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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 354

by Gustave Flaubert


  J’eus la hardiesse de le leur demander, mais elles s’en allèrent sans me répondre.

  Son âme ! eh bien, elles m’ont trompé, ces femmes. Pour moi, ce que je voulais, c’était Lélia, Lélia qui jouait avec moi sur le gazon, dans les bois, qui se couchait sur la mousse, qui cueillait des fleurs et puis qui les jetait au vent ; c’était Lelia, ma belle petite sœur aux grands yeux bleus, Lélia qui m’embrassait le soir après sa poupée, après son mouton chéri, après sa linotte. Pauvre sœur ! c’était toi que je demandais à grands cris, en pleurant, et ces gens barbares et inhumains me répondaient : “Non, tu ne la reverras pas, tu as prié non pour elle, mais tu as prié pour son âme ! quelque chose d’inconnu, de vague comme un mot d’une langue étrangère ; tu as prié pour un souffle, pour un mot, pour le néant, pour son âme enfin !”

  Son âme, son âme, je la méprise, son âme, je la regrette, je n’y pense plus. Qu’est-ce que ça me fait à moi, son âme ? savez-vous ce que c’est que son âme ? Mais c’est son corps que je veux ! c’est son regard, sa vie, c’est elle enfin ! et vous ne m’avez rien rendu de tout cela.

  Ces femmes m’ont trompé, eh bien, je les ai maudites.

  Cette malédiction est retombée sur moi, philosophe imbécile qui ne sais pas comprendre un mot sans L’épeler, croire à une âme sans la sentir, et craindre un Dieu dont, semblable au Prométhée d’Eschyle, je brave les coups et que je méprise trop pour blasphémer.

  IV

  Souvent, en regardant le soleil, je me suis dit “Pourquoi viens-tu chaque jour éclairer tant de souffrances, découvrir tant de douleurs, présider à tant de sottes misères ?”

  Souvent, en me regardant moi-même, je me suis dit : “Pourquoi existes-tu ? pourquoi, puisque tu pleures, ne taris-tu pas tes larmes d’un seul coup qui serait sûr et infaillible, et dont Dieu lui-même ne pourrait empêcher la fatale conséquence ?”

  Souvent, en regardant tous ces hommes qui marchent, qui courent les uns après un nom, d’autres après un trône, d’autres après un type idéal de vertu, toutes choses plus ou moins creuses et vides de sens, en voyant ce tourbillon, cette fournaise ardente, cet immonde chaos de joie, de vices, de faits, de sentiments, de matière et de passions : “Où tend tout cela ? sur qui va tomber toute cette fétide poussière ? et puisqu’un vent l’emporte toujours, dans le sein de quel néant va-t-il l’enfermer ?”

  Plus souvent encore je me suis dit en regardant les bois, la nature si vantée, ce beau soleil qui se couche chaque soir, se lève chaque matin, qui brille aussi bien un jour de larmes qu’un jour de bonheur, en regardant les arbres, la mer, le ciel toujours étincelant de ses étoiles, que de fois je me suis dit alors, dans mon amer désespoir : “Pourquoi tout cela existe-t-il ?”

  V

  Une pensée m’est venue, et c’est le seul remords qui soit venu me troubler, car jamais je n’ai eu de remords, croyant que les hommes n’étaient ni bons, ni mauvais, ni coupables, ni innocents, sachant que j’agissais non par ma volonté, mais par instinct, par puissance d’organisation, par une fatalité plus forte que moi — je ne m’affligerai jamais des sottises que mon ennemi aurait pu faire, — je trouve donc que j’aurais dû vivre comme je meurs, gai et tranquilLe ; qu’au lieu de pleurer et de maudire Dieu, j aurais dû en rire et le braver ; j’aurais dû éteindre mes pleurs sous un rire, oublier la réalité, et puisque je n’avais pu trouver l’amour, prendre la volupté !

  VI

  J’ai éprouvé de bonne heure un profond dégoût des hommes, dès que j’ai été mis en contact avec eux.

