LE GRAND VOYAGE
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— Oui, je m’en souviens, avoua-t-il en rejoignant Ayla sur le plateau. Et je n’ai toujours pas compris comment tu l’avais arrêté en plein milieu de son saut.
— Quand Bébé était tout petit, expliqua Ayla, il s’amusait à m’attaquer, mais quand il est devenu trop grand pour qu’on joue à ce petit jeu, je lui ai appris à s’arrêter. Il était devenu trop brutal. Maintenant, il faut que j’apprenne la même chose à Loup. Non seulement pour qu’il ne blesse personne, mais aussi pour qu’on ne lui fasse pas de mal.
— Si quelqu’un peut le dresser, c’est bien toi, Ayla.
Elle l’avait convaincu, et si elle réussissait, il deviendrait plus facile de voyager avec Loup. Mais Jondalar s’attendait toujours à ce que le louveteau leur causât des ennuis. Il avait ralenti leur traversée de la rivière, et avait détruit quelques-unes de leurs affaires en les mâchouillant. Ayla était venue à bout de ce défaut, c’est vrai. Il eût été injuste de prétendre qu’il n’aimait pas l’animal. Car il l’aimait. Observer Loup de près était fascinant, et Jondalar fut plus d’une fois surpris de le voir si amical et si affectueux. Mais il demandait une surveillance continue, du temps, et les obligeait à stocker davantage de nourriture. Les chevaux aussi exigeaient que l’on prît soin d’eux, mais Rapide lui obéissait et ils les aidaient en retour. Le Voyage s’annonçait difficile, ils n’avaient que faire d’un fardeau supplémentaire, d’un animal source de soucis autant qu’un enfant.
Et encore, pas n’importe quel enfant, se dit Jondalar. Un enfant difficile. Pourvu que la Grande Terre Mère ne donne pas un enfant à Ayla avant la fin du Voyage ! Une fois arrivés et installés, ce sera différent, nous pourrons y penser. Mais qu’y faire ? Seule la Mère décidera... Tout de même, cela doit faire drôle d’avoir un enfant.
Et si Ayla avait raison ? Si les Plaisirs étaient à l’origine des naissances ? Pourtant, nous sommes ensemble depuis pas mal de temps, et aucun signe d’enfant à naître. Non, c’est forcément Doni qui met les enfants dans le ventre des mères. Mais alors, si jamais la Mère décidait de ne pas donner d’enfant à Ayla ? Elle en a déjà eu un, un esprit mêlé, c’est vrai. D’habitude, quand Doni en accorde un, elle en accorde souvent d’autres. Et si c’était à cause de moi ? Ayla peut-elle engendrer un enfant venu de mon esprit ? Ayla ou n’importe quelle autre femme ?
J’ai partagé les Plaisirs et honoré Doni avec de nombreuses femmes. L’une d’elles a-t-elle jamais eu un enfant grâce à moi ? Comment un homme peut-il le savoir ? Ranec le savait, lui. Sa couleur et son physique étaient si particuliers, et on retrouvait son essence chez certains enfants, à la Réunion d’Été. Je n’ai pas une couleur exceptionnelle, ni de signe reconnaissable... peut-être que si, d’ailleurs.
Que dire de la rencontre avec les chasseurs Hadumaï, dans cette région, précisément ? La vieille Haduma voulait que Noria ait un bébé avec des yeux bleus comme les miens, et après les Premiers Rites, Noria m’a affirmé qu’elle aurait un enfant de mon esprit. Et avec mes yeux bleus. Haduma le lui avait promis. A-t-elle mis ce bébé au monde ?
Lorsque j’ai quitté Serenio, elle pensait être enceinte. Je serais curieux de savoir si son enfant a les yeux bleus. Serenio avait déjà un enfant, mais elle n’en a pas eu d’autre depuis, et Darvo était presque un jeune homme, déjà. Je me demande ce qu’elle pensera d’Ayla. Et ce qu’Ayla pensera d’elle.
