Surrealist, Lover, Resistant

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Surrealist, Lover, Resistant Page 13

by Robert Desnos


  Cependant que le flot ronge le coaltar

  Au flanc des bâtiments Qu’apparaisse l’aurore

  où les ancres levées aux sanglots des sirènes

  Tous ces bateaux prendront la mer en liberté

  Qu’ils soient croiseurs chaluts ou trafiquants d’ébène

  ou frégate fantôme aux ordres d’Astarté

  Mais je crains qu’à leurs proues les moules par milliers

  Ne se fixent avant leur départ vers les rades

  où l’anneau les attend aux pierres des piliers

  où l’on boit le tafia avec les camarades

  Que m’importe après tout le sort des matelots

  Qu’ils crèvent que le port durant dix quarantaines

  Soit affamé tant pis pour le méli-mélo

  Tant pis pour les marins et pour les capitaines

  Mais au gré des courants flotte la cargaison

  La vague la balance et le cap la repousse

  La glace et le soleil au gré de la saison

  Font péter les caissons où s’accroche la mousse

  Où flottent maintenant le poivre et la cannelle

  Le café la confiture et les bois précieux

  Où sont les essences de fleurs et les flanelles

  Les barriques de vin la soie brodée de dieux

  Quels poissons ont mangé les viandes et le pain

  Et les médicaments et les clous de girofle

  La saumure a rempli la gourde des copains

  Des épaves se sont échouées au bord des golfes

  Mais là n’est pas la mer avec tous ses cadavres

  Avec ses tourbillons ses huiles et ses laines

  Ses continents déserts ses récifs et ses havres

  Ses poissons ses oiseaux ses vents et ses baleines

  Non ce n’est pas la mer ni l’eau ni le ressac

  Ni l’horizon que brise une explosion d’étoiles

  Ni même un naufrageur qui repêche des sacs

  ni la reprise mystérieuse sur la voile

  La mer ce n’est pas même un miroir sans visage

  Un terme de comparaison pour les rêveurs

  Un sujet de pensées pour l’engeance des sages

  Pas même un lavoir propre à noyer les laveurs

  Ce n’est pas un grimoire où dorment des secrets

  Une mine à trésor une femme amoureuse

  Une tombe où cacher la haine et les regrets

  Une coupe où vider l’Amazone et la Meuse

  Non la mer c’est la nuit qui dort pendant le jour

  C’est un écrin pillé c’est une horloge brève

  Non pas même cela ni la mort ni l’amour

  La mer n’existe pas car la mer n’est qu’un rêve

  Et moi qui l’appelais à l’assaut de la digue

  je reste au pied des rocs jonchés de goémon

  Tandis que le soleil ouvert comme une figue

  saigne sur les tourteaux errant dans le limon

  Jamais plus la tempête en sapant les falaises

  N’abîmera la ville d’Ys les icebergs

  Ne dériveront plus à moins qu’il ne me plaise

  De recréer les flots les voiles et les vergues

  Déjà sentant la mort et la teinture d’iode

  Dans la putréfaction qui comblera les mares

  Une flore nouvelle apparaît comme une ode

  Vers le ciel impalpable où s’éteignent les phares

  De Marenne à Cancale

  y a un long chemin

  L’ai fait à fond de cale

  Sur un lit de jasmin

  De Marenne à Cancale

  y a de bons marins

  Des solides des mâles

  Et cinq doigts à leurs mains

  De Marenne à Cancale

  y a du sable fin

  y a du vent qui hâle

  La gueule des gamins

  De Marenne à Cancale

  y a morts et vivants

  Des moribonds qui râlent

  Du soleil et du vent

  De Marenne à Cancale

  On boit beaucoup de vin

  Qui donc qui nous régale

  Tout le long du chemin

  De Marenne à Cancale

