The Stone that the Builder Refused

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The Stone that the Builder Refused Page 104

by Madison Smartt Bell


  Vous ne devez pas vous en tenir à la démarche que vous avez faite, pour vous assurer s’il n’a ni argent, ni bijoux. Vous devez faire fouiller partout pour vous en assurer et examiner s’il n’en aura ni caché ni enterré dans sa prison. Retirez-lui sa montre; si son usage lui est agréable, on peut y suppléer en établissant dans sa chambreune de ces horloges de bois, du plus vil prix, qui servent assez pour indiquer le cours du temps. S’il est malade, l’officer de santé le plus connu de vous, doit seul lui donner des soins et le voir; mais seulement quand il est nécessaire et en votre présence, et avec les précautions les plus grandes pour que ces visites ne sortent sous aucun rapportdu cercle de ce qui est indispensable.

  Le seule moyen qu’aurait eu Toussaint de voir son sort amélioré eût été de déposer sa dissimulation. Son intérêt personnel, les sentiments religieux dont il devrait être pénétré pour expier tout le mal qu’il a fait, lui imposaient le devoir de la vérité; mais il est bien éloigné de le remplir et par sa dissimulation continuelle il appro che ceux qui l’approchent de tout intérêt sur son sort. Vous pouvez lui dire d’être tranquil sur le sort de sa famille, son existence est commise à mes soins et rien ne lui manque.

  Je présume que vous avez éloigné de lui tout ce qui peut avoir quelque rapport avec un uniforme. Toussaint est son nom, c’est la seule dénomination qui doit lui être donnée.Un habillement chaud, gris ou brun, très large et commode, et un chapeau rond, doivent être son vètement. Quand il se vante d’avoir été général, il ne faut que rappeler ses crimes, sa conduite hideuse et sa tyrannie sur les Européens. Il ne mérite alors que le plus profond mépris pour son orgueil ridicule.

  Je vous salue.21

  FROM FORT DE JOUX, FRANCE, NOVEMBER 1802

  Rien n’est plus fort que l’humiliation que j’ai reçue de vous aujourd’hui. Vous m’avez dépouillé de fond en comble pour me fouiller et voir si je n’avais pas de l’argent, vous avez enfin tout bouleversé, tout mon linge et fouillé jusque dans ma paillasse. Heureusement que vous n’avez rien trouvé: les dix quadruples que je vous ai remis sont à moi, et c’est moi qui vous l’ai déclaré. Vous m’avez ôté ma montre et quinze et sept sols que j’avez dans la poche, vous m’avez pris jusqu’à mon éperon; je vous préviens que tous les objets sont à moi, et vous devez m’en tenir compte le jour qu’on m’enverra au supplice. Vous remettrez le tout à mon épouse et à mes enfants; quand un homme est déjà malheureux on ne doit pas chercher à l’humilier et vexer sans humanité ni la charité, sans aucune considération pour lui comme un serviteur de la République, et on a pris toutes les précautions et les machinations contre moi comme si j’étais un grand criminel. Je vous ai déjà dit, et je vous le répète encore, je suis honnêtehomme et si je n’avais pas l’honneur, je n’aurais pas servi ma patrie fidèlement comme je l’ai servie, et je serais pas non plus ici par ordre de mon gouvernement. Je vous salue.22

  FROM FORT DE JOUX, FRANCE, MARCH 1803

  28 janvier: Toussaint souffre de douleurs dans différentes parties du corps qu’accompagnentdeux petits accès de fièvre. Il a une toux très sèche.

  9 février: Louverture, dont la santé s’était améliorée pendant quelques jours, se plaint de l’estomac et ne mange pas comme à son ordinaire.

  19 février: le prisonnier a été pris plusieurs fois de vomissements que l’on soulage. Cependant, il a la figure enflée.

  4 mars: le détenu est toujours dans la même état d’indisposition. Il a la figure enflée, se plaint sans cesse de maux d’estomac, et a une toux très forte.

  19 mars: La situation de Toussaint est toujours la même. Il se plaint continuellement des douleurs de l’estomac et a une toux continuelle. Il tient son bras gauche en écharpe depuis quelques jours pour cause de douleurs. Je m’aperçois depuis trois jours que sa voix est bien changée. Il ne m’a jamais demandé de médecin.23

  FROM FORT DE JOUX, FRANCE, MARCH 1803

  . . . il devait être enchaîné vivant à un poteau, exposé dans une voierie, pour que les corbeaux et les vautours, chargés de la vengeance des colons, vinssent dévorer chaque jour non pas le coeur, car il n’en eut jamais, mais le foie renaissant de ce nouveaux Promothée.24