Et si elle n’avait pas été enceinte ? La Mère ne m’a peut-être pas encore pardonné, et Elle me signifie que je ne mérite pas d’avoir un enfant dans mon foyer. Pourtant, Elle m’a rendu Ayla. Zelandoni me disait toujours que Doni ne me refuserait jamais rien, et elle m’incitait à être prudent avec mes demandes, parce qu’elle croyait que Doni les satisferait toutes. C’était pour cela que, lorsqu’elle s’appelait encore Zolena, elle m’avait fait promettre de ne pas la réclamer à la Mère.
Pourquoi demander quelque chose qu’on ne désire pas ? Je n’ai jamais compris ceux qui parlent avec les esprits. On dirait qu’ils ont une ombre sur la langue. Ils prétendaient que Thonolan était un favori de Doni, à cause de son aisance avec les gens. Mais ils ajoutaient : Garde-toi des faveurs de la Mère. Lorsqu’Elle favorise trop quelqu’un, Elle veut qu’il La rejoigne au plus vite. Est-ce pour cela que Thonolan est mort ? La Grande Terre Mère l’a-t-elle repris ? Que sont vraiment les faveurs de Doni ?
J’ignore si Elle m’accorde Ses faveurs, mais je sais que Zolena a bien fait de rejoindre les zelandoni. Cela m’a rendu service, à moi aussi. J’avais mal agi, mais si elle n’était pas devenue zelandoni, je n’aurais jamais entrepris ce Voyage avec Thonolan, et je n’aurais jamais rencontré Ayla. Alors, peut-être me favorise-t-Elle un peu. Mais je ne veux pas profiter des bontés de Doni. J’ai déjà demandé qu’Elle nous autorise à rentrer sains et saufs, je ne peux pas Lui demander aussi de donner à Ayla un enfant de mon esprit, surtout en ce moment. Mais en aura-t-elle jamais ?
6
Ayla et Jondalar s’éloignèrent de la rivière et s’enfoncèrent à l’intérieur des terres en obliquant vers l’ouest. Ils rencontrèrent une autre vallée où coulait vers l’est un large cours d’eau qui rejoignait en aval celui qu’ils venaient de quitter. La vallée, vaste et verdoyante, se creusait en pente douce jusqu’à la rivière qui courait rapidement au milieu de terres alluviales jonchées de pierres de toutes tailles, allant du gros rocher au gravier fin comme du sable. Hormis quelques touffes d’herbe et de rares plantes, le lit rocailleux était nu, lavé de toute végétation par les crues printanières.
Quelques arbres morts s’étaient accrochés aux rochers, et des buissons d’aulnes et d’arbrisseaux aux feuilles grisâtres restaient suspendus le long des rives. Une harde de cerfs géants aux andouillers palmés si démesurés qu’ils auraient fait paraître petits ceux des élans, viandaient près des bosquets de saules cotonneux qui poussaient sur les terres humides, au bord de l’eau.
D’humeur joyeuse, Loup gambadait près des chevaux, jouant à éviter leurs sabots, ceux de Rapide en particulier. Whinney n’y prêtait guère attention, mais le jeune étalon montrait plus de nervosité. Ayla savait que le cheval aurait répondu aux taquineries de Loup si Jondalar ne l’avait retenu. Celui-ci devait se concentrer pour contrôler sa monture. Il commençait à être agacé et il pensait sérieusement demander à Ayla de contenir son louveteau.
Au grand soulagement de Jondalar, Loup détala soudain comme une flèche. Il avait senti l’odeur des cerfs, et partait en éclaireur. Les longues pattes des cerfs géants étaient une vision irrésistible et il crut avoir trouvé de nouveaux compagnons de jeu. Mais lorsque celui qu’il approchait baissa la tête pour repousser sa charge, Loup s’arrêta net. C’était un mâle magnifique dont chacun des andouillers mesurait plus de trois mètres ! Conscient de la présence du carnassier, le bel animal continua cependant à brouter l’herbe grasse comme s’il n’avait rien à redouter d’un loup isolé. Ayla contemplait la scène en souriant.
— Regarde-le, Jondalar. Loup s’imaginait avoir trouvé un autre cheval à narguer.
