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TENTATION Page 24

by Stephenie Meyer


  — Dors, Bella, tu dois avoir les idées claires. Je sais que tu trouveras. J'en ai besoin. Je refuse de te perdre, pas pour ça.

  En une enjambée, il fut à la porte, qu'il ouvrit sans bruit avant de disparaître. Je guettai les grincements de l'escalier, il n'y eut pas un son.

  Je m'allongeai sur mon lit, en proie au vertige. J'étais éreintée, déboussolée. Je fermai les paupières en m'efforçant de réfléchir à ce qui venait de se produire, fus immédiatement aspirée par l'inconscience. Comme par hasard, je ne dormis pas du sommeil paisible et sans rêve auquel j'aspirais tant.

  Je me retrouvai dans les bois et, à ma bonne habitude, me mis à y errer. Cependant, je m'aperçus vite qu'il ne s'agissait pas de mon cauchemar ordinaire. D'abord, je n'éprouvais pas de contrainte à marcher au hasard ou à chercher ; je n'avançais que par réflexe, parce que c'est ce qu'on attendait de moi, ici. Quoique... ce n'était même pas la forêt habituelle. L'odeur en était différente, la lumière aussi. Elle ne sentait pas la terre humide, mais l'océan. Je ne distinguais pas le ciel, et pourtant le soleil devait briller quelque part car les feuilles au-dessus de ma tête étaient d'un jade luisant. C'étaient, j'en étais sûre, les bois aux alentours de La Push, en bordure de la plage. Si je trouvais celle-ci, je savais que j'y atteindrais le soleil. Je marchais donc d'un bon pas, me guidant au faible bruit des vagues lointaines. Soudain, Jacob fut là. Il m'attrapa par la main et me ramena dans la partie la plus sombre des arbres.

  — Qu'y a-t-il, Jacob ?

  Son visage était celui d'un petit garçon effrayé, et ses cheveux étaient de nouveau la magnifique toison qui retombait en queue de cheval sur sa nuque. Il me tira de toutes ses forces, je résistai, refusant de retourner dans l'obscurité.

  — Cours, Bella ! Il faut que tu coures ! chuchota-t-il, terrifié.

  La brutale impression de déjà-vu fut si forte qu'elle faillit me réveiller. Je compris pourquoi je reconnaissais les lieux — j'y étais déjà allée. Dans un autre rêve. Un million d'années avant, dans une tout autre vie. C'était le songe qui m'avait visitée la nuit après que je m'étais promenée sur la plage en compagnie de Jacob, celle qui avait suivi ma découverte certaine qu'Edward était un vampire. Avoir évoqué cette journée avec Jacob juste avant de m'endormir devait avoir ramené le rêve à la surface de mon subconscient.

  Dans une espèce de détachement, j'attendis qu'il se déroule. Une lumière s'approchait de moi, en provenance de la plage. D'ici un instant, Edward émergerait du couvert des arbres, la peau luisant faiblement, les prunelles noires et menaçantes. Il me ferait signe en souriant, beau comme un ange, ses dents pointues et aiguisées...

  Mais là, j'allais trop vite. Quelque chose devait d'abord se produire.

  Jacob me lâcha et poussa un cri bref. En tremblant, il tomba sur le sol, à mes pieds, s'y tordit.

  — Jacob ! hurlai-je.

  Il avait disparu. À sa place se dressait un énorme loup brun-roux aux yeux sombres et perspicaces.

  Alors, le cauchemar dévia de sa trajectoire, tel un train qui déraille.

  Ce n'était pas le loup dont j'avais rêvé dans mon autre vie. C'était le grand animal rouille qui s'était posté à moins de quinze centimètres de moi, dans la clairière, une semaine plus tôt à peine. La bête était gigantesque, monstrueuse, plus grande qu'un ours. Elle me regardait intensément, s'efforçait de me dire quelque chose via ses prunelles brillant d'intelligence — les iris brun foncé et familiers de Jacob Black.

  Je me réveillai en hurlant de toutes mes forces.

