Complete Works of Gustave Flaubert

Home > Fiction > Complete Works of Gustave Flaubert > Page 243
Complete Works of Gustave Flaubert Page 243

by Gustave Flaubert


  Pour voir tout cela, les passants s’arrêtaient ; des femmes, leur marmot entre les bras, montaient sur des chaises ; et des gens qui prenaient des chopes dans les cafés apparaissaient aux fenêtres, une queue de billard à la main.

  La route était longue ; et, — comme dans les repas de cérémonie où l’on est réservé d’abord, puis expansif, la tenue générale se relâcha bientôt. On ne causait que du refus d’allocation fait par la Chambre au Président.

  M. Piscatory s’était montré trop acerbe, Montalembert “magnifique, comme d’habitudes”, et MM. Chambolle, Pidoux, Creton, enfin toute la commission aurait dû suivre, peut-être, l’avis de MM. Quentin-Bauchard et Dufour.

  Ces entretiens continuèrent dans la rue de la Roquette, bordée par des boutiques, où l’on ne voit que des chaînes en verre de couleur et des rondelles noires couvertes de dessins et de lettres d’or, — ce qui les fait ressembler à des grottes pleines de stalactites et à des magasins de faïence. Mais, devant la grille du cimetière, tout le monde, instantanément, se tut.

  Les tombes se levaient au milieu des arbres, colonnes brisées, pyramides, temples, dolmens, obélisques, caveaux étrusques à porte de bronze. On apercevait dans quelques-uns des espèces de boudoirs funèbres, avec des fauteuils rustiques et des pliants. Des toiles d’araignée pendaient comme des haillons aux chaînettes des urnes ; et de la poussière couvrait les bouquets à rubans de satin et les crucifix. Partout, entre les balustres, sur les tombeaux, des couronnes d’immortelles et des chandeliers, des vases, des fleurs, des disques noirs rehaussés de lettres d’or, des statuettes de plâtre : petits garçons et petites demoiselles ou petits anges tenus en l’air par un fil de laiton ; plusieurs même ont un toit de zinc sur la tête. D’énormes câbles en verre filé, noir, blanc et azur, descendent du haut des stèles jusqu’au pied des dalles, avec de longs replis, comme des boas. Le soleil, frappant dessus, les faisait scintiller entre les croix de bois noir ; — et le corbillard s’avançait dans les grands chemins, qui sont pavés comme les rues d’une ville. De temps à autre, les essieux claquaient. Des femmes à genoux, la robe traînant dans l’herbe, parlaient doucement aux morts. Des lumignons blanchâtres sortaient de la verdure des ifs. C’étaient des offrandes abandonnées, des débris que l’on brûlait.

  La fosse de M. Dambreuse était dans le voisinage de Manuel et de Benjamin Constant. Le terrain dévale, en cet endroit, par une pente abrupte. On a sous les pieds des sommets d’arbres verts ; plus loin, des cheminées de pompes à feu, puis toute la grande ville.

  Frédéric put admirer le paysage pendant qu’on prononçait les discours.

  Le premier fut au nom de la Chambre des députés, le deuxième au nom du conseil général de l’Aube, le troisième au nom de la Société houillère de Saône-et-Loire, le quatrième au nom de la Société d’agriculture de l’Yonne ; et il y en eut un autre, au nom d’une Société philanthropique. Enfin, on s’en allait, lorsqu’un inconnu se mit à lire un sixième discours, au nom de la Société des antiquaires d’Amiens.

  Et tous profitèrent de l’occasion pour tonner contre le Socialisme, dont M. Dambreuse était mort victime. C’était le spectacle de l’anarchie et son dévouement à l’ordre qui avait abrégé ses jours. On exalta ses lumières, sa probité, sa générosité et même son mutisme comme représentant du peuple, car, s’il n’était pas orateur, il possédait en revanche ces qualités solides, mille fois préférables, etc…. avec tous les mots qu’il faut dire : “Fin prématurée, — regrets éternels l’autre patrie, — adieu, ou plutôt non, au revoir !”