— Oui, il a vraiment l’air étonné, s’amusa Jondalar. Il ne s’attendait pas à tomber sur des bois pareils.
D’un accord tacite, ils se dirigèrent lentement vers l’eau en s’efforçant de ne pas effrayer l’énorme cerf. Ils furent impressionnés par la taille de ces créatures géantes plus hautes qu’eux-mêmes à cheval. Avec une grâce majestueuse, les cerfs s’éloignèrent à l’approche des cavaliers, par prudence plus que par crainte, broutant quelques feuilles de saule dans leur retraite.
— Ils sont encore plus grands que je ne le croyais, remarqua Ayla. Je n’en avais jamais vu de si près.
Bien qu’à peine plus massifs que les élans, les cerfs géants avec leur magnifique ramure semblaient énormes. Chaque année, leurs bois tombaient, remplacés par d’autres plus grands et plus ramifiés, jusqu’à atteindre trois mètres et davantage en une seule saison chez certains vieux mâles. Mais même dépourvus de leurs andouillers, les plus grands étaient immenses comparés aux autres représentants de leur es
pèce. Leur poil rude, leurs épaules massives et les muscles de leur cou, qui s’étaient développés pour supporter les lourdes ramures, contribuaient à leur donner un aspect impressionnant. Animaux des plaines, encombrés par leurs andouillers démesurés, ils évitaient les sous-bois. On racontait que certains étaient morts de faim, piégés par leurs glorieux cors emmêlés dans des branches.
Ayla et Jondalar s’arrêtèrent pour chercher un gué. L’eau était profonde, le courant violent, et des rapides s’étaient formés autour de gros rocs anguleux. Les conditions étaient partout identiques, en aval comme en amont. Finalement, ils décidèrent de traverser là où il y avait le moins de rochers.
Ils descendirent de leur monture, attachèrent les paniers sur la ligne de croupe des chevaux, et y rangèrent les vêtements chauds qu’ils avaient enfilés pour se protéger de la fraîcheur matinale. Jondalar ôta sa tunique sans manches, et Ayla faillit se dévêtir entièrement, mais après avoir testé la température de l’eau elle changea d’avis. Elle était certes habituée à l’eau froide, mais avec ce fort courant, celle-ci était aussi glacée que l’eau qu’elle avait laissée dehors la nuit précédente, et qu’elle avait retrouvée au petit matin recouverte d’une pellicule de glace. Même mouillées, sa tunique et ses jambières en peau de daim la réchaufferaient.
Les chevaux piaffaient, caracolaient, et secouaient la tête en hennissant. Ayla ajusta le licol de Whinney pour l’aider à traverser. Sentant alors la tension grandissante de la jument, elle flatta son encolure aux poils rudes et lui murmura des paroles apaisantes dans la langue qu’elle avait inventée lorsqu’elles vivaient ensemble dans la vallée.
Elle l’avait inventée inconsciemment, améliorant sans cesse la complexité des signes. Bâtie sur les rares mots du langage du Clan, elle y avait ajouté au fur et à mesure des onomatopées qu’elle utilisait avec son fils et auxquelles elle avait assigné un sens, mais aussi des sons inspirés de ceux des chevaux, d’occasionnels grognements de lion et même des gazouillis d’oiseaux.
Habitué au dialogue entre la jeune femme et sa jument, Jondalar n’avait pourtant pas la moindre idée de son contenu. Ayla possédait ce don étrange d’imiter les bruits d’animaux – don qu’elle avait exercé quand elle vivait seule, avant qu’il ne lui eût appris à parler oralement – et Jondalar trouvait ces sons insolites, comme venus d’un autre monde.
Rapide frappa du devant et branla la tête, hennissant de nervosité. Jondalar lui parla avec douceur tout en le caressant et en lui grattant le flanc. Ayla observa l’effet quasi immédiat des cajoleries de son compagnon sur le cheval ombrageux. La confiance qui s’était instaurée entre Jondalar et le jeune étalon la ravit. La douceur de ses mains lui rappela soudain les caresses qui la troublaient tant et elle rougit. Ce n’était certes pas l’apaisement que lui apportait Jondalar lorsqu’il la touchait.