  FROM CHAPTER 32

  Vous êtes un officier de marine, Monsieur, eh bien! si vous commandiez un vaisseaudel’Etat, et que, sans vous donner avis, un autre officier vînt vous remplacer à l’abordage par le gaillard d’avant, avec un équipage double du vôtre, pourriez-vous être blamé de chercher à vous defendre sur le gaillard de l’arrière?25

  FROM CHAPTER 32

  Le droit des gens, qui les met à l’abri de toute arrestation, ne me donne pas celui de les considérer comme prisonniers. Je désire que vous agissiez de même à l’égard de mon neveu et aide-de-camp, le chef de bataillon Chancy, qui est au Port-au-Prince.26

  FROM CHAPTER 32

  Vous me proposez, citoyen général, de vous fournir les moyens de vous assurer du général Toussaint: ce serait de ma part une perfidie, une trahison, et cette proposition, dégradante pour moi, est à mes yeux une marque de l’invincible répugnance que vous éprouvez à me croire [in]susceptible des moindres sentiments de délicatesse et d’honneur. Il est mon chef et mon ami. L’amitié, citoyen général, est-elle compatible avec une aussi monstrueuse lâcheté?27

  FROM CHAPTER 34

  Au Quartier Général de la Crête à Pierrot, le 4 Germinal (25 mars 1802) Le Général en Chef au Premier Consul

  Citoyen Consul,

  J’ai l’honneur de vous envoyer mon frère qui vous rendra un compte exact de ma situation à Saint Domingue. J’ai fait une des campagnes les plus pénibles qu’il soit possible à faire et c’est à la rapidité de mon mouvement que je dois la position dans laquelle je me trouve.

  Je suis un peu indisposé par la fatigue. Quand j’aurai rétabli l’ordre ici, je vous demanderai à rentrer en France, car ma santé est bien altérée.

  Agréez l’assurance de mon repectueux attachement, Citoyen Consul.

  LECLERC28

  FROM CHAPTER 34

  Au Quartier Général au Port-au-Prince, le 11 Germinal (1er Avril 1802)

  Le Général en Chef au Ministre de la Marine et des Colonies.

  Citoyen Ministre,

  Immédiatement après la prise de la Crête à Pierrot, j’ai fait un détachement sur le Mirebalais,que j’occupais faiblement. J’ai coupé la retraite à l’ennemi sur les Grands Bois. Le détachement de cent cinquante hommes que j’y avais a été culbuté par Dessalines. Ce poste s’était reployé sur Trianon, qu’il avait conservé. L’arrivée de quatre cents hommes de la 56e légère, que j’ai envoyés, en a débusqué Dessalines, qui nous a cédé le Mirebalais et s’est rejeté sur les Cahos. Je vais établir un fortin sur ce point qui est un des plus importants de la colonie.

  J’ai fait remettre en état la Crête à Pierrot. Je la fais approvisionner pour cent cinquante hommes. Ce point me gardera la plaine de l’Artibonite et le débouché des Cahos.

  Le général Hardy en s’en allant dans le nord aura nécessairement rencontré et battu le général Toussaint. Ce qui vous fera juger la position difficile dans laquelle se trouve ce général, c’est que lors du débarquement du général Boudet au Port Républicain, ce général avait envoyé un de ses aides de camp et un officier de marine porter une lettre au commandant de cette place pour l’engager à lui rendre la place.

  Ces deux officiers ont été arrêtés comme prisonniers et depuis emmenés par les rebelles. Vingt fois ils ont étés menacés de la mort. Ils ont été témoins de tous les massacresqui ont été faits et, le huit, le général Toussaint les a fait venir. Après avoir beaucoupparlé avec le citoyen Sabès, aide-de-camp du général Boudet, en se plaignant de l’ingratitude du Goveurnement français à son égard et des mesures que j’avais prises, qui avait dévasté la colonie, le général Toussaint lui a dit que, si je voulais, on pouvait avant deux ans rétablir toute la colonie. Ensuite il l’a chargé de remettre une lettre au général Boudet et une autre adressée au général Bonaparte.
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  Dans la lettre au général Boudet, il se plaint amèrement de la conduite que j’ai tenue à son égard. Dans celle au Premier Consul, il m’accuse d’être l’auteur de tous les maux de la colonie et proteste de son obéissance à la République, si on veut lui envoyer un autre homme que moi. Cette démarche de sa part me donne le secret de sa faiblesse. J’ai ordonné au général Boudet de lui renvoyer un de ces neveux, qui est son aide de camp, que avait été pris portant ses dépêches. Je lui ai ordonné de lui écrire une lettre assez vague, qui le mît à même de faire des ouvertures, s’il avait envie de se rendre;quoiqu’il n’aie sous ses ordres en tout plus de deux mille deux cents soldats, non compris deux milliers de cultivateurs, il peut encore nous faire beaucoup de mal. En conséquence je suis disposé à faire des sacrifices pour m’en débarrasser.