  La terre, mêlée de cailloux, retomba ; et il ne devait plus en être question dans le monde.

  On en parla encore un peu en descendant le cimetière et on ne se gênait pas pour l’apprécier. Hussonnet, qui devait rendre compte de l’enterrement dans les journaux, reprit même, en blague, tous les discours ; — car enfin le bonhomme Dambreuse avait été un des potdevinistes les plus distingués du dernier règne. Puis les voitures de deuil reconduisirent les bourgeois à leurs affaires. La cérémonie n’avait pas duré trop longtemps ; on s’en félicitait.

  Frédéric, fatigué, rentra chez lui.

  Quand il se présenta le lendemain à l’hôtel Dambreuse, on l’avertit que Madame travaillait en bas, dans le bureau. Les cartons, les tiroirs étaient ouverts pêle-mêle, les livres de comptes jetés de droite et de gauche ; un rouleau de paperasses ayant pour titre : “Recouvrements désespérés”, traînait par terre ; il manqua tomber dessus et le ramassa. Mme Dambreuse disparaissait ensevelie dans le grand fauteuil.

  — “Eh bien ? Où êtes-vous donc ? qu’y a-t-il” Elle se leva d’un bond.

  — “Ce qu’il y a ? Je suis ruinée, ruinée ! entends-tu ?” M. Adolphe Langlois, le notaire, l’avait fait venir en son étude, et lui avait communiqué un testament, écrit par son mari, avant leur mariage. Il léguait tout à Cécile ; et l’autre testament était perdu. Frédéric devint très pâle. Sans doute elle avait mal cherché ?

  — “Mais regarde donc !” dit Mme Dambreuse, en lui montrant l’appartement.

  Les deux coffres-forts bâillaient, défoncés à coups de merlin ; et elle avait retourné le pupitre, fouillé les placards, secoué les paillassons, quand tout à coup, poussant un cri aigu, elle se précipita dans un angle où elle venait d’apercevoir une petite boîte à serrure de cuivre ; elle l’ouvrit, rien !

  — “Ah ! le misérable ! Moi qui l’ai soigné avec tant de dévouement !”

  Puis elle éclata en sanglots.

  — “Il est peut-être ailleurs ?” dit Frédéric.

  — “Eh non ! Il était là dans ce coffre-fort. Je l’ai vu dernièrement. Il est brûlé j’en suis certaine !”

  Un jour, au commencement de sa maladie, M. Dambreuse était descendu pour donner des signatures.

  — “C’est alors qu’il aura fait le coup !”

  Et elle retomba sur une chaise, anéantie. Une mère en deuil n’est pas plus lamentable près d’un berceau vide que ne l’était Mme Dambreuse devant les coffres-forts béants. Enfin sa douleur — malgré la bassesse du motif — semblait tellement profonde, qu’il tâcha de la consoler en lui disant qu’après tout, elle n’était pas réduite à la misère.

  — “C’est la misère, puisque je ne peux pas t’offrir une grande fortune !”

  Elle n’avait plus que trente mille livres de rente, sans compter l’hôtel, qui en valait de dix-huit à vingt, peut-être.

  Bien que ce fût de l’opulence pour Frédéric, il n’en ressentait pas moins une déception. Adieu ses rêves, et toute la grande vie qu’il aurait menée ! L’honneur le forçait à épouser Mme Dambreuse. Il réfléchit une minute ; puis, d’un air tendre :

  — “J’aurai toujours ta personne !”

  Elle se jeta dans ses bras ; et il la serra contre sa poitrine, avec un attendrissement où il y avait un peu d’admiration pour lui-même. Mme Dambreuse, dont les larmes ne coulaient plus, releva sa figure, toute rayonnante de bonheur, et, lui prenant la main :

  — “Ah ! je n’ai jamais douté de toi ! J’y comptais !”

  Cette certitude anticipée de ce qu’il regardait comme une belle action déplut au jeune homme.

  Puis elle l’emmena dans sa chambre, et ils firent des projets. Frédéric devait songer maintenant à se pousser. Elle lui donna même sur sa candidature d’admirables conseils.

