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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 480

by Gustave Flaubert


  Pour aller à Sainte-Anne, la route monte. — Lieux char- mants avec de l’eau (c’est l’Auray qui coule), des roches, des nénufars sur l’eau, des ajoncs. — Le petit chien qui courait et se baignait partout. — Les haies sont effrayantes tant elles sont multipliées quand on pense à leur usage. — Sous un arbre une vieille femme pâle, agenouillée, priait au coin d’un chemin creux ; c’était l’heure des vêpres. Nous en avons rencontré deux autres qui marchaient tout en priant, sans doute, car Tune a fait le signe de la croix.

  Sainte-Anne. — Eglise ornée de tableaux, ex-voto le moulin et les enfants. — Coup de hache. — Boutiques d’objets de piété. — Notre conducteur carliste et dévot, gros bon- homme lourd et nui.

  Vannes. — Messieurs et dames endimanchés. — Les jeunes troupiers en bourgeois, moustaches, pantalons tirés ; un pantalon et une paire de bottines 1 — M. Descormiers de Montmorency écarté de tout le monde quoique au milieu.

  — L’officier, chapeau en osier noir, redingote de velours noir, cravate blanche, bouche et nez de Marat. On aurait dû le nommer gardien de la promenade avec un logement dans l’hôpital quoiqu’il n’ait pas besoin de ça. — Vannes et sa femme. — La tour du connétable, occupée par un menuisier et des Kiques effroyables. — Eglises sans noms.

  — Coin oriental en descendant de l’hôtel vers une petite promenade au bord de l’eau menant à un champ entouré régulièrement de chênes sous lesquels j’écris. — A l’hôtel, dans une pièce qui semble être le salon, deux gravures : le retour et le départ du roi en 1817. M*’ d’Angoulême en Espagne, grand costume, bottes à l’écuyère ; son épée s’ap- puie sur un monstre enchainé qui doit être l’hydre de l’anarchie ; il se tient debout à côté du tronc. Au fond, sur un bouclier pendu à la muraille, il y a écrit : veni, vidi, vici.

  De Vannes à Hennebont la route nous semble jolie ; vent frais sur l’impériale. — Bois que la route traverse.

  Lorient. — Nullité complète ; rues basses et alignées. — Hôtel de France, gargote, serre dans le jardin. — Musique le soir sous les arbres devant le théâtre. — La calomnie de M. Scribe (M. de Sauvray Raymond), j’en sors malade. — Le port impossible à voir. — Promenade le soir. — Rien dedans. — Hennebont sur le penchant d’un coteau.

  De Lorient à Hennebont à pied. — Florentin chantant une chanson génoise et vendant des plâtres. — Plantes violettes dans les ruines ; deux tours conservées avec des toits en ardoise. — En arrivant de Lorient : pan de mur à mâchi- coulis garni de terre. — Sur le haut de la ville, pro- menade, vue sur la rivière ; en face l’Hôtel du Com- merce ; grande allée d’ormeaux. — En relayant, idiot farouche, regard dur, grande redingote verte, pantalon de toile trop court, sabots, nu-pieds, chapeau de paille ; femme couverte ....

  D’Hennebont à Ploërmel, sous la bâche. — Le conducteur est une espèce de marin. — Mélancolie en regardant la grande route. — A Vannes le démocrate classique, dési- rant notre intimité. — Procession, soldats, jeunes garçons vêtus de blanc couronnés de roses à Hennebont.

  Ploërmel. — Eglise gothique du bon temps avec de jolis vitraux ; portail du commencement du xiv* siècle ; la truie à gauche sur un contrefort, près du portail latéral. — Dans un long vallon plat la campagne est foncée en cou- leur et bleue à l’horizon. — Idiot. — Père de a6 enfants nous récite des vers sur l’empereur.

