by Various
Ce sont de grandes lignes calmes qui s’en vont à des bleuissements de vignes improbables. La terre en plus d’un point mÛrit les violettes de l’orage; et ces fumées de sable qui s’élèvent au lieu des fleuves morts, comme des pans de siècles en voyage…
A place of stones of mica! Not a pure grain in the barbs of the wind. And the light like oil. – From the eyelids’ crack to the grain of the hilltops I join myself, I know the stones stained with fish-gills, the swarms of silence in the hives of light; and my heart is mindful of a family of locusts…
Gentle she-camels beneath the shearing, sewn with mauve scars, let the hills set out under the known quantities of the agrarian sky – let them march in silence over the pale incandescences of the plain; and kneel at last, in the smoke of dreams, there where the peoples annihilate themselves in the dead dusts of the earth.
These are great calm lines that fade into the growing blue of improbable vines. The earth in more than one place ripens the violets of the storm; and these sandsmokes that rise above the dead river courses, like coat-tails of travelling centuries…
A voix plus basse pour les morts, à voix plus basse dans le jour. Tant de douceur au cœur de l’homme, se peut-il qu’elle faille à trouver sa mesure?… ‘Je vous parle, mon âme! – mon âme tout enténébrée d’un parfum de cheval!’ Et quelques grands oiseaux de terre, naviguant en Ouest, sont de bons mimes de nos oiseaux de mer.
A l’orient du ciel si pâle, comme un lieu saint scellé des linges de l’aveugle, des nuées calmes se disposent, où tournent les cancers du camphre et de la corne… Fumées qu’un souffle nous dispute! la terre tout attente en ses barbes d’insectes, la terre enfante des merveilles!…
In a lower voice for the dead, in a lower voice by day. So much gentleness in the heart of man, can it fail to find its measure?… ‘I speak to you, my soul! – my soul darkened by a scent of horses!’ And several great land birds, voyaging westwards, are a good likeness of our ocean birds.
In the cast of the sky so pale, like a holy place sealed by the blind man’s linen, calm clouds align themselves, where the cancers of camphor and horn revolve… Smoke for which a breath of wind contends with us! the earth poised expectantly in its insect barbs, the earth gives birth to wonders!
Et à midi, quand l’arbre jujubier fait éclater l’assise des tombeaux, l’homme clôt ses paupières et rafraîchit sa nuque dans les âges… Cavaleries du songe au lieu des poudres mortes, ô routes vaines qu’échevèle un souffle jusqu’à nous! où trouver, où trouver les guerriers qui garderont les fleuves dans leurs noces?
Au bruit des grandes eaux en marche sur la terre, tout le sel de la terre tressaille dans les songes. Et soudain, ha! soudain que nous veulent ces voix? Levez un peuple de miroirs sur l’ossuaire des fleuves, qu’ils interjettent appel dans la suite des siècles! Levez des pierres à ma gloire, levez des pierres au silence, et à la garde de ces lieux les cavaleries de bronze vert sur de vastes chaussées!…
(L’ombre d’un grand oiseau me passe sur la face.)
And at noon, when the jujube tree bursts the tombstones, man closes his eyelids and cools his neck in the ages… Dream cavalries in the place of dead dusts, O vain roads dishevelled by a breath and carried to us! where to find, where to find the warriors who will watch over the rivers in their nuptials?
At the sound of the great waters marching over the earth, all the salt of the earth shudders in dreams. And suddenly, ah! suddenly what do these voices want with us? Raise up a multitude of mirrors on the ossuary of the rivers, let them lodge their appeal in the sequence of the centuries! Raise stones to my glory, raise stones to silence, and to guard these places raise cavalries of green bronze on vast causeways!…
(The shadow of a great bird passes over my face.)
Exil II
A nulles rives dédiée, à nulles pages confiée la pure amorce de ce chant…
D’autres saisissent dans les temples la corne peinte des autels:
Ma gloire est sur les sables! ma gloire est sur les sables!… Et ce n’est point errer, ô Pérégrin,
Que de convoiter l’aire la plus nue pour assembler aux syrtes de l’exil un grand poème né de rien, un grand poème fait de rien…
Sifflez, ô frondes par le monde, chantez, ô conques sur les eaux!
