by Jean M. Auel
Sans savoir pourquoi, Ayla était mal à l’aise. Rien de précis, une crispation désagréable. Avant de descendre la colline, ils avaient observé les nuages menaçants s’amonceler au-dessus des montagnes occidentales, ils avaient vu les éclairs zébrer le ciel et entendu au loin les roulements de tonnerre. Pourtant, au-dessus d’eux, le ciel était dégagé et le soleil encore haut, bien qu’il eût dépassé le zénith. Il ne pleuvrait pas mais Ayla n’aimait pas le tonnerre dont le grondement lui rappelait les tremblements de terre.
C’est peut-être parce que ma période lunaire va bientôt commencer, pensa-t-elle pour se rassurer. Je ferais bien de préparer ma bande de peau, et la laine de mouflon que m’a donnée Nezzie. Elle disait que c’était la protection idéale en voyage, et c’est vrai. Il suffit de la laver à l’eau froide pour faire disparaître toute trace de sang.
Ayla n’avait encore jamais vu d’onagres, et toute à ses pensées, elle ne prêta pas attention à ceux qui descendaient la colline. De loin, elle crut que c’étaient des chevaux. Mais lorsqu’ils approchèrent, elle remarqua certaines différences. Ils étaient plus petits, avec des oreilles plus longues, et leur queue assez courte n’était pas faite de longs crins flottant au vent, mais du même poil que la robe et se terminait par une touffe plus foncée. Comme celle du cheval, la crinière de l’onagre était raide mais plus touffue et inégale. La robe était d’un marron tirant sur le roux sur le dos et les flancs, et d’une couleur plus pâle, presque blanche, sur le ventre et même sur le chanfrein et les pattes. Une bande de couleur plus foncée suivait leur colonne vertébrale, une autre les épaules, et des bandes plus sombres zébraient leurs pattes.
Ayla ne put s’empêcher de les comparer aux chevaux qui, comme Whinney, avaient une robe jaune, couleur de foin. Celle de Rapide, marron foncé, était rare. Le gris foncé de l’épaisse crinière de la jument se prolongeait jusqu’à sa queue. Ses fanons étaient presque noirs, et le haut des jambes présentait de légères zébrures rappelant vaguement celles de l’onagre. L’étalon bai était d’une couleur trop sombre pour qu’on pût distinguer la rayure qui courait le long de sa colonne vertébrale, mais sa crinière, sa queue, ses jambes, toutes noires, obéissaient au même principe.
Pour qui connaissait les chevaux, il était évident que ces animaux n’en étaient pas. Ayla s’aperçut que Whinney s’intéressait d’une façon inaccoutumée au troupeau qui s’était arrêté pour brouter et venait de remarquer leur présence. Loup était captivé, lui aussi. En position d’arrêt, il était prêt à se lancer à la poursuite des étranges chevaux, mais Ayla, voulant les observer davantage, lui fit signe de ne pas bouger. Un des onagres se mit à braire, et Ayla fut très surprise de ne pas reconnaître le hennissement familier.
Rapide secoua la tête, hennit en réponse, et tendit le cou pour renifler un tas de crottin frais. Ayla lui trouvait l’aspect et une odeur semblables à ceux du cheval. Whinney hennit doucement et s’approcha pour humer à son tour. Comme elle s’attardait, l’effluve du crottin parvint aux narines d’Ayla qui crut y déceler le signe d’une nourriture différente de celle des chevaux.
— Est-ce que ce sont des chevaux ? demanda-t-elle.
— Non, pas tout à fait. Ils leur ressemblent, comme les élans ressemblent aux rennes, ou les orignaux aux grands cerfs. Ce sont des onagres.
— Je n’en ai jamais vu, c’est étonnant.
— Oui, c’est sans doute parce qu’ils préfèrent ce genre de pâturage, dit-il en désignant de la tête les collines rocailleuses et la végétation clairsemée des hautes plaines arides qu’ils traversaient.
Malgré les apparences, les onagres ne provenaient pas d’un croisement entre le cheval et l’âne. C’était une espèce à part, possédant des caractéristiques des deux, et extrêmement robuste. Ils se satisfaisaient d’une nourriture encore plus rudimentaire que celle du cheval, incluant les écorces, les feuilles et les racines.
Lorsqu’ils turent tout près au troupeau, Ayla repéra un couple d’ânons qui la firent sourire. Ils lui rappelaient Whinney lorsqu’elle n’était qu’un poulain. C’est alors que Loup aboya pour attirer son attention.
— Oui, je sais, mon Loup. Allez, si tu veux courir après ces... euh... ces onagres, articula-t-elle lentement pour s’habituer au son, vas-y !
