Fascination

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Fascination Page 36

by Stephenie Meyer

— Au revoir, Bella. Il me tarde de te retrouver.

  Il raccrocha. Je gardai l'appareil collé à mon oreille, tétanisée par la peur, incapable de dénouer mes doigts. Il fallait que réfléchisse, j'en étais consciente, mais ma tête était pleine de la panique de ma mère. Je mis plusieurs secondes à reprendre le contrôle de moi-même.

  Lentement, très lentement, mes idées commencèrent à briser l'épais mur de douleur. À former un plan. Je n'avais plus le choix, désormais, sinon celui de me rendre dans la salle aux miroirs pour y mourir. Je n'avais aucune garantie que Renée survivrait, seulement le faible espoir que James se satisferait d'avoir gagné la partie, d'avoir vaincu Edward. La détresse me serrait le cœur. Je n'étais pas en mesure de marchander, je n'avais rien à offrir ni à refuser qui puisse l'influencer. J'étais coincée.

  Je refoulai ma terreur du mieux que possible. Ma décision était prise. Inutile de perdre du temps à se lamenter sur ce qui en ressortirait. Il était indispensable que je sois maîtresse de moi devant Alice et Jasper. Leur échapper était absolument essentiel et me paraissait... totalement impossible. J'étais soulagée que Jasper fût sorti. Dans le cas contraire, il aurait aussitôt perçu mon angoisse, et je n'aurais pu l'empêcher de nourrir des soupçons. Je ravalai mon épouvante et mon affolement. Ce n'était pas le moment. À la place, je me concentrai sur mon évasion. Espérant que ma connaissance de l'aéroport fît tourner les événements en ma faveur.

  Alice patientait dans le salon, sûrement curieuse. J'avais cependant un dernier deuil à faire avant de la rejoindre. J'étais en effet obligée d'admettre que je ne reverrais plus jamais Edward. Même pas un bref aperçu de son visage à emporter avec moi dans la salle aux miroirs. J'allais le blesser, je ne lui dirais pas au revoir. Je m'autorisai à fondre en larmes. Un peu plus tard, je me ressaisis et sortis affronter Alice.

  Mon expression parut l'inquiéter, et je m'empressai de parler avant qu'elle ne me pose des questions. Je n'étais pas en état d'improviser.

  — Ma mère est soucieuse, elle souhaitait rentrer à la maison. Mais tout va bien, je l'en ai dissuadée.

  — Nous veillerons à ce qu'elle soit saine et sauve, Bella, tranquillise-toi.

  Je me détournai. Impossible de lui montrer mon visage. Je découvris alors un calepin aux armes de l'hôtel sur le bureau. Je m'en approchai, concoctant déjà un plan. Il y avait également des enveloppes, ce qui serait pratique.

  — Alice, lançai-je en m'évertuant à garder une voix égale, si j'écris une lettre à ma mère, tu voudras bien la lui remettre ? Tu n'auras qu'à la laisser chez elle.

  — Bien sûr, Bella.

  Son ton était prudent. Elle pressentait que j'étais à deux doigts de craquer. Il fallait que je me ressaisisse.

  Je repartis vers la chambre et m'agenouillai près de la table de nuit.

  Edward, écrivis-je, la main tremblante, mes mots à peine lisibles. Je t'aime. Je suis vraiment désolée. Il tient ma mère, et je dois tenter quelque chose. Je suis consciente des risques. Je suis tellement, tellement désolée.

  N'en veux pas à Alice et Jasper. Si j'arrive à les semer, ça sera un miracle. Remercie-les de ma part. Surtout Alice, s'il te plaît.

  Et, je t'en prie, je t'en supplie, ne le cherche pas. C'est ce qu'il veut, je crois. Je ne supporterais pas que quelqu'un coure à sa perte à cause de moi, surtout toi. Comprends bien : c'est la seule chose que je peux te demander à présent. Fais-le pour moi.

  Je t'aime. Pardonne-moi.

  Bella.

