The Complete Poetry of Aimé Césaire

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The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 35

by Césaire, Aimé; Eshleman, Clayton; Arnold, A. James


  aveugle paon magique et frais

  aux mains d’arches d’éprouvettes

  futile éclipse de l’espace

  The Wheel

  La roue

  The wheel is man’s most beautiful and sole discovery

  there is the sun that turns

  there is the earth that turns

  there is your face turning on the axle of your neck when you weep but you minutes won’t you wind on the spindle for living the lapped up blood

  the art of suffering sharpened like tree stumps by the knives of winter

  La roue est la plus belle découverte de l’homme et la seule

  il y a le soleil qui tourne

  il y a la terre qui tourne

  il y a ton visage qui tourne sur l’essieu de ton cou quand tu pleures mais vous minutes n’enroulerez-vous pas sur la bobine à vivre le sang lapé

  l’art de souffrir aiguisé comme des moignons d’arbre par les couteaux de l’hiver

  the doe intoxicated from not drinking

  that on the unexpected well curb presents me with your

  face of a dismasted schooner

  your face

  like a village asleep at the bottom of a lake

  and which is reborn to daylight from the grass and from the year

  germinates

  la biche saoule de ne pas boire

  qui me pose sur la margelle inattendue ton

  visage de goélette démâtée

  ton visage

  comme un village endormi au fond d’un lac

  et qui renaît au jour de l’herbe et de l’année

  germe

  Calm

  Calme

  Time shall of course be void of sin

  gates shall buckle under the assault of waters

  orchids shall push their sweet violent torture-victim heads through the openwork that words form two by two

  lianas shall dispatch from the depth of their vigils a luminous battery of leeches whose embrace shall have the irresistible force of perfumes

  from each grain of sand a bird shall be born

  Le temps bien sûr nul du péché

  les portes céderont sous l’assaut des eaux

  les orchidées pousseront leur douce tête violente de torturé à travers la claire-voie que deux à deux font les paroles

  les lianes dépêcheront du fond de leurs veilles une claire batterie de sangsues dont l’embrassade sera de la force irrésistible des parfums

  from each simple flower a scorpion shall emerge (everything being compound)

  the droseras’ trumpets shall blast to mark the hour for abdicating my thick needle-implanted lips in favor of the flexible armature of future aloes

  the emission of naïve flesh around pain shall be generalized outside of any relationship with the bivalvular incursion of cestodes

  de chaque grain de sable naîtra un oiseau

  de chaque fleur simple sortira un scorpion (tout étant recomposé) les trompettes les droseras éclateront pour marquer l’heure où abdiquer mes épaisses lèvres plantées d’aiguilles en faveur de l’armature flexible des futurs aloès

  l’émission de chair naïve autour de la douleur sera généralisée hors de tout rapport avec l’incursion bivalve des cestodes

  while the swallows born of my saliva shall agglutinate with the algae carried by the waves that rise from you

  the bloody myth of a never murmured moment

  on the platforms of the towers* of silence the vultures shall take flight, in their beaks shreds of old flesh too uncalm for our skeletons

  cependant que les hirondelles nées de ma salive agglutineront avec les algues apportées par les vagues qui montent de toi

  le mythe sanglant d’une minute jamais murmurée

  aux étages des tours du silence les vautours s’envoleront avec au bec des lambeaux de la vieille chair trop peu calme pour nos squelettes

  New Year

  An neuf

  Out of their torments men carved a flower that they perched on the high plateaus of their faces

  hunger makes a canopy for them

  an image dissolves in their last tear

  they drank foam-rhythmed monsters

  to the point of ferocious horror

  Les hommes ont taillé dans leurs tourments une fleur qu’ils ont juchée sur les hauts plateaux de leur face

  la faim leur fait un dais

  une image se dissout dans leur dernière larme

  ils ont bu jusqu’à l’horreur féroce

  les monstres rythmés par les écumes

  In those days

  there was an

  unforgettable

  metamorphosis

  En ce temps-là

  il y eut une

  inoubliable

  métamorphose

  on their hooves horses were kicking a bit of dream

  fat fiery clouds filled out like mushrooms

  all over the public squares

  there was a marvelous pestilence

  on the sidewalks the faintest streetlamps were rotating their lighthouse heads

  as for the anophelic future in the gardens it was hissing a scorching vapor

  les chevaux ruaient un peu de rêve sur leurs sabots

  de gros nuages d’incendie s’arrondirent en champignon

  sur toutes les places publiques

  ce fut une peste merveilleuse

  sur le trottoir les moindres réverbères tournaient leur tête de phare

  quant à l’avenir anophèle vapeur brûlante il sifflait dans les jardins

  In those days

  the word shower

  and the word friable soil

  the word dawn

  and the word woodchips

  conspired for the first time

  En ce temps-là

  le mot ondée

  et le mot sol meuble

  le mot aube

  et le mot copeaux

  conspirèrent pour la première fois

  Forests were born in the Borinage

  and barges on the canals of the air

  and from the red saltpeter of those wounded on the pavement

  were born arums beyond young girls

  Des forêts naquirent aux borinages

  et des péniches sur les canaux de l’air

  et du salpêtre rouge des blessés sur le pavé

  il naquit des arums au-delà des fillettes

  That was the year when the seeds of humankind chose within man the tender approach of a new heart

