Frontiere Interdite

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Frontiere Interdite Page 11

by Shepard Rifkin


  — Cent dollars ! Mais je peux trouver toutes celles que je veux à quarante !

  — Ouais, je sais. Mais il s'agit d'une offre spéciale.

  — Qu'est-ce qu'elle a de spécial ? Le bétail, je peux peut-être en tirer parti si les bêtes sont en aussi bonne condition que vous le dites, mais qu'est-ce qu'une carabine à cent dollars a de spécial ?

  Carson le considéra, et se carra sur son siège. Il avait encore atrocement mal au dos et il chercha la position la moins douloureuse. Quand il l'eut trouvée, il répondit :

  — Ce qu'elles ont de spécial, c'est que c'est moi qui les offre. Appelez ça une prime, en remerciement de l'accueil que m'a réservé votre pote le général. J'ai l'impression que je vous ai fait perdre assez de temps, il est tard, vous devez avoir envie de vous coucher. Bon, ça fera donc au total cinquante-sept mille tout rond. Comme nous savons tous les deux que vous les avez dans ce beau coffre qui est derrière vous, vous n'avez qu'à les sortir. Merci d'avance.

  Bond s'accroupit et tripota la combinaison. Pendant trente secondes, il fit pivoter le cadran, à droite, à gauche ; les légers déclics du mécanisme étaient le seul bruit que l'on entendait dans la pièce. Enfin, il abaissa l'énorme poignée et tira la lourde porte. Puis il plongea la main à l'intérieur et saisit le colt qui se trouvait là, précisément pour faire face à ce genre de situation. Il s'abrita derrière la porte ouverte, pivota sur lui-même et leva le colt.

  Carson n'était plus là. Bond ne l'avait pas entendu se déplacer et passer de l'autre côté du coffre ; de sa nouvelle position, il braquait Bond par-derrière.

  — Et un, ça fait deux, s'écria-t-il joyeusement en tendant la main pour cueillir le colt et le glisser dans sa ceinture. Butin de guerre. Et n'allez pas raconter partout que je les ai volés. Quand un type vous braque une arme dessus, on a le droit de le désarmer. Et vous pouvez revendre ce bétail dans le Nord avec on joli bénéfice. Je ne vois pas pourquoi vous faites tant de ramdam. Bond se mit à compter des billets.

  — Les vendre, mon cul, oui ! gronda-t-il. C'est le bétail de King Fisher et il va me le reprendre aussi sec!

  — Non, ce n'est pas le bétail de King Fisher, c'est le mien. Les clauses du marché, c'était vingt têtes de bétail pour une carabine. J'en ai obtenu trente. Naturellement, sans votre aide précieuse, on aurait conclu le marché à vingt bœufs, mais Dieu dispose. Vous êtes responsable de cet arrangement, si l'on peut dire. King Fisher obtient ce qu'il a demandé. Vous savez y faire pour compter des billets, monsieur Bond, poursuivit Carson avec admiration. J'espère que vous ne m'en voudrez pas de vérifier.

  Bond avait repris des couleurs. Il regarda Carson compter l'argent et le fourrer dans le grand sac de toile qu'il avait apporté.

  — Ça ne paie pas de me mettre en rogne, Carson. Vous seriez plus malin de me rendre cet argent et de foutre le camp. On a de la mémoire, par ici. Tôt ou tard...

  — Bouclez-la. Et asseyez-vous à votre bureau. La voix glacée de Carson fit perdre à Bond son assurance à peine recouvrée.

  — Prenez un de vos beaux petits reçus.

  Bond obéit.

  — Si par hasard vous aviez un colt ou un Deringer caché dans un de ces tiroirs, je vous laisserais tirer. C'est quand même pas juste de vous faire perdre toutes vos armes en une soirée. Bon, allez-y. Ecrivez. « M. Thomas Carson — je tiens au « monsieur » — m'a vendu ce jour deux mille sept cents têtes de bétail à vingt dollars, ainsi que trente Winchester neuves, modèle 73, à cent dollars pièce. » Pas la peine d'inscrire le total, je comprends que ça vous fasse mal au cœur. Maintenant écrivez la date en haut, et signez en bas. Et donnez-moi ça. Non, pas encore. Agitez un peu le papier pour faire sécher l'encre. Là, comme ça c'est mieux, pas vrai ? Allez chercher votre troupeau demain matin chez Valdez. Vous y trouverez aussi les carabines. Comptez les bestiaux avec la señora. Elle s'y connaît. Si le compte n'y est pas, dites-le-lui, et j'arrangerai ça. Pas de questions ?