  Je pliai soigneusement ma missive et fermai l'enveloppe. Il finirait par la trouver. J'espérais qu'il se rangerait à mes raisons, ne serait-ce que cette fois.

  Ensuite, je fermai soigneusement mon cœur.

  22

  CACHE-CACHE

  La terreur, le désespoir, mon cœur brisé en mille morceaux, tout cela avait pris moins de temps que ce que j'avais prévu pour me sauter à la figure. Désormais, les minutes s'écoulaient plus lentement que d'ordinaire. Lorsque je rejoignis Alice, Jasper était toujours absent. J'avais peur de me trouver dans la même pièce qu'elle, peur qu'elle ne devine... et j'avais peur de la fuir, pour les mêmes raisons.

  J'avais cru avoir épuisé mes capacités d'étonnement tant j'étais torturée et déstabilisée, mais je fus vraiment déconcertée en voyant Alice agrippée au bureau, comme prostrée.

  — Alice ?

  Elle m'ignora. Elle se balançait de gauche à droite, et son allure m'effraya — ses yeux étaient vides, hallucinés. Je pensais aussitôt à ma mère. Était-il déjà trop tard ? Réflexe bien humain, je me précipitai vers elle pour la réconforter.

  — Alice ! claqua la voix de Jasper.

  Immédiatement, il fut derrière elle, l'arrachant à la table. À l'autre bout de la pièce, la porte se referma avec un petit clic.

  — Que se passe-t-il ? demanda-t-il.

  Alice enfouit son visage dans le torse de Jasper.

  — Bella ? murmura-t-elle.

  — Je suis ici.

  Elle tourna la tête, et ses pupilles se fixèrent sur moi, toujours aussi étrangement inexpressives. Je compris aussitôt que ce n'était pas à moi qu'elle s'était adressée, mais qu'elle avait répondu à la question de Jasper.

  — Qu'as-tu vu ? lançai-je platement.

  Jasper me contempla avec acuité, et je m'appliquai à ne rien laisser deviner. Dérouté, son regard fit l'aller-retour entre Alice et moi, flairant une catastrophe. Je pressentais quelle vision Alice avait pu avoir. Soudain, une atmosphère sédative m'enveloppa, et je l'accueillis avec plaisir, l'utilisant pour contrôler mes émotions. Alice, elle aussi, se calma.

  — Rien d'important, finit-elle par déclarer d'une voix remarquablement paisible et convaincante. La même pièce qu'avant, c'est tout. Veux-tu un petit-déjeuner ? ajouta-t-elle en osant enfin affronter mon regard, stoïque, imperturbable.

  — Non merci, je mangerai à l'aéroport.

  Moi aussi, j'étais parfaitement calme. Je sortis me doucher. Comme si j'avais emprunté à Jasper son drôle de don sensoriel, j'avais perçu l'envie frénétique qu'avait Alice, quoiqu'elle la dissimulât à merveille, de me voir quitter les lieux afin d'être seule avec Jasper. Afin de lui confier sans doute qu'ils étaient sur le point de commettre une erreur et d'échouer...

  Je me préparai avec méthode en me concentrant sur chaque détail. Je n'attachai pas mes cheveux pour qu'ils couvrent mon visage. L'humeur détendue créée par Jasper m'aidait à réfléchir de façon claire. Et efficace. Je fouillai mon sac à la recherche de la chaussette contenant mes économies et vidai ces dernières dans ma poche.

  J'avais hâte d'arriver à l'aéroport et accueillis avec joie notre départ, vers sept heures. Cette fois, j'étais assise seule sur la banquette arrière de la voiture. Alice était appuyée contre la portière, tournée vers Jasper, ce qui ne l'empêchait pas de me lancer des coups d'œil constants derrière ses lunettes de soleil.

  — Alice ? lançai-je d'une voix neutre.

  — Oui ?

  Prudente.

  — Comment ça fonctionne, tes visions ? Edward m'a dit que ce n'était pas fiable... que les choses changeaient.