  Je crus que Charlie allait débarquer, cette fois. Ce n'était pas mon cri ordinaire. Enfouissant ma tête dans l'oreiller, je tâchai de maîtriser la crise de nerfs qui menaçait de me submerger. Le nez dans la toile de coton, je me demandai s'il n'existait pas un moyen de supprimer le lien que je venais de faire. Mais Charlie n'apparut pas, et je finis par réussir à étrangler les piaillements qui s'échappaient de ma gorge.

  Je me rappelais tout, désormais, chacun des mots que Jacob avait prononcés ce jour-là sur la grève, y compris la partie ayant précédé le récit sur les vampires, les « Sang-froid ». Surtout elle, d'ailleurs.

  — Tu connais nos vieilles légendes ? commença-t-il. Celles sur nos origines, à nous les Indiens Quileute ?

  — Pas vraiment.

  — Eh bien, disons qu'il existe des tas de mythes, dont certains remonteraient au Déluge. D'après eux, les Quileute auraient, pour survivre, accroché leurs canoës aux sommets des plus grands arbres des montagnes, comme Noé et son arche. (Ton léger, histoire de montrer qu'il n'accordait pas beaucoup d'importance à ces blagues.) Un autre prétend que nous descendons des loups, et que ceux-ci sont nos frères, encore aujourd'hui. Nos lois tribales interdisent d'ailleurs de les tuer. Et puis, ajouta-t-il en baissant un peu la voix, il y a les histoires sur les Sang-froid.

  — Les Sang-froid ? répétai-je sans plus cacher ma curiosité.

  — Oui. Les légendes les concernant sont aussi vieilles que celles sur les loups. Il y en a même de beaucoup plus récentes. L'une d'elles affirme que mon propre arrière-grand-père a connu des Sang-froid. C'est lui qui aurait négocié l'accord les bannissant de nos terres.

  Incrédule, il leva les yeux au ciel.

  — Ton arrière-grand-père ? l'encourageai-je.

  — C'était un Ancien de la tribu, comme mon père. Tu vois, les Sang-froid sont les ennemis naturels des loups. Enfin, plus exactement, des loups qui se sont transformés en hommes, comme nos ancêtres. Ceux que tu appellerais des loups-garous.

  — Les loups-garous ont des prédateurs ?

  — Un seul.

  Une boule m'empêchait de respirer. J'essayai de l'avaler, mais elle était bien coincée et s'obstina à m'étrangler. Du coup, je tentai de la cracher.

  — Un loup-garou, ânonnai-je.

  Oui, c'était bien lui, le mot qui m'étouffait. L'univers parut tanguer et s'incliner sur son axe. Mais dans quel endroit vivais-je ? Était-il envisageable qu'existât un monde dans lequel des légendes ancestrales rôdaient aux abords de villes minuscules et insignifiantes, mettant en scène des monstres fabuleux ? Cela signifiait-il que le plus absurde des contes de fées reposait sur une vérité absolue ? La normalité et la raison avaient-elles leur place ou tout n'était-il que magie et histoires de fantômes ? Je serrai ma tête entre mes mains pour éviter qu'elle explose.

  Au fond de moi, une petite voix sèche me demandait si ça avait une importance quelconque. N'avais-je pas accepté depuis longtemps la réalité des vampires ? Et sans aucune hystérie. Oui, avais-je envie de lui répondre, et justement, un mythe ne suffisait-il pas à remplir une existence ? Par ailleurs, il n'y avait pas eu un moment où je ne me fusse dit qu'Edward Cullen se situait au-delà de l'ordinaire ; je n'avais donc pas été très surprise de découvrir sa vraie nature — il était tellement évident qu'il était autre chose. Mais Jacob ? Jacob, qui n'était que Jacob, rien de plus ? Jacob, mon ami ? Jacob, le seul être humain avec lequel j'avais réussi à communiquer...

  Voilà qu'il n'était même pas humain.

  Je retins un nouveau hurlement.

  Quelle conclusion devais-je en tirer sur ma propre personne ?

