The Penguin Book of French Poetry
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Poème à crier dans les ruines
Tous deux crachons tous deux
Sur ce que nous avons aimé
Sur ce que nous avons aimé tous deux
Si tu veux car ceci tous deux
Est bien un air de valse et j’imagine
Ce qui passe entre nous de sombre et d’inégalable
Comme un dialogue de miroirs abandonnés
A la consigne quelque part Foligno peut-être
Ou l’Auvergne la Bourboule
Certains noms sont chargés d’un tonnerre lointain
Veux-tu crachons tous deux sur ces pays immenses
Où se promènent de petites automobiles de louage
Veux-tu car il faut que quelque chose encore
Quelque chose
Nous réunisse veux-tu crachons
Tous deux c’est une valse
Une espèce de sanglot commode
Crachons crachons de petites automobiles
Crachons c’est la consigne
Poem to Shout in the Ruins
Let’s both spit both of us On what we loved On what we both loved Shall we for this both of us Is truly a waltz melody and I imagine What passes between us that is dark and peerless Like a dialogue of mirrors abandoned In left luggage somewhere Foligno perhaps or the Auvergne at La Bourboule Certain names are charged with distant thunder Shall we let’s both spit on those vast countries Where little rented cars run around Shall we for it’s essential for something still Something To unite us let’s spit shall we Both of us it’s a waltz A sort of convenient sob Let’s spit let’s spit little cars Let’s spit that’s the
Une valse de miroirs
Un dialogue nulle part
Ecoute ces pays immenses où le vent
Pleure sur ce que nous avons aimé
L’un d’eux est un cheval qui s’accoude à la terre
L’autre un mort agitant un linge l’autre
La trace de tes pas Je me souviens d’un village désert
A l’épaule d’une montagne brÛlée
Je me souviens de ton épaule
Je me souviens de ton coude
Je me souviens de ton linge
Je me souviens de tes pas
Je me souviens d’une ville où il n’y a pas de cheval
Je me souviens de ton regard qui a brÛlé
Mon cœur désert un mort Mazeppa qu’un cheval
Emporte devant moi comme ce jour dans la montagne
L’ivresse précipitait ma course à travers les chênes martyrs
Qui saignaient prophétiquement tandis
Que le jour faiblissait sur des camions bleus
password A waltz of mirrors A dialogue nowhere Listen to those vast countries where the wind Weeps over what we loved One of them is a horse with its elbows on the ground Another a dead man waving linen another The trace of your footsteps I remember a deserted village On the shoulder of a scorched mountain I remember your shoulder I remember your elbow I remember your linen I remember your footsteps I remember a town where there is no horse I remember your gaze that scorched My deserted heart a dead man Mazeppa1 carried by a horse before me like that day in the mountains Drunkenness sped my trajectory through the martyred oaks That bled prophetically while The daylight faded over blue trucks
Je me souviens de tant de choses
De tant de soirs
De tant de chambres
De tant de marches
De tant de colères
De tant de haltes dans des lieux nuls
Où s’éveillait pourtant l’esprit du mystère pareil
Au cri d’un enfant aveugle dans une gare-frontière
Je me souviens
Je parle donc au passé Que l’on rie
Si le coeur vous en dit du son de mes paroles
Aima Fut Vint Caressa
Attendit Epia les escaliers qui craquèrent
O violences violences je suis un homme hanté
Attendit attendit puits profonds
J’ai cru mourir d’attendre
Le silence taillait des crayons dans la rue
I remember so many things So many evenings So many bedrooms So many walks So many angers So many halts in worthless places Where nevertheless awakened the spirit of mystery Like the cry of a blind child in a frontier station I remember
So I am speaking in1 the past Laugh away If you feel like it at the sound of my words Loved Was Came Caressed Waited Watched the stairs that creaked O violence violence I am a man possessed Waited waited deep well-shafts I thought I would die of waiting The silence was sharpening pencils in
Ce taxi qui toussait s’en va crever ailleurs
Attendit attendit les voix étouffées
Devant la porte le langage des portes
Hoquet des maisons attendit
Les objets familiers prenaient à tour de rôle
Attendit l’aspect fantomatique Attendit
Des forçats evadés Attendit
Attendit Nom de Dieu
D’un bagne de lueurs et soudain
Non Stupide Non
Idiot
La chaussure a foulé la laine du tapis
Je rentre à peine
Aima aima aima mais tu ne peux pas savoir combien
Aima c’est au passé
Aima aima aima aima aima
O violences
Ils en ont de bonnes ceux
Qui parlent de l’amour comme d’une histoire de cousine
Ah merde pour tout ce faux-semblant
Sais-tu quand cela devient vraiment une histoire
L’amour
Sais-tu