  Josselin, vu de l’angle du pont. — Trois tours, fenêtres carrées (du commencement du XV’ siècle). — Bâti sur roc, sur la rivière, rangée de mâchicoulis ; de face dix fenêtres dans le style de la reine Anne à Blois, mais d’un goût plus raide. — Aucune pareille ; l’entrecroisement des galeries également différent. — Enormes gargouilles : élé- phants sans cornes, chien marin, dragon ; de dessous leur ventre part une gouttière en pierre menant jusquen bas, à 3 pieds du sol ; et terminée par une autre tête de gar- gouille de même caractère. L’une, vers le milieu, la deuxième en partant de l’angle droit, figurent la tête d’un crocodile dont le corps est la gouttière ; le corps est couvert de bosses et, sur les côtés des nageoires, un peu plus haut, la queue réparait autour de la colonne.

  Eglise de Josselin. — Notre-Dame du Roncier ; robe rouge étalée en éventail renversé.

  Ce sommaire a été développé par Maxime Du Camp.

  VII

  Baud. — A une petite demi-lieue, après avoir passé par un bois de hêtres, la Vénus de Quinipily qui n’est pas plus égyptienne que les deux cascatelles de Locminé. — Figure plate, écrasée, cheveux aplatis et ondes sur les tempes ; deux bandelettes s’entrecroisent sur son dos après avoir été prises par une espèce d’étole dont le devant, lui retombant sur la poitrine, finit en triangle comme un cale- çon de Samoyède. Cuisses grasses, fortes ; genoux fléchis, mains croisées sur la poitrine ; la tête est enfoncée dans les épaules, ce qui, de profil, lui donne quelque chose de frissonnant ; seins marqués, fesses largement indiquées. Ensemble barbare.

  QuiMPERLÉ. — Deux rivières. — En revenant, sentiers entre des murs ruisselant de feuilles et de ronces ; vieux pont tout tapissé de feuillage ; l’eau est limpide, arrêtée par les cail- loux, elle gargouille et fait de petites cascades qui sont comme des voiles blancs accrochés sur le courant.

  Saint-Michel. — N’a pas de façade. Le côté de l’ab- side est appuyé sur deux contreforts où sont accolées des maisons ; on passe dessous. A gauche, une vieille maison avec des bonshommes en bois sculpté, l’un broyant dans un mortier ; le porche latéral fleuri, lourd. — Dans l’inté- rieur, une statue en bois d’une Pieta : air Grassot de la mère, air Small. de J. — Un tableau de 1715 représentant la mort d’un évêque : à gauche, dans le bas, les âmes au

  Église

  10 Purgatoire ; le Père Éternel au haut en pape, le Christ avec sa croix ; la Vierge plus bas ; des anges en sandales descendant vers la terre où se meurt dans son lit un évêque ; un prêtre lui présente la croix, sa servante pleure ; un en- fant de chœur à genoux porte un cierge, souliers. Au pied du lit le Diable dégoûtant à l’air d’une vieille maquerelle grasse ; à la tête du lit l’ange qui invite l’évêque à venir au ciel ; sous la table, où sont quelques ornements d’église, le dragon.

  L’église Sainte-Croix est le contraire de l’église Saint- Michel, elle donne plus qu’elle ne promet : roman pur, élevé,noble (blanchi 1) ; choeur monté sur une estrade, on y pénètre par deux escaliers ; sous l’autel une voûte où l’on descend par deux perrons de pierre. On pénètre dessous et on circule. — Plein de monde ; bonnet blanc des fem- mes ; les hommes en longs cheveux, en grègues, en sa- bots ; air vigoureux et gracieux, œil pénétrant et intense d’un jeune homme que j’avais vu descendre en sautant une ruelle en pente, à murs couverts de ronces et de lierres et qui est entré en même temps que moi dans l’église. — Autre assis en face sur les marches ; le jour tombait sur ses sabots ; sa tête se perdait dans la masse noire de ses cheveux retombant sur sa veste blanche. On s’est mis à chanter les litanies, j’entendais sa voix dans la masse. A sa gauche, le premier en face sur un banc, homme en veste bleue, air grave. — Aspect normal et tranquille de tous ces hommes qui semblent représenter leurs ancêtres et leurs descendants. — Cryptes ogive basse, ornements de feuilles aux chapiteaux. — Deux beaux tombeaux d’abbés avec la crosse, celui qui est par terre surtout, tout noir, drape- ries simples et belles, vrai gothique, quelque chose de car- Iovingien même, et puis plus loin le peuple qui chantait. La religion là au moins était vraie et ne choquait pas comme un anachronisme.