  La réponse était simple. Je débloquais sérieux. Sinon, comment expliquer que ma vie était remplie de créatures dignes de figurer dans des films d'horreur ? Sinon, pourquoi me souciais-je d'elles au point que des pans de ma poitrine m'étaient arrachés quand elles décidaient de poursuivre leur chemin d'êtres chimériques ?

  Tout dans mon esprit tournoyait et se transformait, se réarrangeant de façon à ce que les choses qui avaient eu un sens en prennent un autre. Il n'y avait pas de secte, il n'y en avait jamais eu. Comme il n'y avait jamais eu de gang. Oh que non ! C'était bien pire que cela — une meute. Une meute de cinq loups-garous monstrueux, bigarrés et hallucinants qui étaient passés tout près de moi dans la clairière d'Edward...

  Brusquement, j'éprouvai le besoin frénétique d'agir. Un coup d'œil au réveil m'apprit qu'il était bien trop tôt. Tant pis ! Je devais me rendre à L
a Push maintenant. Il fallait que je voie Jacob afin qu'il confirme que je ne battais pas complètement la campagne.

  J'enfilai les premiers vêtements qui me tombaient sous la main, me fichant qu'ils s'accordent ou non, et descendis les marches deux à deux. Dans ma précipitation à sortir, je faillis bousculer Charlie.

  — Où vas-tu ? lança-t-il, aussi surpris que moi de cette rencontre. Tu as vu l'heure ?

  — Oui. Je file chez Jacob.

  — Je croyais que ce qui se passait avec Sam...

  — Aucune importance ! Il est indispensable que je lui parle. Tout de suite.

  — Il est drôlement tôt, ronchonna-t-il. Tu ne petit-déjeunes pas ?

  — Je n'ai pas faim.

  Il me bloquait le passage, et j'envisageai un instant de le contourner et de déguerpir à toutes jambes, sauf que, à coup sûr, cela impliquerait une sacrée explication, plus tard.

  — Je n'en ai pas pour longtemps, d'accord ? temporisai-je.

  — Tu vas directement chez Jacob, compris ? Pas de halte en route.

  — Bien sûr que non ? Pourquoi m'arrêterais-je ?

  — Je n'en sais rien, admit-il. C'est juste que... il y a eu une autre attaque des loups. Tout près du lieu de cure, aux sources thermales. Le malheureux n'était qu'à une dizaine de mètres de la route quand il a disparu. Sa femme a vu un énorme loup gris quelques minutes plus tard, alors qu'elle cherchait son mari. C'est elle qui a donné l'alerte.

  — Un loup a attaqué le bonhomme ? murmurai-je, tandis que mon estomac tombait comme une pierre, à l'instar de ce qui se produit lors des chutes en vrille dans les montagnes russes.

  — Nous n'avons retrouvé aucune trace de la victime, rien qu'un peu de sang. Les gardes forestiers sortent armés, et des tas de chasseurs volontaires sont prêts à s'impliquer. Une récompense a été offerte à qui rapporterait la carcasse d'une de ces bêtes. On peut s'attendre à ce que ça tiraille dans tous les coins, et c'est ça qui m'inquiète. C'est quand les gens s'excitent que les accidents se produisent...

  — Ils vont tirer les loups ? piaillai-je.

  — Tu as une autre solution ? Qu'est-ce que tu as ? Ne me dis pas que tu es devenue une de ces mégères écolo !

  Je me sentais faible, soudain, et je devais être encore plus blanche que d'habitude. Je fus incapable de répondre. S'il ne m'avait observé, l'air suspect, je me serais assise par terre, la tête entre les genoux. J'avais oublié les disparitions de randonneurs, les empreintes sanglantes... Je n'avais pas relié ces événements avec ce que j'avais compris grâce à mon rêve.

  — Écoute, chérie, ne te laisse pas impressionner. Contente-toi de rester en ville ou sur la quatre voies, sans faire de pause, compris ?

  — Oui, marmonnai-je faiblement.

  — Bon, j'y vais.

  C'est alors que je remarquai son arme attachée à sa ceinture et ses chaussures de marche.

