by Jean M. Auel
— Tu le voudrais, Madenia ?
Madenia eut un geste de recul, comme si la tunique lui avait brûlé les mains.
— Oh, je ne peux pas ! protesta-t-elle. On t’en a fait cadeau.
— Nous sommes trop chargés, et je crois que Roshario aurait voulu que tu l’acceptes. Il te plaît tellement. C’est un habit d’apparat pour la Cérémonie de l’Union, mais j’en ai déjà un.
— Tu es sûre ? demanda Madenia, incrédule.
Ayla s’amusa de voir Madenia les yeux brillants, en extase devant la merveilleuse tunique.
— Mais oui, prends-la ! tu la mettras pour ta Cérémonie de l’Union, si tu le veux. Tu la porteras en pensant à moi.
— Je n’ai pas besoin de cadeau pour ça, protesta Madenia, au bord des larmes. Je ne t’oublierai jamais. Grâce à toi, j’aurai peut-être droit un jour à une Cérémonie de l’Union. Dans ce cas, je porterai ce vêtement, je te le promets.
Elle avait hâte de le montrer à sa mère, à ses amis et aux autres femmes-filles de la Réunion d’Été.
Ayla ne regrettait pas son cadeau.
— Tu veux voir ma tenue pour l’Union ? demanda-t-elle.
— Oh oui !
Ayla sortit la tunique en ocre jaune, la couleur de ses cheveux, que Nezzie avait faite quand Ayla devait s’unir à Ranec. Enveloppés dans la tunique, se trouvaient un cheval sculpté et deux morceaux d’ambre couleur de miel. Madenia n’en croyait pas ses yeux, deux ensembles aussi beaux et si différents ! Elle n’osa pas manifester son admiration de peur qu’Ayla se sente obligée de lui offrir aussi celui-ci.
Ayla l’examina d’un air indécis. Non, décida-t-elle, pas question de la laisser, c’est ma tunique. Je la porterai le jour de mon Union avec Jondalar. D’une certaine manière, cette tunique conservait une partie de Ranec. Elle joua machinalement avec le petit cheval taillé dans une défense de mammouth, et pensa à Ranec en se demandant ce qu’il était devenu. Personne ne l’avait aimée autant que lui, et elle ne l’oublierait jamais. Elle aurait pu s’unir et vivre heureuse avec lui, si elle n’avait tant aimé Jondalar.
Madenia essaya de réfréner sa curiosité, mais n’y tint plus.
— Ces pierres, qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle.
— C’est de l’ambre. La Femme Qui Ordonne au Camp du Lion me les a données.
— Et ça, c’est une sculpture de ton cheval ?
— Oui, elle représente Whinney, avoua Ayla en souriant. L’homme qui l’a faite avait des yeux rieurs et une peau de la couleur de la robe de Rapide. Même Jondalar admettait qu’il n’avait jamais connu meilleur sculpteur.
— Un homme à la peau sombre ?
Ayla ne pouvait blâmer Madenia d’être incrédule.
— Oui, il avait la peau sombre. C’était un Mamutoï et il s’appelait Ranec. La première fois que je l’ai vu, je ne pouvais pas le quitter des yeux. C’était très impoli. On m’a dit que sa mère avait la peau aussi brune que... que cette pierre qui brûle. Elle vivait loin au sud, de l’autre côté de la grande mer. Wymez, un autre Mamutoï, avait entrepris un long Voyage. Il s’était uni avec elle et un fils était né dans son foyer. La mère est, morte sur le chemin du retour, et il a ramené le garçon. Sa sœur l’a élevé.
Madenia frémit d’excitation. Elle avait toujours cru qu’il n’y avait que des montagnes au sud, des montagnes qui n’en finissaient jamais. Mais Ayla avait tant voyagé et connaissait tant de choses ! Elle se mit à rêver au grand Voyage qu’elle entreprendrait un jour, comme Ayla. Elle rencontrerait un homme à la peau brune qui lui taillerait un superbe cheval en ivoire, tout le monde lui offrirait des habits, elle rencontrerait aussi des chevaux qu’elle monterait, et un loup qui aimerait les enfants. Et un homme comme Jondalar qui monterait aussi sur le dos des chevaux et l’accompagnerait dans son long Voyage.
