there are days bitter to my lips and the falling mango falls lugubriously and the flowers resemble women buried alive who answer more and more feebly, but today I am at peace and the filao* signals to me and the sea smiles at me with all its dimples and each and every manchineel duplicates and suicidally severs itself from the propitious olive.
day of trial I welcome you.
((Pause).
il est des jours amers à ma lèvre et le mangot qui tombe tombe lugubrement et les fleurs ressemblent à des ensevelies qui répondent de plus en plus faiblement, mais aujourd’hui je suis en paix et le filao me fait des signes et la mer me sourit de toutes ses fossettes et chaque mancenillier se double et se suicide de l’olivier propice.
jour de l’épreuve soyez le bienvenu.
(Pause).
Well then, here you are, worthy messenger of the master race.
having sniffed out the scent of nearby treasure our masters full of flair have delegated you to hear the revelation of our little secrets. . . very well. . . no civet cat tracks the gazelle any faster.
(Pause).
Hé, bien te voilà digne messager de la race supérieure.
pleins de flair ayant humé l’odeur du trésor proche nos maîtres t’ont délégué pour ouïr la révélation de nos petits secrets… c’est très bien… la civette n’accourt pas plus vite sur les pas de la gazelle.
(Pause).
swallow your message
I want to die here
alone
hey don’t pull a long face
I know your message. . .
my freedom right?
ravale ton message
je veux mourir ici
seul
tiens ne fais pas cette tête-là
je le connais ton message…
ma liberté n’est-ce pas ?
but the colonist the legitimate owner of the cane sugar the clairin the cocoa bean and the coffee
will display at the four corners of our weariness his mug of table of contents and requiescat
and he will impregnate our black women with little mulatto girls
quite tranquilly
right?
and then this too
(Parodically).
mais le colon le légitime du sucre de canne du clairin de la fève de cacao et de café
dressera aux quatre coins de notre lassitude sa gueule de table de matières et de requiescat
et il fera à nos négresses des mulâtresses
en paix c’est ça
hein ?
et puis encore ceci
(Parodique).
lazy bastards, back to work,
if you don’t do it pronto woe is you. . .
anolis will suck on the soles of your feet . . . menfenils* will eat your liver . . . tafia will make termites hatch in your throat . . . wasps will nest in your eyes . . . and when you die (from ugly fat and idleness), you bad niggers will be condemned to plant cane and hoe on the moon where there isn’t any breadfruit. . . Well that’s it . . . it’s understood that we’ll have the patience of termites and, to show we’re polite, the politeness of crabs that scuttle aside when you give them a kick in the snout, we’ll have the docility of the stars, the docility of ticks that burst under the heel of the clouds.
(Raving).
bandes de salauds, reprenez le travail,
si vous ne vous exécutez pas presto le malheur est sur vous…
les anolis vous suceront la plante des pieds… les menfenils vous mangeront le foie… le tafia vous fera naître des termites dans la gorge… dans vos yeux nicheront les guêpes… et quand vous mourrez (de mauvaise graisse et de fainéantise), vous serez mauvais nègres condamnés à planter de la canne et à sarcler dans la lune où il n’y a pas d’arbre à pain… Eh bien c’est ça… entendu nous aurons la patience des termites, pour gentillesse, la gentillesse des crabes qui reculent quand on leur donne un coup de pied sur le museau, pour docilité celle des étoiles, celle des tiques qui éclatent sous le talon des nuages.
(Délirant).
Oh leave me, leave me alone. I want to be smaller than a moan of cloud-eyed albizzia . . . more secretive than the cornularia* at the bottom of the seas, lighter than the plumaria* of the depths.
Oh, laissez-moi. laissez-moi. je veux être plus petit qu’un gémissement d’albizzia nué d’yeux… plus secret que la cornulaire au fond des mers, plus léger que la plumaria des profondeurs.
what do you want of me? why harass me? it’s true you don’t know who I am. Look at the elegance of my arms the delicacy of my hands. So much the worse for me if I am not at the bottom of the seas beneath the face of the drowned beneath the face of the sun the simple and perfect brittle star.
(Hatefully).
que me voulez-vous ? pourquoi s’acharner sur moi ? c’est vrai vous ne savez pas qui je suis. Regardez l’élégance de mes bras la finesse de mes mains. Zut pour moi si je ne suis pas au fond des mers sous la face des noyés sous la face du soleil la simple et parfaite ophiure.
(Haineux).
So then, get the hell out I mean not on your life . . . that’s that. . .
you understand . . . I thought so . . . one is better off alone after all. . .
and no hard feelings eh. . . and I shall utter the great black scream so forcefully that the foundations of the world will tremble.
(The messenger backs off stage).
Eh, bien, fous le camp je veux dire tu repasseras demain… c’est ça…
tu as compris… j’en étais sûr… on est tout de même mieux seul…
et sans rancune hein… et je pousserai d’une telle raideur le grand cri nègre que les assises du monde en seront ébranlées.
(Le messager sort à reculons).