Les chevaux n’étaient pas les seuls à s’inquiéter. Loup savait ce qui se préparait et n’appréciait guère la perspective d’un bain glacé. Il allait et venait le long de la rivière en couinant. Il finit par s’asseoir, rejeta la tête en arrière et poussa un long hurlement plaintif.
— Allons, Loup ! fit Ayla qui s’accroupit à côté du jeune animal pour l’apaiser. Tu as peur, toi aussi ?
— Est-ce qu’il va encore nous embêter pour traverser ? demanda Jondalar, toujours fâché du traitement que Loup avait infligé à Rapide.
— Je ne m’en fais pas pour ça. Il est seulement un peu nerveux, comme les chevaux.
Ayla était surprise que la peur compréhensible de Loup pût exaspérer Jondalar, pourtant si patient avec Rapide.
Certes la rivière était froide, mais les chevaux étaient des nageurs puissants. Une fois dans l’eau, ils n’eurent aucune difficulté à atteindre la rive opposée en guidant les deux humains autant que ceux-ci les guidaient. Même Loup traversa facilement. D’abord il fit quelques bonds sur la rive et couina en entrant dans l’eau. Il recula, avança plusieurs fois et s’élança finalement avec bravoure. Le museau hors de l’eau, il se mit à nager vers les humains et les chevaux chargés de paquets et de paniers.
Sur l’autre rive, Ayla et Jondalar se changèrent et essuyèrent les animaux avant de reprendre leur route. Ayla se souvenait des précédentes traversées qu’elle avait dû faire seule après avoir quitté le Clan, et elle remercia les robustes chevaux. Franchir un cours d’eau n’était jamais chose facile, et à pied on ne pouvait éviter de se mouiller. Avec leur monture, ils traversaient de petites rivières au prix de quelques éclaboussures seulement, et les rivières plus larges devenaient faciles à franchir.
Au fur et à mesure qu’ils avançaient vers le sud-ouest, le terrain changeait. A l’approche des montagnes de l’ouest, les collines se transformaient en hauts contreforts traversés de vallées profondes et étroites où couraient des rivières qu’ils durent franchir. Certains jours, ils ne faisaient que monter et descendre si bien que Jondalar avait l’impression qu’ils n’avançaient pas. Mais au moins les vallées offraient-elles des campements à l’abri du vent et les rivières les pourvoyaient-elles en eau, dans un pays par ailleurs très sec.
Ils s’arrêtèrent au sommet d’une colline dominant les hauts plateaux qui couraient parallèlement aux rivières. Un vaste panorama s’offrit à eux. Hormis les pâles contours grisâtres des montagnes qui s’élevaient au loin, à l’ouest, les plaines s’étendaient à perte de vue.
Bien que la terre aride et venteuse eût difficilement été plus dissemblable, les steppes monotones aux vagues vertes et ondoyantes que les deux cavaliers contemplaient évoquaient la mer dans son uniformité. Mais l’analogie allait plus loin. En dépit de son uniformité monotone, l’antique prairie qui ondulait sous le vent était incroyablement riche et variée et, comme la mer, recelait une vie foisonnante. Des créatures bizarres, aux attributs extraordinaires – tels que cornes ou andouillers exubérants, collerettes, houppes, bosses – partageaient la steppe immense avec d’autres animaux gigantesques.
Mammouths et rhinocéros, magnifiques dans leur double toison de longs poils flottants sur une chaude couche duveteuse, protégés par une épaisse réserve de graisse, affublés de défenses gigantesques ou de cornes nasales extravagantes. Cerfs géants, parés de majestueux andouillers palmés, paissant parmi les aurochs, splendides précurseurs sauvages des placides bovins domestiques, presque aussi massifs que les bisons aux cornes énormes. Même les petits animaux atteignaient des tailles conséquentes, grâce à la richesse des steppes. C’était le cas des grandes gerboises, des hamsters géants et des marmottes.