A la grande satisfaction d’Ayla, le dressage de Loup progressait mais il n’aimait pas rester sans bouger trop longtemps. Son enthousiasme et sa curiosité juvéniles prenaient vite le dessus. Loup gambada en jappant vers le troupeau qui s’égailla avec une rapidité étonnante. Les onagres s’enfuirent avec un train soutenu qui laissa le chasseur en herbe loin derrière. Il rejoignit Ayla et Jondalar comme ils approchaient d’une large vallée.
Les rivières charriant le limon des montagnes qui s’érodaient lentement coupaient sans cesse leur route. Le relief s’abaissait graduellement vers le bassin formé par le delta de la Grande Rivière Mère et la mer de Beran. Ils voyageaient en direction du sud, la chaleur de l’été devenait plus sensible. Des vents chauds dus aux passages de dépressions atmosphériques venant de la mer faisaient grimper les températures et rendaient le temps instable.
Même au réveil, les deux cavaliers ne portaient plus qu’une seule épaisseur de vêtements. C’était l’air vif du petit jour qu’Ayla préférait, décidément.
L’après-midi est plus chaud que d’habitude, se dit-elle, impatiente de se tremper dans l’eau fraîche d’un torrent. Elle observa l’homme qui chevauchait quelques pas devant. Il était jambes et torse nus. Seul un pagne lui ceignait les reins. Dans ses longs cheveux blonds tirés en arrière, retenus par une lanière de cuir, des mèches dorées par le soleil se mêlaient à d’autres plus foncées, trempées de sueur.
De temps à autre, elle entrevoyait son profil aux joues rasées. Elle appréciait le dessin ferme de sa mâchoire, même si elle pensait qu’un adulte devrait garder sa barbe. Il lui avait expliqué un jour qu’il la laissait pousser en hiver pour avoir chaud, mais qu’il la coupait toujours en été, quand la chaleur devenait insupportable. A cet effet, il s’était taillé dans un silex une lame au tranchant très aiguisé, qu’il remplaçait quand elle était émoussée.
Ayla non plus n’était pas très vêtue. Tous deux portaient une peau souple passée entre les jambes et retenue à la taille par une simple cordelette. Le pagne de Jondalar, dont le pan arrière était rentré, flottait librement devant. Les deux pans du pagne d’Ayla pendaient comme des tabliers, devant et derrière. On aurait dit une jupe courte, ouverte sur les côtés. Les fesses protégées par la douce peau perméable et par la peau de daim couvrant le dos de la monture, les longues courses sur un cheval en sueur étaient plus confortables.
Jondalar avait vérifié leur position lorsqu’ils s’étaient arrêtés en haut de la colline. Il était satisfait de leur progression, et envisageait la suite du voyage avec plus d’optimisme. Sa sérénité nouvelle n’échappa pas à Ayla. Elle l’attribua à l’amélioration de ses qualités équestres. Jondalar avait souvent monté Rapide, mais ce long voyage lui donnait l’occasion de se familiariser avec sa personnalité, ses manies, ses préférences, et permettait au cheval de mieux connaître son cavalier. Les muscles de l’homme avaient appris à épouser les mouvements de la monture, son assiette était plus assurée, et donc sa position plus confortable pour lui, mais aussi pour le cheval.
D’après Ayla, l’aisance accrue de Jondalar n’expliquait pas tout. A ses gestes moins brusques, elle déduisait en outre que son inquiétude s’était apaisée. Bien qu’elle ne vît pas son visage, elle devinait que les plis soucieux de son front s’étaient effacés et qu’il était d’humeur souriante. C’était si bon de le voir sourire ! Elle observait ses muscles rouler sous sa peau bronzée au rythme de Rapide dont l’allure était souple et uniforme, et fut envahie par une bouffée de chaleur qui ne devait rien à la température ambiante... Comme elle aimait le regarder !
Loin vers l’ouest, ils apercevaient les montagnes pourpres, dont les sommets d’un blanc brillant perçaient les nuages noirs accrochés à le
urs flancs. Ils avaient rarement l’occasion de voir des pics enneigés, et Jondalar s’émerveillait de ce plaisir unique. D’habitude, les sommets immaculés étaient noyés dans les nuages, fourrure blanche qui les cachait comme des objets précieux, ne s’entrouvrant que le temps de révéler leur éclat mystérieux, les rendant d’autant plus désirables.
Jondalar avait chaud, lui aussi, et il aurait bien voulu être plus près de ces montagnes enneigées, chez les Sharamudoï par exemple. Lorsqu’il aperçut le miroitement de l’eau au fond de la vallée, il observa la position du soleil, et bien qu’il fût encore tôt, il décida de s’arrêter. Ils chevauchaient à un bon rythme, plus rapidement qu’il ne l’aurait cru, et il ignorait quand ils trouveraient le prochain point d’eau.