J’ai fondé sur l’abîme et l’embrun et la fumée des sables.
Je me coucherai dans les citernes et dans les vaisseaux creux,
En tous lieux vains et fades où gît le goÛt de la grandeur.
Exile II
Dedicated to no shores, imparted to no pages the pure beginning of this song… Others grasp in the temples the painted altar horn: My glory is on the sands! my glory is on the sands!… And it is not to err, O Peregrine, to covet the most naked tract for assembling on the shifting sands of exile a great poem born of nothing, a great poem made from nothing… Whistle, O slings across the world, sing, O conches on the waters! I have built upon the abyss and the spindrift and the sandsmoke. I will lie down in the cisterns and in the hollow vessels, in all stale and empty places where lies the taste of greatness.
‘… Moins de souffles flataient la famille des Jules: moins d’alliances assistaient les grandes castes de prêtrise.
Où vont les sables à leur chant s’en vont les Princes de l’exil,
Où furent les voiles haut tendues s’en va l’épave plus soyeuse qu’un songe de luthier,
Où furent les grandes actions de guerre déjà blanchit la mâchoire d’âne,
Et la mer à la ronde roule son bruit de crânes sur les grèves,
Et que toutes choses au monde lui soient vaines, c’est ce qu’un soir, au bord du monde, nous contèrent
Les milices du vent dans les sables d’exil…’
‘… Fewer breezes flattered the Julii; fewer alliances aided the great priesthood castes. Where the sands go in their song there go the Princes of exile, where there were tall taut sails there goes the wreck more silken than a lute-maker’s dream, where there were great acts of war there lies whitening already the jawbone of an ass, and the sea all around rolls her sound of skulls on the shores, and that all things in the world to her are vain, that is what we heard one evening, at the world’s edge, from the wind’s militias in the sands of exile…’
Sagesse de l’écume, ô pestilences de l’esprit dans la crépitation du sel et le lait de chaux vive!
Une science m’échoit aux sévices de l’âme… Le vent nous conte ses flibustes, le vent nous conte ses méprises!
Comme le Cavalier, la corde au poing, à l’entrée du désert,
J’épie au cirque le plus vaste l’élancement des signes les plus fastes.
Et le matin pour nous mène son doigt d’augure parmi de saintes écritures.
L’exil n’est point d’hier! l’exil n’est point d’hier! ‘O vestiges, ô prémisses’,
Dit l’Etranger parmi les sables, ‘toute chose au monde m’est nouvelle!…’ Et la naissance de son chant ne lui est pas moins étrangère.
Wisdom of the foam, O plagues of the mind in the crackling of the salt and the milk of quicklime! A knowledge falls to me amid the cruelties of the soul… The wind tells us its piracies, the wind tells us its errors! Like the Horseman, rope in hand, at the gateway to the desert, I watch in the most immense arena the darting forth of the signs of most auspicious omen. And the morning for our sake moves its prophetic finger among sacred writings. Exile is not of yesterday! exile is not of yesterday! ‘O vestiges, O premises,’ says the Stranger amid the sands, ‘all things in the world are new to me!…’ And the birth of his song is no less alien to him.
Neiges IV
Seul à faire le compte, du haut de cette chambre d’angle qu’environne un Océan de neiges. – Hôte précaire de l’instant, homme sans preuve ni témoin, détacherai-je mon lit bas comme une pirogue de sa crique?… Ceux qui campent chaque jour plus loin du lieu de leur naissance, ceux qui tirent chaque jour leur barque sur d’autres rives, savent mieux chaque jour le cours des chose
s illisibles; et remontant les fleuves vers leur source, entre les vertes apparences, ils sont gagnés soudain de cet éclat sévère où toute langue perd ses armes.
Snows IV
I, lone accountant, from the height of this corner room encompassed in an Ocean of snows.… Precarious guest of the moment, man without evidence or witness, shall I unmoor my low bed like a dug-out canoe from its cove?… Those who pitch camp farther each day from their birthplace, those who haul in their boat each day on other banks, know better each day the course of illegible things; and going upstream towards the rivers’ source, amid the green appearances, they are seized suddenly in that harsh glare where all language loses its weapons.