  Le premier point était de savoir deux ou trois phrases d’économie politique. Il fallait prendre une spécialité, comme les haras par exemple, écrire plusieurs mémoires sur une question d’intérêt local, avoir toujours à sa disposition des bureaux de poste ou de tabac, rendre une foule de petits services. M. Dambreuse s’était montré là-dessus un vrai modèle. Ainsi, une fois à la campagne, il avait fait arrêter son char à bancs, plein d’amis, devant l’échoppe d’un savetier, avait pris pour ses hôtes douze paires de chaussures, et pour lui des bottes épouvantables — qu’il eut même l’héroïsme de porter durant quinze jours. Cette anecdote les rendit gais. Elle en conta d’autres, et ave
c un revif de grâce, de jeunesse et d’esprit.

  Elle approuva son idée d’un voyage immédiat à Nogent. Leurs adieux furent tendres ; puis, sur le seuil, elle murmura encore une fois :

  — “Tu m’aimes, n’est-ce pas ?”

  — “Eternellement !” répondit-il.

  Un commissionnaire l’attendait chez lui avec un mot au crayon, le prévenant que Rosanette allait accoucher. Il avait eu tant d’occupation depuis quelques jours, qu’il n’y pensait plus. Elle s’était mise dans un établissement spécial, à Chaillot.

  Frédéric prit un fiacre et partit.

  Au coin de la rue de Marbeuf, il lut sur une planche en grosses lettres : — “Maison de santé et d’accouchement tenue par Mme Alessandri, sage-femme de première classe, ex-élève de la Maternité, auteur de divers ouvrages, etc.” Puis, au milieu de la rue, sur la porte, une petite porte bâtarde, l’enseigne répétait (sans le mot accouchement) : “Maison de santé de Mme Alessandri”, avec tous ses titres.

  Frédéric donna un coup de marteau.

  Une femme de chambre, à tournure de soubrette, l’introduisit dans le salon, orné d’une table en acajou, de fauteuils en velours grenat, et d’une pendule sous globe.

  Presque aussitôt, Madame parut. C’était une grande brune de quarante ans, la taille mince, de beaux yeux, l’usage du monde. Elle apprit à Frédéric l’heureuse délivrance de la mère, et le fit monter dans sa chambre.

  Rosanette se mit à sourire ineffablement, et, comme submergée sous les flots d’amour qui l’étouffaient, elle dit d’une voix basse :

  — “Un garçon, là, là !” en désignant près de son lit une barcelonnette.

  Il écarta les rideaux, et aperçut, au milieu des linges, quelque chose d’un rouge jaunâtre, extrêmement ridé, qui sentait mauvais et vagissait.

  — “Embrasse-le !”

  Il répondit, pour cacher sa répugnance :

  — “Mais j’ai peur de lui faire mal ?”

  — “Non ! non !”

  Alors, il baisa, du bout des lèvres, son enfant.

  — “Comme il te ressemble !”

  Et, de ses deux bras faibles, elle se suspendit à son cou, avec une effusion de sentiment qu’il n’avait jamais vue.

  Le souvenir de Mme Dambreuse lui revint. Il se reprocha comme une monstruosité de trahir ce pauvre être, qui aimait et souffrait dans toute la franchise de sa nature. Pendant plusieurs jours, il lui tint compagnie jusqu’au soir.

  Elle se trouvait heureuse dans cette maison discrète les volets de la façade restaient même constamment fermés ; sa chambre tendue en perse claire, donnait sur un grand jardin ; Mme Alessandri, dont le seul défaut était de citer comme intimes les médecins illustres, l’entourait d’attentions ; ses compagnes, presque toutes des demoiselles de la province, s’ennuyaient beaucoup, n’ayant personne qui vînt les voir ; Rosanette s’aperçut qu’on l’enviait, et le dit à Frédéric avec fierté. Il fallait parler bas, cependant ; les cloisons étaient minces et tout le monde se tenait aux écoutes, malgré le bruit continuel des pianos.

