Complete Works of Gustave Flaubert

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Complete Works of Gustave Flaubert Page 490

by Gustave Flaubert


  Elle était servie cependant par une avenante donzelle qui, avec ses boucles d’oreille sur un cou blanc, son bonnet à barbes retroussées comme les soubrettes de Molière, et ses vifs yeux bleus surtout, vous aurait bien donné envie de lui de- mander autre chose que des assiettes. Mais les convives ! Quels convives ! Tous habitués ! Le haut bout était tenu par un être revêtu d’une veste de velours et d’un gilet de cachemire. II aimait à passer sa serviette dans les bouteilles entamées, pour les reconnaître. C’est lui qui sert la soupe. A sa gauche mangeait, le chapeau sur la tête, une espèce de monsieur en redingote gris clair ornée aux parements et au collet d’une laine noire fri- sottée en manière de fourrure, et qui est profes- seur de musique au collège de la ville. Mais la musique le fatigue, il en a assez, il désire trou- ver une place, n’importe laquelle, de huit cents à douze cents francs, pas davantage. II tient peu à l’argent, plus à la considération ; c’est une position seulement qu’il désire. Comme il arrivait toujours le repas commencé, il se faisait remonter les plats, les renvoyait, puis éternuait fort, crachait loin, se dandinait sur sa chaise, chantonnait tout bas, se couchait sur la table et faisait claquer son cure- dents.

  Toute la société le respecte, la servante l’admire parler et en est, je suis sûr, amoureuse. La bonne opinion qu’il a de lui-même sort de son sourire, de ses paroles, de son silence, de ses gestes, de sa coiffure et ruisselle comme une sueur sur toute sa sale personne.

  En face de nous, un petit homme grisonnant, frisé, grassouillet et courtaud, à pattes rouges, à lèvres épaisses et salivantes, et dont la voix gla- pissait, tout en mâchant sa nourriture nous regar- dait d’une telle façon, que nous nous retenions beaucoup pour ne pas lui jeter les carafes par la tête. Quant au reste, il faisait galerie et contribuait à l’ensemble.

  Un soir, l’entretien roula sur une dame des environs qui, ayant jadis décampé du domicile, s’était enfuie en Amérique avec son amant, et qui, la semaine précédente, traversant Saint-Pol pour entrer dans son pays, s’était arrêtée à l’auberge. On s’étonnait de cette audace et l’on accompa- gnait son nom de toutes sortes d’épithètes. On repassait sa vie entière, on riait de mépris, on l’in- juriait quoique absente, on s’animait tout rouge, on aurait voulu la tenir là “pour lui dire un peu son fait, pour voir ce qu’elle aurait répondu”. Décla- mations contre le luxe et scandales vertueux, haine de la toilette et maximes morales, mots à double entente et haussements d’épaules, tout fut employé à I’envi pour accabler cette femme qui, à en juger au contraire par l’acharnement de ces rustres, devait être de manière élégante, de nature rele- vée, avoir des nerfs délicats et, sans doute, quelque jolie figure. Malgré nous le cœur nous battait de colère, et si nous eussions fait à Saint-Pol un dîner de plus, infailliblement il nous serait arrivé quelque aventure. X

  MorlAix. — Canal, galerie en bois sous les maisons, per- spective de maisons dans des rues étroites, toits, devanture, poutres, couleur noire, vêtements suspendus au rez-de- chaussée. — C’était le jour de marché ; singulière étoffe de vestes d’hommes, fond jaunâtre avec des traînées brunes, inégales, comme des taches de chocolat ; une autre espèce servant de pantalon, fond blanc avec des traînées bleues et café. — Moutard tirant le fusil avec une queue de billard. — Manufacture de tabacs ; les tas ressemblent à des tas de varechs ; chevelure du tabac* à priser ; machines stupides ; casiers du tabac à priser. On y deviendrait fou, tous les hommes qui y travaillent sont pâles.

  Tout le pays d’ici paraît plus riche, aussi les costumes deviennent plus laids, les têtes ont moins de vigueur ; plus d’expression vigoureuse et intense comme à Quim- perlé ou même à Quimper. (Morlaix, 4 juillet, 10 heures du matin.)