  — La famille Valdez vous a été d'un grand secours, on dirait.

  — C'est rare de trouver des gens aussi épatants. Bon. J'allais oublier...

  Carson tira de sa poche un bout de papier froissé, sale, trempé de sueur et d'eau. Il le déplia avec soin et le montra à Bond.

  — Vous le reconnaissez?

  — On dirait mon papier à lettres.

  — Tout juste. C'est une commande que vous avez faite, de cinquante rouleaux de barbelés.

  — J'ai pas besoin de barbelés !

  — Ça se peut, mais vous avez écrit ça. Alors vous me devez quatre cents dollars de mieux. Un prix honnête.

  Bond refusa de bouger ; Carson agita sous son nez le canon de sa carabine et désigna le coffre. Bond soupira et alla le rouvrir. Carson compta l'agent.

  — Si jamais je reviens par ici, dit-il, ne me cherchez pas des crosses, Bond. Pour l'instant, je suis reconnaissant et je vous aime bien parce que vous m'avez refilé cinquante-sept mille dollars. Alors on laisse tomber l'histoire du général et de ce qu'il m'a fait subir. Mais je l'oublie pas, Bond. Et je compte rester pas mal de temps au Texas. Je vous conseille donc de bien fermer votre coffre. L'argent qu'il renferme est bougrement tentant.

  — Encore une chance que vous soyez honnête, bougonna Bond.

  — Vaya con Dios.

  Carson souffla la lampe et sortit en refermant la porte. Il songea à Bond, assis dans l'obscurité, et sourit. La lune s'était couchée. Un chien aboyait dans un quartier de la ville sombre. Il songea à Luisa endormie, la main sur la crosse du colt. Il sourit encore. Elle pouvait le garder, il en avait deux autres.

  XVII

  — Par où on va passer ? demanda Bearclaw.

  — Par le Blanco.

  — Pourquoi ? Pourquoi pas par...

  — Là-haut, il y a de l'eau, déclara Carson. Alors on va monter par le Blanco.

  — Ouais, grogna Archie, y a de l'eau et aussi des Comanches.

  — Et alors ?

  — Merde, y a peut-être aussi des Apaches. Paraît que les Comanches et eux descendent par ici à chaque pleine lune pour voler des chevaux.

  — Tu veux laisser tomber ? fit Carson. Alors prends ton cheval et file.

  — Plus de cent lieues tout seul en pays indien ? Ça tient pas debout !

  — Alors ferme ta gueule et fais ce que je dis ! Bearclaw, Sebastiano et vous, vous partirez d'abord en éclaireurs. Archie, toi et Ricardo vous formerez l'arrière-garde...

  — Ben merde !

  — Tous les matins, on permutera. Chacun son tour d'avaler la poussière. Ne les laissez pas se tasser les uns sur les autres, gardez-les en file, en rangs pas trop serrés, sur quinze à vingt mètres de large. Ça paraît difficile, mais au bout de deux jours les bestiaux auront compris. Ne les laissez pas trotter. C'est ce qu'ils vont essayer de faire pour combler les vides, mais le trot fait simplement perdre de la bonne viande. Eh bien, les gars, allez apprendre le métier de vacher.

  Pour une fois, Archie ne trouva rien à dire. Il chevaucha pendant un bon moment à côté de Bearclaw.

  — T'as entendu ce qu'il a dit de ces Comanches ? Ils vont nous bouffer tout crus, sans sel !

  Ils entendirent derrière eux le galop d'un cheval et se retournèrent. C'était Carson.

