RÉVÉLATION
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Table des Matières
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Dédicace
Livre 1 - BELLA
Prologue
1 - FIANÇAILLES
2 - LONGUE VEILLE
3 - GRAND JOUR
4 - GESTE
5 - L’ÎLE D’ESMÉ
6 - DISTRACTIONS
7 - SURPRISE
Livre 2 - JACOB
Prologue
8 - EN ATTENDANT QUE LA FICHUE BAGARRE
COMMENCE ENFIN
9 - POUR LE COUP, JE NE L’AI PAS VUE VENIR, CELLE-LÀ
10 - POURQUOI NE SUIS-JE PAS PARTI , TOUT SIMPLEMENT ?
AH OUI ! PARCE QUE JE SUIS UN IMBÉCILE ...
11 - LES DEUX CHOSES TOUT EN HAUT DE MA LISTE
DES CHOSES QUE JE DÉTESTE PAR-DESSUS TOUT
12 - CERTAINES PERSONNES NE COMPRENDRONT JAMAIS QU’ELLES NE SONT PAS LES BIENVENUES
13 - HEUREUSEMENT QUE J’AI L’ESTOMAC SOLIDE
14 - LES CHOSES VONT MAL QUAND ON REGRETTE D’AVOIR ÉTÉ IMPOLI ENVERS LES VAMPIRES
15 - TIC TAC TIC TAC TIC TAC
16 - ALERTE POUR CAUSE D’ÉPANCHEMENTS
17 - DE QUOI J’AI L’AIR ? DU MAGICIEN D’OZ ? TE FAUT-IL UN CERVEAU ? TE FAUT-IL UN CŒUR ? TIENS, PRENDS LES MIENS. PRENDS TOUT CE QUE J’AI...
18 - IL N’Y A PAS DE MOTS POUR CELA
Livre 3 - BELLA
Prologue
19 - BRÛLURE
20 - RENAISSANCE
21 - PREMIÈRE CHASSE
22 - PROMESSE
23 - SOUVENIRS
24 - CADEAU
25 - SERVICE RENDU
26 - BRILLANTE
27 - PROJETS DE VOYAGE
28 - FUTUR
29 - DÉFECTION
30 - IRRÉSISTIBLE
31 - DON
32 - RENFORTS
33 - FAUX ET USAGE DE FAUX
34 - PRISES DE POSITION
35 - ATTENTE
36 - SOIF DE SANG
37 - STRATAGÈMES
38 - POUVOIR
39 - TOUT EST BIEN QUI FINIT BIEN
INDEX DES VAMPIRES
L’édition originale de ce roman a paru sous le titre :
Breaking Dawn
© Stephenie Meyer, 2008.
This edition published by arrangement with Little, Brown and Company (Inc.), New York, New York, USA. All rights reserved.
© Hachette Livre, 2008, pour la traduction française.
978-2-012-01973-7
Ce livre est dédié à mon ninja d’agent, Jodi Reamer.
Merci de m’avoir préservée du précipice.
Merci également à mon groupe de musique préféré,
le fort bien nommé Muse,
qui m’a inspiré cette saga.
Livre 1
Bella
L’enfance n’est pas l’époque qui va jusqu’à un certain âge
[et, à cet âge certain,
L’enfant abandonne ses occupations infantiles.
L’enfance est le royaume où personne ne meurt.
Edna St Vincent Millay (1892-1950)
Prologue
J’avais eu plus que mon compte d’expériences mortifères, phénomène auquel on ne s’habitue pas.
Il semblait cependant inévitable que j’affronte de nouveau la mort. À croire que j’étais marquée du sceau de la catastrophe. J’avais beau y avoir échappé à maintes reprises, elle ne cessait de revenir à moi.
Pour autant, cette fois différait beaucoup des précédentes.
Il est possible de fuir celui que l’on craint, de lutter contre celui que l’on hait. Je savais réagir face à ce genre de tueurs – monstres et ennemis.
Lorsqu’on aime son assassin, on n’a plus le choix, cependant. Car comment fuir et lutter si cela signifie blesser l’aimé ? Si la vie est la seule chose à lui donner, comment la lui refuser ?
Quand on l’aime réellement ?
1
FIANÇAILLES
« Personne ne te regarde. Personne ne t’observe. Personne ne t’épie », me rassurai-je.
Comme j’étais incapable de mentir de façon convaincante, y compris à moi-même, je me sentis obligée de vérifier, néanmoins.
