LE GRAND VOYAGE

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LE GRAND VOYAGE Page 40

by Jean M. Auel


  — Elle l’appelait d’un mot qui signifie « bébé », et ce nom lui est resté. C’est le plus gros Bébé que j’aie jamais rencontré, avoua Jondalar, déclenchant l’hilarité générale. Moi aussi, j’ai ri. Mais bien plus tard. Sur le moment je vous assure qu’il n’y avait rien de drôle. Bébé était le lion qui avait tué Thonolan, et qui m’avait à moitié tué, moi aussi.

  Dolando jeta un regard inquiet au loup qui était toujours à côté de sa compagne.

  — C’était notre faute, reprit Jondalar. On ne pénètre pas impunément sur le territoire d’un lion. Nous avions vu sa femelle quitter son antre et nous ignorions que Bébé s’y trouvait. Mais j’avoue que c’était stupide de notre part. J’ai eu de la chance.

  — De la chance ? C’est-à-dire ? intervint Markeno.

  — J’étais gravement blessé et je m’étais évanoui, mais Ayla a pu arrêter le lion avant qu’il m’achève.

  Tous les regards se tournèrent vers la jeune femme.

  — Et comment a-t-elle pu arrêter un lion des cavernes ? s’étonna Tholie.

  — De la même façon qu’elle contrôle Whinney et Loup, répondit Jondalar. Elle lui a ordonné de s’arrêter, et il a obéi.

  Un murmure d’incrédulité accueillit son explication.

  — Comment sais-tu ce qu’elle a fait ? Tu disais que tu étais inconscient, cria une voix.

  Jondalar dévisagea celui qui venait de parler. C’était un jeune homme du Fleuve qu’il avait vaguement connu.

  — Justement, Rondo, elle a recommencé plus tard, précisa-t-il. Pendant ma convalescence, Bébé est revenu la voir. Il savait que j’étais un étranger et il se souvenait peut-être que j’avais pénétré dans son antre avec Thonolan. Toujours est-il qu’il n’a pas apprécié de me retrouver près de la grotte d’Ayla, et qu’il a immédiatement bondi sur moi. C’est alors qu’Ayla s’est interposée et lui a ordonné d’arrêter. Et il a obéi ! Je n’avais pas le cœur à rire, mais il faut avouer qu’il était drôle. Si vous l’aviez vu se contorsionner en plein milieu d’un bond pour m’éviter !

  — Et où est-il maintenant ? s’enquit Dolando.

  Il surveillait Loup en se demandant si le lion n’avait pas aussi suivi Ayla. Il n’avait nulle envie qu’un lion des cavernes vînt lui rendre visite, qu’on pût le contrôler ou pas.

  — Il a fait sa vie, déclara Ayla. Il est resté avec moi tant qu’il était jeune. Ensuite, comme beaucoup d’enfants, il est parti se chercher une compagne. Il en a probablement plusieurs à présent. Whinney aussi m’a quittée pendant quelque temps, mais elle est revenue quand elle était grosse.

  — Et le loup ? demanda Tholie. Tu crois qu’il s’en ira un jour ? Ayla avala sa salive. C’était une question qu’elle avait toujours refusé d’envisager. Elle y avait souvent pensé, mais s’était débrouillée pour la chasser de son esprit, et avait fini par l’oublier complètement. Maintenant, la question lui était posée en public, et exigeait une réponse.

  — Loup était très jeune quand je l’ai trouvé, et il a grandi en croyant que le Camp du Lion était sa bande, déclara-t-elle. En général, les loups restent avec leur bande, mais certains la quittent et deviennent des solitaires jusqu’à ce qu’ils trouvent une femelle solitaire avec qui s’accoupler. Une nouvelle bande se forme alors. Loup est encore jeune, ce n’est qu’un louveteau malgré sa taille. Je ne sais vraiment pas ce qu’il fera, Tholie, et je ne me le demande jamais sans un pincement de cœur. Je ne veux pas le perdre.