  Il allait enfin partir pour Nogent, quand il reçut une lettre de Deslauriers.

  Deux candidats nouveaux se présentaient, l’un conservateur, l’autre rouge ; un troisième, quel qu’il fût, n’avait pas de chances. C’était la faute de Frédéric ; il avait laissé passer le bon moment, il aurait dû venir plus tôt, se remuer. “On ne t’a même pas vu aux comices agricoles ! — L’avocat le blâmait de n’avoir aucune attache dans les journaux.” Ah ! si tu avais suivi autrefois mes conseils ! Si nous avions une feuille publique à nous ! " Il insistait là-dessus. Du reste, beaucoup de personnes qui auraient voté en sa faveur, par considération pour M. Dambreuse, l’abandonneraient maintenant. Deslauriers était de ceux-là. N’ayant plus rien à attendre du capitaliste, il lâchait son protégé.

  Frédéric porta sa lettre à Mme Dambreuse.

  — “Tu n’as donc pas été à Nogent ?” dit-elle.

  — “Pourquoi ?”

  — “C’est que j’ai vu Deslauriers il y a trois jours.” Sachant la mort de son mari, l’avocat était venu rapporter des notes sur les houilles et lui offrir ses services comme homme d’affaires. Cela parut étrange à Frédéric ; et que faisait son ami, là-bas ?

  Mme Dambreuse voulut savoir l’emploi de son temps depuis leur séparation.

  — “J’ai été malade”, répondit-il.

  — “Tu aurais dû me prévenir, au moins.”

  — “Oh ! cela n’en valait pas la peine” ; d’ailleurs, il avait eu une foule de dérangements, des rendez-vous, des visites.

  Il mena dès lors une existence double, couchant religieusement chez la Maréchale et passant l’après-midi chez Mme Dambreuse, si bien qu’il lui restait à peine, au milieu de la journée, une heure de liberté.

  L’enfant était à la campagne, à Andilly. On allait le voir toutes les semaines.

  La maison de la nourrice se trouvait sur la hauteur du village, au fond d’une petite cour, sombre comme un puits, avec de la paille par terre, des poules çà et là, une charrette à légumes sous le hangar. Rosanette commençait par baiser frénétiquement son poupon ; et, prise d’une sorte de délire, allait et venait, essayait de traire la chèvre, mangeait du gros pain, aspirait l’odeur du fumier, voulait en mettre un peu dans son mouchoir.

  Puis ils faisaient de grandes promenades ; elle entrait chez les pépiniéristes, arrachait les branches de lilas qui pendaient en dehors des murs, criait : “Hue, bourriquet !” aux ânes traînant une carriole, s’arrêtait à contempler, par la grille, l’intérieur des beaux jardins ; ou bien la nourrice prenait l’enfant, on le posait à l’ombre sous un noyer ; et les deux femmes débitaient, pendant des heures, d’assommantes niaiseries.

  Frédéric, près d’elles, contemplait les carrés de vignes sur les pentes du terrain, avec la touffe d’un arbre de place en place, les sentiers poudreux pareils à des rubans grisâtres, les maisons étalant dans la verdure des taches blanches et rouges ; et, quelquefois, la fumée d’une locomotive allongeait horizontalement, au pied des collines couvertes de feuillages, comme une gigantesque plume d’autruche dont le bout léger s’envolait.

  Puis ses yeux retombaient sur son fils. Il se le figurait jeune homme, il en ferait son compagnon ; mais ce serait peut-être un sot, un malheureux à coup sûr. L’illégalité de sa naissance l’opprimerait toujours ; mieux aurait valu pour lui ne pas naître, et Frédéric murmurait : “Pauvre enfant !” le cœur gonflé d’une incompréhensible tristesse.

  Souvent, ils manquaient le dernier départ. Alors, Mme Dambreuse le grondait de son inexactitude. Il lui faisait une histoire.

  Il fallait en inventer aussi pour Rosanette. Elle ne comprenait pas à quoi il employait toutes ses soirées ; et, quand on envoyait chez lui, il n’y était jamais ! Un jour, comme il s’y trouvait, elles apparurent presque à la fois. Il fit sortir la Maréchale et cacha Mme Dambreuse, en disant que sa mère allait arriver.