  — Je ne veux pas de feux après le coucher du soleil. Nous nous arrêterons pour manger en plein jour. Et utilisez de la bouse de bison pour les feux, ça fait pas de fumée. Vos carabines sont chargées ?

  — A quoi elles serviraient si elles étaient pas chargées ? lança Archie avec mépris.

  — Vérifiez, ordonna Carson.

  — Moi, c'est pas la peine, grommela Archie. Carson se pencha et tira la carabine d'Archie du fourreau de selle. Il fit glisser la culasse. L'arme n'était pas chargée. Il la rendit à Archie sans un mot. Bearclaw éclata de rire.

  — Archie le Grand a oublié !

  En silence et rageusement, Archie fourra des cartouches dans sa carabine, tout en suivant d'un regard haineux Carson qui s'éloignait.

  — Je sais ce que t'aimerais faire, lui dit Bearclaw, mais c
es Valdez aiment bien Carson et ils sont pas cons. Alors je te conseille de te tenir peinard jusqu'au retour et d'attendre qu'on les ait renvoyés chez eux. King Fisher aura son bétail et son argent, et ce qui arrivera après, il s'en foutra. Et tu peux compter sur moi, cousin. On est du même sang, toi et moi. Mais j'ai pas envie que mon scalp sèche au tipi d'un Comanche. Vaut donc mieux vérifier deux fois qu'une que ce truc est chargé...

  — Oh, ta gueule, tas de lard !

  Bearclaw éclata de rire et tira son foulard sur son nez pour se protéger du nuage de poussière.

  Luisa aimait mieux voyager à cheval que sur le siège du chariot. Elle chevauchait en silence à côté du vieux Valdez, et puis elle se laissait distancer et rejoindre par Carson. Elle évitait de lui parler et le regardait en silence. Carson avait l'impression qu'elle guettait le moment propice pour lui dire quelque chose. Il attendait patiemment. Il lui demanda une fois si elle n'aimerait pas aller à Santa Fe, où habitaient beaucoup de vieilles familles espagnoles qui devaient connaître les Parral. Elle hocha la tête, mais déclina son offre de la mettre sur la diligence de Santa Fe.

  Carson se demandait ce qu'elle voulait. Un soir, elle lui déclara, avec une telle passion qu'il faillit renverser son café, qu'elle souhaiterait faire tuer tous les péons de son hacienda, et en embaucher d'autres. Il s'adossa à une roue du chariot, et la considéra avec étonnement. Elle ajouta qu'alors elle retournerait au Mexique pour diriger l'hacienda. Elle se leva fébrilement, et s'approcha de Carson.

  — Vous reviendrez avec moi, dit-elle en lui saisissant le bras avec tant de violence que ses ongles s'enfoncèrent dans la chair. Nous recruterons une armée. Nous tuerons le général et Pablo. Ce sera facile. Non, peut-être pas si facile. Mais nous le ferons !... Et puis vous m'épouserez ! Et l'hacienda sera à vous ! Oui ?

  Carson réprima un fou rire. Elle parlait très sérieusement, et jamais elle ne lui pardonnerait d'avoir ri.

  — Six cents péons ! reprit-elle. Et puis elle se ravisa. Non, elle ne les tuerait pas. Mais elle avait besoin d'un homme fort. Elle lui lâcha le bras et lui prit la main dans les deux siennes. Le geste était si enfantin que Carson en fut touché. Il ne voulait pas lui faire de peine, elle avait déjà assez souffert ; elle avait essayé de l'aider alors qu'il était sans défense, alors qu'elle n'avait rien à gagner qu'un coup de cravache en plein visage.

  Elle le regardait fixement, cherchant à deviner sa décision. Son visage était dans l'ombre, alors elle lui ôta brusquement son sombrero et, cette fois, il ne put s'empêcher de rire. Elle le gifla. Furieux, il lui saisit le poignet.

  — Vous ne me croyez pas, Tejano

  Carson retrouva sa bonne humeur en s'entendant appeler ainsi. Il la lâcha. Elle se frotta le poignet et il chercha comment s'excuser.

  — Mais si, bien sûr, je vous crois.

  — Vous voulez réfléchir ? Je m'en vais. Je vous laisse. Demain vous me répondrez, oui ?