  — Oui, c’est toujours difficile, pour ceux qui partent, comme pour ceux qui restent, approuva Tholie, en repensant à sa décision déchirante de quitter les Mamutoï pour vivre avec Markeno. J’ai connu cela. Et toi, ne disais-tu pas que tu avais quitté ceux qui t’ont élevée ? Comment les appelles-tu déjà ? Ah, oui, le Clan. Je n’en ai jamais entendu parler. Où vivent-ils ?

  Ayla jeta un coup d’œil à Jondalar. Elle le vit pâlir, immobile, le visage tendu. Il semblait gêné, et elle se demanda soudain s’il avait toujours honte de son passé et de ceux qui l’avait élevée. Pourtant, elle l’avait cru débarrassé de ce genre de préjugés. Elle n’avait pas honte du Clan. En dépit de Broud et des tourments qu’il lui avait infligés, on avait pris soin d’elle, on l’avait aimée malgré sa différence, et elle avait aimé en retour. Une bouffée de colère l’envahit, et autant par défi que par fierté, elle décida de ne pas renier ceux qui lui avaient prouvé leur amour.

  — Ils vivent sur la péninsule de la mer de Beran, annonça-t-elle.

  — La péninsule ? Je ne savais pas qu’elle était habitée. C’est le territoire des Têtes Plates...

  Tholie s’interrompit. Était-ce possible ?

  Tholie n’avait pas été la seule à deviner. Roshario avait blêmi et observait Dolando à la dérobée, essayant sans en avoir l’air, de découvrir s’il avait fait le rapprochement. Les noms étranges qu’Ayla avait mentionnés, si difficiles à prononcer, étaient-ce des noms qu’elle avait donnés à des animaux ? Pourtant, elle prétendait que la femme qui l’avait élevée lui avait enseigné l’art de guérir. Une autre femme vivait-elle parmi eux ? Mais une femme, experte dans les soins de surcroît, aurait-elle choisi librement de vivre parmi ces bêtes ? Un shamud vivrait-il au milieu des Têtes Plates ?

  Ayla remarquait les étranges réactions de certains Sharamudoï, mais le regard que lui jeta Dolando la fit trembler. Ce n’était plus le chef qui maîtrisait si bien ses émotions, celui qui s’inquiétait pour sa compagne avec tant de tendresse. Rien dans son regard ne témoignait d’une quelconque reconnaissance pour les soins qu’elle avait prodigués avec tant d’éclat, ni même de l’accueil prudent qu’il lui avait réservé à son arrivée. Non, Ayla ne décela qu’une douleur enfouie. Une sourde colère ravageait son visage et recouvrait ses yeux d’un voile de haine.

  — Les Têtes Plates ! explosa-t-il. Tu as vécu chez ces bêtes immondes ! Ah, si je pouvais tous les tuer de mes propres mains ! Comment as-tu pu vivre avec eux ? Quelle est la femme qui accepterait de vivre au milieu de monstres pareils ?

  Les poings serrés, il marcha sur Ayla. Jondalar et Markeno bondirent sur lui pour le retenir. Protégeant Roshario, Loup grognait en montrant les crocs. Shamio se mit à pleurer, et Tholie la prit dans ses bras et la serra contre son cœur. Dans d’autres circonstances, elle n’aurait pas eu peur de la savoir près de Dolando. Mais l’évocation des Têtes Plates le rendait fou furieux, et dans ces moments-là, il était capable de tout.

  — Jondalar ! Comment as-tu osé amener cette femme ici ? hurla Dolando en essayant de se libérer de l’étreinte du géant.

  — Dolando ! Est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis ? intervint Roshario en voulant se lever. Elle m’a aidée ! Qu’est-ce que ça peut te faire où elle a grandi ? Elle m’a aidée, tu m’entends !

  Tous ceux qui s’étaient réunis pour fêter le retour de Jondalar assistaient à la scène bouche bée, abasourdis. Ils ne savaient que faire. Carlono se leva pour aider Jondalar et Markeno à maîtriser Dolando.

  Ayla n’en revenait pas. La violence du chef la laissait interdite. Elle vit Roshario tenter de se lever et repousser le loup qui lui barrait la route, menaçant quiconque oserait approcher la blessée. Lui non plus ne comprenait pas la cause de cette agitation soudaine, mais il était déterminé à protéger la femme dont il estimait avoir la responsabilité. Ayla se dit qu’il n’était pas prudent que Roshario se levât, et elle se précipita vers elle.