Elle n’avait jamais connu quelqu’un comme Ayla et l’idolâtrait. La belle jeune femme menait une existence qu’elle enviait et elle souhaitait lui ressembler un jour. Ayla avait un drôle d’accent qui la rendait encore plus mystérieuse, et jeune fille, elle avait subi une violence identique à la sienne. Un homme l’avait prise de force mais elle s’en était remise et comprenait ce que Madenia ressentait. Elle s’imagina adulte, sage et responsable comme Ayla, consolant une jeune fille qu’on venait d’attaquer sauvagement, lui racontant sa propre expérience et l’aidant à oublier.
Tout en rêvant, Madenia remarqua qu’Ayla ramassait un petit paquet soigneusement emballé qu’elle n’ouvrit pas. Elle savait exactement ce qu’il contenait, et ne l’aurait laissé pour rien au monde.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Madenia en voyant Ayla ranger le paquet.
Ayla ne l’avait pas ouvert depuis bien longtemps. Elle s’assura que Jondalar n’était pas en vue, reprit le paquet et en défit les nœuds. Elle étala alors une tunique d’un blanc immaculé ornée de queues d’hermines. Madenia ouvrit de grands yeux incrédules.
— Mais, c’est blanc comme de la neige ! s’exclama Madenia. Je n’ai jamais vu de cuir de cette couleur.
— C’est un secret de fabrication du Foyer de la Grue. La vieille femme qui me l’a dévoilé le tenait de sa mère, expliqua Ayla. Comme elle n’avait personne à qui enseigner son secret, elle a accepté de me l’apprendre.
— C’est toi qui l’as faite ?
— Oui, je l’ai faite pour Jondalar, mais il ne le sait pas. Je lui donnerai quand nous serons arrivés, le jour de notre Cérémonie de l’Union.
Elle l’étendit pour l’examiner et un petit paquet s’en échappa. Madenia admira la tunique d’homme. A part les queues d’hermines, elle était dénuée d’ornement. Aucune broderie, aucun dessin, ni coquillages ni perles, mais elle n’en avait pas besoin. Dans sa simplicité nue, c’était ce blanc immaculé qui forçait l’admiration.
Ayla ouvrit le petit paquet qui venait de tomber et découvrit une petite statuette de femme au visage sculpté. Si la jeune fille n’avait pas déjà vu merveille sur merveille, cette vision l’aurait effrayée. Une dunaï n’a jamais de visage. Mais venant d’Ayla elle était prête à tout accepter.
— C’est Jondalar qui l’a sculptée pour moi, expliqua Ayla. Il voulait capturer mon esprit, et il l’a sculptée pour mes Premiers Rites, le jour où il m’a enseigné le Don des Plaisirs de la Mère. Nous étions seuls, mais Jondalar a organisé une petite cérémonie. Plus tard, il me l’a offerte et m’a conseillé de la garder précieusement. Il disait qu’elle détenait un trop grand pouvoir.
— Je veux bien le croire, acquiesça Madenia.
Elle n’avait aucune envie de la toucher, mais elle ne doutait pas qu’Ayla pût en maîtriser le dangereux pouvoir.
Ayla devina le malaise de la femme-fille et rangea la statuette dans son emballage qu’elle glissa ensuite sous les plis de la tunique. Elle enveloppa le tout dans de fines peaux de lapin soigneusement cousues et attacha le paquet avec des cordelettes.