  — D'accord.

  Toute la journée du lendemain, Carson réfléchit à l'offre faite par Luisa. Il commença à y penser dès le petit déjeuner, et tout d'abord parce qu'il l'avait promis. Mais plus il y réfléchissait et moins elle lui paraissait insensée. En résumé, s'il tuait le général et Pablo, elle l'épouserait. Il n'avait pas besoin d'une armée pour ça. Il était fort capable de les tuer tout seul. Il devrait se montrer extrêmement prudent, mais c'était possible. Pour s'échapper une fois le coup fait, il lui faudrait tirer adroitement ses plans et se procurer d'excellents chevaux. Cela exigerait du temps et de l'argent. Il avait l'argent, cinquante-sept mille dollars. Et c'était grâce au général qu'il possédait cette fortune.

  — De quoi riez-vous ? demanda Archie. Carson ne s'était pas aperçu qu'il riait tout haut

  — Vous devenez dingue, ou quoi ? grogna Archie. Il fit brusquement pivoter son cheval et dévala une pente pour secourir une vache qui s'était embourbée dans une fondrière. Carson le suivit. Ils la prirent au lasso par les cornes et la tirèrent de là. En se retrouvant sur la terre ferme, la vache tenta d'encorner le cheval de Carson. Quand ils l'eurent ramenée dans le troupeau, Archie observa :

  — Vous voyez, vous vous cassez le cul à sauver cette pauvre vache et pour vous remercier elle essaye de vous tuer. C'est toute la reconnaissance qu'on peut espérer d'une femelle.

  Il s'éloigna en riant. « Le petit fumier, songea Carson, il a dû nous écouter hier soir. » Mais il avait peut-être raison, après tout...

  Si l'hacienda avait de l'herbe grasse et de l'eau... s'il devenait le propriétaire légal... si la famille n'essayait pas de le chasser... il pourrait acheter de bons taureaux avec ses cinquante-sept mille dollars et créer une nouvelle race résistante à la chaleur... Il faillit crier de joie. Il deviendrait l'éleveur le plus riche de Sonora ! Il monterait à San Antonio une fois par an, pour acheter des selles incrustées d'argent et des chevaux arabes.

  Il aperçut deux petites branches cassées. Il baissa les yeux sur le sol. Juste au-dessous, il y avait deux petits bâtons croisés. L'un d'eux suivait la piste, l'autre était pointé vers un canyon. Son visage se durcit. Il tira sa Winchester du fourreau et remonta le canyon avec prudence. Il se terminait en impasse. Il n'y avait personne, pas la moindre trace de passage.

  Tous les soirs, dès qu'apparaissait l'étoile polaire, Carson pointait vers elle le timon du chariot. Si le lendemain matin le ciel était couvert, ou s'il pleuvait, le timon servirait de compas. Ainsi il pourrait faire démarrer le troupeau dans la bonne direction.

  La soirée était fraîche. Carson avait pris le premier quart. Il attendait la relève quand il aperçut les flammes claires d'un feu dans le creux où ils avaient installé le campement pour la nuit. Il sauta sur son cheval, fonça vers le camp et sans un mot, il éteignit le feu à coups de botte.

  — Qui l'a allumé ? demanda-t-il.

  — N'engueulez pas les Valdez, dit Archie. C'est moi. Ils voulaient m'en empêcher mais j'ai commencé à faire tourner le barillet de mon colt, alors ils l'ont bouclée. J'avais froid, c'est pour ça que j'ai fait du feu.

  — Oui ? Je m'en vais te dire ce que t'as fait ! T'as publié une édition spéciale pour que tous les foutus Comanches du coin puissent la lire. Personnellement, je me fous éperdument qu'ils t'écartèlent sur une fourmilière et s'amusent à prendre ton ventre pour une pelote à épingles. Mais j'ai besoin de tous les hommes valides pour ramener ce troupeau à ton oncle. Alors si tu recommences ces conneries, je te ligoterai et je te traînerai jusqu'au ranch comme un sac de patates. Les Valdez sont avec moi, alors ça fait quatre contre deux. Je commence à en avoir marre de te donner la fessée. La prochaine fois, tu la sentiras passer.