Les vastes prairies nourrissaient quantité d’autres animaux. Chevaux, ânes, onagres se partageaient les pâturages des terres alluviales ; aux moutons sauvages, chamois, bouquetins, étaient réservés les alpages. Les saïgas parcouraient les plaines ; les parties boisées au long des rivières, ou concentrées près des mares et des lacs, ainsi que les rares forêts des steppes et de la toundra hébergeaient diverses variétés de cervidés, du daim tacheté et du doux chevreuil à l’élan, au renne et au cerf – qu’on appelait orignal lorsqu’il migrait vers d’autres terres, tout comme l’élan devenait caribou. Lièvres et lapins, souris et campagnols, marmottes, sousliks et lemmings pullulaient ; crapauds, grenouilles, serpents et lézards avaient aussi leur place. Des oiseaux de toutes sortes et de toutes tailles, de la grue au minuscule pipit, enrichissaient les steppes de leurs chants et de leurs couleurs. Tous jouaient un rôle, tous jusqu’aux insectes.
C’était aux carnivores qu’incombait la régulation des immenses troupeaux d’herbivores et des rongeurs. Les carnivores, mieux adaptés à leur environnement et qui survivaient tant que les proies abondaient, parvenaient eux aussi à des proportions impressionnantes en vertu de la profusion et de la qualité des réserves de viande. De gigantesques lions de caverne – jusqu’à deux fois la taille de leurs descendants des pays chauds – chassaient les jeunes ou les vieux spécimens des herbivores, même les plus grands. Toutefois, un mammouth adulte avait peu à craindre. Les grands félins dirigeaient leur choix
sur le bison, l’aurochs, le cerf, pendant que des bandes de hyènes, de loups et de dholes s’attaquaient aux animaux moins imposants. Ils se partageaient le gibier abondant avec les lynx, les léopards, et les chats sauvages.
De monstrueux ours des cavernes, essentiellement végétariens et chasseurs occasionnels, atteignaient deux fois la taille des ours omnivores bruns ou noirs, alors que les ours blancs vivant sur les banquises se nourrissaient de poissons. Les carcajous et les putois s’attaquaient aux petits rongeurs, tout comme les martres, les belettes, les loutres, les furets, les zibelines, les visons, et les hermines qui devenaient blanches en hiver. Certains renards blanchissaient aussi l’hiver, où leurs poils prenaient un riche ton de gris, appelé bleu argenté, pour se fondre dans le paysage et chasser sans être vus. L’aigle royal, le faucon, le gerfaut, la corneille et le hibou attrapaient de petites proies inattentives ou malchanceuses, alors que les vautours et les milans noirs nettoyaient les carcasses abandonnées.
La grande variété et la taille exceptionnelle des animaux vivant dans ces steppes, la profusion et la démesure de leurs ornements, ne pouvaient être le fruit que d’un environnement d’une remarquable qualité. Pourtant, c’était une terre exigeante, glaciale et desséchée, entourée d’une barrière de hautes montagnes de glace et de rudes océans d’eau gelée. Il semblait contradictoire que des conditions si difficiles puissent procurer la richesse nécessaire au développement démesuré de la faune, mais elles étaient en fait extrêmement appropriées. Le climat sec et froid stimulait la croissance de l’herbe et empêchait les arbres de pousser.
Les arbres, tels que chênes ou conifères, poussaient facilement, mais ils exigeaient du temps et beaucoup d’humidité. Certes, les forêts nourrissaient et protégeaient quantité de plantes et d’animaux, mais les arbres nécessitaient des ressources importantes pour croître et ils ne favorisaient pas le développement des grands mammifères. Quelques animaux mangeaient des noix ou des fruits, d’autres broutaient les feuilles ou même les brindilles, mais l’écorce et le bois étaient peu comestibles et mettaient du temps à repousser. La même énergie et la même substance nutritive au service de l’herbe nourrissait davantage d’espèces, et l’herbe se renouvelait constamment. Peut-être la forêt représentait-elle la quintessence de la vie végétale, mais c’était l’herbe qui avait permis ce développement extraordinaire de la faune et c’étaient les prairies qui avaient assuré sa subsistance.