Ainsi l’homme mi-nu sur l’Océan des neiges, rompant soudain l’immense libration, poursuit un singulier dessein où les mots n’ont plus prise. Epouse du monde ma présence, épouse du monde ma prudence!… Et du côté des eaux premières me retournant avec le jour, comme le voyageur, à la néoménie, dont la conduite est incertaine et la démarche est aberrante, voici que j’ai dessein d’errer parmi les plus vieilles couches du langage, parmi les plus hautes tranches phonétiques: jusqu’à des langues très lointaines, jusqu’à des langues très entières et très parcimonieuses,
Thus man half-naked on the Ocean of the snows, fracturing suddenly the vast libration, pursues a singular purpose in which words have no more hold. Spouse of the world my presence, spouse of the world my caution!… And turning with the day towards the primeval waters, like the traveller, at new moon, whose course is uncertain and whose step is aberrant, now it is my design to wander among the oldest layers of language, among the most elevated phonetic strata: as far as very distant languages, as far as very complete and very parsimonious languages,
comme ces langues dravidiennes qui n’eurent pas de mots distincts pour ‘hier’ et pour ‘demain’… Venez et nous suivez, qui n’avons mots à dire: nous remontons ce pur délice sans graphie où court l’antique phrase humaine; nous nous mouvons parmi de claires élisions, des résidus d’anciens préfixes ayant perdu leur initiale, et devançant les beaux travaux de linguistique, nous nous frayons nos voies nouvelles jusqu’à ces locutions inouïes, où l’aspiration recule au delà des voyelles et la modulation du souffle se propage, au gré de telles labiales mi-sonores, en quête de pures finales vocaliques.
like those Dravidian languages which had no distinct words for ‘yesterday’ and for ‘tomorrow’… Come and follow us, who have no words to say: we are ascending that pure unwritten delight where runs the ancient human phrase; we move among bright elisions, residues of old prefixes that have lost their initial, and preceding the fine works of linguistics, we carve out our new roads to those unprecedented locutions where aspiration withdraws beyond vowels and the modulation of the breath is diffused at the will of certain half-sounded labials, in search of pure vocalic finals.
… Et ce fut au matin, sous le plus pur vocable, un beau pays sans haine ni lésine, un lieu de grâce et de merci pour la montée des sÛrs présages de l’esprit; et comme un grand Ave de grâce sur nos pas, la grande roseraie blanche de toutes neiges à la ronde… Fraîcheur d’ombelles, de corymbes, fraîcheur d’arille sous la fève, ha! tant d’azymes encore aux lèvres de l’errant!… Quelle flore nouvelle, en lieu plus libre, nous absout de la fleur et du fruit? Quelle navette d’os aux mains des femmes de grand âge, quelle amande d’ivoire aux mains des femmes de jeune âge
And it was in the morning, beneath the purest of word-forms, a beautiful country without hatred or meanness, a place of grace and of mercy for the ascension of the unerring presages of the mind; and like a great Ave of grace on our path, the great white rose-garden of all the encircling snows… Freshness of umbels, of corymbs, freshness of aril under the bean, ah! so many unleavened wafers still on the lips of the wanderer!… What new flora, in a freer place, absolves us from the flower and from the fruit? What bone shuttle in the hands of very aged women, what ivory almond in the hands of very young women
nous tissera linge plus frais pour la brÛlure des vivants?… Epouse du monde notre patience, épouse du monde notre attente!… Ah! tout l’hièble du songe à même notre visage! Et nous ravisse encore, ô monde! ta fraîche haleine de mensonge!… Là où les fleuves encore sont guéables, là où les neiges encore sont guéables, nous passerons ce soir une âme non guéable… Et au delà sont les grands lés du songe, et tout ce bien fongible où l’être engage sa fortune…
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Désormais cette page où plus rien ne s’inscrit.
will weave us cooler linen for the burn of the living?… Spouse of the world our patience, spouse of the world our expectation!… Ah! all the dwarf-elder of dream in our very faces! And once again, O world, may your cool breath of deceit ravish us! There where the rivers are still fordable, there where the snows are still fordable, we shall ferry across this night an unfordable soul… And beyond are the great towpaths1 of dream, and all that fungible wealth in which man pledges his fortune…
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Henceforth this page where nothing more is written.