  Ce fut l’année où les germes de l’homme se choisirent dans l’homme le tendre pas d’un cœur nouveau

  Ex-Voto for a Shipwreck

  Ex-voto pour un naufrage

  Hélé helélé the King is a great king

  let his majesty deign to look up my anus to see if it contains diamonds

  let his majesty deign to explore my mouth to see how many carats it contains

  laugh tom-tom

  laugh tom-tom

  I carry the king’s litter

  I roll out the king’s carpet

  Hélé helélé le Roi est un grand roi

  que sa majesté daigne regarder dans mon anus pour voir s’il contient des diamants

  que sa majesté daigne explorer ma bouche pour voir combien elle contient de carats

  tam-tam ris

  tam-tam ris

  je porte la litière du roi

  j’étends le tapis du roi

  I am the king’s carpet

  I carry the king’s scrofula

  I am the king’s parasol

  laugh laugh tom-toms of the kraals

  tom-toms of the mines laughing beneath their cape

  sacred tom-toms laughing about your rat and hyena teeth under the very nose of the missionaries

  tom-toms of salvation who don’t give a damn about all the salvation armies

  je suis le tapis du roi

  je porte les écrouelles du roi

  je suis le parasol du roi

 
riez riez tam-tams des kraals

  tam-tams des mines qui riez sous cape

  tam-tams sacrés qui riez à la barbe des missionnaires de vos dents de rat et d’hyène

  tam-tams de salut qui vous foutez de toutes les armées du salut

  tom-toms of the forest

  tom-toms of the desert

  black still virginal muttered by each stone

  unbeknownst to the disaster—my fever

  weep tom-tom

  weep tom-tom

  soft tom-tom

  soft tom-tom

  tam-tams de la forêt

  tam-tams du désert

  noire encore vierge que chaque pierre murmure

  à l’insu du désastre – ma fièvre

  tam-tam pleure

  tam-tam pleure

  tam-tam bas

  tam-tam bas

  burned down to the impetuous silence of our shoreless tears

  soft tom-tom

  softer still substantial ear

  (red ears—ears—distantly the rapid fatigue)

  soft tom-tom

  roll soft no faster than a log for distant ears

  without utterance without purpose without star

  brûlé jusqu’au fougueux silence de nos pleurs sans rivage

  tam-tam bas

  plus bas oreille considérable

  (les oreilles rouges – les oreilles – loin ont la fatigue vite)

  tam-tam bas

  roulez bas rien qu’un temps de bille pour les oreilles loin

  sans parole sans fin sans astre

  the pure carbon duration of our endless major pangs

  roll roll deep roll soft tom-toms speechless deliriums russet lions without manes processions of thirst stench of the backwaters at night

  tom-toms that protect my three souls my brain my heart my liver

  le pur temps de charbon de nos longues affres majeures

  roulez roulez lourds roulez bas tam-tams délires sans vocable lions roux sans crinière défilés de la soif puanteurs des marigots le soir

  tam-tams qui protégez mes trois âmes mon cerveau mon cœur mon foie

  harsh tom-toms that maintain on high my dwelling

  of water of wind of iodine of stars

  over the blasted rock of my black head

  and you brother tom-tom for whom sometimes all day long I keep a word now hot now cool in my mouth like the little-known taste of vengeance

  tam-tams durs qui très haut maintenez ma demeure

  d’eau de vent d’iode d’étoiles

  sur le roc foudroyé de ma tête noire

  et toi tam-tam frère pour qui il m’arrive de garder tout le long du jour un mot tour à tour chaud et frais dans ma bouche comme le goût peu connu de la vengeance

  tom-toms of kalahari

  tom-toms of Good Hope capping the cape with your threats

  O tom-tom of Zululand

  Tom-tom of Shaka*

  tom tom tom

  tom tom tom

  tam-tams de kalaari

  tam-tams de Bonne-Espérance qui coiffez le cap de vos menaces

  Ô tam-tam du Zululand

  Tam-tam de Chaka

  tam tam tam

  tam tam tam

  King our mountains are mares in heat caught in the full convulsion of bad blood

  King our plains are rivers vexed by the rotting provisions drifting in from the sea and from your caravels

  King our stones are lamps burning with a dragon widow hope

  Roi nos montagnes sont des cavales en rut saisies en pleine convulsion de mauvais sang

  Roi nos plaines sont des rivières qu’impatientent les fournitures de pourritures montées de la mer et de vos caravelles

  Roi nos pierres sont des lampes ardentes d’une espérance veuve de dragon

  King our trees are the unfurled shape taken by a flame too big for our hearts too weak for a dungeon

  Laugh laugh then tom-toms of Kaffirland

  like the scorpion’s beautiful question mark

  Roi nos arbres sont la forme déployée que prend une flamme trop grosse pour notre cœur trop faible pour un donjon

  Riez riez donc tam-tams de Cafrerie

  comme le beau point d’interrogation du scorpion

  drawn in pollen on the canvas of the sky and of our brains at midnight

  like the shiver of a sea reptile charmed by the anticipation of bad weather

  of the little upside-down laugh of the sea in the sunken ship’s gorgeous portholes

  dessiné au pollen sur le tableau du ciel et de nos cervelles à minuit

  comme un frisson de reptile marin charmé par la pensée du mauvais temps

  du petit rire renversé de la mer dans les hublots très beaux du naufrage

  All The Way from Akkad from Elam from Sumer

  Depuis Akkad depuis Elam depuis Sumer

  Master of the three paths, you have before you a man who has walked a lot.