  — Tu ne vas pas te lancer à la poursuite des loups, hein ?

  — Il faut que je donne un coup de main, Bella. Des gens meurent.

  — Non ! m'écriai-je d'une voix suraiguë. N'y va pas ! C'est trop risqué !

  — C'est mon boulot, ma fille. Ne sois pas aussi pessimiste, tout ira bien. Tu sors ? ajouta-t-il en me tenant la porte.

  J'hésitai, toujours aussi nauséeuse. Qu'aurais-je pu dire pour le retenir ? J'étais dépassée, rien ne me venait à l'esprit.

  — Bella ?

  — Il est peut-être trop tôt, chuchotai-je.

  — C'est vrai.

  Et il s'éloigna sous la pluie. Dès qu'il fut hors de vue, je m'affalai sur le plancher et mis ma tête entre mes jambes. Fallait-il que je coure derrière lui ? Mais que lui raconterais-je ? Et Jacob ? Il était mon meilleur ami, il était nécessaire que je l'avertisse. S'il était vraiment un... loup-garou (le mot me fit grimacer), on allait le prendre pour cible ! Je devais les prévenir, lui et ses amis. S'ils continuaient à courir les bois sous la forme d'énormes loups, les humains comptaient les descendre. Je n'avais d'autre choix que de leur conseiller d'arrêter.

  Oh bon sang ! Et Charlie qui se rendait dans la forêt. Prendraient-ils ça en compte ? Jusqu'à maintenant, toutes les victimes avaient été des étrangers. Cela signifiait-il quelque chose ou n'était-ce que le hasard ? Je n'avais plus qu'à espérer que Jacob, au moins, ferait attention. Quoi qu'il en soit, il fallait que je le mette en garde. En même temps...

  Jacob était mon meilleur ami, il était aussi un monstre. Un vrai ? Un méchant ? Mon devoir était-il vraiment de les avertir si lui et ses amis étaient... des meurtriers ? S'ils massacraient des innocents de sang froid ? S'ils étaient réellement des personnages de films d'horreur, dans tous les sens du terme, les protéger n'était-il pas mal agir ?

  La comparaison avec les Cullen s'imposa, inévitable. Je m'enroulai dans mes bras, combattant la plaie de mon cœur en songeant à ces derniers. J'ignorais tout des loups-garous. Si je m'étais attendue à quelque chose, ç'aurait été à ce que la fiction en montrait, des créatures poilues mi-hommes mi-bêtes. Je ne savais pas ce qui les poussait à chasser, si c'était la faim, la soif ou le simple désir de tuer. Du coup, il m'était difficile de juger.

  Cependant, leur sort ne pouvait être pire que celui des Cullen après ce qu'ils avaient enduré dans leur quête du bien. Je repensai à Esmé — les larmes me vinrent aux yeux en revoyant son visage beau et bon — et à la façon dont, aussi maternelle et aimante fût-elle, elle avait dû se pincer le nez, honteuse, et s'enfuir quand j'avais saigné devant elle. Y avait-il pire épreuve ? Je songeai à Carlisle, aux siècles durant lesquels il avait lutté pour apprendre à ignorer le sang afin de pouvoir sauver des vies en tant que médecin. Rien n'était plus ardu que cela, non ?

  Les loups-garous avaient choisi une autre voie.

  Quel choix s'offrait à moi ?

  13

  TUEUR

  « Pourvu que ce ne soit pas Jacob ! N'importe qui, mais pas lui ! » pensais-je sur la route de La Push.

  Je n'étais toujours pas convaincue que j'agissais comme il le fallait — j'avais juste passé un compromis avec moi-même.

  Il m'était impossible de fermer les yeux sur les agissements de Jacob et de ses amis — de sa meute. Je comprenais à présent pourquoi, cette nuit-là, il avait émis les craintes que je ne souhaite plus le revoir et, certes, j'aurais pu lui téléphoner, ainsi qu'il l'avait suggéré. Sauf que ça m'aurait paru lâche. Pour le moins, je lui devais une confrontation directe. Je lui dirais en face qu'il ne devait pas s'attendre à ce que je tolère ses actes. Il était hors de question que je sois l'amie d'un tueur sans protester, que je laisse les meurtres se produire... sinon, je serais aussi mauvaise que lui.