  Bientôt ces mensonges le divertirent ; il répétait à l’une le serment qu’il venait de faire à l’autre, leur envoyait deux bouquets semblables, leur écrivait en même temps, puis établissait entre elles des comparaisons ; — il y en avait une troisième toujours présente à sa pensée. L’impossibilité de l’avoir le justifiait de ses perfidies, qui avivaient le plaisir, en y mettant de l’alternance ; et plus il avait trompé n’importe laquelle des deux, plus elle l’aimait, comme si leurs amours se fussent échauffés réciproquement et que, dans une sorte d’émulation, chacune eût voulu lui faire oublier l’autre.

  — “Admire ma confiance !” lui dit un jour Mme Dambreuse, en dépliant un papier, où on la prévenait que M. Moreau vivait conjugalement avec une certaine Rose Bron. “Est-ce la demoiselle des courses, par hasard ?”

  — “Quelle absurdité !” reprit-il. “Laisse-moi voir.”

  La lettre, écrite en caractères romains, n’était pas signée. Mme Dambreuse, au début, avait toléré cette maîtresse qui couvrait leur adultère. Mais, sa passion devenant p
lus forte, elle avait exigé une rupture, chose faite depuis longtemps, selon Frédéric ; et, quand il eut fini ses protestations, elle répliqua, tout en clignant ses paupières où brillait un regard pareil à la pointe d’un stylet sous de la mousseline :

  — “Eh bien, et l’autre ?”

  — “Quelle autre ?”

  — “La femme du faïencier !”

  Il leva les épaules dédaigneusement. Elle n’insista pas.

  Mais, un mois plus tard, comme ils parlaient d’honneur et de loyauté, et qu’il vantait la sienne (d’une manière incidente, par précaution), elle lui dit :

  — “C’est vrai, tu es honnête, tu n’y retournes plus.”

  Frédéric, qui pensait à la Maréchale, balbutia :

  — “Où donc ?”

  — “Chez Mme Arnoux.”

  Il la supplia de lui avouer d’où elle tenait ce renseignement. C’était par sa couturière en second, Mme Regimbart.

  Ainsi, elle connaissait sa vie, et lui ne savait rien de la sienne !

  Cependant, il avait découvert dans son cabinet de toilette la miniature d’un monsieur à longues moustaches : était-ce le même sur lequel on lui avait conté autrefois une vague histoire de suicide ? Mais, il n’existait aucun moyen d’en savoir davantage ! A quoi bon, du reste ? Les cœurs des femmes sont comme ces petits meubles à secret, pleins de tiroirs emboîtés les uns dans les autres ; on se donne du mal, on se casse les ongles, et on trouve au fond quelque fleur desséchée, des brins de poussière — ou le vide ! Et puis il craignait peut-être d’en trop apprendre.

  Elle lui faisait refuser les invitations où elle ne pouvait se rendre avec lui, le tenait à ses côtés, avait peur de le perdre ; et, malgré cette union chaque jour plus grande, tout à coup des abîmes se découvraient entre eux, à propos de choses insignifiantes, l’appréciation d’une personne, d’une œuvre d’art.

  Elle avait une façon de jouer du piano, correcte et dure. Son spiritualisme (Mme Dambreuse croyait à la transmigration des âmes dans les étoiles) ne l’empêchait pas de tenir sa caisse admirablement. Elle était hautaine avec ses gens ; ses yeux restaient secs devant les haillons des pauvres. Un égoïsme ingénu éclatait dans ses locutions ordinaires : “Qu’est-ce que cela me fait ? je serais bien bonne ! est-ce que j’ai besoin !” et mille petites actions inanalysables, odieuses. Elle aurait écouté derrière les portes ; elle devait mentir à son confesseur. Par esprit de domination, elle voulut que Frédéric l’accompagnât le dimanche à l’église. Il obéit, et porta le livre.

 

‹ Prev