En attendant que l’un des trois uniques feux de Forks passe au vert, je jetai un coup d’œil sur ma droite – à l’intérieur de son monospace, Mme Weber avait le buste tourné dans ma direction. Son regard me transperça, et je tressaillis. Pourquoi me fixait-elle ainsi ? N’était-il pas impoli de toiser ainsi les gens ? Ou cette règle ne s’appliquait-elle plus à moi ? Puis je pris conscience que les vitres teintées de la voiture étaient si sombres qu’elle ne se rendait sans doute pas compte que je m’y trouvais, encore moins que je l’avais surprise en train de me reluquer. Je tâchai de me consoler en concluant que ce n’était sans doute pas moi qu’elle examinait ainsi, mais le véhicule.
Mon véhicule. Je poussai un soupir.
Un nouveau coup d’œil, à gauche cette fois. Un gémissement m’échappa. Deux piétons s’étaient figés sur le trottoir au lieu de traverser la rue. Derrière eux, M. Marshall était pétrifié dans la vitrine de sa petite boutique de souvenirs. Du moins n’avait-il pas le nez collé au carreau. Pas encore.
Le feu passa au vert et, toute à ma hâte de fuir, j’appuyai sur l’accélérateur sans réfléchir, comme je l’aurais fait pour ébranler mon antique camionnette Chevrolet. Le moteur grondant comme une panthère en chasse, la voiture bondit avec une puissance telle que je fus plaquée sur le siège en cuir noir, et que mon estomac s’écrasa contre ma colonne vertébrale.
— Aaahhh ! criai-je en cherchant la pédale de frein.
Je l’effleurai, ce qui n’empêcha pas l’engin de s’arrêter net, avec un soubresaut. Je n’osai inspecter les alentours afin de jauger les réactions des témoins. Si quelqu’un avait eu des doutes quant au conducteur de cette automobile, ce n’était plus le cas à présent. De la pointe de ma chaussure, j’enfonçai l’accélérateur d’un millimètre, et la voiture repartit à toute vitesse.
Je parvins à atteindre mon but : la station-service. Si je n’avais pas été fébrile, je ne me serais même pas donné la peine de descendre en ville. Je me privais de bien des choses, ces derniers mois, des biscuits aux lacets, rien que pour éviter de passer du temps en public.
Me mouvant comme si je courais un marathon, je ne mis que quelques secondes à ouvrir le volet du réservoir puis ce dernier, à glisser ma carte de crédit dans la pompe et le bec verseur dans le réservoir. Naturellement, je ne pouvais rien pour accélérer le débit, et les nombres défilèrent avec paresse, comme pour m’agacer.
La journée avait beau être typique – maussade et humide –, j’avais l’impression qu’un projecteur était braqué sur moi, attirant l’attention sur la bague délicate à ma main gauche. En pareils moments, imprégnée du sentiment que des yeux se vrillaient sur mon dos, il me semblait qu’elle clignotait, tel un néon : « Regardez-moi, regardez-moi ! »
Je savais qu’il était idiot d’être aussi gênée. Hormis celle de mes parents, que m’importait l’opinion des gens à propos de mes fiançailles ? De ma nouvelle auto ? De ma mystérieuse acceptation dans une université de l’Ivy League1 ? De la carte de crédit noire et luisante qui, après avoir réintégré ma poche arrière, paraissait brûler comme un fer chauffé à blanc ?
— Qu’ils pensent ce qu’ils veulent, rouspétai-je dans un souffle.
— Mademoiselle ? lança une voix masculine.
Je me retournai et le regrettai aussitôt. Deux hommes se tenaient devant un 4 x 4 tape-à-l’œil sur le toit duquel étaient fixés des kayaks flambant neufs. Ni l’un ni l’autre ne me regardait – ils étaient bien trop intéressés par la voiture. Personnellemen
t, ce genre de passion m’échappait – il est vrai que j’étais déjà fière de savoir repérer les logos distinguant une Toyota d’une Ford ou d’une Chevrolet. Ce véhicule-là était noir, brillant et joli – pour moi, il restait un moyen de locomotion.
— Désolé de vous déranger, mais pourriez-vous me dire quel est ce modèle ? demanda le plus grand.
— Euh… une Mercedes, non ?
— Oui, je sais, acquiesça poliment l’inconnu, cependant que son camarade levait les yeux au ciel. C’est juste que… il s’agit bien d’une S 600 Guard ?
Il s’était exprimé avec respect. Il se serait bien entendu avec Edward Cullen, mon… mon fiancé (cette triste vérité était désormais incontournable, vu que le mariage était prévu pour dans quelques jours).
— Elles ne sont pas encore sorties en Europe, poursuivait le type. Encore moins ici, donc.