NARRATRESS
I say that this country is an ulcer
LA RÉCITANTE
je dis que ce pays est un ulcère
NARRATOR
I say that this land burns
LE RÉCITANT
je dis que cette terre brûle
NARRATRESS
beware: a curse on whoever brushes the resin of this country with his hand
LA RÉCITANTE
j’avertis : malheur à qui frôle de la main la résine de ce pays
NARRATOR
I say that this country is a monstrous devourer
LE RÉCITANT
je dis que ce pays monstrueusement dévore
NARRATRESS
this country is cursed
this country, a mouth of emptying clamoring, yawns after spitting out the hookworm Cuba
LA RÉCITANTE
ce pays est maudit
ce pays bâille ayant craché l’ankylostome Cuba, une bouche de clameurs vides
NARRATOR
this country bites: open mouth of a fire pit convergence of fiery fangs on the rump of evil America.
LE RÉCITANT
ce pays mord : bouche ouverte d’une gorge de feu convergence de crocs de feu sur la croupe de l’Amérique mauvaise.
NARRATRESS
at the edge of skittering tides I walk on the water of turning springtimes and I perceive my sentry eyes very high above. foolproof insomnia grows like a disobedience along the free time of the amphora woman, water bearer, water bearer tempest of seeds, kettle.
LA RÉCITANTE
en marge des marées sautillantes je marche sur l’eau des printemps tournants et j’aperçois très haut mes yeux de sentinelles. l’insomnie à toute épreuve grandit comme une désobéissance le long des tempes libres de la femme à l’amphore, verseau, verseau tempête de germes, bouilloire.
THE REBEL
with my hands I disentangle my thoughts that are lianas without contracture, and I hail my total brotherhood.
Rivers thrust into my flesh their squirrel-monkey snouts
forests grow in the mangroves of my muscles
the breakers of my blood sing in the keys,
I close my eyes
LE REBELLE
je démêle avec mes mains mes pensées
qui sont des lianes sans contractures, et je salue ma fraternité totale.
Les fleuves enfoncent dans ma chair leur museau de sagouin
des forêts poussent aux mangles de mes muscles
les vagues de mon sang chantent aux cayes,
je ferme les yeux
all my riches beneath my hands
all my swamps
all my volcanoes
my rivers hang from my neck like serpents and precious chains
toutes mes richesses sous mes mains
tous mes marécages
tous mes volcans
mes rivières pendent à mon cou comme des serpents et des chaînes précieuses
NARRATOR
He is risen in the roar of the river . . . from the golden river a hundred warriors hurl a hundred assegais at him . . . his chest is lunate with scars.
RÉCITANT
Il est debout dans le grondement du fleuve… de la rive d’or cent guerriers lui lancent un cent de sagaies… sa poitrine est lunée de cicatrices.
NARRATRESS
It is the day of the trial
the rebel is naked. the woven straw buckler is in his left hand . . .
he stops, he crawls . . . he kneels motionless on the ground . . . his torso has crumbled like a wall. his assegai is raised. . .
(At this point a medieval African cortege pours out onto the stage: a magnificent reconstruction of the ancient civilizations of Benin and Gao).
LA RÉCITANTE
C’est le jour de l’épreuve
le rebelle est nu. le bouclier de paille tressée est à sa main gauche…
il s’arrête, il rampe… il s’immobilise un genou en terre… le torse est renversé comme une muraille. la sagaie est levée…
(À ce moment un cortège du moyen âge africain envahit la scène : magnifique reconstruction des anciennes civilisations du Bénin et du Gao).
FIRST TEMPTER’S VOICE
My voice rustles silken words
my voice breathes umbellate plumes
my seasonless voice among the basins scoops out
a thousand harmonious dreams
my eyelash voice sharpens to perfection a thousand triumphant insects
my voice is a beautiful bird flamboyant with gold
with muslin with heavens with desire without ostentation
my humid voices roll rivulets of frightless doves over pebbles of jasper and ecbatana*. . .
PREMIÈRE VOIX TENTATRICE
Ma voix froisse des mots de soie
ma voix souffle en ombelle des panaches
ma voix sans saison d’entre les vasques creuse
mille songes harmonieux
ma voix de cils aiguise juste mille insectes triomphants
ma voix est un bel oiseau flamboyant d’or
de mousseline de ciel de désir sans parade
mes voix humides roulent des ruisseaux de colombes sans effroi sur des galets de jaspe et d’ecbatane…
THE REBEL
Who is the cached woman who pierces me with gold and silver and besieges me with dangers of unknown caresses?
LE REBELLE
Quelle est la cachée qui me traverse d’or et d’argent et m’assiège de dangers de caresses inconnues ?
NARRATOR
I have questioned the sacred dice. I say that there resides in you a royal being sleeping on a narrow bed.
LE RÉCITANT
j’ai interrogé les dés sacrés. je dis qu’il habite en toi un être royal sommeillant sur un lit étroit.
THE REBEL
I say that we have struck a new sound on the world bell by ringing three golden words. . .