  Huelgoat. — Sur une hauteur, dans un fond, entre des coteaux tout boisés, parmi des roches semblables à celles que l’on voit dans la forêt de Fontainebleau ; étang à droite en arrivant. — Une conversation que nous avions eue sur l’amour et sur le sens du mot « curiosité » ayant remué

  beaucoup de lie au fond du tonneau.....et puis’ le soleil

  qui sèche la vase et fait sortir du fond les insectes qui y étaient cachés ! — Petit canal, promenade au bord. La berge du canal, escarpée, était couverte de ronces ; la digi- tale pourprée y mirait ses fleurs dans l’eau, bois char- mant, arbres menus et longs, pentes, jours sous les troncs ; l’eau qui faisait des coudes. — Trou de Re-ahès, profond d’environ 25 pieds, lieu assez sinistre en effet, longue sa- vouration de cette nature calme et retraitée. Huelgoat est le trou où l’on vient vivre quand on est triste, et le chagrin s’y changerait en mélancolie. — Ce matin, la mine ; pas moyen de la voir ! La boue d’où on retire l’argent. Nous avions, la veille au soir et le matin même, démesurément parlé d’argent ! — A l’auberge de la Tour d’argent, gravures de la Tour de Nesle.

  De Huelgoat à Cabhaix, à monter et à descendre sans cesse ; la route passe pendant 300 pas sous de grands arbres. Paysage grand, avec des lignes de terrain les unes sur les autres, noires et bleu foncé ; grande campagne. Avant d’arriver à Huelgoat, au contraire, il y a des aspects tout secs, une montagne dentelée aiguë à la crête ; la lande est sèche, couleur de vieille mousse séchée, ça fait penser à l’Espagne. Au haut de chaque montée, aujourd’hui, on découvrait un paysage nouveau, qui se rétrécissait et per- dait ses seconds pians quand nous avions descendu la hau- teur.

  Carhaix. — Désert, triste, le plâtre s’en va des maisons, les bois s’en vont en poudre. L’hôtel de ville avec une sainte serait un vilain cabaret de la rue Mouffetard. — Dans une rue, une maison d’ardoises et de bois rouge, vigoureuse comme ton à cause de la mousse rousse et verte qui s’est accrochée sur les murs d’ardoises. — Statue de la Tour d’Auvergne de Marochetti : belle tête, jambes lourdes, sotte mine du fusil passé sur un bonnet à poil ; les bas-reliefs sont assez animés, mais lourds. Tout ça c’est de la sculpture lymphatique. — Cimetière : les boites con- tenant des têtes comme à Quiberon reparaissent « ci-gît le chef de..... » ; à Saint-Pol du reste il y en avait déjà quelques-unes ; une seule convenable, on ne pouvait voir de qui, tout entourée de chèvrefeuille ; tombes de trois notaires et une boîte contenant la tête d’un autre notaire. L’usage est de peindre des paysages funèbres sur le bois des croix, une pyramide, un mausolée, une colonne, un tombeau dans une campagne. II y a une belle croix noire avec des boules d’or à ses trois bouts qui, au point d’in- tersection des bras, montre un tombeau chic : Sainte- Hélène, ombragé par un saule pleureur d’un pleurard échevelé ; la campagne est désolée ; au fond, des montagnes comme des vagues ; au second plan, des herbes alignées et au-dessus des nuages roses. » C’est du reste de règle, par- tout les nuages sont roses, la différence ne consiste que dans le pluj ou moins vif de la couleur. Le brave homme est là avec son épouse “Priez pour leur repos” ; ils doivent ronfler fort et pourrir gras pour ne pas se réveiller là-des- sous. Pauvre vieux notaire, va ! — Le cimetière est devant l’église : porte en bois sculpté ; le saint, dans l’église, est encore avec sa tête ! Immense bénitier, Saint Michel af- freux, une vierge très tetonnière ; une autre grande cou- ronne, jolie vraie figure de gravure de mode ; une statuette en bois, Madeleine esquimaude ; des cheveux énormes, chauds et bouffés, lui couvrent tout le corps jusqu’aux pieds comme un vêtement fait en poil d’animal ; c’est d’une vigousse et d’une bestialité inouïes, la femme a là-dessous la tiédeur animale des étables.

  Affreuse bagnole de Carhaix à Guingamp. — Notre conducteur ; la femme veuve amie du conducteur ; noix et pain qu’ils mangeaient ensemble.....

