THE MOTHER
I fear the bullet of your words, I fear your words of pitch and ambush. I fear your words because I cannot take them in my hand and weigh them. . . They are not human words.
They are not words one can take in the palms of one’s hands and weigh in the balance striped by trembling roads. . .
(The mother collapses).
LA MÈRE
J’ai peur de la balle de tes mots, j’ai peur de tes mots de poix et d’embuscade. J’ai peur de tes mots parce que je ne peux les prendre dans ma main et les peser… Ce ne sont pas des mots humains.
Ce ne sont point des mots que l’on puisse prendre dans la paume de ses mains et peser dans la balance rayée de routes et qui tremble…
(La mère s’écroule).
THE REBEL (leaning over the dead or faint woman)
Woman, your face is more worn than the pumice stone tumbled along by the river
utterly, utterly,
your fingers are more fatigued than cane crushed by the millwheel,
utterly, utterly,
Oh, your hands are crumpled bagasse, utterly, utterly,
Oh, your eyes are straying stars utterly, utterly,
Mother utterly worn down, leafless mother you are a flamboyant that now bears only pods. You are a calabash, and you are no more than a crop of gourds. . .
(Pause).
LE REBELLE (penché sur la morte ou l’évanouie)
Femme, ton visage est plus usé que la pierre ponce roulée par la rivière
beaucoup, beaucoup,
tes doigts sont plus fatigués que la canne broyée par le moulin,
beaucoup, beaucoup,
Oh, tes mains sont de bagasse fripée, beaucoup, beaucoup,
Oh, tes yeux sont des étoiles égarées beaucoup, beaucoup,
Mère très usée, mère sans feuille tu es un flamboyant et il ne porte plus que les gousses. Tu es un calebassier, et tu n’es qu’un peuplement de couis…
(Pause).
A VOICE
Assassin, he killed his master
UNE VOIX
Assassin, il a tué son maître
A VOICE
Cursed assassin, he is going to kill his mother
UNE VOIX
Assassin, maudit, il va tuer sa mère
A VOICE
Death to the assassin cut off his hands
UNE VOIX
Assassin à mort coupez-lui les mains
A VOICE
Kill him, kill him, gouge out his eyes.
UNE VOIX
À mort, à mort, crevez-lui les yeux
A VOICE
That’s it, let’s gouge out his eyes.
UNE VOIX
C’est ça, qu’on lui crève les yeux.
THE REBEL (blinded)
Chargers of the night, bear me away.
LE REBELLE (aveuglé)
Coursiers de la nuit, entraînez-moi.
CHORUS
The day is a closed-up house in a contagious rain
The day is a shutting-down city in a poisonous night
O galley-slave, o pilgrim, in the rain and in the doorless night
your stooped steps, my stooped steps in the clearing without hands and without ears without water and without knocker tortured by sentinels
LE CHŒUR
Le jour est sous la pluie contagieuse une maison fermée
Le jour est dans la nuit empoisonnée une ville qui se ferme.
Ô galérien, ô pèlerin, sous la pluie et dans la nuit sans huis
tes pas voûtés, mes pas voûtés dans la percée sans mains et sans oreilles sans eau et sans heurtoir torturée de sentinelles
THE REBEL
Chargers of the night bear me away. . .
(Stepping toward the chorus).
My children I am a king who possesses nothing
LE REBELLE
Coursiers de la nuit entraînez-moi…
(S’avançant vers le chœur).
Mes enfants je suis un roi qui ne possède rien
CHORUS
Arise O king
LE CHŒUR
Ô roi debout
THE REBEL
. . .Who possesses nothing
LE REBELLE
… Qui ne possède rien
CHORUS
Arise O king
LE CHŒUR
Ô roi debout
THE REBEL
Desert menders, baptize me.
(With outstretched arms he lowers his face to the ground. One of the men pours dirt on his head and neck).
LE REBELLE
Ravaudeurs du désert, baptisez-moi.
(Il s’incline face contre terre les bras écartés. Un des hommes lui verse de la terre sur la tête et la nuque).
Mealy earth, my mother’s milk, hot on my neck, rich rivulet, semi-shadows, demand, direct. . .
(He places his ear to the ground).
Terre farineuse, lait de ma mère, chaud sur ma nuque, ruisseau riche, demi-ténèbres, exige, dirige…
(Il approche l’oreille du sol).
Oh footsteps; horseshoes, crawling larvae fattened in the valley of my ears. . . I am wounded. Oh oh I am wounded.
(He stands up).
Chargers of the night bear me away.
Oh des pas ; des sabots de chevaux, de rampements de larves grossies dans la vallée de mes oreilles… je suis atteint. Oh oh je suis atteint.
(Il se redresse).
Coursiers de la nuit entraînez-moi.