Pendant que ses prunelles s’attardaient sur ma voiture – laquelle, à mes yeux, ressemblait à toutes les autres berlines de la même marque –, je réfléchis brièvement aux problèmes que me posaient les mots « fiancé », « mariage », « mari », etc. Des termes auxquels je n’arrivais pas à donner un sens. Non seulement j’avais été élevée dans la crainte des robes blanches meringuées et des bouquets, mais il m’était impossible d’assimiler l’image sérieuse, respectable et terne de mari avec l’idée que je me faisais d’Edward. C’était comme d’embaucher un archange en guise de comptable ; je ne l’imaginais pas dans un rôle aussi commun.
À ma mauvaise habitude, penser à Edward m’entraîna dans un tourbillon vertigineux de fantasmes. L’inconnu fut obligé de se racler la gorge pour attirer mon attention. Il attendait encore ma réponse concernant le modèle de mon véhicule.
— Je n’en ai pas la moindre idée, avouai-je honnêtement.
— Ça ne vous ennuie pas si je me prends en photo à côté ?
Je mis une seconde à comprendre sa requête.
— Vous voulez vraiment être photographié avec ma voiture ?
— Oui. Sinon, personne ne me croira. Ce sera une preuve.
— Hum. D’accord. Pas de souci.
Je m’empressai de terminer le plein et de regagner mon siège afin de me cacher, cependant que l’enthousiaste sor tait un énorme appareil de son sac à dos. Son ami et lui prirent la pose tour à tour près du capot, puis à l’arrière.
— Ma camionnette me manque, marmonnai-je pour moi-même.
Ma Chevrolet avait poussé son dernier soupir quelques semaines seulement après l’accord bancal auquel Edward et moi étions parvenus. Ce qui était vraiment très, très bien tombé. Trop bien tombé. Un détail du compromis stipulait en effet que je l’autorisais à remplacer mon pick-up lorsqu’il rendrait l’âme. Edward avait juré qu’il fallait s’y attendre ; ma fourgonnette avait eu une longue vie bien remplie avant de mourir de causes naturelles. Ça, c’était sa version. Naturellement, je n’avais aucun moyen de vérifier ses allégations, non plus que de tenter de ressusciter la Chevrolet, puisque mon mécanicien préféré…
J’étouffai dans l’œuf cette pensée, peu désireuse de la laisser m’entraîner vers des conclusions désagréables. À la place, je tendis l’oreille à ce que les deux hommes se racontaient, dehors, leurs voix atténuées par l’épaisseur de l’habitacle.
— … sur la vidéo en ligne, ils y allaient au lance-flammes. Ça n’a même pas écaillé la peinture.
— Bien sûr que non. Un tank ne viendrait pas à bout de cette merveille. Mais il n’y a pas de vrai marché pour elle, ici. Elle a surtout été conçue pour les diplomates du Moyen-Orient, les trafiquants d’armes et les seigneurs de la drogue.
— Tu crois qu’elle en est ? demanda le plus petit des deux en baissant le ton.
Je me courbai en deux, les joues rouges.
— Bof, répondit le grand. Peut-être. Je ne vois pas qui aurait besoin de verre antimissile et de deux tonnes de carrosserie blindée par ici. Elle doit sûrement se rendre dans des parages plus dangereux.
Une carrosserie blindée… deux tonnes de carrosserie blindée. Et du verre anti-missile ? Super ! Qu’était-il advenu des bonnes vieilles protections pare-balles ? En tout cas, ce cadeau luxueux avait une signification, maintenant. À condition d’avoir un sens de l’humour dévoyé.
Certes, je m’étais attendue à ce qu’Edward tirât avantage de notre marché, qu’il fît pencher la balance en sa faveur, histoire d’offrir beaucoup plus qu’il ne recevrait. J’avais accepté qu’il remplace ma camionnette en temps voulu, n’ayant pas envisagé que ça se produirait aussi vite. Lorsque j’avais été contrainte d’admettre que la Chevrolet était devenue une nature morte le long du trottoir, j’avais deviné que la voiture qu’il comptait m’acheter me mettrait dans l’embarras. Qu’elle ferait de moi l’objet des regards et des racontars. Et j’avais eu raison. Cependant, même dans mes pires cauchemars, je n’avais pas imaginé qu’il m’en donnerait deux.
La voiture « d’avant » et celle « d’après », m’avait-il expliqué quand j’avais piqué une crise.
La Mercedes était celle « d’avant ». Edward avait précisé qu’il s’agissait d’un emprunt auprès du garage, qu’il la rendrait après le mariage. Je n’avais rien compris du tout. Désormais, c’était clair.
Ha ! Ha ! Ha ! Parce que j’étais une humaine fragile et si encline aux accidents, si poursuivie par ma dangereuse malchance, il me fallait apparemment un véhicule susceptible de résister à un char d’assaut. Très amusant. Ses frères et lui avaient sûrement adoré la bonne blague. Dans mon dos.