  Guingamp. — II y avait eu un pardon : les saints sous le porche de l’église étaient tout couronnés de fleurs ; flam- beaux, herbes et gazons, lierres ; leur tête noircie avait une animation bizarre. Au fond, la Vierge au visage hâlé, toute chamarrée d’une robe de satin blanc qui s’étale ; sur la place, des boutiques ; au fond, deux baraques de saltim- banques, l’une où l’on faisait des tours de force et d’équi-

  18 tation, où
l’on représentait les supplices de la persécution de 150, et l’autre qui était de danseurs de corde ; sur le devant, à gauche, les musiciens en militaires, figures toutes passives et obligées, et un paillasse en habit bleu à revers rouge qui jouait du tambour ; à droite, rangés, les acteurs : une femme de 40 ans, maigre, la mère ; une de 30, deux ou trois enfants et cambrée, debout, posée, la jambe en avant, en spencer de velours avec une robe blanche à paillette » d’or, une jeune fille de 14. ans, Ma- riette, cheveux noirs en deux tresses par derrière, front bas, sourcils noirs relevés, œil vigoureux, dardant ; grand avenir de femme moderne ; P... le père, médaille à la poi- trine, redingote par-dessus son maillot, calotte sur la tête ; italien de Venise, il parlait, jouait du piston, du violon et faisait des tours de force : danses de corde, sauts sur des chevaux, exercices avec des anneaux. Cachucha, Mariette est revenue habillée en espagnole ; polka nationale, panto- mime, Pierrot Mariette en homme : pantalon blanc, grand chapeau noir, petite veste, moustaches.

  Saint-Brieuc. — Rien. — Tour de Cesson, crâne morceau, un monticule, dominant la mer ; on voit encore des frag- ments d’escaliers et des restes de fenêtres. — Descente presque à pic sur de l’herbe glissante, passage, sables, godfiches, route sur des coquilles au bord de la mer ; il était marée basse. — Nous sommes remontés. — Les blés venaient jusqu’au bord de la falaise.

  Pleven. — Cris affreux d’un moutard dans un cabaret où nous avons été prendre de la bière. — Dans le cimetière, vieux tombeau d’un guerrier bardé et cuirassé ; la cheve- lure frisée a l’air sur le front d’un bouquet de roses et re- tombe aussi en deux boucles sur les épaules ; à ses pieds, le chien dont la tête est cassée. — Herbes hautes dans ce cimetière, on la fauchait, l’homme repassait sa faux et nous regardait. — Mine de notre guide.

  Lamballe. — Eglise sur la hauteur ; éreintée par une ignoble peinture noire qui cache mille bons détails ; deux tom- beaux curieux. — Haras ; effet de l’homme à côté des ani- maux ; rôle tout passif de la jument qui ne dit mot. « Plus une jument est en chaleur et moins elle bouge », nous disait le vieux palefrenier, c’est le contraire chez nous. Mais si l’homme est moins beau que le cheval, en revanche l’ensemble humain est supérieur ; la femme est plus colorée comme mouvement que la cavale. Mais quel outil ! cham- pignon. En le retirant, et lentement, avec un mouvement plein de mélancolie, l’étalon s’en barbouille les jambes. Cris presque féroces dans l’écurie en sentant les juments. Vestes rouges des garçons, l’agent comptable, les paysans, nous autres, c’était un tableau tout fait. Mais où n’y a-t-il pas de tableaux tout faits ? il s’agit de les voir.

  DinAN. — Eglise Saint-Sauveur, portaiî, triple plein cintre ; les deux arcades de côté ont sur chaque angle du fond une colonne torse ; dans chacune de ces arcades, deux statues mutilées méconnaissables, debout, avec de grands ani- maux, lions ou chiens sur lesquels leurs pieds s’appuient ; le couronnement d’une de ces statues (côté droit) repré- sente un agneau portant une croix. — Chapiteaux des colonnes représentant divers sujets : une femme tourmentée par un crapaud et par un diable, le crapaud en bas lui monte le long des cuisses et lui mord le sein ; une cigogne buvant dans un vase ; un homme assis ayant au cou une chaîne d’où pend un boulet qui lui tombe entre les cuisses ; dévoré par deux diables qui ont des têtes de taureaux. — Au bas du pinacle, lion ailé et bœuf ailé. — Pinacle lourd, percé d’une énorme fenêtre ogivale d’un vilain effet. — Sur un chapiteau, un vieux bonhomme à longue barbe portant un bâton au bout duquel est suspendue une boule, un pot ? ; consultant.une chimère. — Bénitier en granit de plus de 3 pieds de diamètre, deux poissons sculptés à l’in- térieur ; sur l’extérieur, deux hommes et deux femmes : deux le tiennent sur le ventre et deux autres à la renverse ; toutes les têtes sont parties, on distingue les sexes aux pieds ; les vêtements des femmes descendent jusqu’en