  Dès douze ans on me plaça dans un collège : là, j’y vis le raccourci du monde, ses vices en miniature, ses germes de ridicules, ses petites passions, ses petites coteries, sa petite cruauté ; j’y vis le triomphe de la force, mystérieux emblème de la puissance de Dieu ; je vis des défauts qui devaient plus tard être des vices, des vices qui seraient des crimes, et des enfants qui seraient des hommes.

  VII

  (Inachevé.)

  LA MAIN DE FER .

  (CONTE PHILOSOPHIQUE.)

  Maintenant j’éprouve que les hommes sont esclaves du destin et obéissent aux décrets des fées qui président à leur naissance.

  (Chant de mort de Raghenard Lodbrog.)

  I

  C’était dans Saragosse, la ville espagnole aux souvenirs d’Orient, Saragosse, l’antique cité des califes, jadis si forte et si pleine de vie, et qui maintenant reste plongée dans ses rêves du passé et dort d’ennui et de lassitude sous son beau soleil du Midi. Où est-il le temps où les cavaliers arabes faisaient piaffer leurs chevaux sur les dalles de tes quais ? où les fraîches odalisques erraient la nuit dans tes jardins ? et où l’encens de la mosquée du prophète se mêlait aux parfums des roses qui couvrent tes terrasses ? Non, tout est morne et désert ; à peine si, lorsque la lourde cloche d’airain vibre sous les aiguilles gothiques, à peine, dis-je, si quelque fidèle vient s’agenouiller sur la pierre de tes cathédrales ; quelques femmes, il est vrai, de temps en temps, des jeunes filles, et puis des enfants et des vieillards, mais des hommes ? oh ! jamais.

  Pourtant il se trouve parfois un cœur jeune et vierge qui vient se nourrir de la foi, et plus souvent encore quelque âme blasée et flétrie qui vient se rajeunir dans l’amour céleste, se vivifier dans les croyances, se sanctifier dans la prière. Celui-là qui prend Dieu comme un amour de jeunesse et la foi comme une passion, celui-là s’y livre tout entier, il s’agenouille avec délices, il prie avec ardeur, il croit par instinct ; la messe des morts n’est plus pour lui une grotesque psalmodie, le chant des prêtres cesse d’être vénal, l’église est quelque chose de saint, l’espérance est pour lui palpable et positive, il est heureux, car il croit. Que faut-il de plus pour le bonheur ? une croyance, il y a tant de gens qui n’en ont pas !

  II

  Tel était Manoello. Il était beau, riche, grand seigneur et religieux ; la chose est bizarre, mais c’est possible. Il était triste, mais sans avoir rien de sombre ni de fantasque ; sa mélancolie avait quelque chose d’évangélique et de doux, sans ce chagrin âpre et brutal qu’impriment chez les poètes le désespoir et le malheur. Il y avait de la noblesse dans ses paroles, de la fierté dans ses gestes et de la poésie dans son regard, car il était né poète sans le savoir ; enfant, il aimait à cueillir des roses, à écouter la mer qui se brise sur les rochers, et couché sur la plage, il s’endormait avec bonheur au bruit des vagues qui le berçaient mollement comme un chant de nourrice.

  Plus tard il aima une belle enfant de 15 ans, mais cet amour passa bientôt comme celui de la mer, des coquilles et des roses.

  Un jour, il avait 19 ans alors, il entra dans une église, il prêta l’oreille. C’étaient des sons graves et sonores qui s’élevaient dans la nef, sublimes et majestueux ; c’était l’orgue, et puis des cris purs et plaintifs, et, au loin, la voix gracieuse et frêle d’un enfant, qui se mariait avec l’encens, comme deux parfums ! Le soleil, pénétrant à travers les vitraux dorés, jetait sur tout cela un jour mystique et azuré qui lui remplit l’me d’une douce rêverie de foi et d’amour. Cette rêverie fut sa jeunesse, il prit dès lors Dieu comme une autre passion ; elle passa comme les autres !