  Vogue un fameux lapin

  Un fier luron sans gale

  Qui saoula les marins

  Où donc est ma négresse

  Dit le premier marin

  On fit avec sa graisse

  Quatre grands cierges fins

  Découpée charcutée

  On l’a mise en un four

  Les moines l’ont mangée

  Pendant quarante jours

  Où donc est ma gonzesse

  Dit le second marin

  L’est encore à la messe

  à prier tous les saints

  Je lui ferai connaître

  Mon saint Jean mon saint Louis

  Car suis-je ou non le maître

  Dans ce sacré bouis-bouis

  Où donc le gui Madame

  Dit le dernier marin

  qui n’avait pas de femme

  Et pas de bague aux mains

  Le gui le gui silence

  vous reviendrez un jour

  à l’heure de la danse

  Chanter au gui l’amour

  J’étais aveugle et je croyais qu’il faisait nuit

  Est-ce bien toi que je nommais la ténébreuse

  Ô nuit sonore et lumineuse quand s’enfuit

  L’aigle du cauchemar aimé des nébuleuses

  Byron voyageant en Espagne

  Habita longtemps à Tolède

  Il y rêvait dans la campagne

  aux plus belles et aux plus laides

  Il y fut aimé d’une folle

  Il fut aimé d’une espagnole

  Il fut aimé d’une espagnole

  La plus belle de la cité

  Mais près du lord la tendre folle

  Sentait son cœur la tourmenter

  Elle mourut d’amour la belle

  Comme on fermait la citadelle

  Comme on fermait la citadelle

  On l’emporta dans son linceul

  Et le lord en rêvant aux belles

  Derrière elle marchait tout seul

  Le long des rues le peuple en foule

  Regardait passer la dépouille

  Regardaient passer la dépouille

  Les lanceurs de malédictions

  Et les bigots au cœur de rouille

  Et les traîtres à leurs passions

  Mais le lord alors sans mot dire

  Marcha vers l’insulte et les rires

  Marcha vers l’insulte et les rires

  Le lord aux yeux lourds d’océans

  Devant lui reculaient les sbires

  Les toréros les paysans

  Il arriva devant les femmes

  Les Pepitas aux lourdes mammes

  Les Pepitas aux lourdes mammes

  Les gitanes aux noirs cheveux

  Les chanteuses les grandes dames

  Devant lui baissèrent les yeux

  Parvint devant les demoiselles

  Bravo Toro! dit la plus belle

  Bravo Toro! dit la plus belle

  Voici mon cœur voici mon corps

  Et voici mon amour fidèle

  Mes baisers et mes boucles d’or

  Byron fut aimé par deux folles

  Fut aimé par deux espagnoles

  Est-ce bien toi que je nommais la ténébreuse

  avec tes grands flambeaux brûlant au pied des monts

  Avec tes rues et tes parvis et fabuleuse

  La
dame de minuit l’amoureuse sans nom

  Son corps qu’eût dessiné en reliant des étoiles

  Sur la carte du ciel dans les constellations

  Un astronome de jadis son corps sans voile

  Est de ceux pour lesquels s’affrontaient les nations

  Dans les vergers du ciel faisant sa promenade

  Aux arbres sidéraux elle cueille les fruits

  Tandis que les soleils dressés en colonnades

  Sous leurs piliers de feu la voient marcher sans bruit

  Et le ciel à son tour relégué dans les fables

  Retrouve l’océan que je nie à jamais

  Les lunes en cristal s’échoueront sur le sable

  Où gît l’épave avec ses morts et ses agrès

  La peste les marins les étoiles les flots

  Les récifs et le bateau fantôme et la peste

  La voie lactée et les yeux miteux des hublots

  S’enliseront avec les statues au beau geste

  Quelle nuit en effet valut nos yeux fermés

  Quand visitant les jardins d’or de nos prunelles

  Nous écoutions monter l’océan alarmé

  Le flux de notre sang battant pour les cruelles.

