungles de l'Inde, que vous diriez : « Ah ! ah ! il paraît que nous allons chasser le tigre ou le lion ! » Mais on vous inviterait à chasser le requin dans son élément naturel, que vous demanderiez peut-être à réfléchir avant d'accepter cette invitation.

  Pour moi, je passai ma main sur mon front où perlaient quelques gouttes de sueur froide.

  « Réfléchissons, me dis-je, et prenons notre temps. Chasser des loutres dans les forêts sous-marines, comme nous l'avons fait dans les forêts de l'île Crespo, passe encore. Mais courir le fond des mers, quand on est à peu près certain d'y rencontrer des squales, c'est autre chose ! Je sais bien que dans certains pays, aux îles Andamènes particulièrement, les nègres n'hésitent pas à attaquer le requin, un poignard dans une main et un lacet dans l'autre, mais je sais aussi que beaucoup de ceux qui affrontent ces formidables animaux ne reviennent pas vivants ! D'ailleurs, je ne suis pas un nègre, et quand je serais un nègre, je crois que, dans ce cas, une légère hésitation de ma part ne serait pas déplacée. »

  Et me voilà rêvant de requins, songeant à ces vastes mâchoires armées de multiples rangées de dents, et capables de couper un homme en deux. Je me sentais déjà une certaine douleur autour des reins. Puis, je ne pouvais digérer le sans-façon avec lequel le capitaine avait fait cette déplorable invitation ! N'eût-on pas dit qu'il s'agissait d'aller traquer sous bois quelque renard inoffensif ?

  « Bon ! pensai-je, jamais Conseil ne voudra venir, et cela me dispensera d'accompagner le capitaine. »

  Quant à Ned Land, j'avoue que je ne me sentais pas aussi sûr de sa sagesse. Un péril, si grand qu'il fût, avait toujours un attrait pour sa nature batailleuse.

  Je repris ma lecture du livre de Sirr, mais je le feuilletai machinalement. Je voyais, entre les lignes, des mâchoires formidablement ouvertes.

  En ce moment, Conseil et le Canadien entrèrent, l'air tranquille et même joyeux. Ils ne savaient pas ce qui les attendait.

  « Ma foi, monsieur, me dit Ned Land, votre capitaine Nemo que le diable emporte !—vient de nous faire une très aimable proposition.

  Ah ! dis-je, vous savez...

  N'en déplaise à monsieur, répondit Conseil, le commandant du Nautilus nous a invités à visiter demain, en compagnie de monsieur, les magnifiques pêcheries de Ceyland. Il l'a fait en termes excellents et s'est conduit en véritable gentleman.

  Il ne vous a rien dit de plus ?

  Rien, monsieur, répondit le Canadien, si ce n'est qu'il vous avait parlé de cette petite promenade.

  En effet, dis-je. Et il ne vous a donné aucun détail sur...

  Aucun, monsieur le naturaliste. Vous nous accompagnerez, n'est-il pas vrai ?

  Moi... sans doute ! Je vois que vous y prenez goût, maître Land.

  Oui ! c'est curieux, très curieux.

  Dangereux peut-être ! ajoutai-je d'un ton insinuant.

  Dangereux, répondit Ned Land, une simple excursion sur un banc d'huîtres ! »

  Décidément le capitaine Nemo avait jugé inutile d'éveiller l'idée de requins dans l'esprit de mes compagnons. Moi, je les regardais d'un oeil troublé, et comme s'il leur manquait déjà quelque membre. Devais-je les prévenir ? Oui, sans doute, mais je ne savais trop comment m'y prendre.

  « Monsieur, me dit Conseil, monsieur voudra-t-il nous donner des détails sur la pêche des perles ?

  Sur la pêche elle-même, demandai-je, ou sur les incidents qui...

  Sur la pêche, répondit le Canadien. Avant de s'engager sur le terrain, il est bon de le connaître.

  Eh bien ! asseyez-vous, mes amis, et je vais vous apprendre tout ce que l'Anglais Sirr vient de m'apprendre à moi-même. »

  Ned et Conseil prirent place sur un divan, et tout d'abord le Canadien me dit :

  « Monsieur, qu'est-ce que c'est qu'une perle ?

  Mon brave Ned, répondis-je, pour le poète, la perle est une larme de la mer ; pour les Orientaux, c'est une goutte de rosée solidifiée ; pour les dames, c'est un bijou de forme oblongue, d'un éclat hyalin, d'une matière nacrée, qu'elles portent au doigt, au cou ou à l'oreille ; pour le chimiste, c'est un mélange de phosphate et de carbonate de chaux avec un peu de gélatine, et enfin, pour les naturalistes, c'est une simple sécrétion maladive de l'organe qui produit la nacre chez certains bivalves.

  Embranchement des mollusques, dit Conseil, classe des acéphales, ordre des testacés.

  Précisément, savant Conseil. Or, parmi ces testacés, l'oreille-de-mer iris, les turbots, les tridacnes, les pinnesmarines, en un mot tous ceux qui sécrètent la nacre c'est-à-dire cette substance bleue, bleuâtre, violette ou blanche, qui tapisse l'intérieur de leurs valves, sont susceptibles
de produire des perles.

  Les moules aussi ? demanda le Canadien.

  Oui ! les moules de certains cours d'eau de l'Ecosse, du pays de Galles, de l'Irlande, de la Saxe, de la Bohème, de la France.

  Bon ! on y fera attention, désormais, répondit le Canadien.

  Mais, repris-je, le mollusque par excellence qui distille la perle, c'est l'huître perlière, la méléagrina-Margaritifera la précieuse pintadine. La perle n'est qu'une concrétion nacrée qui se dispose sous une forme globuleuse. Ou elle adhère à la coquille de l'huître, ou elle s'incruste dans les plis de l'animal. Sur les valves, la perle est adhérente ; sur les chairs, elle est libre. Mais elle a toujours pour noyau un petit corps dur, soit un ovule stérile, soit un grain de sable, autour duquel la matière nacrée se dépose en plusieurs années, successivement et par couches minces et concentriques.

  Trouve-t-on plusieurs perles dans une même huître ? demanda Conseil.

  Oui, mon garçon. Il y a de certaines pintadines qui forment un véritable écrin. On a même cité une huître, mais je me permets d'en douter, qui ne contenait pas moins de cent cinquante requins.

  Cent cinquante requins ! s'écria Ned Land.

  Ai-je dit requins ? m'écriai-je vivement. Je veux dire cent cinquante perles. Requins n'aurait aucun sens.

  En effet, dit Conseil. Mais monsieur nous apprendra-t-il maintenant par quels moyens on extrait ces perles ?

  On procède de plusieurs façons, et souvent même, quand les perles adhèrent aux valves, les pêcheurs les arrachent avec des pinces. Mais, le plus communément, les pintadines sont étendues sur des nattes de sparterie qui couvrent le rivage. Elles meurent ainsi à l'air libre, et, au bout de dix jours, elles se trouvent dans un état satisfaisant de putréfaction. On les plonge alors dans de vastes réservoirs d'eau de mer, puis on les ouvre et on les lave. C'est à ce moment que commence le double travail des rogueurs. D'abord, ils séparent les plaques de nacre connues dans le commerce sous le nom de franche argentée, de bâtarde blanche et de batarde noire, qui sont livrées par caisses de cent vingt-cinq à cent cinquante kilogrammes. Puis, ils enlèvent le parenchyme de l'huître, ils le font bouillir, et ils le tamisent afin d'en extraire jusqu'aux plus petites perles.

 

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