  Rosporden. — Petit lac. — Église. — Femme pâle, maigre, qui priait sur une tombe dans le cimetière avec un air aussi intense que la femme dans l’église de Nantes près le confessionnal. C’était plus douloureux, plus profond, mais moins élevé, moins mystique ; elle avait la tête droite sur la pierre qu’elle perçait du regard ; l’autre, de côté, au ciel où elle entrevoyait quelque chose. — A côté de l’église petit lac. — Marché silencieux, sans rires, sans cris ; pas de cabarets ni de boutiques ; ils sont silencieux da
ns leurs cheveux comme le pays dans ses arbres. — Les mendiants tombent sur l’étranger et se ruent sur lui avec l’obstination de la faim.

  Quimper. — Longue promenade d’ormeaux sur les bords de l’Odet, dans le genre de Quimperlé, mais moins herbue, moins simple comme impression. — Les abattoirs. S’il y avait des abattoirs d’hommes ! ai-je songé en entendant les cris des animaux ; un veau lié avait, par terre, des mouve- ments convulsifs de peur. — Cathédrale : Deux grandes tours avec de longues baies étroites, ogives disgracieuses, peu d’élévation comme style, qui a quelque chose du gothique en décadence, est pauvre ; vierge d’Ottin en marbre derrière le choeur, gentil et mollasse ; statue de Grallon à genoux avec une inscription expliquant qu’il a fait des fondations pieuses pour l’église.

  Eglise Saint-Mathieu : beaux vitraux du fond du sanc- tuaire.

  Journée du samedi. — Petite pluie fine. — Notre guide, petit vieillard d’une vivacité nerveuse, maigrelet, marchant mal et vite. “Tout ce que je voudrais c’est de retourner encore une fois à Rennes.” — A travers les haies de genêts et d’ajoncs, les routes voûtées de verdures où l’on peut se tenir à peine debout à cause des branches ; quelquefois une avenue de hêtres, deux vallons laissant voir la campagne, dans le brouillard, toute cicatrisée de haies ; et puis des cavées profondes, des pentes nues, jaunâtres d’ajoncs ; pas d’oiseaux, pas de village, pas d’hommes ; la verdure sombre et muette au pays féodal et triste.

  Locmaria, à un quart de lieue de Quimper. — Vieux

  roman, portail ogival, affreux saint Christophe ; bénitier, la pierre en est verte.

  Plomelin. — Enseveli sous la verdure. — Eglise nue, mais qui ne parait pas nulle ; on y sent le sentiment malgré la plastique qui semble anti-plastique, c’est-à-dire que la forme est en rapport avec le lieu où elle se trouve. — Temple de faux dieux, masure ruinée, un portail gothique, plus loin un pan de mur avec une autre entrée ogivale ; les souterrains ont été bouchés.

  Église de Kerfeunten. — Clocher carré à jour, en pierre. A gauche sous le porche une inscription en marbre blanc indiquant que le peintre Valentin, né à Guingamp, est enterré là ; belle verrière du fond : arbre généalogique de la Trinité dont le sommet soutient les pieds de la croix où le Christ agonise. — Eglise de la Mère-Dieu. — Jeune homme blond qui nous a apporté la clef ; veste bleue, cheveux contenus sous son chapeau. Quand il s’est agenouillé dans l’église ils ont déroulé comme ceux d’une femme, séparés par une raie sur le milieu de la tête. J’ai compris qu’une femme aussi pouvait aimer à passer sa main dans une chevelure. Quand nous en sommes sortis ils étaient tout répandus et étalés d’eux-mêmes. O les coiffeurs ! Ô l’art appris et montré ! O la bêtise humaine 1 — L’intérieur de l’église est nul, mais elle est si chastement cachée dans un nid de feuillage ! Une date indique qu’elle a été construite en 1590 et l’on aurait juré que l’église était des xiiie ou xive siècles.