  — Écarte-toi de ma femme ! s’écria Dolando. Ne la touche pas avec tes sales mains.

  Il luttait pour se libérer, mais les autres le retenaient solidement. Ayla se figea, partagée entre le désir d’aider Roshario et la crainte de décupler la rage de Dolando. Qu’est-ce qui lui prend ? s’étonnait-elle. Elle remarqua alors que Loup allait passer à l’attaque et elle lui fit signe de venir. Il ne manquerait plus qu’il blessât quelqu’un ! Loup était en proie à un dilemme déchirant. Il voulait à la fois défendre sa protégée et foncer dans la bagarre. Mais la situation était bien trop confuse. Ayla lui fi
t de nouveau signe en même temps qu’elle le sifflait. Et c’est le sifflet qui le décida. Il courut vers Ayla, et se posta devant elle en montrant les crocs.

  Comme Dolando s’était exprimé en sharamudoï, Ayla avait compris qu’il avait parlé des Têtes Plates et l’avait injuriée, mais le sens lui avait partiellement échappé. Assise près de Loup, elle comprit soudain ce qui avait provoqué la haine de Dolando, et cette découverte la mît dans une colère outragée. Non, les membres du Clan n’étaient pas des monstres. Pourquoi la simple évocation de leur nom le mettait dans un tel état ?

  Roshario avait réussi à se lever, et elle s’approchait des hommes en lutte. Tholie confia Shamio à une voisine et accourut l’aider.

  — Dolando ! Dolando ! Arrête ! implora Roshario.

  La voix de sa compagne sembla le calmer et il cessa de se débattre, mais les trois hommes se gardèrent de relâcher leur prise. Dolando dévisagea Jondalar d’un œil mauvais.

  — Pourquoi l’as-tu amenée ici ? répéta-t-il.

  — Dolando, qu’est-ce qui te prend ? Regarde-moi ! exigea Roshario. Pourquoi ne l’aurait-il pas amenée ? Ce n’est pas elle qui a tué Doraldo. Dolando la regarda et sembla remarquer pour la première fois la présence de la femme au bras en écharpe. Elle avait les traits tirés et paraissait bien faible. Il tressaillit, et comme une outre qui se vide, sa fureur le quitta.

  — Roshario, tu n’aurais pas dû te lever, reprocha-t-il doucement en essayant de l’enlacer, empêché par l’étreinte des trois hommes. Ça va, tu peux me lâcher, Jondalar, dit-il d’un ton froid.

  Le Zelandonii desserra sa prise, mais Markeno et Carlono attendirent d’être sûrs que Dolando fût définitivement calmé pour imiter Jondalar. Et ils restèrent à proximité.

  — Dolando, tu n’as aucune raison d’en vouloir à Jondalar, insista Roshario. Il a amenée Ayla parce que j’avais besoin d’elle. Tout le monde est bouleversé, Dolando. Allez, viens t’asseoir et montre-leur que tu t’es calmé.

  Le regard têtu, Dolando vint s’asseoir sur le banc, à côté de Roshario. Une femme leur apporta à boire un peu d’infusion et se dirigea ensuite vers l’endroit où se tenaient Jondalar, Markeno, Carlono, et Ayla, que Loup ne quittait pas.

  — Voulez-vous de l’infusion, ou un peu de vin ? demanda-t-elle.

  — Aurais-tu par hasard de ce délicieux vin de myrtille, Carolio ? s’enquit Jondalar.

  Ayla nota la ressemblance de la femme avec Carlono et Markeno.

  — Le nouveau vin n’est pas encore prêt mais il en reste peut-être de l’année dernière. Tu en voudras aussi, Ayla ?

  — Oui, si Jondalar le permet, j’aimerais bien y goûter. Je ne crois pas t’avoir déjà rencontrée, ajouta-t-elle.