NARRATRESS
countrysides of Babylon fire smoke plain standard a thousand diamonds Lucifer fair cavalier I have chosen a thousand diamonds Jerusalem stumbles a stone at its neck bloody postilion of frauds a thousand diamonds the day will sustain itself most pure with artifices I am going Ah I am going Ha Ha Ha jumping for joy exhausted cloven-hoofed. . . empty-handed. I am regret. . . black ship in the sun in the muddy but sure-footed boots of my fantastic connections.
LA RÉCITANTE
campagnes de Babylone feu fumée plaine étendard mille diamants Lucifer beau cavalier j’ai choisi mille diamants Jérusalem trébuche une pierre au cou postillon sanglant des fraudes mille diamants le jour se soutiendra très pur d’artifices je vais Ah je vais Ha Ha Ha tripudiant fourbue fourchue… les mains nues. Je suis le regret… bateau noir dans le soleil dans les bottes boueuses mais sûres de mes parentés fantastiques.
NARRATOR
And now behold the black boatman of the black storm, the watchman
of black weather of rainy luck
he knows only the storm
walled up in the black passion of the black voyage
a stubborn old man, frail black interrogation of fate in the lost
cycle of summary currents
but his battle is with winds and rocks
not with his sex and his heart. . .
Et maintenant le voici le nautonier noir de l’orage noir, le guetteur
du temps noir et du hasard pluvieux
il ne sait plus que l’orage
muré dans la passion noire du voyage noir
un vieillard têtu, fragile noire interrogation du destin dans le cycle
perdu des courants sommaires
mais sa bataille est avec les vents et les rocs
non avec son sexe et son cœur…
THE REBEL
Go away I am only a man conquered
withdraw
I am only a man cut down
given up and rejected
I dedicate myself to the absolute wind
I a defeated harvester of warm flesh
exalted by the salubrious triumph of sea gulls
(Pause).
do you know Wagadugu the city of mud bricks
LE REBELLE
Va-t’en je ne suis qu’un vaincu
retire-toi
je ne suis qu’un coupé
donné et rejeté
je me dédie au vent absolu
moi moissonneur vaincu de la chair tiède
exalté dans le triomp
he salubre des goélands.
(Pause).
connaissez-vous Ouagadougou la cité de boue sèche
CHORUS
Do not speak so
LE CHŒUR
Ne parlez pas ainsi
THE REBEL
Do you know Djenne* the red city?
LE REBELLE
connaissez-vous Djénné la cité rouge ?
CHORUS
Oh do not speak so
LE CHŒUR
Oh ne parlez pas ainsi
THE REBEL
Do you know Timbuktu?
LE REBELLE
connaissez-vous Tombouctou ?
CHORUS
Do not speak, do not speak. . .
LE CHŒUR
Ne parlez pas, ne parlez pas…
THE REBEL
I have spread my kerchief over the waters, over the waters of death.
I have spread my kerchief, hey.
lend me a parasol against the sun of Wagadugu.
(Pause).
LE REBELLE
j’ai étendu mon mouchoir sur les eaux, sur les eaux de la mort.
j’ai étendu mon mouchoir, hé.
prêtez-moi un parasol pour le soleil de Ouagadougou.
(Pause).
because I have pulled all night on my chain
because the links from so much yapping had dug into my black and twitching flesh
the minutes parade around me
like a pack of emaciated wolves
like a herd of lashing whips
like the knots of a ladder of rope and statutes
recalcitrant subject perfect victim
parce que j’avais tiré toute la nuit sur ma chaîne
parce que les mailles à force de japper s’étaient fixées dans ma chair clignotante et noire
les minutes autour de moi processionnent
comme une bande de loups efflanqués
comme un troupeau de coups de fouet
comme les nœuds d’une échelle de corde et de statuts
sujet indocile victime parfaite
challenge riveted to the foreheads of ponds
I do not converse with the gods
I do not cure the possessed
I do not hold the secret of Antiochus* Epiphanes
nor of Herod the Great
what are you waiting for to spit upon me
the thick spit of centuries
ripened
défi rivé au front des mares
je ne converse pas avec les dieux
je ne guéris pas les possédés
je ne sais pas le secret qui tua Antiochus Épiphane
ni Hérode le grand
qu’attendez-vous pour cracher sur moi
l’épais crachat des siècles
mûri
over 306* years
too late it is too late
my friends I am at home for no one
for no one
except for the flood too soaked for the stars to burst in it
except for the mud with burned eyes with burned sex
in my eyes buffeted by alfalfa girls are running
while sounding their river clogs
their dustless arboreal voices
en 306 ans
trop tard il est trop tard
mes amis je n’y suis pour personne
pour personne
sauf pour l’inondation trop détrempée pour que les étoiles y éclatent
sauf pour la boue aux yeux brûlés au sexe brûlé
des filles courent dans mes yeux cahotés de luzernes
en faisant sonner leurs sabots de rivières
leurs voix d’arbres sans poussières
their slender torsos of bread, of plains
and behold
I have ordered for my funeral ceremony
a herd of wild buffalo
a hundred eunuchs sacrifices tumults
a flight of throwing knives of copper assegais
my body my body
stretcher I shall not throw the wounded one to the dogs of the hawthorn
(The moon rises).