the street That coughing taxi moves away to die elsewhere Waited waited the muffled voices Outside the door the speech of doors Hiccup of houses waited Familiar objects took on in turn Waited the spectral air Waited Of escaped convicts Waited Waited In God’s Name From a prison of glimmerings and suddenly No Stupid No Idiot The shoe crushed the wool of the carpet I can scarcely return Loved loved loved but you cannot know how much Loved it’s in the past Loved loved loved loved loved O violence
It’s all very funny for those Who speak of love as if it were the story of a first flirtation Ah shit on all that pretence Do you know when it really becomes a story Love Do you know When
Quand toute respiration tourne à la tragédie
Quand les couleurs du jour sont ce que les fait un rire
Un air une ombre d’ombre un nom jeté
Que tout brÛle et qu’on sait au fond
Que tout brÛle
Et qu’on dit Que tout brÛle
Et le ciel a le goÛt du sable dispersé
L’amour salauds l’amour pour vous
C’est d’arriver à coucher ensemble
D’arriver
Et après Ha ha tout l’amour est dans ce
Et après
Nous arrivons à parler de ce que c’est que de
Coucher ensemble pendant des années
Entendez-vous
Pendant des années
Pareilles à des voiles marines qui tombent
Sur le pont d’un navire chargé de pestiférés
Dans un film que j’ai vu récemment
Une à une
La rose blanche meurt comme la rose rouge
Qu’est-ce donc qui m’émeut à un pareil point
every breath turns to tragedy When the colours of the day are what laughter makes them A tune a shadow of a shadow a name flung out That everything burns and you know deep down That everything is burning And you say Let it all burn And the sky has the taste of the scattered sand Love you bastards love for you Is managing to sleep together Managing And afterwards Ha ha all of love is in that Afterwards We manage to talk of what it is to Sleep together for years Do you understand For years Like sea sails falling On the deck of a ship loaded with plague victims In a film I saw recently One by one The white rose dies like the red rose So what is it that moves
Dans ces derniers mots
Le mot dernier peut-être mot en qui
r /> Tout est atroce atrocement irréparable
Et déchirant Mot panthère Mot électrique
Chaise
Le dernier mot d’amour imaginez-vous ça
Et le dernier baiser et la dernière
Nonchalance
Et le dernier sommeil Tiens c’est drôle
Je pensais simplement à la dernière nuit
Ah tout prend ce sens abominable
Je voulais dire les derniers instants
Les derniers adieux le dernier soupir
Le dernier regard
L’horreur l’horreur l’horreur
Pendant des années l’horreur
Crachons veux-tu bien
Sur ce que nous avons aimé ensemble
Crachons sur l’amour
Sur nos lits défaits
Sur notre silence et sur les mots balbutiés
me to such a pitch In these last words The final word perhaps in which All is heinous heinously irreparable And tearing apart Word panther Word electric Chair The final word of love just imagine that And the final kiss and the final Listlessness And the final sleep Hey it’s funny I was thinking simply of the final night Ah everything’s taking on this abominable meaning I meant the final moments The final farewells the final sigh The final gaze The horror the horror the horror For years the horror Let’s spit shall we On what we loved together Let’s spit on love On our unmade beds On our silence and on the
Sur les étoiles fussent-elles
Tes yeux
Sur le soleil fÛt-il
Tes dents
Sur l’éternité fÛt-elle
Ta bouche
Et sur notre amour
FÛt-il
TON amour
Crachons veux-tu bien
stammered words On the stars were they Your eyes On the sun were it Your teeth On eternity were it Your mouth And on our love Were it YOUR love Let’s spit shall we
Elsa au miroir
C’était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C’était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
C’était au beau milieu de notre tragédie
Qu’elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
Qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
A ranimer les fleurs sans fin de l’incendie
Sans dire ce qu’une autre à sa place aurait dit
Elsa at her Mirror
It was in the very midst of our tragedy And for a long day seated at her mirror She combed her golden hair I thought I saw her patient hands appease a fire It was in the very midst of our tragedy
And for a long day seated at her mirror She combed her golden hair and it was as if It was in the very midst of our tragedy As if she was playing unconsciously a melody on a harp Through that whole long day seated at her mirror
She combed her golden hair and it was as if She martyred her memory wantonly Through that whole long day seated at her mirror Rekindling the flowers without end of the fire Without saying what another in her place would have said
Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C’était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire
C’était au beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi
Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir
Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit
Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs
Et ses cheveux dorés quand elle vient s’asseoir
Et peigner sans Hen dire un reflet d’incendie
She martyred her memory wantonly It was in the very midst of our tragedy The world resembled that accursed mirror The comb divided the fires of that watered silk And those fires illumined corners in my memory
It was in the very midst of our tragedy As Thursday is set within the week
And for a long day seated before her memory She saw dying in the distance in her mirror
One by one the actors in our tragedy Who are the best in this accursed world
And you know their names without me saying them And the meaning of the flames in the long evenings
And her gilded hair when she comes and sits and combs without a word a fire’s reflection
Les lilas et les roses
O mois des floraisons mois des métamorphoses
Mai qui fut sans nuage et Juin poignardé
Je n’oublierai jamais les lilas ni les roses
Ni ceux que le printemps dans ses plis a gardés
Je n’oublierai jamais l’illusion tragique
Le cortège les cris la foule et le soleil
Les chars chargés d’amour les dons de la Belgique
L’air qui tremble et la route à ce bourdon d’abeilles
Le triomphe imprudent qui prime la querelle
Le sang que préfigure en carmin le baiser
Et ceux qui vont mourir debout dans les tourelles
Entourés de lilas par un peuple grisé
The Lilacs and the Roses
O month of flowerings month of metamorphoses May that was cloudless and June stabbed I will never forget the lilacs nor the roses Nor those whom spring has kept within its folds
I will never forget the tragic illusion The procession the cries the crowd and the sunlight The tanks laden with love the gifts from Belgium The air that vibrates and the road with this buzzing of bees The rash sense of triumph that goes before the quarrel The blood foreshadowed in carmine by the kiss And those who are going to die standing in the turrets Enveloped in lilacs by an intoxicated people
Je n’oublierai jamais les jardins de la France
Semblables aux missels des siècles disparus
Ni le trouble des soirs l’énigme du silence
Les roses tout le long du chemin parcouru
Le démenti des fleurs au vent de la panique
Aux soldats qui passaient sur l’aile de la peur
Aux vélos délirants aux canons ironiques
Au pitoyable accoutrement des faux campeurs
Mais je ne sais pourquoi ce tourbillon d’images
Me ramène toujours au même point d’arrêt
A Sainte-Marthe Un général De noirs ramages
Une villa normande au bord de la forêt
Tout se tait l’ennemi dans l’ombre se repose
On nous a dit ce soir que Paris s’est rendu
Je n’oublierai jamais les lilas ni les roses
Et ni les deux amours que nous avons perdus
I will never forget the gardens of France That are like the missals of vanished centuries Nor the uneasiness of the evenings the enigma of the silence The roses all along the way we travelled The contradiction by the flowers of the wind of panic Of the soldiers passing by on the wing of fear Of the delirious bicycles of the ironic cannons Of the pitiable garb of the fake campers
But I do not know why this whirlwind of images Brings me back always to the same point of rest At Sainte-Marthe A general Dark branches A Norman villa at the edge of the forest All is quiet The enemy is resting in the shadow We have been told tonight that Paris has surrendered I will never forget the lilacs nor the roses Nor the two loves that we have lost
Bouquets du premier jour lilas lilas
des Flandres
Douceur de l’ombre dont la mort farde les joues
Et vous bouquets de la retraite roses tendres
Couleur de l’incendie au loin roses d’Anjou
Bouquets of the first day lilacs lilacs of Flanders Softness of the shadow whose cheeks are painted by death And you bouquets of retreat tender roses The colour of fire in the distance roses of Anjou
Ballade de celui qui chanta dans les supplices
– “Et s’il était à refaire
Je referais ce chemin…”
Une voix monte des fers
Et parle des lendemains.
On dit que dans sa cellule,
Deux hommes, cette nuit-là,
Lui murmuraient: “Capitule
De cette vie es-tu las?
Tu peux vivre, tu peux vivre,
Tu peux vivre comme nous!
Dis le mot qui te délivre
Et tu peux vivre à genoux…”
Ballad of the Man who sang in Torment1
– ‘And if it were to be done again I would take this road once more…’ A voice rises from the iron chains and speaks of days to come.
They say that in his cell two men, that night, whispered to him: ‘Capitulate Are you weary of this life?
You can live, you can live, you can live like us! Say the word that sets you free and you can live on your knees…’
– “Et s’il était à refaire,
Je referais ce chemin…”
La voix qui monte des fers
Parle pour les lendemains.
“Rien qu’un mot: la porte cède,
S’ouvre et tu sors! Rien qu’un mot:
Le bourreau se dépossède…
Sésame! Finis tes maux!
Rien qu’un mot, rien qu’un mensonge
Pour transformer ton destin…
Songe, songe, songe, songe
A la douceur des matins!”