  — Non, en effet, confirma la femme, pendant que Jondalar s’apprêtait à faire les présentations. Mais inutile de recourir à ces formalités, nous savons tous qui tu es, Ayla. Moi, je suis Carolio, la sœur de celui-ci, précisa-t-elle en montrant Carlono du doigt.

  — Oui, vous vous... ressemblez, déclara Ayla en cherchant ses mots. Jondalar s’aperçut avec surprise qu’elle parlait en sharamudoï : Comment avait-elle pu apprendre si vite ?

  — J’espère que tu pardonneras à Dolando, dit Carolio. Le fils de son foyer, le garçon de Roshario, a été tué par les Têtes Plates, et depuis, il les hait. Doraldo était un jeune homme débordant de vie, à peine plus âgé que Darvo. Dolando ne s’en est jamais tout à fait remis.

  Ayla comprenait, mais quelque chose la troublait. Ceux du Clan n’avaient pas l’habitude de tuer les Autres. Qu’avait donc pu faire ce garçon ? Elle s’aperçut que Roshario lui faisait signe, et malgré l’air revêche de Dolando, elle se hâta de la rejoindre.

  — Tu n’es pas fatiguée ? demanda-t-elle. Il est peut-être temps d’aller te coucher. Tu n’as pas mal ?

  — Si, un peu, mais ça va. Tu as raison, je ne vais pas tarder à me coucher. Je tiens à te dire combien je suis désolée de ce qui vient de se passer. Je... j’avais un fils...

  — Oui, Carolio me l’a dit. Il a été tué.

  — Les Têtes Plates... marmonna Dolando.

  — Nous avons peut-être tiré des conclusions trop rapidement. Tu disais avoir vécu avec... avec des gens de la péninsule ? questionna Roshario au milieu d’un silence pesant.

  — Oui, admit Ayla – Elle jeta un coup d’œil à Dolando et se lança.

  — J’ai vécu avec le Clan. Ceux que vous nommez les Têtes Plates s’appellent en réalité le Clan.

  — Comment est-ce possible ? Ils ne parlent pas, intervint une jeune femme.

  Jondalar reconnut la femme assise à côté de Chalono, mais ne put mettre un nom sur son visage. Ayla avait deviné ce qu’elle n’avait osé dire, et rétorqua :

  — Non, ce ne sont pas des bêtes. Ce sont des humains, et ils parlent. Ils utilisent peu de mots articulés, car leur langage est fait de signes.

  — Ah, c’est donc ça que je t’ai vue faire avant de m’endormir ? s’écria Roshario. Je croyais que c’était une sorte de danse.

  — Je m’adressais au monde des esprits, expliqua Ayla en souriant. J’implorais l’aide de l’esprit de mon totem.

  — Pfft, le monde des esprits ! Parler avec ses mains ! C’est absurde, oui ! cracha Dolando.

  — Dolando ! gronda Roshario, en lui prenant la main.

  — Ayla dit la vérité, Dolando, intervint Jondalar. Tous ceux du Camp du Lion ont appris ce langage, et moi aussi. Ayla nous l’a enseigné pour que nous puissions communiquer avec Rydag. Et j’avoue que tout le monde a été surpris de constater que l’enfant pouvait parler, même s’il prononçait mal les mots. Ils ont alors compris qu’ils n’avaient pas affaire à un animal.

  — Tu parles de l’enfant que Nezzie avait adopté ?

  — L’espèce de monstre d’esprit mêlé que cette folle de Mamutoï avait recueilli ? Un enfant, ça ? hurla Dolando en s’étouffant de rage.

  Ayla sentit sa colère monter. Elle redressa fièrement la tête pour riposter :

  — Rydag était un enfant. Il provenait peut-être d’esprits mêlés, mais comment oses-tu blâmer un enfant pour ses origines ? Il n’a pas choisi de naître comme ça. Ne dit-on pas que c’est la Mère qui choisit les esprits ? Rydag était un enfant de la Mère comme n’importe qui d’entre nous. De quel droit oses-tu le traiter de monstre ?

  Ayla défiait Dolando du regard. Tous les observaient, ébahis par la colère d’Ayla, et attendaient avec curiosité la réaction de Dolando, qui n’était pas le moins surpris.