Vents: Chant II, i
… Des Terres neuves, par là-bas, dans un très haut parfum d’humus et de feuillages,
Des terres neuves, par là-bas, sous l’allongement des ombres les plus vastes de ce monde,
Toute la terre aux arbres, par là-bas, sur fond de vignes noires, comme une Bible d’ombre et de fraîcheur dans le déroulement des plus beaux textes de ce monde.
Et c’est naissance encore de prodiges, fraîcheur et source de fraîcheur au front de l’homme mémorable.
Et c’est un goÛt de choses antérieures, comme aux grands Titres préalables l’évocation des sources et des gloses,
Comme aux grands Livres de Mécènes les grandes pages liminaires – la dédicace au Prince, et l’Avant-dire, et le Propos du Préfacier.
Winds: Canto II, i
… New found lands, out there, in a superior fragrance of humus and foliage, new found lands, out there, beneath the lengthening of this world’s most expansive shadows, all the land given over to trees, out there, against its background of black vines, like a Bible of shadow and freshness in the unfolding of this world’s most beautiful texts.
And there is yet more birth of wonders, freshness and source of freshness on the brow of man who is noteworthy. And there is a taste of things anterior, like the evocation of sources and commentaries for the great preliminary Titles, like the great pages that introduce the Books of Maecenas1 – the dedication to the Prince, and the Foreword, and the Preface.
… Des terres neuves, par là-haut, comme un parfum puissant de grandes femmes mÛrissantes,
Des terres neuves, par là-haut, sous la montée des hommes de tout âge, chantant l’insigne mésalliance,
Toute la terre aux arbres, par là-haut, dans le balancement de ses plus beaux ombrages, ouvrant sa tresse la plus noire et l’ornement grandiose de sa plume, comme un parfum de chair nubile et forte au lit des plus beaux êtres de ce monde.
Et c’est une fraîcheur d’eaux libres et d’ombrages, pour la montée des hommes de tout âge, chantant l’insigne mésalliance,
Et c’est une fraîcheur de terres en bas âge, comme un parfum des choses de toujours, de ce côté des choses de toujours,
Et comme un songe prénuptial où l’homme encore tient son rang, à la lisière d’un autre âge, interprétant la feuille noire et les arborescences du silence dans de plus vastes syllabaires.
… New found lands, up there, like a powerful perfume of tall women ripening, new found lands, up there, beneath the ascent of men of every age, singing the conspicuous misalliance, all the land given over to tress, up there, in the swaying of its most beautiful shades, opening its blackest tress and the grandiose ornament of its plumage, like a perfume of flesh nubile and strong in the bed of this world’s most beautiful beings.
And there is a freshness of free waters and of shades, for the ascent of men of every age, singing the conspicuous misalliance, and there is a freshne
ss of lands in infancy, like a scent of everlasting things, on this side of everlasting things, and like a prenuptial dream in which man still holds his rank, on the threshold of another age, interpreting the black leaf and the arborescences of silence in vaster syllabaries.
Toute la terre nouvelle par là-haut, sous son blason d’orage, portant cimier de filles blondes et l’empennage du Sachem,
Toute la terre nubile et forte, au pas de l’Etranger, ouvrant sa fable de grandeur aux songes et fastes d’un autre âge,
Et la terre à longs traits, sur ses plus longues laisses, courant, de mer à mer, à de plus hautes écritures, dans le déroulement lointain des plus beaux textes de ce monde.
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Là nous allions, la face en Ouest, au grondement des eaux nouvelles. Et c’est naissance encore de prodiges sur la terre des hommes. Et ce n’est pas assez de toutes vos bêtes peintes, Audubon! qu’il ne m’y faille encore mêler quelques espèces disparues: le Ramier migrateur, le Courlis boréal et le Grand Auk…
Là nous allions, de houle en houle, sur les degrés de l’Ouest. Et la nuit embaumait les sels noirs de la terre, dès la sortie des Villes vers les pailles, parmi la chair tavelée des
All the new land up there, beneath its stormy heraldry, wearing the crest of golden-haired girls and the feathers of the Sachem, all the strong and nubile land, in the steps of the Stranger, opening up its fable of magnitude to the dreams and pageantries of another age. And the earth with its long strokes, on its longest tirades, running, from sea to sea, to loftier scriptures, in the distant unfolding of this world’s most beautiful texts.