LE REBELLE
je dis que nous avons cloché un branle nouveau au monde en heurtant trois mots d’or…
FIRST TEMPTER’S VOICE
Ha, Ha, Ha, words nothing but words: do you want money? titles? land? King . . . that’s it . . . you shall be king . . . I swear that you shall be king.
PREMIÈRE VOIX TENTATRICE
Ha, Ha, Ha, des mots rien que des mots : veux-tu de l’argent ? des titres ? de la terre ? Roi… c’est ça… tu seras roi… je jure que tu seras roi.
THE REBEL
I pull out one foot
Oh I pull out the other foot
without insulting me with promises let me unstick myself from the carrion and the mud. . .
LE REBELLE
je tire un pied
Oh je tire l’autre pied
laissez-moi sans m’insulter de promesses me dégluer de la charogne et de la boue…
SECOND TEMPTER’S VOICE
. . .a king what an adventure. And it is true that there is something in you that has never been able to submit, an anger, a desire, a sadness, an impatience, a scorn finally, a violence . . . and behold your veins carry not mud but gold, not servitude but pride. King you were in times past King.
DEUXIÈME VOIX TENTATRICE
… un roi quelle aventure. Et c’est vrai qu’il y a quelque chose en toi qui n’a jamais pu se soumettre, une colère, un désir, une tristesse, une impatience, un mépris enfin, une violence… et voilà tes veines charrient de l’or non de la boue, de l’orgueil non de la servitude. Roi tu as été Roi jadis.
THE REBEL
Nocturnal feast
the cloven houses pay out their abstract cup of fer-de-lance*
serpents and rose windows
cities leap like sheep infected with vomito negro*
the swollen river struts like a peacock
on the broken dike
Fête de nuit
les maisons fendues filent leur coupe abstraite de serpents
fer de lance et de rosace
les villes sautent comme les moutons du vomito-negro
le fleuve grossi fait le paon
sur la digue rompue
windows open on forever
stop the torture paradise cruiser blocked by turbations*
on the seashore a countryside of rum and contraband
redoubles with nested suns
the smooth fever of the days
des fenêtres s’ouvrent sur toujours
cessez la torture croisière des paradis barrés de turbations
au bord de la mer une campagne de rhum et de contrebande
dédouble de soleils nichés
la fièvre lisse des jours.
CHORUS
Bornu*, Sokoto* Benin* and Dahomey* Sikasso*
Sikasso
I sound the assembly: skies and breasts, mists and pearls, golden key sowings.
LE CHŒUR
Bornou, Sokoto Bénin et Dahomey Sikasso
Sikasso
je sonne le rassemblement : ciels et seins, bruines et perles, semailles clefs d’or.
THE REBEL
Martinique Jamaica
all the mirages and all the lampornis*
cannot make ring out of sleepy oblivion
the gunshot the wasted blood the song of steel
fraternal abysses of Jericho* roses
LE REBELLE
Martinique Jamaïque
tous les mirages et tous les lampornis
ne peuvent faire sonner d’oubli dormant
le coup de feu le sang gâché le chant d’acier
abîmes fraternels des roses de Jéricho
CHORUS
You will not escape your law which is a law of domination
LE CHŒUR
Tu n’échapperas pas à ta loi qui est une loi de domination
THE REBEL
My law is to hunt from an unbroken chain to the fiery confluence that volatilizes me purifies me and ignites me with my amalgamated golden prism
LE REBELLE
Ma loi est que je courre d’une chaîne sans cassure jusqu’au confluent de feu qui me volatilise qui m’épure et m’incendie de mon prisme d’or amalgamé
CHORUS
taste of ruins; funereal kiss; the moon is on the wane, the King goes into hiding.
LE CHŒUR
goût des ruines ; bai
ser funèbre ; la lune décroît, le Roi se cache.
THE REBEL
I will not be the grain of perfume in which the countless sacrifices of disarmed roses are summed up and celebrated
LE REBELLE
Je ne veux pas être le grain de parfum où se résume et se fête l’innombrable sacrifice des roses désarmées
NARRATOR
You will perish
LE RÉCITANT
Tu périras
NARRATRESS
Alas you will perish
LA RÉCITANTE
Hélas tu périras
THE REBEL
Well then, I shall perish. But naked. Intact.
My hand in my own hand, my foot on the ground,
what is this dark crumbling toward the sunset on the point of drowned men and bow nets?
the world assassinated by circumlocution, caught in the net of its own parentheses, is sinking.
Naked like the water
LE REBELLE
Hé, bien, je périrai. Mais nu. Intact.
Ma main dans ma main, mon pied sur le sol,
quel est en passe de noyés et de nasses ce sombre écroulement vers le couchant ?
le monde assassiné d’ambages, pris dans le filet de ses propres parenthèses, coule.
Nu comme l’eau
naked like the unicorn gaze of noon
like the scream and the bite
I clarify the low vapors
the world without recognition and without ingratitude
where thought is unequivocally a butterfly-heart flower
nu comme le regard unicorne de midi
comme le cri et la morsure
j’éclaircis de basses buées
le monde sans reconnaissance et sans ingratitude
où la pensée est sans équivoque une fleur au cœur de papillon
The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 25