De riches herbacées, principalement des tiges ligneuses, des fétuques et des espèces annuelles à germination rapide, poussaient sur le versant de la colline. L’épaisse couche sédimentaire offrait un terreau noir fertile, riche en humus, suffisant pour que poussent des arbres, pourtant rares dans les steppes de ces régions, exception faite de quelques pins rabougris aux racines vivaces qui allaient chercher l’eau profond dans le sol. Des bois où se mêlaient bouleaux, mélèzes et conifères qui perdaient leurs aiguilles en hiver étaient remplacés par des bosquets d’aulnes et de saules à mesure qu’on descendait. Dans la vallée, au bord de la rivière dont le murmure lui parvenait aux oreilles, Ayla eut la surprise de découvrir des chênes nains, des hêtres et des tilleuls. Depuis qu’elle avait quitté la caverne de Brun, située au sud de la péninsule bien irriguée qui avançait dans la mer de Beran, elle n’avait guère vu d’arbres à feuilles larges.
Le petit cours d’eau avait creusé son lit en zigzaguant à travers les buissons. Une de ses boucles, toutefois, était bordée de saules frêles et élancés qui délimitaient la zone forestière du versant opposé. Jondalar et Ayla préféraient traverser les rivières avant d’installer leur campement pour ne pas avoir à se mouiller en partant le lendemain. Ils décidèrent donc de planter leur tente près des saules. Ils longèrent le courant à la recherche d’un gué, et trouvèrent un large passage pierreux où ils traversèrent.
Tout en installant la tente, Jondalar se surprit à observer Ayla. Charmé par son corps chaud et bronzé, il s’estimait heureux. Elle n’était pas seulement belle – tout en elle lui plaisait, sa force, sa grâce, sa souplesse, son assurance –, elle était de surcroît une merveilleuse compagne de voyage, et elle apportait sa part équitable à leur bien-être. Bien qu’il se sentît responsable d’elle et qu’il brûlât de la protéger, il trouvait agréable de pouvoir compter sur elle. Voyager avec Ayla était à bien des égards comme voyager avec son frère qu’il avait toujours essayé de protéger, lui aussi. Prendre soin de ceux qu’il aimait, c’était dans sa nature.
Il y avait pourtant des différences. Lorsque la jeune femme leva les bras pour secouer le tapis de sol, il remarqua sa peau plus blanche à la naissance des seins, et eut un désir subit de comparer toutes les nuances de son corps. Il fallut qu’Ayla cesse de travailler pour qu’il réalisât qu’il était resté bouche bée. Leurs regards se croisèrent et Ayla lui sourit.
Le désir de Jondalar prit une forme plus insistante et il pensa avec satisfaction que si l’envie le prenait de partager les Plaisirs avec elle, là, tout de suite, elle y consentirait. Dans ce domaine, aussi, il pouvait compter sur sa disponibilité. Il lui rendit son sourire.
Le campement installé, Ayla voulut explorer la vallée. Les régions boisées étaient rares en pleine steppe, et sa curiosité s’en trouvait aiguisée. Il y avait des années qu’elle n’avait vu semblable végétation.
Jondalar était curieux, lui aussi. Après l’expérience de l’ours près du petit bois, il voulait s’assurer qu’il n’y avait pas de traces d’animaux dans les parages. Ayla prit sa fronde et un panier pour la cueillette, Jondalar son propulseur et quelques sagaies, et ils pénétrèrent dans la saulaie. Ils laissèrent les chevaux brouter, mais Loup ne résista pas au plaisir de les accompagner, excité au plus haut point par cette profusion d’odeurs nouvelles.
Après les saules, ils dépassèrent des aulnes, puis des bouleaux et des mélèzes, et peu à peu, les pins furent plus fréquents. Ayla ramassa vivement quelques pommes de pin dont elle appréciait les pignons, mais les rares arbres aux larges feuilles ne lui étaient pas familiers. Arrivés là où la pente commençait à s’élever, ils découvrirent un espace planté uniquement de hêtres.
Ayla les étudia attentivement, les comparant avec ceux qui poussaient près de la caverne de son enfance. L’écorce était lisse et cendrée, les feuilles ovales et dentelées, d’un blanc soyeux à l’intérieur. Les petites noix brunes enchâssées dans leur coquilles rugueuses n’étaient pas encore mûres, mais le sol jonché de faînes et de cupules de l’année précédente témoignait de l’abondance de la récolte. Elle se rappela que les faînes des hêtres se cassaient difficilement. Les arbres, de taille respectable pourtant, n’étaient pas aussi grands que ceux de son souvenir. Elle remarqua alors d’étranges plantes qui poussaient au pied des hêtres et s’accroupit pour les examiner.
— Tu ne vas pas ramasser ça, s’étonna Jondalar. Ces plantes n’ont plus de feuilles, on dirait qu’elles sont mortes.
— Non, elles ne sont pas mortes, corrigea Ayla. Elles poussent ainsi, c’est tout. Tiens, touche comme elles sont fraîches !