leur long corsage de pain, de plaine
et voici
j’ai commandé pour mes funérailles
un troupeau de buffles sauvages
un cent d’eunuques des sacrifices des tumultes
un vol de couteaux de jet de sagaies de cuivre rouge
mon corps mon corps
brancard je ne jetterai pas le blessé aux chiens de l’aubépine
(La lune monte).
THE REBEL
rotten moon
the lover the beloved
the fetish tree
the lover the beloved
the hill is a great bucket of water that does not cease to spill into the light of volcanic faults
of eyelashes
of lands
LE REBELLE
lune pourrie
l’amant l’amante
l’arbre fétiche
l’amant l’amante
la colline est un grand seau d’eau qui ne finit pas de tomber dans la lumière des failles
des cils
des terres
the sky asked the frangipani for its fingerprints
end of the worlds of numbers
of course they lied I was not there
at the adoration of the magi, I have going for me only my word
by the grace of the young lands and the seismic basin
and of the marshes flowered on the face of a wound
le ciel a demandé au frangipanier ses empreintes digitales
fin des mondes des nombres
bien entendu on a menti je n’étais pas là
à l’adoration des mages ; je n’ai pour moi que ma parole
par la grâce des terres jeunes et du bassin sismique
et des marais fleuris au front d’une blessure
phoenix tiger beetle catalpa clear light
my word power of fire
my word breaking the cheeks of tombs of ashes of lanterns
my word that no chemistry could tame nor encompass
hands of milk without words without loincloth—dragon of the thaw
my great desire savage naked black sagacious and brown.
(Pause).
phénix cicindelle catalpa lumière claire
ma parole puissance de feu
ma parole brisant la joue des tombes des cendres des lanternes
ma parole qu’aucune chimie ne saurait apprivoiser ni ceindre
mains de lait sans paroles sans pagne – le dragon du dégel
mon grand désir sauvage nu noir sagace et brun.
(Pause)
Ho ho
Their power is well anchored
Acquired
Required
My hands bathe in heaths of clairin*. In paddies of roucou*.
And I have my calabash of pregnant stars. But I am weak. Oh I am weak.
Help me.
Ho ho
Leur puissance est bien ancrée
Acquis
Requis
Mes mains baignent dans des bruyères de clairin. Dans des rizières de roucou.
Et j’ai ma calebasse d’étoiles grosses. Mais je suis faible. Oh je suis faible.
Aidez-moi.
And behold I find myself in the stream of metamorphosis
drowned blinded
afraid of myself, frightened by myself
Gods . . . you are not gods. I am free.
Your voices merely cast back at me the stone of my own voice
Your eyes merely envelope me with my own flames
Your throwing knives whistling about my head burst
Et voici je me retrouve au fil de la métamorphose
noyé aveuglé
apeuré de moi-même, effrayé de moi-même
Des dieux… vous n’êtes pas des dieux. Je suis libre.
Vos voix ne me jettent que la pierre de ma propre voix
Vos yeux ne m’enveloppent que
de mes propres flammes
Vos couteaux de jet qui sifflent autour de ma tête jaillissent
from the cactus thicket of my poisoned blood
That’s alright. The willows are forming prairies of rusty crotons
Poinsettias surround me and disgorge in the bile of their leaves?the red
dagger of remembrance
and behold the girls joining in
and behold the girls of fire
the chanterelles of hell
du fourré de cactus de mon sang empoisonné
C’est égal. Les saules font des prairies de crotons rouillés
Les poinsettias m’entourent et dégorgent dans la bile de leurs feuilles
le poignard
rouge du souvenir
et voici les filles qui s’en mêlent
les voici les filles du feu
les chanterelles de l’enfer
red satin butterflies with wings more sonorous than speech or night
their buttocks sweep the night with their floodlights
the flamethrowers set fire to the brush of their breasts
of their loins
of their thighs of brown milk of black honey of red honey
Hi ho love daddy
les papillons de satin rouge aux ailes plus sonores que la parole et que la nuit
leurs fesses balaient la nuit de leurs projecteurs
les lance-flammes mettent le feu à la brousse de leurs seins
de leurs reins
de leurs cuisses de lait brun de miel noir de miel rouge
He ho papa l’amour
light light the fire
light the fire with your red limbs
The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 23