  Affichant l'indifférence, voire l'ennui, je regardais par la fenêtre. Pourtant, il me fut désagréablement difficile de prononcer son prénom. Edward. Cela dut alerter Jasper, car une nouvelle onde relaxante emplit l'habitacle.

  — Oui... elles changent, murmura-t-elle comme si elle espérait que ce serait aussi le cas cette fois. Certaines sont plus sûres que d'autres. La météo, par exemple. Avec les gens, c'est moins aisé. Je ne discerne leurs actes que tant qu'ils s'y consacrent. Dès qu'ils passent à autre chose, qu'ils prennent une nouvelle décision, aussi insignifiante soit-elle, le futur se transforme.

  — C'est ainsi que tu n'as pas prévu que James viendrait à Phoenix avant qu'il ait résolu de s'y rendre.

  — Oui, admit-elle avec circonspection.

  À l'identique, elle ne m'avait pas repérée dans la pièce aux miroirs tant que je ne m'étais pas déterminée à y rejoindre James. Je m'interdis de pense
r à ce qu'elle avait pu voir. Inutile que mon angoisse les rende encore plus soupçonneux. De toute façon, ils allaient me surveiller d'encore plus près, maintenant. Ça allait être vraiment difficile de leur échapper.

  Nous arrivâmes à l'aéroport. Soit chance, soit fruit du hasard, l'avion d'Edward atterrirait au terminal 4, le plus vaste, celui qui accueillait le plus de vols. Rien de très étonnant donc, mais c'était exactement celui dont j'avais besoin, car il était immense et en général bondé. Par ailleurs, il existait au troisième niveau une porte qui risquait de m'offrir ma seule opportunité de fuir.

  Nous nous garâmes au quatrième étage du gigantesque parking. Je pris la direction des opérations puisque, une fois n'est pas coutume, j'en savais plus sur l'endroit que mes compagnons. Nous empruntâmes l'ascenseur jusqu'au troisième niveau, celui des arrivées. Alice et Jasper s'absorbèrent dans la contemplation du tableau d'affichage des départs, discutant les mérites et les inconvénients de New York, Atlanta, Chicago. Des villes que je ne connaissais pas. Et ne connaîtrais jamais.

  Je guettais le bon moment, impatiente, incapable de me retenir de taper du pied. Nous étions assis dans les longues rangées de sièges installées près des détecteurs de métaux. Mes compagnons faisaient semblant d'observer les passants — en réalité, c'est moi qu'ils surveillaient. Le moindre de mes mouvements était enregistré. J'étais coincée. Me sauver à toutes jambes ? Oseraient-ils m'en empêcher en recourant à des moyens physiques dans un endroit aussi fréquenté ? Ou se contenteraient-ils de me suivre ?

  Tirant l'enveloppe blanche de ma poche, je la posai sur les genoux d'Alice. Elle me regarda.

  — Ma lettre, précisai-je.

  Elle acquiesça et la glissa dans son sac en cuir noir. Edward l'aurait bien assez tôt.

  Les minutes s'écoulèrent, nous rapprochant de l'heure fatidique. Chaque cellule de mon corps paraissait sentir — espérer — la prochaine arrivée d'Edward. C'était une émotion assez stupéfiante. Et difficile à supporter. Je me surpris à me chercher des excuses pour rester, pour l'apercevoir une dernière fois avant de me sauver. En même temps, j'avais conscience que c'était irréaliste si je voulais vraiment les semer.

  Alice proposa à plusieurs reprises de m'accompagner prendre un petit-déjeuner. Je déclinai toutes ses invitations, prétendant ne pas avoir faim. Focalisée sur le tableau d'affichage, je vis les avions se poser à l'heure les uns après les autres. Celui en provenance de Seattle grimpait peu à peu vers le haut de l'écran. Tout à coup, alors qu'il ne me restait que trente minutes pour prendre la poudre d'escampette, les horaires furent bouleversés — il avait dix minutes d'avance. C'était maintenant ou jamais.

  — J'ai faim, annonçai-je aussitôt.

  — Je t'accompagne, dit précipitamment Alice en sautant sur ses pieds.