  .8. bas, tandis qu’on voit les jambes des hommes ; peu d’eau dans le bénitier. — Un seul bas côté et d’un bon gothique. Le côté droit de la nef (le bas côté de la nef manque) est garni de fenêtres romanes à deux colonnes couronnées de volutes plates. On a percé ce côté-là d’une petite chapelle ogivale. — Nef d’une pureté remarquable, les colonnettes qui terminent la retombée des ogives de la voûte, au lieu à partir de la galerie de se continuer rondes se continuent carrées. — Plaque de marbre de Duguesclin appelée Du- gucaquin. — Dans une des chapelles latérales on a scellé dans le mur un petit tableau en pierre sculptée représen- tant un homme debout, grand (saint Christophe ?), barbu, chevelu, avec une robe et de longues manches, une cein- ture large, judaïque, marchant sur les flots, flanqué de chaque côté de petits arbres (théologiques) sur des ro- chers ; en bas deux enfants montés l’un sur un lion, l’autre sur un animal à croupe de cheval et à tête de chien, mais de chien qui a des allures de crocodile dans la dentition.

  — Sur un chapiteau de colonne romane, deux chameaux s’abouchent ; celui qui lui fait pendant (c’étaient deux co- lonnes à l’entrée), serpents et dragons enroulés.

  Tours de la prison, mâchicoulis avec des trèfles et des carrés longs qui en terminent la base. — Vue toute boisée du haut de la tour. — Restes de remparts. — Rues en pente, maisons en bois à toits aigus, perspective fuyante.

  — Hôtel de ville ; collection : cheveux de Napoléon, gi- berne de La Tour d’Auvergne, clef de Louis XVI, cabi- net de M. le Maire. — Abus de Duguesclin : statue, por- trait grand et petit, nom du bateau à vapeur, d’une place, d’un café. — Portrait de Broussais en costume de l’Institut.

  Corseul. — Bénitier pareil à celui de l’église Saint-Sauveur, mais plus petit. — La tour du haut. — Le cheval. — Re- vêtements de pierres alignées à la romaine ; construction à cône, mais l’intérieur de la maçonnerie ne me parait pas romain.

  Lehon. — Vieux château, monticule énorme à pente très rapide, toute couverte de hêtres ; à peine si on voit quel- ques fragments de maçonnerie saillissant de dessous l’herbe et les broussailles. — Chapelle des Beaumanoir ; grande fenêtre du fond par laquelle on voit une côte toute boisée ; caveau funéraire noir ; colonnette si verdie qu’elle res- semble à de beau bronze antique. Par une fenêtre géminée aiguë, à moitié brisée, jour vert, brutal, d’un livide flam- bant à cause des arbres et des feuilles, surtout à gauche, la lumière venait du coin droit. — Le cloître, sans toit, colonnes carrées ; au haut desquelles court de la vigne, une vache jaune ruminait sur l’herbe. — Réfectoire rempli de métiers ; fenêtres avec des châssis en plomb ; construc- tion particulière dans le mur pour la chaire qui servait à faire la lecture pendant les repas. — Petites filles impu- diques et impudentes au bas du château, « si vous ne savez pas que c’est pour avoir du pain ».