Un autre balluchon renfermait les cadeaux qu’elle avait reçus des Mamutoï le jour de sa cérémonie d’adoption. Elle décida de le garder. Même chose pour sa poche à médecines, bien sûr, ses pierres à feu, sa trousse à couture, des sous-vêtements de rechange ainsi qu’une paire de protège-pieds en feutre pour ses bottes, les fourrures de couchage, les sagaies et le propulseur. Elle ne conserva que l’essentiel de ses récipients et ustensiles de cuisine et décida d’attendre Jondalar avant de prendre une décision pour les tentes, les cordages et le reste du matériel.
Elle se préparait à sortir avec Madenia, quand Jondalar pénétra dans le foyer. Il venait de terminer un chargement de pierres qui brûlent et voulait trier ses affaires. D’autres Losadunaï arrivèrent bientôt, parmi lesquels Solandia et ses enfants, accompagnés de Loup.
— Je ne peux plus me passer de cette bête, déclara Solandia. Il me manquera. J’imagine que tu ne le laisseras pas ici.
Ayla fit signe à Loup. Malgré tout l’amour qu’il portait aux enfants, il accourut et s’assit à ses pieds en la surveillant des yeux.
— Non, Solandia. Je ne pourrais pas m’en
séparer.
— Je m’en doutais, fit Solandia, mais je préférais m’en assurer. Tu me manqueras aussi, tu sais, ajouta-t-elle.
— Toi aussi, tu me manqueras, assura Ayla. C’est ce qu’il y a eu de plus pénible dans ce Voyage : se faire des amis et les quitter en sachant qu’on ne les reverra probablement plus jamais.
— Tiens, Laduni, dit Jondalar qui tenait à la main une plaque d’ivoire gravée de signes étranges. Talut, l’Homme Qui Ordonne au Camp du Lion, m’a gravé cette carte du pays qui se trouve loin à l’est. C’était le début de notre Voyage. Je voulais la conserver en souvenir de lui, et ça m’ennuie de la jeter. Peux-tu la garder pour moi ? Qui sait, je reviendrai peut-être la chercher.
— Avec plaisir, fit Laduni en jetant un coup d’œil sur la pièce d’ivoire que Jondalar lui tendait. Ça m’intéresse, j’aimerais bien que tu m’expliques les signes avant de partir. J’espère que tu reviendras un jour, sinon, un des nôtres te la ramènera à l’occasion d’un Voyage.
— Je laisse aussi quelques outils. Tu en feras ce que tu voudras. Je n’aime pas abandonner un percuteur auquel je suis habitué, mais Dalanar m’en donnera un autre dès que nous arriverons chez les Lanzadonii. Il a toujours de bons outils. Je laisserai quelques lames et mon marteau en os. Je garderai mon herminette et ma hache pour casser des morceaux de glace. (Puis, se tournant vers Ayla :) Qu’est-ce que tu emportes, Ayla ?
— Tout est là, sur la couche.
Jondalar aperçut le mystérieux paquet.
— Je ne sais pas ce que tu caches là-dedans, mais ce doit être drôlement important, fit-il.
Madenia sourit timidement, fière d’être dans le secret.
— Et ça ? demanda-t-il en désignant un autre balluchon.
— Ce sont les cadeaux du Camp du Lion, répondit-elle en ouvrant l’emballage.
Il vit la magnifique pointe de sagaie que Wymez avait offerte à Ayla, la prit et la montra à Laduni.
— Regarde ce travail, fit-il.
C’était une lame plus grande que sa main et de la largeur de sa paume, mais pas plus épaisse que le bout de son petit doigt et d’un tranchant redoutable.
— C’est un biface, s’étonna Laduni en l’examinant dans tous les sens. Comment a-t-il réussi à le faire si fin ? Je croyais que c’était une technique grossière, utilisée pour de simples haches ou des choses dans ce genre-là. C’est le silex le mieux travaillé que j’aie jamais vu ! s’extasia-t-il.
— C’est Wymez qui l’a taillé. Je t’avais bien dit qu’il était très bon. Il chauffe le silex avant de le travailler, ça change la qualité de la pierre et les éclats se détachent plus facilement. C’est comme cela qu’il obtient une lame aussi fine. J’ai hâte de la montrer à Dalanar.