« Ou alors, me susurra une petite voix intérieure, ce n’est pas une plaisanterie. Il s’inquiète sans doute véritablement. Ce ne serait pas la première fois qu’il exagère un peu quand il s’agit de te protéger. »
Je soupirai.
Je n’avais pas encore vu la voiture « d’après ». Elle était cachée sous une bâche, dans les profondeurs les plus sombres du garage des Cullen. La plupart des gens n’auraient pas résisté à l’envie d’y jeter un coup d’œil ; moi, je n’avais pas envie de savoir. Elle ne serait certainement pas blindée – notre lune de miel terminée, cela ne me serait plus utile. L’indestructibilité virtuelle n’était qu’un des multiples avantages que je recherchais. Quand on était un Cullen, le plus chouette ne consistait pas en automobiles onéreuses ou en cartes de crédit illimitées.
— Hé ! me héla le grand type en plaquant son visage sur la vitre foncée, mains en coupe autour des yeux pour tenter d’apercevoir quelque chose. On a fini. Merci beaucoup !
— De rien ! lançai-je en retour.
Je démarrai et, prudente, tendue, appuyai sur l’accélérateur.
Malgré le nombre de fois où j’avais parcouru le chemin familier me ramenant à la maison, je ne parvenais toujours pas à ignorer les affichettes délavées par la pluie. Chacune d’elles, agrafées aux poteaux téléphoniques ou scotchées aux panneaux de signalisation, était comme une gifle en pleine figure. Une gifle méritée. Je fus aussitôt aspirée par les pensées que j’avais volontairement interrompues, un peu auparavant. Impossible de les éviter sur cette route. Pas quand les photos de mon mécanicien préféré m’interpellaient à intervalles réguliers.
Mon meilleur ami. Jacob.
Les posters AVEZ-VOUS VU CE GARÇON ? n’étaient pas l’idée de Billy, le père de Jacob, mais du mien, Charlie, qui les avait imprimés et affichés partout dans Forks. Partout dans la région, d’ailleurs : Port Angeles, Sequim, Hoquiam, Aberdeen, toutes les villes de la péninsule d’Olympic. Il avait veillé à ce que le moindre commis sariat de l’État de Washington accroche ces photos sur ses murs. Son propre bureau comportait un panneau en liège entièrement dédié à la recherche de Jacob. Il était quasiment vide, à la plus grande déception de Charlie ; à son plus grand agacement aussi.
La déception tenait également à Billy, son meilleur ami. Parce que lui ne s’investissait guère dans la quête de son « fugueur » de fils, âgé de seulement seize ans. Il refusait de mettre des affichettes à La Push, la réserve indi
enne de la côte, d’où était originaire Jacob. Il paraissait résigné à la disparition de son fils, face à laquelle il avait l’air de penser qu’il était impuissant. Il avait affirmé que Jacob était adulte, qu’il rentrerait quand bon lui semblerait.
Et Charlie était agacé par moi, qui me rangeais du côté de Billy.
Moi aussi, j’avais décliné l’invitation à coller des posters. Tant Billy que moi savions où était Jacob. Plus ou moins s’entend ; nous savions juste que personne n’avait vu ce « garçon ».
Néanmoins, les photos provoquèrent l’habituelle grosse boule dans ma gorge et le non moins habituel picotement des larmes à mes yeux. Je fus soulagée qu’Edward fût parti chasser, en ce samedi. Eût-il été témoin de ma réaction, qu’il se serait également senti mal.
Nonobstant, le samedi avait ses désavantages – lorsque je tournai lentement dans ma rue, j’aperçus la voiture de patrouille garée devant la maison. Une fois de plus, Charlie avait séché sa séance de pêche. Il boudait encore à cause du mariage. Je ne pourrais donc pas téléphoner de chez nous. Pourtant, il fallait absolument que j’appelle.
Je me rangeai le long du trottoir, derrière la Chevrolet qui ne faisait plus qu’office de sculpture, puis je sortis de la boîte à gants le téléphone mobile qu’Edward m’avait donné en cas d’urgence. Je composai le numéro, tout en conservant mon doigt sur le bouton de fin d’appel, des fois que.
— Allô ?
C’était Seth Clearwater, et je poussai un soupir de soulagement. J’étais trop froussarde pour parler à sa sœur aînée, Leah. L’expression « arracher la tête » n’était pas entièrement une figure de style, avec elle.
— Salut, Seth. C’est Bella.
— Oh, salut ! Ça roule ?
J’étouffe. Je meurs d’inquiétude.