  FLINT AND FIRE

  Tattered and holed plague-ridden and half-crazed

  The ship arrives in harbour On the beam

  Like guts hung from a belly it displays

  Its cargo an astonishment of sperm

  Whales At the masthead a black pennant floats

  Out of the way give way you sailing-boats

  The crew’s all dead and putrid in their berths

  Prey to a rot-faced plague that packs its scythe

  Just now at noon from some bureau of health

  The wondrous phthisic dancer with fake jewels

  Will sally forth to office-wallahs’ cheers

  The fire is crackling it’s too late too late

  The sky looks on as arms make semaphores

  Meanwhile the waves are gnawing at the tar

  On flanks of buildings Let the dawn appear

  Anchors be weighed as mermaids shed a tear

  These ships shall ride the waves at liberty

  Cruisers or trawlers traders in ivory

  Or phantom frigates of Astarte’s fleet

  A million whelks might batten on their hulls

  Before they sail to roads where bollards wait

  Mooring-quoits shipmates quaffing tafia rum

  What do I care about the sailors’ fate

  The captains too I say to hell with them

  And may the port starve through ten quarantines

  The cargo’s drifting at the currents’ whim

  Bounced by the headlands balanced by the waves

  The ice and sun according to the seasons

  Extract a farting noise from mossy caissons

  Where’s all the pepper floating the preserves

  Coffee and cinnamon wood chiselled fine

  The flower-essences and flannel stuffs

  Celestial brocades and casks of wine

  What fish have eaten up the meat and bread

  Washed down the medicines and sacks of cloves

  The brine is in the shipmates’ drinking-gourd

  The wrecks have run aground along the coves

  But that is not the sea with its cadavers

  With all its oils and wools and whirling squalls

  Its continents and deserts reefs and harbours

  Its fishes and its birds its winds and whales

  It’s not the sea the water nor the surf

  Nor the horizon bombed by stars that burned

  Nor yet the wrecker fishing up the stuff

  Nor canvas-breadths mysteriously darned

  The sea’s less than a glass without a face

  A dreamer’s object of comparison

  Theme to be pondered where the sages pace

  Less than a wash-house where the washers drown

  Not a black book where sleeping secrets lie

  A lady-love a miners’ treasure-hole

  A tomb to hide regrets and enmity

  The Amazon’s and Meuse’s draining-bowl

  No it’s the night that sleeps throughout the day

  A little clock a plundered jewel-chest

  Not even that not death not love the sea

  Is just a dream the sea does not exist

  And I who called on it to storm the wall

  Here on the seaweed-spattered rocks I stand

  Splayed like a fig the sun is dribbling all

  Its blood on turtles lost in soggy sand

  No more by sapping undercliffs the storm

  Shall damage Lyonesse and harm its walls

  No iceberg drift unless it be my whim

  To recreate the waves the stays the sails

  Odours of death and iodine arise

  From crammed and rotting swamps a novel flower

  Spreads like an ode towards unreal skies

  And the great lights are quenched in every tower

  From Marennes to Cancale

  A long voyage I made

  Deep down in the hold

  On a jessamine bed

  From Marennes to Cancale

  They are good the deckhands

  They are solid and male

  With five-fingered hands

  From Marennes to Cancale

  There is fine powder-sand

  Urchins’ faces are all

  Toasted brown by the wind

  From Marennes to Cancale

  They may croak moribund

  They may live they may fall

  In the sun and the wind

  From Marennes to Cancale

  We have wine to knock back

  But who pays for it all

  Down the length of the track

  From Marennes to Cancale

  A big thumper’s at large

  Jolly fellow no gall

  Fuddles all the jack-tars

  Where’s my lady of jet

  Number One sailor said

  They made out of her fat

  Four big candles instead

  She was cut into chunks

  In the oven to roast

  She was eaten by monks

  In a forty-day feast

  Where is my pretty lass

  Said the second deck-hand

  She is still at the mass

  Prays to saint after saint

  I shall run johnny past her

  And louis I will

  Well aren’t I the master

  In this blamed vaudeville

  Where’s the mistletoe Ma’am

  Said the mizen deckhand

  Had no mate on his arm

  Had no ring on his hand

  The mistletoe silence

  Back here you shall rove

  At the hour of the dance

  Sing your mistletoe love

  And I was blind and thought that it was night

  Are you the one I surnamed the obscure

  Loud shining night-time of the eagle’s flight

  From nightmare of the blurry nights’ allure

  Byron passed the Pyrenees

  Reached Toledo tarried there

  Dreamed amid the olive-trees

  Of the fair and not so fair

  He was loved by one insane

  Lady with no brain in Spain

  Lady with no brain in Spain

  Quite the fairest in the place

  Near milord the lass insane

  Felt her heart in turmoil race

  Then the beauty die
d of love

  Like a citadel sealed off

  Like a citadel sealed off

  She was carried in her shroud

  There alone but dreaming of

  Other beauties walked milord

  All the crowds along the way

  Watched the last remains go by

  Watched the last remains go by

  Men were hurling imprecations

  Rusty souls spat bigotry

  Some were traitors to their passions

  Through the jeers without a word

  Through the insults came milord

  Through the insults came milord

  Eyes of heavy ocean swell

  Constables and matadors

  Country bumpkins back they fell

  Till he reached the señoritas

  Massively endowed Pepitas

  Massively endowed Pepitas

  Duchesses and ditty-tweeters

  Raven-headed Romany

 

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