  De ce jour on vit Manoello dans la cathédrale ; il y venait le matin, n’en sortait que le soir et passait ses jours dans la méditation et la prière. On savait peu de choses sur sa personne et sur son genre de vie : il vivait retiré avec ses parents, il était riche, et voilà tout. Il paraissait sans désirs, sans passions de jeunesse, sans amours de femmes ; son indifférence pour elles les excitait davantage à lui faire des avances, et jamais pour aucune d’elles un regard aimable, une douce parole. Plus d’une pourtant vint souvent, au sortir de la messe, lui offrir l’eau bénite, avec un sourire apprêté et qui renfermait toute une pensée de jalousie et de désirs, et jamais pour ces pauvres jeunes filles un tendre soupir, un pressement de main langoureux ! son regard de plomb leur faisait baisser les yeux, et son front pâle les intimidait comme celui d’un vieillard.

  Aussi on Je haïssait, en revanche, o
n déchirait sa réputation dans les salons et dans les cercles de la haute société, sa tristesse passait pour des remords et son indifférence pour un dédain vaniteux ; le peuple le haïssait aussi, son laconisme et ses hauteurs semblaient l’insulter. S’il faisait l’aumône à un pauvre, il accompagnait cela d’un regard si froid et si paisible que le mendiant voyait sans peine que la pièce d’or sortait de la bourse mais non du cœur, de l’habitude mais non de l’âme.

  Jamais la jeunesse de Saragosse ne l’avait vu s’enivrer avec elle, dans une splendide orgie : jamais on ne l’avait vu faire blanchir d’écume sa cavale andalouse aux courses du Prado, ni applaudir au théâtre à une danse de volupté. Il aimait, à la vérité, sa famille, son Dieu, sa patrie ; eh ! qu’est-ce que tout cela fait au peuple, en vérité, lui qui maintenant n’a plus ni Dieu, ni famille, ni patrie ?

  (Inachevé.)

  ROME ET LES CÉSARS .

  Vu à travers le prisme que jette toujours une société évanouie, l’Empire romain nous apparaît encore comme Le plus monstrueux phénomène de la puissance des hommes. Après avoir, dans l’antiquité, conquis matériellement Le monde, après l’avoir dominé par ses croyances au moyen âge, nous le retrouvons encore enseveli sous sa vieille poussière et murmurant son éternelle douleur. Il n’a plus à craindre pourtant La torche d’Alaric, ou le coup de pied du cheval barbare d’Attila ; on ne peut plus Lui arracher ses provinces dispersées, et il n’a plus d’empereur qui réunisse dans sa main les nations assemblées sous le joug, car le moyen âge l’a battu en brèche, il lui a arraché sa gloire pierre à pierre, lui a substitué La sienne, a chassé Jupiter de Rome et y a fait entrer Jésus-Christ, les martyrs du christianisme ont remplacé ses héros.

  Sacerdotale et liturgique sous les Étrusques, matérialiste et guerrière sous les Romains, spiritualiste et artistique sous les papes, que va-t-elle maintenant devenir ? et depuis le XVIe siècle qu’a-t-elle fait ? Après avoir été la ruine des choses passées, sera-t-elle aussi éternellement la ruine de toute croyance, de toute foi, de tout amour ? restera-t-elle gisante au milieu des deux océans, entre l’Orient et l’Occident, reniée de sa mère, oubliée de sa fille ?

  Hélas ! malgré sa sainteté, ses martyrs, ses papes, toute sa gloire chrétienne et toutes les splendeurs de son pompeux catholicieme, elle demeurera toujours romaine et impériale avant tout ; ce sera la terre du matérialisme ou plutôt du sensualisme artistique, car le sol ici est plus poète que tous les poètes du monde, et sa poussière porte les pas de l’histoire tout entière. Mais à travers la grande voix du moyen âge, qui retentit encore sur les marches du Vatican, j’entends toujours le dernier murmure de l’orgie impériale, les temples me font penser au paganisme, et le Tibre, qui murmure son onde dans ses joncs flétris, ne roule-t-il pas encore la cendre toute chaude de l’Empire ?