  Il ne reste de Notre-Dame de Guilen que le portail, petit, bas, d’une jolie ogive d’un excellent goût. Ronces, lierres et c’est tout. Sur les deux piliers carrés accolés aux deux côtés du portail, dans chacun un trou carré : lavabo. — La vagabonde.

  Costumes. — Les veuves portent un bonnet bleu, le derrière des bonnets fait ceci avec des bouts relevés. Quelques-unes, broderies de couleurs aux parements, sous les aisselles, un galon qui cburt ; par derrière, leur corsage semble un fragment de fraise à grands tuyaux, mais ce n’est que par derrière, le tuyauté n’est pas par devant ; jupe brune plissée en long ; souliers découverts ronds, à boucles d’argent carrées. — Homme : grègues de cuir, sabots ou souliers à semelles de bois, chapeau rond d’une dimen- sion raisonnable, et non plus fantastique comme dans ie Morbihan, placé sur le derrière de la tête ; cela fait un bel effet avec leur chevelure. Veste bleue bordée de jaune, seconde veste par-dessus, sans manche, de même couleur, mais plus foncée ; large plaque de cuivre à la ceinture.

  La Procession, les petits anges en bracelets, colliers, ru- bans, fleurs ; ça fait une impression de prostitution. Deux gamins en veste de nankin brodées, jeunes filles en blanc, l’une jolie, maigre, avec des gants jaunes. — Les chantres, la chasuble de velours violet. — Mine démesurément stu- pide de celui qui portait le Saint-Esprit. — Les troupiers s’agenouillent quand on encense le Saint-Sacrement ; les gendarmes suivent l’épée tirée ; bruit d’un pompier qui pissait pendant que le canon tirait et que le bourdon bourdonnait. — On est révolté quoiqu’on ne veuille pas l’être. — Hôtel de I’Épée. — Expression âpre de la fille qui nous servait, bavoletbleu, bouts de manches, tablier, bonnet blanc ; pas de cheveux.

  ConcARNEAU. — Amabilité naïve ou prétentieuse de la jeune fille de l’établissement. — Arbres le long du quai. — Les mâchicoulis sont restaurés et intacts. — Marée basse, vue plate, au loin la mer. — La pierre branlante de Tregunc ne branle plus. — Cimetière celtique, avec les pierres disséminées au milieu des ajoncs et de l’herbe, font un bel effet. — Pluie, pluie. — La route de Concarneau à Foues- nant doit être ravissante, comme arbres, comme montées et descentes.

  La Forêt. — On traverse une chaussée bâtie sur un petit bras de mer, les pointes de terre couvertes d’arbres avan- cent jusque dans la mer. — Caractère breton de l’église avec son clocher carré à jour. - — - Calvaire en pierre ; grc- nouilles et tête de chien (ou d’autre animal) comme orne- ments.

  FouesnAnt, lundi soir, 10 heures et demie, 14 juin. — Route jusqu’à Pont-l’Abbé même caractère, couverte d’arbres ; moins de landes que dans le Morbihan.

  Bénodet. — On passe en bac.

  Pont-l’Abbé. — Église, un seul côté de fait ; le côté droit de la nef s’appuie sur la muraille ; bonnes ogives, mais le tout abîmé sous le badigeon ; toujours le Père éternel en pape portant un petit Christ ; au-dessus le Saint-Esprit.

  Danses à un ; entrelacement des rondes, queue allant et revenant. — La deuxième veste des hommes ne leur descend que jusqu’au milieu du dos avec des effilés pareils ; sur le bas de la première des broderies en fil blanc formant des lettres ; chapeau petit, gracieux, couvert de trois rubans de velours. La coiffure des femmes change : des oreillères brodées leur passent sur la tête laissant le derrière des cheveux à découvert ; le chignon relevé est contenu par le bout par un bandeau rouge, sur lequel elles mettent quelquefois un tout petit bonnet ou calotte blanche.