  Toussaint n’est point un homme ordinaire. Il a de la force de caractère et la tête large. Et s’il eût été comme nous témoin des événements qui se sont passés en Europe depuis dix ans, s’il n’eût pas été gâté par les succès qu’il a obtenus sur les Anglais et qu’il eût eu une idée de la puissance de la France, ce pays était perdu pour nous sans retour.

  Envoyez-moi promptement les forces que je vous ai demandées.

  J’ai l’honneur de vous saluer.

  LECLERC29

  FROM CHAPTER 34

  . . . Je vais m’occuper de remettre un peu d’ordre ici; car jusqu’à présent nous avons marché dans le cahos et au milieu de décombres . . . .30

  FROM CHAPTER 36

  . . . quelles que fût les ressources de l’armée française, il serait toujours assez fort et assez puissant, pour brûler, ravager, et vendre chèrement une vie qui avait aussi été quelquefois utile à la mère patrie.31

  FROM CHAPTER 38

  Je vois avec plaisir, citoyen général, le parti que vous prenez de vous soumettre aux armes de la République. Ceux qui ont cherché à vous tromper sur les véritables intentionsdu gouvernement français sont bien coupables. Aujourd’hui, il ne faut plus nous occuper à revoir les maux passés. Je ne m’occupe que des moyens de rendre, le plus promptement possible, la colonie à son ancienne splendeur. Vous, les généraux et les troupes sous vos ordres, ainsi que les habitants de cette colonie, ne craignez point que je recherche personne sur sa conduite passée. Je jette la voile de l’oubli sur tout ce qui a eu lieu à St-Domingue avant mon arrivée. J’imite en cela l’exemple que le Premier Consul a donné à la France, après le 18 Brumaire.

  Tout ceux que sont ici ont une nouvelle carrière à parcourir, et à l’avenir je ne connaîtraique de bons et de mauvais citoyens. Vos généraux et vos troupes seront employés et traités come le reste de mon armée. Quant à vous, vous désirez du repos; le repos vous est dû; quand on a supporté pendant plusieurs années, le gouvernement de Saint Domingue, je conçois qu’on en ait besoin. Je vous laisse maître de vous retirer sur celles de vos habitations qui vous conviendra le mieux. Je compte assez sur l’attachement que vous portez à la colonie de St-Domingue, pour croire que vous emploierez les moments de loisir que vous aurez dans votre retraite, à me communiquervos vues sur les moyens propres à faire refleurir dans ce pays, le commerce et l’agriculture.

  Aussitôt que l’état de situation des troupes aux ordres du général Dessalines me sera parvenu, je ferai connaître mes intentions sur la position qu’elles doivent occuper. Vous trouverez à la suite de cette lettre l’arrêté que j’ai pris pour détruire les dispositionsde celle du 23 Pluviôse (17 février) qui vous était personnel.

  (Signé) LECLERC32

  FROM CHAPTER 39

  Au Quartier Louverture, an 10

  Vous ne me donnez pas des nouvelles, citoyen. Tâchez de rester au Cap, le plus longtemps que vous pourrez. On dit la santé du général Leclerc mauvaise, à la Tortue, donc il faut avoir grand soin de m’instruire. Il faudrait voir pour des a . . . de la Nouvelle.Quant à la farine dont il en faudrait comme de cette dernière, on ne l’enverrait pas sans avoir passé à la Saône, pour connaître le point où on pourrait en sûreté les mettre.

  Si vous voyez le général en chef, dites-lui que les cultivateurs ne veulent plus m’obéïr, on voudrait faire travailler à Héricourt, dont le gérant ne doit pas le faire. Je vous demand si on peut gagner quelqu’un près du général en chef, afin de rendre D . . . libre. Il me serait bien utile à la Nouvelle, par son crédit et ailleurs. Faites dire à Gengembre qu’il ne doit pas quitter le Borgne, où il ne faut pas que les cultivateurs travaillent.Ecrivez-moi à l’habitation Najac.

  (Signé) TOUSSAINT LOUVERTURE33

  FROM FORT DE JOUX, FRANCE, APRIL 1803

  Un peu de mucus mêlé de sang dans la bouche et sur les lèvres. Le sinus latéral gauche, les vaisseaux de la pie-mère gorgés du sang; épanchement sérieux dans la ventriculelatérale, même côté. Le plexus choroïde infiltré et parsemé de petites hydatides. La plèvre adhérente en grande partie à la substance des poumons. Engorgement sanguindu poumon droit, de la plèvre y correspondant. Amas de matière purulente dans ce viscère. Un petit polype graisseux dans ventricule droit du coeur qui, au reste, était dans son état normal. Amaigrissement de l’épiploon, état pathologique de cette membranepareil à ce qui se rencontre après une longue maladie.