  — Je préférerais que ce soit Jasper, ça ne t'ennuie pas ? Je me sens un peu...

  Je ne terminai pas ma phrase, estimant que mes yeux devaient être assez égarés pour transmettre le message.

  Jasper se leva donc. Alice parut hésiter mais, à mon grand soulagement, elle ne sembla rien soupçonner. Elle attribuait sans doute l'évolution de sa vision à une manœuvre quelconque du traqueur plutôt qu'à une trahison de ma part. Jasper m'escorta en silence, sa main frôlant mon dos comme s'il me guidait. Je feignis de me désintéresser des premiers cafés de l'aéroport tandis que je cherchais du regard l'endroit que je visais. Il se trouvait à deux pas de là, au détour d'un couloir, hors de vue de la perspicace Alice : les toilettes pour femmes du troisième niveau.

  — Tu permets ? lançai-je au moment où nous passions devant. J'en ai pour une minute.

  — Je ne bouge pas d'ici.

  Dès que la porte se fut refermée sur moi, je détalai. Je n'avais pas oublié le jour où je m'étais perdue parce que ces toilettes avaient deux sorties. Seuls quelques mètres séparaient celle du fond des ascenseurs et, si Jasper tenait sa promesse de m'attendre de l'autre côté, il ne me repérerait pas. Je filai sans me retourner. C'était ma seule chance, et je devais la saisir, qu'il m'aperçoive ou non, d'ailleurs. Les badauds me dévisagèrent avec étonnement, je n'y prêtai pas attention. J'atteignis les ascenseurs et glissai une main entre les portes de celui qui se refermait. Il était plein. Par bonheur, il descendait. Je me faufilai entre des voyageurs agacés après avoir vérifié que le bouton du niveau 1 était bien allumé.

  Aussitôt que les portes se rouvrirent, je me ruai dehors, poursuivie par des murmures irrités. Je ralentis devant les agents de sécurité postés près des tapis où l'on récupérait les bagages, puis repartis de plus belle en me rapprochant de la sortie. Je n'avais aucun moyen de savoir si Jasper était déjà sur mes traces. S'il décidait de flairer ma piste, je n'avais que quelques secondes devant moi. Je déboulai dehors, manquant de heurter les portes en verre automatiques dans ma précipitation.

  Il n'y avait pas un taxi en vue le long du trottoir bondé.

  Vite ! Soit Alice et Jasper étaient en train de se rendre compte que j'avais filé, soit c'était déjà fait, et ils n'allaient pas tarder à me retrouver.

  Une navette à destination de l'hôtel Hyatt fermait déjà ses portes, à quelques mètres de moi.

  — Attendez ! criai-je au chauffeur en agitant le bras.

  — Je vais au Hyatt, me dit-il, surpris.

  — Je sais, haletai-je en me ruant dans le bus, moi aussi.

  Méfiant, il ne manqua pas de remarquer mon absence de bagages mais finit par hausser les épaules. Après tout, ce n'était pas ses affaires. La plupart des sièges étaient vides. Je m'installai aussi loin que possible des autres passagers et me perdis dans la contemplation du paysage tandis que nous nous éloignions de l'aéroport. Je ne pus m'empêcher d'imaginer Edward debout au bord du trottoir lorsqu'il aurait repéré ma trace. Je m'interdis de pleurer — j'avais encore du pain sur la planche.

  La fortune semblait ne pas me quitter. Devant le Hyatt, un couple à l'air hagard sortait sa dernière valise du coffre d'un taxi. Bondissant de la navette, je me précipitai dans l'auto, sous les regards réprobateurs de tous. Au chauffeur ébahi, je lançai l'adresse de ma mère.

  — Je suis extrêmement pressée, ajoutai-je.

  — Mais c'est dans le quartier de Scottsdale ! maugréa-t-il.

  Je jetai un billet de vingt dollars sur le siège avant.

  — Ça suffira ?

  — Pas de problème, jeune fille !