— Oui, il saura l’apprécier, approuva Laduni.
Jondalar rendit la pointe à Ayla qui l’emballa avec soin.
— Nous n’emporterons qu’une simple tente, décida Jondalar. Un coupe-vent nous suffira.
— Et la couverture de sol ? interrogea Ayla.
— Nous avons déjà tout un chargement de pierres et de rocs !
— Oui, mais il fait froid sur un glacier. Nous serons contents d’avoir une couverture de sol.
— Oui, tu as raison.
— Et les cordes ?
— Crois-tu que nous en ayons vraiment besoin ?
— Je vous conseille de les prendre, suggéra Laduni. Elles vous seront très utiles sur le glacier.
— Si c’est toi qui le dis, j’écouterai ton conseil, fit Jondalar.
Ils avaient tout emballé et passèrent le dernier soir à faire leurs adieux à ce peuple qu’ils avaient appris à aimer. Verdegia tenait à dire un dernier mot à Ayla.
— Je voulais te remercier, Ayla, fit-elle.
— C’est à nous de vous remercier tous, protesta Ayla.
— Oui, mais je n’oublierai pas ce que tu as fait pour Madenia. J’avoue ignorer ce que tu as bien pu lui faire, ou lui dire, mais tu l’as changée. Avant, elle se cachait dans un coin et voulait mourir. Elle refusait de me dire un seul mot, et ne voulait pas entendre parler de cérémonie des Premiers Rites. Je croyais que tout était perdu. Maintenant, elle est redevenue comme avant, et elle voudrait déjà être à la Réunion d’Été. J’espère qu’elle ne changera pas d’avis d’ici là.
— Ne t’inquiète pas. Si elle sent que tout le monde l’aide, tout s’arrangera. L’aide des proches est le meilleur remède, tu sais.
— N’empêche que je ne serai pas tranquille avant que Charoli soit puni.
— Maintenant qu’ils sont tous décidés à lui donner la chasse, il sera bientôt puni. Madenia sera lavée de son affront, elle accomplira les Premiers Rites et deviendra une femme. Tu auras tes petits-enfants, Verdegia.
Le lendemain matin, ils partagèrent un ultime repas avec les Losadunaï. Tout le monde était là pour les adieux. Losaduna apprit encore à Ayla quelques versets de la tradition losadunaï et manifesta même une vive émotion quand elle le serra dans ses bras pour lui dire au revoir. Gêné, il se hâta d’aller dire quelques mots à Jondalar. Solandia ne cachait pas son chagrin. Même Loup semblait deviner qu’il ne reverrait plus les enfants. Il lécha le visage du bébé, et pour la première fois, Micheri pleura, conscient du départ de l’animal, lui aussi.
Mais en sortant de la caverne, une surprise encore plus grande les attendait. Madenia avait revêtu le magnifique habit qu’Ayla lui avait donné, et elle s’accrocha à la visiteuse en retenant ses larmes. Jondalar lui dit qu’il la trouvait très belle, et il était sincère. Les superbes vêtements lui donnaient une beauté peu ordinaire et soulignaient les lignes de la femme qu’elle n’allait pas tarder à devenir.
En enfourchant les chevaux, reposés et impatients de partir, ils jetèrent un dernier regard aux Losadunaï rassemblés autour de la caverne. Madenia tranchait sur le groupe. Mais elle était encore jeune, et son visage ruissela de larmes quand ils lui firent un ultime signe de la main.
— Je ne vous oublierai jamais, tous les deux, cria-t-elle avant de s’enfuir dans la caverne.
En se dirigeant vers la Grande Rivière Mère, qui n’était plus qu’un simple ruisseau, Ayla sut qu’elle non plus n’oublierait jamais Madenia, ni son peuple. Les adieux avaient ému Jondalar, mais les difficultés qu’ils allaient devoir affronter le préoccupaient. Il savait que la partie la plus dangereuse de leur Voyage les attendait.