  Toutefois, il m'était impossible de ne pas le prévenir. Il m'appartenait de le protéger, dans la mesure de mes moyens.

  Je me rangeai devant chez les Black, les lèvres serrées, la bouche dure. Que mon meilleur ami fût un loup-garou était pénible ; fallait-il qu'il fût également un monstre ? La maison était sombre ; aucune lumière ne brillait aux fenêtres. Tant pis si je les réveillais. J'abattis mon poing sur la porte avec une énergique colère, le son résonna dans les murs.

  — Entrez ! lança Billy au bout d'un instant.

  À l'intérieur, on alluma une lampe. Je tournai la poignée ; la serrure n'était pas verrouillée. Billy, drapé dans une robe de chambre, pas encore installé dans son fauteuil, se penchait dans l'encadrement d'une autre porte qui donnait dans la cuisine minuscule.

  — Quelle surprise ! Bonjour, Bella. Que fiches-tu ici de si bon matin ?

  — Bonjour, Billy. Il faut que je parle à Jake. Où est-il ?

  — Euh... aucune idée, me mentit-il, impassible.

  — Savez-vous à quoi la matinée de Charlie est consacrée ? m'emportai-je, lasse de ce jeu du chat et de la souris.

  — Je devrais ?

  — Lui et la moitié des hommes de la ville sont en train de battre la forêt, armes au poing. Ils traquent des loups géants.

  Billy tressaillit mais se ressaisit immédiatement.

  — Et j'aimer
ais en toucher un mot à Jake, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

  Longtemps, Billy réfléchit en pinçant ses lèvres épaisses.

  — Il dort sûrement encore, finit-il par céder en montrant du menton le couloir qui partait du salon. Depuis trois jours, il rentre tard. Cet enfant a besoin de repos. Mieux vaudrait ne pas le réveiller.

  — Chacun son tour, marmonnai-je dans ma barbe.

  Je fonçai droit devant, ignorant le soupir de Billy. La chambre de Jacob, un placard tout au plus, était la seule pièce donnant sur le corridor. Je ne pris pas la peine de frapper, et ouvris à la volée le battant qui alla claquer contre le mur. Toujours habillé du pantalon de survêtement coupé aux genoux qu'il portait quand il m'avait rendu visite, Jacob était étendu en diagonale sur le lit double qui occupait toute la place, ne ménageant qu'une étroite ruelle sur son pourtour. Même dans cette position, ses pieds et sa tête dépassaient de chaque côté de la couche. Il dormait profondément, un mince filet de bave dégoulinant de sa bouche entrouverte. Il n'avait même pas réagi au fracas de mon entrée. Le sommeil dans lequel il était plongé avait apaisé son visage, lissant les rides de son courroux. Pour la première fois, je remarquai qu'il avait de larges cernes. En dépit de sa taille ridiculement grande, il paraissait soudain très jeune. Et à bout de forces. La compassion me submergea.

  Reculant, je refermai doucement derrière moi. Billy m'observa avec une curiosité circonspecte lorsque je revins lentement dans le salon.

  — Je crois en effet qu'il mérite de dormir.

  L'homme acquiesça, et nous nous dévisageâmes pendant une minute. Je mourais d'envie de l'interroger sur son rôle dans tout cela. Que pensait-il de ce que son fils était devenu ? Sachant cependant qu'il avait soutenu Sam depuis le début, il était probable que les meurtres ne le dérangeaient pas. Comment il le justifiait à ses propres yeux, voilà qui m'échappait, en revanche. Tout dans son attitude laissait deviner que lui aussi fourmillait de questions à mon égard, sans qu'il osât les poser néanmoins.

  — Écoutez, lâchai-je, rompant le silence, je serai sur la plage. Quand il se lèvera, dites-lui qu'il m'y rejoigne. D'accord ?

 

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