  La nuit, quand la lune éclaire ces débris d’un autre monde, que le renard des marais pontins pousse son cri rauque dans Les rues silencieuses, que la grenouille coasse dans les thermes de Titus, ne doit-il pas s’élever souvent un long soupir du monde païen évanoui ? ne monte-t-il pas quelquefois jusqu’à nous un dernier écho des voluptés impériales ? le cirque est-il vide ? les lions ne rugissent-ils plus au bruit de la clameur du peuple en délire, qui s’en va jusqu’à Ostie ? les coupes d’or ne retentissent-elles plus, entrechoquées par les belles mains ivres ? Néron ne vient-il jamais reprendre les rênes de son char splendide, qui vole sur le sable d’or et dont les roues broient des hommes ? ses orgies titaniques, aux flambeaux humains, sont-elles bien finies ? et l’amoureuse Naples a-t-elle cessé de soupirer comme une femme endormie, dans les eaux bleues de son golfe d’Ischia, et sa terre chaude n’a-t-elle plus au crépuscule des parfums de fleur ?

  Oh ! non, vous avez beau faire, le monde romain n’est pas mort ! il vit en vous, il vous obsède de ses souvenirs et de sa gloire éternelle ; ses empereurs vous font oublier ses papes, ses artistes ses fidèles ; l’art a plus de pouvoir que la foi, car la foi elle-même ici a quelque chose d’artiste, de théâtral et de superbe ; Michel-Ange efface Mino da Fiesole, et Raphaël Cimabué. C’est que l’époque des Césars est en effet Le plus bel acte, le plus somptueux, le plus sanglant de cette longue tragédie que Rome a jouée au monde ; il y a là deux ou trois hommes qui sont venus pour épuiser les dernières voluptés, pour vider le vin des coupes, pour chasser la vertu des cœurs et faire place, après, à des voluptés plus mâles, au vin du calice et aux vertus chrétiennes.

  L’œuvre de Rome, c’est la conquête du monde. Quand le monde fut conquis, elle n’eut plus qu’à s’enivrer et à s’endormir ; gorgée de sang chaud, de vin, de voluptés, elle roule sur son or, elle chancelle et elle tombe épuisée. Vous ne rêverez rien de si terrible et de si monstrueux que les dernières heures de l’Empire, c’est là le règne du crime, c’est son apogée, sa gloire ; il est monté sur le trône, il s’y étale à l’aise, en souverain ; il se farde encore pour être plus beau, à aucune époque vous le verrez pareil ; Alexandre VI est un nain à côté de Tibère, et les imaginations de dix grands poètes ne créeraient pas quelque chose qui vaudrait cinq minutes de la vie de Néron. Nous remarquerons d’abord le crime grand, politique et froid, dans la personne de Sylla : il accomplit sa mission fatalement, comme une hache, puis il abdique la dictature et s’en va au milieu du peuple ; c’est là un orgueil plein de grandeur, ce sont là les crimes d’un homme de génie. J’aime encore Marius pleurant sur les ruines de Carthage ; mais Pompée, mais Caton, mais Brunis, que leurs têtes républicaines sont étroites à côté de ce large front de César, rendu chauve avant l’âge par les débauches de Rome et par ses pensées de géant ! II avilit le Sénat, tue en Gaule des populations entières, fait entrer des Gaulois dans le Sénat, et est aimé des peuples vaincus attelés à son char de triomphe. On conspire contre lui et il pardonne, il voulait rétablir Corinthe et Carthage, il voulait conquérir l’Asie… mais il mourut… comme un homme, et l’Empire après lui agonisa dans un festin de cinq siècles.