  Master of the three paths, you have before you a man who has walked on his hands on his feet on his belly on his backside.

  Maître des trois chemins, tu as en face de toi un homme qui a beaucoup marché.

  Maître des trois chemins, tu as en face de toi un homme qui a marché sur les mains marché sur les pieds marché sur le ventre marché sur le cul.

  All the way from Elam. From Akkad. From Sumer.

  Master of the three paths, you have before you a man who has carried a lot.

  And truly my friends I have carried I have carried all the way from Elam, from Akkad, from Sumer.

  Depuis Elam. Depuis Akkad. Depuis Sumer.

  Maître des trois chemins, tu as en face de toi un homme qui a beaucoup porté.

  Et de vrai mes amis j’ai porté j’ai porté depuis Elam, depuis Akkad, depuis Sumer.

  I have carried the commandant’s body. I have carried the commandant’s railroad. I have carried the commandant’s locomotive, the commandant’s cotton. I have carried on my nappy head that gets along just fine without a little cushion God, the machine, the road—the commandant’s God.

  J’ai porté le corps du commandant. J’ai porté le chemin de fer du commandant. J’ai porté la locomotive du commandant le coton du commandant. J’ai porté sur ma tête laineuse qui se passe si bien de coussinet Dieu, la machine, la route – le Dieu du commandant.

  Master of the three paths I have carried under the sun, I have carried in the mist I have carried over the ember shards of legionary ants. I have carried the parasol I have carried the explosives I have carried the carcan and as on the shores of the Nile you see in the soft mud the just foot of the ibis I have left everywhere on the banks on the mountains on the shores the gri-gri of my carcan feet.

  Maître des trois chemins j’ai porté sous le soleil, j’ai porté dans le brouillard j’ai porté sur les tessons de braise des fourmis manians. J’ai porte le parasol j’ai porté l’explosif j’ai porté le carcan et comme sur les rives du Nil on voit dans la vase molle le pied juste de l’ibis j’ai laissé partout sur les berges sur les montagnes sur les rivages le grigri de mes pieds à carcans.

  All the way from Akkad. From Elam. From Sumer.

  Master of the three paths, Master of the three channels, may it please you for once—the first time since Akkad since Elam since Sumer—my muzzle apparently more tanned than the calluses on my feet but in reality softer than the crow’s scrupulous beak and as if draped supernaturally in bitter folds provided by my borrowed gray skin (a livery men force onto me every winter)—that I may advance through the dead leaves with my little sorcerer steps

  Depuis Akkad. Depuis Elam. Depuis Sumer.

  Maître des trois chemins. Maîtres des trois rigoles plaise que pour une fois – la première depuis Akkad depuis Elam depuis Sumer – le museau plus tanné apparemment que le cal de mes pieds mais en réalité plus doux que le bec minutieux du corbeau et comme drapé surnaturellement des plus amers que me fait ma grise peau d’emprunt (livrée que les hommes m’imposent chaque hiver) j’avance à travers les fe
uilles mortes de mon petit pas sorcier

  toward where the inexhaustible injunction of men thrown to the knotted sneers of the hurricane threatens triumphantly. All the way from Elam from Akkad from Sumer.

  vers là où menace triomphalement l’inépuisable injonction des hommes jetés aux ricanements noueux de l’ouragan. Depuis Elam depuis Akkad depuis Sumer.

  To the Serpent

  Au serpent

  I have had occasion in the bewilderment of cities to search for the right animal to adore. So I worked my way back to the first times. Undoing cycles untying knots crushing plots removing covers killing my hostages I searched.

  Il m’est arrivé dans l’effarement des villes de chercher quel animal adorer. Alors je remontais aux temps premiers. En défaisant les cycles en délaçant les nœuds en brisant les intrigues en enlevant les couvertures en tuant mes otages je cherchais.

  Pryer. Tapir. Uprooter.

  Where where where the animal who warned me of floods

  Where where where the bird who led me to honey

  Where where where the bird who revealed to me the fountainheads

  Fouineur. Tapir. Déracineur.

  Où où où l’animal qui m’avertissait des crues

  Où où où l’oiseau qui me guidait au miel

  Où où où l’oiseau qui me divulguait les sources

  the memory of great alliances betrayed great friendships lost through our fault exalted me

  Where where where

  Where where where

  The word made vulgar to me

  le souvenir de grandes alliances trahies de grandes amitiés perdues par notre faute m’exaltait

  Où où où

  Où où où

  La parole me fut vulgaire

  O serpent sumptuous back do you enclose in your sinuous lash the powerful soul of my grandfather?

 

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