Elle brisa le sommet de la tige d’une trentaine de centimètres dépourvue de feuilles, mais où de fins rameaux poussaient sur toute la hauteur. La plante entière, boutons compris, était d’un rouge terne, sans la moindre trace de vert.
— Elle pousse sur les racines d’autres plantes, expliqua Ayla. Lorsque je pleurais, Iza m’appliquait sur les yeux une plante similaire. Certains en avaient peur parce qu’elle rappelait la peau des morts. D’ailleurs, on la nommait parfois la... euh... quelque chose comme la plante du mort, ou la plante du cadavre. (Le regard dans le vague, elle se plongea dans ses souvenirs.) Iza croyait mes yeux fragiles parce que de l’eau en coulait quand j’étais triste. Cela l’inquiétait. Alors, elle ramassait cette plante, et en pressait le jus dans mes yeux. S’ils me brûlaient d’avoir trop pleuré, cela me soulageait. Mais je ne sais pas si celle-ci serait bonne pour les yeux, reprit-elle après réflexion. Iza l’utilisait aussi pour les petites coupures et les bleus, et pour certaines tumeurs.
— Et quel est son nom habituel ?
— Je crois que dans ta langue, on dirait... comment appelles-tu ces arbres, Jondalar ?
— Je ne sais pas, il n’y en avait pas dans ma région. Mais je crois que les Sharamudoï les appellent des hêtres.
— Dans ce cas, le nom de la plante serait « larme de hêtre », conclut-elle en se levant et en époussetant ses mains.
Soudain, Loup se figea, museau pointé vers le sous-bois. Jondalar reconnut la position d’arrêt que le loup avait prise en sentant l’ours. Il saisit une sagaie et la plaça sur la rainure de son propulseur, une pièce de bois de la taille d’une demi-sagaie qu’il tint à l’horizontale dans sa main droite. Il engagea l’extrémité creuse de la hampe sur un crochet fiché dans une cavité à l’arrière de l’engin, introduisit ses doigts dans la double boucle située à la tête du propulseur, à mi-longueur. L’opération était rapide et se faisait sans à-coup. Jondalar, les genoux légèrement fléchis, se mit aux aguets. De son côté, Ayla avait chargé sa fronde et regrettait de ne pas avoir emporté son propre propulseur.
Loup se déplaçait furtivement dans les broussailles clairsemées, et bondit soudain vers un arbre. Un froissement agita les faînes, et une petite boule de fourrure escalada à toute vitesse le tronc lisse d’un hêtre. Debout sur ses pattes postérieures, Loup aboya après la créature.
Soudain, un bruit de feuilles attira leur regard vers le sommet de l’arbre. Ils entrevirent la fourrure dorée et la longue forme sinueuse d’une martre qui poursuivait l’écureuil couinant de peur, et qui croyait avoir échappé au danger en se réfugiant dans l’arbre. Ainsi, Loup n’était pas seul à trouver l’éc
ureuil digne d’intérêt, mais l’espèce de grosse belette d’une cinquantaine de centimètres, et dont la queue touffue doublait encore la taille, avait plus de chances de réussir. La martre grimpait aux plus hautes branches avec autant de vivacité et de souplesse que sa proie.
— On dirait que cet écureuil est tombé dans les braises en voulant échapper à la cuisson, remarqua Jondalar en spectateur intéressé.
— Il peut s’en tirer, pronostiqua Ayla.
— Oh, ça m’étonnerait. Je ne parierais pas un silex sur lui. L’écureuil faisait entendre des petits cris de plus en plus aigus. Le jacassement rauque d’un geai excité augmenta le vacarme, et une mésange s’annonça en zinzinulant. Loup n’y tint plus. La tête levée vers le ciel, il hurla longuement. Le petit écureuil fila à l’extrémité d’une branche, et sous les regards ébahis des humains, il sauta dans le vide. Membres écartés, les replis de sa peau tendus comme une toile joignant les quatre pattes, il fendit les airs.
Ayla retint son souffle, médusée par l’habileté de l’écureuil à éviter les obstacles. Sa queue touffue lui servait de gouvernail. En changeant la position de ses pattes et de sa queue, il modifia la tension de la membrane pour diriger sa descente en vol plané. Il décrivit ainsi une large courbe jusqu’à un arbre préalablement visé, et en l’approchant, redressa son corps et sa queue pour se poser vers le bas du tronc, qu’il s’empressa d’escalader. Arrivé aux branches hautes, le petit animal de fourrure contourna le tronc et redescendit, tête la première, ses griffes arrière bien plantées dans l’écorce pour lui donner un point d’ancrage. Il scruta les environs, et disparut dans un trou. Son envol spectaculaire lui avait permis d’échapper à son prédateur, mais cette prouesse stupéfiante ne réussissait pas toujours.