  Le commissaire, le garde champêtre, quelle intimité se- crète il doit exister entre eux. — Opérations chirurgicales. — Effet du râteau pièce à conviction ; foule ; le juge de paix ; un instrument contondant ; le bon gendarme.

  {#) A une demi-lieue de distance du petit village de Baud, cachée au fond d’un bois de hêtres, se trouve la Vénus de Quinipily. C’est une statue en granit, de six pieds de haut, représentant une femme nue posant les mains sur sa poitrine ; une sorte d’étole qui passe autour du cou lui descend

  <*’ Inédit, pages 150 à 172. jusque sur le ventre où elle s’arrête en triangle comme un caleçon de Samoyède ; deux bande- lettes serrant ses cheveux ondes sont prises sous I’étole et vont s’entre-croiser par derrière à la chute des reins. A voir de profil ses cuisses grasses, sa croupe charnue, ses genoux fléchis et sa grosse tête enfoncée dans les épaules, elle vous semble d’une sensualité à la fois toute barbare et raffinée, la face est plate, le nez camus, les yeux à fleur de tête et la bouche ainsi que les doigts des pieds et des mains indiqués seulement par une simple raie ; sur la poitrine on a voulu figurer des seins. Au bas de son piédestal est une grande cuve de même granit, ayant la forme d’un carré long terminé à l’une de ses extrémités par un demi-cercle ; il peut contenir, dit-on, seize barriques d’eau.

  On l’a prise pour une Isis égyptienne à cause de ses bandelettes, ou pour une Vénus romaine à cause des inscriptions du piédestal. Que déci- der cependant si ces inscriptions, comme on l’as- sure, n’ont été mises là qu’au xvii” siècle par le comte Pierre de Lannion ? Devons-nous en re- venir alors à l’hypo
thèse d’une Isis ? Mais n’est-ce pas voir, comme M. de Penhoet, la rage perma- nente de l’Egypte, que de reconnaître dans cette œuvre gauche, surabondante et lymphatique, le style élevé, svelte, rythmique des Égyptiens ? et n’y a-t-il pas, d’autre part, une irrévérence trop grossière à supposer les Romains, eux qui aimaient tant les belles femmes, capables jamais d’en avoir fait une si laide ? On sait seulement que jusqu’au xvn” siècle cette statue était placée sur la montagne de Cas- tan nec où les paysans bretons l’y adoraient comme une idole et lui apportaient des offrandes. Elle guérissait des malades ; les femmes relevant de couches se baignaient dans sa cuve et les jeunes gens désireux des noces accouraient s’y plonger pour se livrer ensuite, sous les yeux de la déesse, aux passe-temps solitaires des mélancolies amou- reuses. En 1671 des missionnaires se trouvaient à Baud, ayant, à ce qu’il paraît, des prédilections d’une autre nature, en furent scandalisés et enga- gèrent le comte de Lannion, gouverneur du pays, à extirper d’un seul coup l’idolâtrie en détrui- sant l’idole ; le comte se contenta de la renverser et de la rouler du haut de la montagne dans la rivière qui passe au pied. Une inondation sur- vint, les paysans l’attribuèrent à la colère de la déesse, la retirèrent de l’eau, la remirent à sa place et recommencèrent à célébrer son culte avec ces mêmes cérémonies qui révoltaient les honnêtes gens, comme on disait alors, si bien qu’un certain évêque de Vannes, Charles de Rosmadec, supplia à son tour le comte de Lannion (le fils du précé- dent) de mettre définitivement la pauvre statue en pièces. Le comte n’en fit rien, mais transporta le tout, cuve et femme, dans la cour de son châ- teau de Quinipily. Cet enlèvement ne se fit pas sans peine, il fallut que les soldats du gouverneur se défendissent contre les paysans qui la voulaient garder chez eux. Ils devaient y tenir. N’était-ce pas pour eux, au milieu de cette campagne rude et âpre, l’idole féconde et douce, l’idole fortifiante, excitante, guérissante, l’incarnation de la santé et de la chair et comme le symbole même du désir ?

 

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