  Auguste l’imite dans ses crimes et dans sa clémence, et il demandait tout fier en mourant : “Ai-je bien joué mon rêle ?” En effet, il n’y a plus de foi, les augures ne peuvent se regarder sans rire ; L’empereur se fait appeler Dieu par ses poètes, qui n’ont, eux, pour toute religion que L’intime conviction de Leur talent et du néant de la vie. Nous n’en sommes qu’au sentiment de Virgile et à La grâce ciselée d’Horace, ils sentent bien que La volupté ne va pas plus loin, et ils s’arrêtent à un pOiflt difficile à préciser, qui n’est nile spiritualisme ni le matérialisme, ni Le dogme ni La dialectique, mais qui est e point artistique humain par excellence ; ils s’arretent aux pensées morales, au sentiment de L’homme, à la satisfaction des sens, aux douces choses, au simple courant de La vie qui coule entre le rire et les pleurs pour arriver à la tombe, un soir d’été, aprts que la treille n’a plus de fruits, Le cœur plus d’amour. Bientêt va venir le sensualisme excité ‚ja débauche savante de Pétrone, L’inspiration fiévreuse d’Apulée, Les soupirs amoureux de Tibulle, tandis que, de l’autre cêté, Tacite écrit avec un style de bronze et que Juvénal fait retentir son hexamètre ronflant de colère. Attendez.

  L’Orient et L’Occident ont lutté ensemble avec Auguste et Antoine, et l’Orient a été vaincu, Antoine s’est enfui sur sa galère pour rejoindre Cléopâtre, le vent a soufflé dans ses voiles de pourpre, les rames d’argent ont battu l’onde, la reine d’Egypte est

  tournée dans son palais ; une dernière fois elle veut essayer sur Octave les charmes de sa beauté orientale et la cocjuetterie de son désespoir, mais c’est en vain ; un matin on la trouve morte dans ses vêtements royaux, car elle avait craint d’être l’esclave d’Octave et de servir à son triomphe. Son empire est mort avec elle, Octave n’a que le cadavre de l’un et de l’autre. Avec Tibère commence l’ère nouvelle voluptueuse ; le premier, il est atteint du malaise intime qui torture Les entrailles de la société à ses vieux jours ; il se retire à Caprée, malade, fatigué de la vie et craignant La mort ; il convoite Le bonheur, il
aspire aux voluptés, mais le bonheur fuit devant lui et la volupté glisse dans ses mains.

  Le pouvoir est alors si élevé que le vertige monte à la tête de ceux qui s’en emparent, et ils sont pris d’une manie insensée ; le monde étant à un seul homme, comme un esclave, il pouvait le torturer pour son plaisir, et il fut torturé en effet jusqu’à la dernière fibre.

  Après qu’il avait arraché au monde romain sa gloire passée pour se l’attribuer, ses dieux pour se mettre à leur place, ses richesses pour les manger, ses sénateurs pour en faire des laquais, ses prêtres pour en faire des bouffons, et la capitale de l’empire pour l’honorer du spectacle de ses débauches, étonné alors que cela fut si superbe, et surpris Lui-même, L’empereur eût pu s’écrier, dans l’étonnement d’un sensualisme atroce et regardant la patrie esclave à ses pieds :

  “Je ne savais pas que ma mère fût si belle !”

  Ils s’appelaient Caligula, Néron, Domitien ; des millions se mangent à leur table, on égorge des hommes pendant qu’ils s’enivrent, et la vapeur du sang e mêle à celle des mets. Le crime est une volupté comme Les autres, on entendait les cris des victimes égorgées dans Le cirque pendant que la fanfare résonnait, que les esclaves chantaient. Néron disait aux bourreaux : “Faites en sorte qu’ils se sentent mourir”, et, penché en avant sur Les poitrines ouvertes des victimes, il regardait Le sang battre dans Les cœurs, et il trouvait, dans ces derniers gémissements d’un être qui quitte fa vie, des délices inconnues, des voluptés suprêmes, comme lorsqu’une femme, éperdue sous l’œil de l’empereur, tombait dans ses bras et se mourait sous ses baisers. Oh ! les cœurs atroces ! oh ! les âmes sublimes dans Le crime ! Chaque jour ils redoublent, chaque jour ils inventent, leur esprit est un enfer qui fournit des tortures au monde, ils insultent à La nature dans leurs débauches ; bêtes fauves, ils se déguisent en bêtes fauves, ils assassinent leurs mères, ils épousent leurs vaLets, ils se font applaudir au théâtre.

 

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