  Carson tourna les talons et s'éloigna.

  Peu après le lever du soleil, un groupe de guerriers passa vers le sud, à une centaine de mètres. Ils avaient une dizaine de chevaux en liberté avec eux. Ils s'arrêtèrent, entonnèrent un chant de guerre et agitèrent quelque chose au bout d'une perche.

  — Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Bearclaw.

  — Ils veulent nous faire croire que c'est un scalp.

  Bearclaw se tourna vers Archie.

  — Bougre de morveux ! J'ai froid, j'ai froid, gna gna gna !

  — Je vais le considérer comme un scalp, déclara sèchement Carson.

  Archie ne manifestait pas la moindre trace de crainte. Il s'était précipité vers le chariot, avait tiré sa Springfield et l'épaulait. Carson le rejoignit juste à temps et souleva le canon. La balle fusa vers le ciel.

  Carson empoigna le canon de la main droite et de la gauche il gifla Archie. Sebastiano arriva à la rescousse et saisit le bras d'Archie au moment où il allait dégainer son colt. Le chant de guerre s'était tu. La lance au scalp s'abaissa. Pendant une seconde ou deux les chevaux restèrent silhouettés sur le sommet de la colline, puis ils disparurent brusquement. La pointe de la lance scintilla un instant au soleil et disparut à son tour.

  — Si nous avons beaucoup de chance, dit Carson, Ils nous oublieront. Ils venaient de réussir un raid, ils avaient envie de se vanter un peu et de
s'en retourner chez eux. Maintenant, ils risquent de changer d'idée.

  Il se tourna vers Sebastiano et lui ordonna, en espagnol, de ligoter Archie.

  — Con mucho gusto ! répliqua Sebastiano en tirant de ses fontes une longue courroie.

  Au bout d'une heure, Carson fit détacher Archie.

  Archie prit son petit déjeuner en silence et monta à cheval. Quand vint midi, sa colère s'était transformée en un sourd ressentiment, un feu couvant qu'il entendait maîtriser jusqu'à ce que la situation lui permette de le raviver en soufflant dessus de toute la violence de sa haine. Jusqu'alors, se promit-il, il se tiendrait tranquille, surtout quand la chance serait si manifestement contre lui.

  Il poussa son cheval sur une pente abrupte couverte de gravier. Arrivé au fond, le cheval prit son élan pour escalader la côte opposée. Au sommet, cinq guerriers comanches attendaient, immobiles sur leurs poneys.

  Pas un ne bougea. Archie resta pétrifié.

  — Bon cheval, dit enfin un des Indiens en regardant la monture d'Archie. Très bon cheval. Tu prends le mien, je prends le tien.

  Archie resta sans voix.

  — Pas vouloir faire l'échange des chevaux ? Archie secoua la tête.

  — Donne-moi cartouches.

  Archie ne répondit pas. Le Comanche le regardait fixement.

  — Tu donnes bœuf ?

  Un des Indiens poussa son cheval et contourna Archie. Le vent se leva, faisant danser les plumes ornant leurs boucliers. Archie sentit la sueur perler sur son front, malgré le vent froid. Elle coulait le long de son dos.

  Il entendit soudain le cliquetis sec d'une culasse, derrière un rocher. Les Comanches se retournèrent. Le canon d'une carabine était braqué sur eux.

  — Anda ! Anda! cria Sebastiano.

  Lentement, les Comanches tournèrent bride et s'éloignèrent.

  Carson s'engagea dans un canyon, à la recherche de trois bœufs. Il les retrouva et les poussa vers la piste. La gorge débouchait sur une plaine boisée. Il aperçut au loin les cinq guerriers que Sebastiano avait fait fuir. Ils étaient encore irrités. Ils étaient revenus de leur raid avec beaucoup de chevaux et quelques scalps et n'étaient pas d'humeur à risquer de se faire tuer en attaquant des hommes résolus et bien armés, mais ça, c'était le matin. A présent, ils étaient un tantinet énervés.

 

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