39
Ayla et Jondalar se dirigèrent au nord, vers la Grande Rivière Mère qui les avait guidés pendant la majeure partie de leur long Voyage. Lorsqu’ils l’atteignirent, ils obliquèrent vers l’ouest et remontèrent le courant. Le fleuve avait changé de nature. Ce n’était plus l’immense cours d’eau aux multiples méandres qui s’écoulait majestueusement à travers les vastes plaines, grossi d’innombrables affluents dont les eaux tourbillonnantes charriaient des quantités de limon fertile, le grand fleuve qui se séparait en de nombreux chenaux, laissant derrière lui des bras morts grands comme des lacs.
Près de sa source, la Grande Rivière Mère ressemblait à un torrent d’eau fraîche et peu profonde qui dévalait la montagne abrupte dans un lit rocailleux. La route des deux voyageurs empruntait un chemin escarpé qui les rapprochait de leur inévitable rendez-vous avec l’épaisse couche de glace éternelle recouvrant l’immense plateau de la haute montagne dressée devant eux.
Le dessin des glaciers suivait les contours du paysage. Blocs de glace taillés à coups de serpe sur les cimes, les glaciers des plateaux s’étalaient comme des crêpes, d’une épaisseur uniforme, à peine plus haute au centre, laissant derrière eux des rives de graviers et creusant des dépressions qui deviendraient bientôt des lacs. L’avancée la plus méridionale du gigantesque gâteau glacé continental, dont le niveau atteignait presque les plus hautes montagnes qui l’entouraient, n’était pas éloignée de plus de cinq degrés de latitude des glaciers des montagnes de la pointe nord. Les terres qui les séparaient étaient les plus froides au monde.
Contrairement aux glaciers montagneux, riviè
res gelées rampant lentement le long des flancs, la glace éternelle du haut plateau – le glacier qui préoccupait tant Jondalar – était une version miniature de la gigantesque couche de glace qui recouvrait tout le nord du continent.
En remontant la rivière, Ayla et Jondalar gagnaient de l’altitude. Ils essayaient d’économiser les chevaux lourdement chargés en allant à pied la plupart du temps. Ayla s’inquiétait particulièrement pour Whinney qui portait la majeure partie des pierres et des rocs, indispensables pour leur survie sur le glacier que les chevaux n’auraient jamais approché de leur plein gré.
De lourds paniers battaient les flancs des chevaux. Whinney, qui tirait déjà le travois, voyait son fardeau plus réduit que celui de Rapide, si volumineux qu’il menaçait de tomber à chaque pas. Ayla et Jondalar portaient aussi sur le dos des paniers assez conséquents. Seul Loup était épargné, et en le voyant gambader sans entraves, Ayla commençait à se demander comment il pourrait contribuer à l’effort collectif.
— Tant de mal pour transporter des pierres ! remarqua Ayla un matin en chargeant le panier sur son dos. Si on nous voyait hisser ces rocs sur les montagnes, on nous trouverait bien étranges.
— Les gens s’étonnent davantage qu’on voyage avec deux chevaux et un loup, rétorqua Jondalar. Mais si nous voulons qu’ils survivent sur le glacier, ces pierres sont indispensables. Nous avons au moins une bonne raison de nous réjouir.
— Ah oui, laquelle ?
— Une fois de l’autre côté, tout deviendra facile.
Le cours supérieur de la rivière traversa les contreforts de la chaîne de montagnes méridionale, dont les voyageurs n’imaginaient pas l’étendue. Les Losadunaï vivaient au sud de la Grande Mère, dans la région plus vallonnée d’un massif calcaire aux vastes plateaux. Érodées au cours des siècles par les eaux et les vents, ces montagnes restaient assez élevées pour supporter des couronnes de glace éternelle. Entre la Grande Mère et les montagnes s’étendait une végétation dormante qui recouvrait une formation détritique. Le tout était caché sous un léger manteau de neige qui eût rendu invisibles les abords gelés de la rivière, si le miroitement bleuté n’avait révélé leur contour.