LE GRAND VOYAGE

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LE GRAND VOYAGE Page 65

by Jean M. Auel


  Dans la matinée, elle demanda à ses femmes de lui fournir une équipe de travailleurs et d’y inclure le Zelandonii. La perspective de voir autre chose que la terre nue et la palissade oppressante réjouit Jondalar. C’était la première fois qu’on l’autorisait à sortir de l’Enclos pour travailler, il n’avait aucune idée de ce qu’Attaroa lui préparait, mais il espérait trouver de jeunes arbres bien droits. Les rapporter dans l’Enclos serait une autre histoire.

  Plus tard, ce même jour, Attaroa, paradant avec la pelisse de Jondalar, sortit de sa caverne accompagnée de deux de ses femmes et de S’Armuna. Les hommes avaient transporté des os de mammouth et les entassaient à l’endroit où Attaroa l’avait exigé. Ils avaient travaillé depuis le matin sans manger et sans boire. Jondalar n’avait pas encore eu l’occasion de chercher ses hampes et encore moins de trouver un moyen de les couper et de les rapporter au Camp des Hommes. Il était surveillé de près, et on ne lui laissait pas le temps de se reposer. Il avait faim, il avait soif, il était déçu, épuisé et fou de rage.

  Jondalar reposa le fémur qu’il portait avec Olamun, et se redressa pour affronter Attaroa qui approchait avec son escorte. Elle était grande, plus grande que bien des hommes. Elle aurait pu être séduisante. Pourquoi haïssait-elle les hommes à ce point ? se demanda-t-il. Lorsqu’elle lui adressa la parole, il nota son ton sarcastique, bien que le sens des mots lui échappât.

  — Alors, Zelandonii, as-tu une autre histoire à nous raconter ? Parle, que je m’amuse, traduisit S’Armuna qui reproduisît même les intonations moqueuses.

  — Je t’ai dit la vérité, assura Jondalar.

  — Oui, je sais, tu voyageais avec une femme qui monte sur le dos des chevaux. Où est-elle, alors ? Si elle a le pouvoir que tu lui prêtes, pourquoi n’est-elle pas venue te réclamer ? ricana Attaroa, les mains sur les hanches, comme pour le provoquer.

  — J’ignore où elle se trouve. J’ai peur qu’elle ne soit tombée dans le ravin avec les chevaux que tu chassais.

  — Tu mens, Zelandonii ! Mes chasseresses n’ont pas vu de femme sur le dos d’un cheval, et on n’a retrouvé aucun cadavre de femme. Tu dois savoir que celui qui vole les S’Armunaï est puni de mort, et tu essaies de t’en tirer à bon compte.

  Ainsi, on n’avait pas retrouvé le corps d’Ayla ! Jondalar ne put contenir sa joie en reprenant soudain espoir de revoir sa compagne.

  — Je te parle de mourir, et tu souris ! s’exclama Attaroa. Tu ne me crois pas capable de te tuer ?

  Elle pointa vers lui un index menaçant, et s’en frappa ensuite la poitrine comme pour souligner ses propos.

  — Mourir ? répéta-t-il en pâlissant.

  Tuait-on les gens pour les punir de chasser ? Tout à sa joie d’apprendre qu’Ayla était encore en vie, il n’avait pas écouté ce qu’Attaroa disait. Lorsqu’il comprit où elle voulait en venir, la colère le reprit.

  — Les chevaux n’ont pas été accordés aux seuls S’Armunaï. Ils sont à tous les Enfants de la Terre ! Comment oses-tu appeler la chasse du vol ? Quand je chasse les chevaux, c’est pour me nourrir !

  — Ah ! J’ai déjoué ton mensonge. Tu admets donc que tu chassais mes chevaux ?

  — Pas du tout ! J’ai dit : « Quand je chasse... », je n’ai pas dit que je l’avais fait... Explique-lui, S’Armuna, implora-t-il, que Jondalar des Zelandonii, fils de Marthona, ancienne Femme Qui Ordonne de la Neuvième Caverne, ne ment jamais.

  — Maintenant, tu prétends être le fils d’une Femme Qui Ordonne ? Ce Zelandonii est un fieffé menteur, après la Femme qui Fait des Miracles, voici la Femme Qui Ordonne !

  — J’ai connu beaucoup de femmes qui gouvernaient. Tu n’es pas la seule, Attaroa. C’est très fréquent chez les Mamutoï.

  — Elles ne gouvernent jamais seules ! Elles partagent le pouvoir avec un homme.

  — Ma mère a gouverné pendant dix ans. Elle est devenu Femme Qui Ordonne à la mort de son compagnon, et elle n’a partagé son pouvoir avec personne. Hommes et femmes, tous la respectaient. Elle a transmis d’elle-même le pouvoir à mon frère, Joharran. Son peuple voulait qu’elle le garde.

  — Respectée par les hommes comme par les femmes ? Écoutez-moi cela ! Crois-tu donc que je ne connaisse pas les hommes, Zelandonii ? Tu t’imagines que je n’ai jamais été unie ? Suis-je donc laide au point qu’aucun homme ne veuille de moi ?

  Attaroa hurlait à présent et S’Armuna traduisait presque simultanément, comme si elle devinait ce qu’elle allait dire. Jondalar en aurait oublié que la chamane ne parlait pas pour elle tant il avait l’impression d’entendre parler Attaroa, si le ton impersonnel de S’Armuna ne donnait un détachement étrange aux paroles qu’Attaroa avait proférées avec tant d’agressivité, L’amertume obscurcissait son regard, irais telle une démente, elle poursuivit sa harangue.