  — Quant à Nezzie, elle n’est pas folle, reprit Ayla. C’est une femme sensible et généreuse qui a adopté un orphelin en se moquant pas mal de ce qu’on dirait. C’est une femme courageuse. Iza, celle qui m’a recueillie malgré ma différence, quand j’étais seule au monde, était comme elle. Elle m’a acceptée bien que je sois une Autre.

  — Les Têtes Plates ont tué l’enfant de mon foyer ! hurla Dolando.

  — Peut-être, mais ce n’est pas dans leurs habitudes. Le Clan préfère éviter les Autres – c’est comme ça qu’ils nous appellent... Je sais, Dolando, c’est dur de perdre un enfant, poursuivit Ayla en regardant avec compassion l’homme dont la rancœur ne s’était jamais éteinte. Mais laisse-moi te parler de quelqu’un que j’ai connu. C’est une femme que j’ai rencontrée au Rassemblement du Clan, l’équivalent de la Réunion d’Été, sauf que c’est moins fréquent. Elle collectait des fruits avec d’autres femmes quand des Autres sont arrivés. L’un d’eux l’a attrapée, et l’a forcée à partager les Plaisirs.

  La stupeur se lut sur de nombreux visages. Ayla abordait un sujet qu’on préférait généralement éviter, mais que tous, sauf les plus jeunes, connaissaient au, moins par ouï-dire. Certaines mères hésitèrent à éloigner leurs enfants, mais tout le monde voulait rester pour connaître la suite.

  — Les femmes du Clan ont l’habitude de se plier aux exigences des hommes, il n’est donc pas nécessaire de les forcer, mais l’homme était impatient. Il n’attendit pas qu’elle ait posé son bébé. Il l’empoign
a avec une telle violence que le bébé tomba. L’homme ne s’en aperçut même pas. Lorsqu’il autorisa enfin la femme à se relever, elle découvrit que son bébé avait heurté une pierre en tombant. Il était mort.

  Certains ne purent retenir leurs larmes.

  — Oui, cela arrive parfois, renchérit Jondalar. J’ai entendu parler de jeunes qui vivent loin vers l’ouest et qui pratiquent ces jeux avec les Têtes Plates. Ils se mettent à plusieurs pour forcer une femme du Clan.

  — Cela arrive par ici aussi, admit Chalono.

  Les femmes le dévisagèrent avec étonnement, alors que la plupart des hommes évitaient de regarder dans sa direction. Pourtant, Rondo le considérait avec mépris, comme s’il n’était qu’une ignoble vermine.

  — Mais tous les jeunes en parlent ! se justifia Chalono. C’est vrai que ça ne se pratique plus beaucoup, surtout depuis ce qui est arrivé à Doral...

  Il s’interrompit brusquement, jeta des regards furtifs à la ronde, et baissa les yeux, honteux d’en avoir trop dit.

  Le silence de mort qui suivit fut brisé par Tholie.

  — Roshario, tu as l’air bien fatiguée ? Tu ne crois pas que tu devais aller te coucher ?

  — Oui, c’est ce que je vais faire, admit Roshario.

  Jondalar et Markeno se précipitèrent à son aide, et chacun en profita pour s’esquiver. La soirée était terminée, personne n’avait plus le cœur à la fête. Les deux hommes transportèrent Roshario dans sa hutte, suivis par un Dolando qui traînait les pieds, accablé.

  — Je te remercie, Tholie, mais il vaut mieux que je dorme près de Roshario, dit Ayla. J’espère que Dolando ne s’y opposera pas. J’ai peur qu’elle passe une nuit agitée. D’ailleurs, il faut s’attendre à ce que les prochains jours soient pénibles. Son bras enfle déjà et la douleur va se réveiller. Elle n’aurait pas dû se lever ce soir, mais elle insistait tellement que je n’ai pas eu le cœur de l’en empêcher. Elle soutenait qu’elle allait bien, mais c’était dû à la potion que je lui avais fait boire pour dormir et atténuer la douleur. Je lui ai donné quelque chose d’autre mais l’effet va s’estomper pendant la nuit, et je préfère être là quand elle se réveillera.

 

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