  Je m'adossai contre la banquette arrière, bras croisés sur les genoux. La ville familière défilait derrière la vitre, mais je n'y prêtais aucune attention, trop occupée à garder le contrôle de mes nerfs. J'étais bien décidée à ne pas craquer, maintenant que mon plan avait fonctionné. Il ne servait à rien d'ouvrir les vannes à la terreur ou à l'angoisse. Ma route était tracée, ne me restait plus qu'à la suivre. Bref, au lieu de paniquer, je fermai les yeux et passai les vingt minutes que dura le trajet en compagnie d'Edward.

  Je rêvai que j'étais restée à l'aéroport pour l'accueillir. Je me serais dressée sur la pointe des pieds pour apercevoir au plus vite son visage. Il aurait fendu la foule nous séparant avec grâce et aisance puis, toujours aussi téméraire, j'aurais couru me jeter dans ses bras de marbre avec un immense sentiment de sécurité. Je me demandai où nous serions allés. Quelque part dans le Nord, pour qu'il puisse sortir au grand jour. Ou dans un endroit très reculé où nous aurions lézardé ensemble au soleil. Je l'imaginai sur la plage, sa peau étincelant comme la mer. Nous serions restés cachés autant de temps que nécessaire — ça n'aurait pas eu d'importance. Être coincée dans un hôtel avec lui aurait été une sorte de paradis sur terre. J'avais encore tellement de questions à lui poser. J'aurais pu lui parler à l'infini, sans jamais dormir, sans jamais le quitter. Son visage m'apparaissait de façon si claire, à présent... j'entendais presque sa voix. Et, malgré l'horreur et le désespoir, je fus heureuse, l'espace d'un instant. Plongée dans la rêverie qui me permettait d'oublier la réalité, j'avais perdu la notion du temps.

  — Hé ! C'est quel numéro ?

 
; L'intervention du chauffeur de taxi me tira de mes pensées fantaisistes, effaçant les si jolies couleurs de mon délire. L'épouvante, triste et implacable, se rua aussitôt dans la place vacante.

  — 5821.

  Mes accents étaient tellement étouffés que le type me jeta un coup d'œil inquiet, histoire de s'assurer que je n'étais pas en pleine crise d'asthme.

  — Nous y voilà, s'empressa-t-il d'annoncer, sûrement désireux de me voir quitter sa voiture au plus vite et espérant que je ne réclamerais pas ma monnaie.

  — Merci, murmurai-je.

  Inutile d'avoir peur, me rappelai-je. La maison était vide. Il fallait que je me dépêche ; ma mère attendait, terrorisée ; sa survie dépendait de moi. Je me ruai vers l'entrée et tendis automatiquement la main vers l'avant-toit pour m'emparer de la clé de secours. Je déverrouillai la porte. À l'intérieur, tout était sombre, vide et normal. Je courus vers le téléphone, allumant les lampes de la cuisine au passage. Sur le tableau blanc des courses, tracé d'une petite écriture nette, un numéro de dix chiffres que je composai. Mes doigts tremblaient tant que je dus m'y reprendre à plusieurs fois avant d'y arriver. C'est une main vacillante que je portai à mon oreille. Il n'y eut qu'une seule tonalité.

  — Allô, Bella ? lança la voix détendue du traqueur. Tu as fait vite. Je suis très impressionné.

  — Ma mère va bien ?

  — Très bien. Ne t'inquiète pas, elle ne présente aucun intérêt pour moi. Sauf si tu n'es pas seule, bien sûr.

  — Je le suis.

  Je ne l'avais jamais été autant de toute mon existence.

  — Parfait. Tu connais le studio de danse qui se trouve dans ton quartier ?

  — Oui. Je sais où il est.

  — À tout de suite, alors.

  Je raccrochai.

  Je filai aussitôt et me propulsai dans la chaleur infernale. Je ne m'attardai pas devant la maison. À quoi bon ? Elle était vide, elle incarnait l'épouvante et non plus le sanctuaire qu'elle avait pu représenter autrefois. La dernière personne à avoir arpenté les pièces familières était mon ennemi.

 

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