  L’estomac, les intestins, le foie, la rate, les reins, la vessie n’ont offert aucune altération.

  En conséquence, nous estimons que l’apoplexie, la pleuropéripneumonie sont les causes de mort de Toussaint Louverture.34

  Un habit de calmouk rayé mi-usé, après plusiers criées, a été adjugé pour neuf francs au conseiller Faivre, libraire à Pontarlier. . . . Six mouchoirs bleus quadrillésadjugésaprès plusieurs criées au citoyen Jenat, marchand de Pontarlier, pour neuf francs.35

  FROM FORT DE JOUX, FRANCE, APRIL 1803

  Une boucle de col en or, une montre à boîte d’or unie qu’accompagnaient une chaîne et une clé imitant l’or assez parfaitement, une paire d’éperons d’argent, un mauvais uniforme, garni d’un léger galon, à boutons de cuivre jaune, et deux épaulettes à gros grain au dessous à frange, un chapeau usé galonné d’or et un étui avec un rasoir.36

  Au château de Joux, ce 19 germinal an XI (9 avril 1803) de la République française.

  Amiot, chef de bataillon, commandant d’armes, au citoyen Ministre de la Marine et des Colonies.

  Citoyen Ministre,

  J’ai eu l’honneur de vous rendre compte par ma lettre de 16 germinal de la situation de Toussaint. Le dix-sept à onze heures et demi du matin lui portant des vivres, je l’ai trouvé mort assis dans une chaise auprès de son feu. Vous trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, les formalités que j’ai cru devoir prendre à son égard. J’ai fait partir un courier extraordinaire qui a devancé la poste pour annoncer sa mort au général en chef commandant la 6e division militaire. Je l’ai fait enterré par un prêtre de la communedans le cavet sous l’ancienne chapelle côté au fort de Joux où autrefois on enterraitles militaires de la garnison.

  J’ai cru en prenant ces précautions remplir les voeux du Gouvernement.

  Salut et Respect SIGNÉ: Amiot37

  1 A glossary of French and Creole words begins on page 779.

  2 Source documents appear in the original language beginning on page 810.

  3 First Consul, Father of all soldiers. Defender of the innocent, honest judge, pronounce on the case of a man who is more unfortunate than guilty. Heal my wounds, it is very deep, you alone can bring remedies, heal and prevent them from ever opening, you are the doctor, my position and my service deserve all your attention and I depend entirely on your justice and your measure. Salutations and respect.

  4 My Dear Wife,

  I profit from the occasion of the good general to give you my news. I was sick when I arrived here, but the commander of this place, who is a humane person, has brought me all possible aid; thanks be to God I’m doing much better; you know my friendship for my family and my attachment to the woman I love, why have you not given me your news.

  Hello to everyone from me.
I beg them all to behave themselves, lots of prudence and the virtues. I have already told you that you are responsible for their conduct before God and your husband, let me know if Placide is with you.

  I kiss you with all tenderness. I am for life your faithful husband.

  5 From the Dungeon of the Fort de Joux

  October 8,

  I beg you in the name of God in the name of humanity to cast a favorable glance on my claim, on my position and my family, apply your Great Genius to my conduct, to the manner in which I have served my country, to all the risks I have run in doing my duty, I have served my country with faithfulness and honesty, I have served them with zeal and courage, and I have been devoted to my government. I have sacrificed my health and spent all I possessed to serve it and in spite of my efforts all my works have been in vain, you will allow me first consul to tell you with all the respect and submission that I owe you: the Government is entirely mistaken on the subject of Toussaint Louverture, on one of the most zealous and courageous servants of Saint Domingue. I have worked for a long time to win honor and glory for my government and to attract the esteem of my fellow citizens, and today I am crowned with thorns and the most marked ingratitude for my compensation, and I don’t deny the mistakes I may have made and I make my excuses to you for them, but that part doesn’t deserve the [severity] of the punishment I have received or the treatment which I suffer: first Consul, it is unfortunate for me that I am not personally known to you, if you had known me to the depths while I was in Saint Domingue, you would be at peace on my account and would render me more justice; my interior is Good.

  6 Wade Davis, The Serpent and the Rainbow (New York: Simon and Schuster, 1985), p. 181.

  7 Wade Davis, The Serpent and the Rainbow, p. 181.

 

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