  Au musée, quelques tombeaux des Beaumanoir ; mais comme les choses hors du lieu pour lequel elles ont été faites manquent d’effet ! Cheveux de Napoléon, giberne de La Tour d’Auvergne, clef de Louis XVI, portraits de Broussais et de Duguesclin en pied ; en haut déjà, dans une des pièces de l’hôtel de ville, il y a un petit portrait de Duguesclin, il y a la place de Duguesclin sur laquelle on voit la statue de Duguesclin, il y a un café Duguesclin, l’hôtel Duguesclin. Les villes où sont nés de grands hom- mes n’y voient pas, elles en font un abus déplorable, ou les laissent complètement dans l’oubli. — Effet du paysage du haut des remparts détruits, comme à la Roche-Bernard, par un pont que l’on construit. — La Rance si vantée n’est belle qu’à l’embouchure, qu’à la mer où s’élargissant tout à coup, on aperçoit et Saint-Servan et tous les rochers qui entourent Saint-Malo. Sur ses bords, petits rochers, mais l’ensemble n’est ni doux ni âpre ; sans caractère original.

  Ce sommaire a été développé par Maxime Du Camp. XI

  Saint-Malo. — Tout entouré de remparts, rues étroites, resserrées ; maisons hautes noires, on voit chez le voisin ; vie triste, violente et colorée ; caractère singulièrement énergique de tout cela. — La mer est d’une beauté inouïe. — Hôtel de France : au second étag
e, en dehors, est écrit : Ici est né Chateaubriand. — Ilot du Grand-Bey ; une seule pierre et croix de granit ; le monument est composé de trois morceaux. A droite, Saint-Malo et la maison où il est né ; à gauche, des îles ; en face, la mer. Herbe rare ; plus haut, casemate démantelée qui a l’air d’une masure en ruines ; en bas, des rochers dans l’eau et le bruit des vagues qui s’y entrecroisent et s’y replient. La première fois que nous y (urnes, c’était le soir, le ciel était rose.

  Saint-ServAn. — Quatre tours. — Fabrique de pipes, calme tout particulier de cet établissement. — Dans un cabaret, homme indigné contre les entrepreneurs des travaux. — Navigation pour revenir à Saint-Servan avec deux mate- lots : le père avait doublé le cap Horn, le fils le cap de Bonne-Espérance. — Bordées jusqu’à Dinard. — M. Bou- don, conversation sur Harel et Georges. Les bourgeois comprennent décidément peu la vie honnête ; suivre son instinct semble un crime dans l’état civilisé ; même lorsque l’instinct est généreux on en est puni par les lois souvent ; mais toujours par le mépris de ses concitoyens, et puis par la misère ; alors on rit de vous et on vous blâme et si vous êtes connu cela alimente la conversation des tables d’hôte ! — Lunettes bleues pour voir, plus dans sa couleur, le soleil se coucher. — “Mal du pays !” O Yvetotl la Géné- rale ; la Quiquengrogne : deux fières tours pareilles, in- tactes, dont le ventre s’évase un peu en fer à cheval ; du haut de la Générale on frémit en songeant à l’ascension de La Blissais et de ses compagnons. — Dans l’église de Saint- Malo, nulle du reste, un tableau, dédié à Notre-Dame des Victoires, représente, au fond dans les nuages, la bataille de Lépante et toute la chrétienté à genoux sur le premier plan.

  CancAle. — Baie de Cancale, grande plage vaseuse. — Le village aligne sur le bord de la mer toutes les barques à sec dans des postures différentes ; filets qui sèchent. — Dans l’auberge où nous sommes descendus, chez une pauvre femme qui avait perdu tous ses enfants, un homme ivre est entré en chantant et en demandant à boire. « Vous savez que mon cœur est trop dans le deuil, on ne chante pas ici, allez-vous-en.” — Superbes images : La Demande en mariage, Le Mariage, Le Coucher de la mariée, Le Lever de la mariée. “Qu’il me tarde que tu partages ma demeure et ma couche — je te possède — viens — veux-tu connaître des fêtes plus aimables que celle où nos convives assistent pour nous plaire — l’hymen va te l’apprendre », etc. Le lever de la mariée : le mystère de Vénus est accompli ; pro- visions sur la table de nuit, pâté et bouteille de vin ; le jeune homme, en belle robe de chambre, confie sa joie à son père ; la fillette, en déshabillé, témoigne sa satisfaction à sa mère qui l’engage à la pureté, à la chasteté « qui font le bonheur d’une famille pendant des siècles entiers”. Effet des bottes très pointues du marié, ses pantoufles démesu- rément pointues.

 

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