  — Mon compagnon gouvernait ce peuple. C’était un chef puissant, un homme fort.

  — Beaucoup d’hommes sont forts. La force ne suffit pas à faire un chef, répliqua Jondalar.

  Attaroa ne l’entendit pas. Elle ne l’écoutait plus. Les souvenirs l’assaillaient.

  — Brugar était si fort qu’il avait besoin de me battre chaque jour pour le prouver, ricana-t-elle. Quel malheur qu’il ait mangé des champignons vénéneux ! poursuivit-elle d’une voix suave. J’ai battu le fils de sa sœur dans un combat régulier pour devenir Femme Qui Ordonne. C’était une mauviette. Il est mort. Mais toi, tu n’es pas une mauviette, Zelandonii. Aimerais-tu me combattre pour sauver ta vie ?

  — Je n’ai nulle envie de me battre avec toi, Attaroa. Mais s’il le faut, je me défendrai.

  — Non, tu ne te battras pas, parce que tu sais que je gagnerais. Muna est avec moi. La Mère a honoré les femmes, ce sont elles qui apportent la vie. C’est à elles de commander.

  — Non ! protesta Jondalar.

  Ceux qui assistaient à la scène frémirent en l’entendant s’opposer aussi ouvertement à Attaroa.

  — Le commandement n’appartient pas nécessairement à celui que la Mère honore, pas plus qu’à celui qui possède la force physique. Le chef des cueilleurs de baies, par exemple, sera celui qui sait où poussent les baies, quand elles sont mûres, et le meilleur moyen de les cueillir, déclara Jondalar qui improvisait son argumentation au fur et à mesure. Un chef doit être quelqu’un à qui tout le monde puisse se fier. Ceux Qui Ordonnent doivent savoir ce qu’ils font.

  Attaroa l’écoutait d’un air renfrogné. Ses arguments n’avaient aucune prise sur elle, elle n’écoutait que ses propres avis, mais elle n’aimait pas le ton de sa voix. On aurait dit qu’il la réprimandait. S’imaginait-il avoir le droit de lui parler si librement ?

  — C’est pareil pour tout, continua Jondalar. Le chef des chasseurs est celui qui sait où sont les animaux, à quel moment et comment les pister. C’est le chasseur le plus fin et le plus rusé. Marthona disait toujours que Ceux Qui Ordonnent devaient d’abord prendre soin de leur peuple. Ou sinon, ils ne restent pas chefs longtemps.

  Emporté par sa colère, Jondalar débitait son discours sans tenir compte de la haine qui contractait le visage d’Attaroa.

  — Quelle importance alors que ce soient des hommes ou des femmes ? conclut-il.

  — Je ne permettrai plus que des hommes nous gouvernent, coupa Attaroa. Ici, les hommes savent que les femmes commandent, et les plus jeunes sont éduqués pour l’accepter. Ici, ce sont les femmes qui chassent. Nous n’avons pas besoin d’hommes pour nous diriger ou traquer les bêtes. Crois-tu que les femmes ne puissent pas chasser ?

  — Bien sûr qu’elles peuvent. Ma mère était une chasseresse avant de devenir Femme Qui Ordonne, et la femme avec qui je voyage en remontrerait à bien des hommes. Elle aime chasser et excelle à la traque. Je lance une sagaie plus loin qu’elle, mais elle est plus précise. D’un seul jet de fronde, elle tue un oiseau en vol ou un lapin en pleine course.

  — Encore des histoires ! grommela Attaroa. C’est facile de raconter des histoires sur une femme qui n’existe pas. Mes femmes ne chassaient pas, on le leur avait interdit. Quand Brugar
commandait, les femmes n’avaient même pas le droit de toucher une arme. Quand j’ai pris le commandement, ça n’a pas été facile pour nous. Personne ne savait chasser, mais je leur ai appris. Tu vois ces cibles ?

  Attaroa désigna une série de gros pieux fichés en terre. Jondalar les avait déjà remarqués auparavant et s’était demandé à quoi ils servaient. En haut de l’un des pieux, un morceau de carcasse de cheval, planté de quelques sagaies, pendait d’une grosse cheville en bois.

  — Les femmes s’exercent chaque jour à lancer la sagaie. Les meilleures deviennent mes chasseresses. Mais avant de fabriquer les sagaies et d’apprendre à les lancer, nous chassions déjà. Il y a une falaise au nord, près de l’endroit où j’ai grandi. Au moins une fois par an, les gens y rassemblent des chevaux et les poussent dans le vide. Le plus difficile est d’attirer le troupeau, ensuite il ne reste plus qu’à l’affoler...

  Attaroa couva Epadoa d’un œil plein de fierté.

  — Epadoa a découvert que les chevaux adorent le sel. Elle a demandé aux femmes de conserver leurs urines et s’en est servie pour attirer les chevaux. Mes chasseresses sont mes Louves, ponctua-t-elle en lançant un sourire aux femmes armées de sagaies qui s’étaient attroupées et se rengorgeaient sous les compliments.

  Jondalar n’avait pas prêté une grande attention à leurs habits, mais il se rendit soudain compte que toutes les chasseresses portaient quelque chose d’un loup. La plupart avaient ourlé leur capuche de fourrure de loup, et une dent de l’animal, parfois plus, pendait à leur cou. Certaines avaient orné les manches ou le bas de leur pelisse, ou bien les deux, d’une bande de peau de loup. La capuche d’Epadoa était entièrement en fourrure de loup, une partie de la tête de l’animal montrant les crocs couronnait le tout. Les manches et le bas de sa pelisse étaient ornés de fourrure de loup, des pattes de loup tombaient de chaque côté de son buste, et une queue touffue pendait dans son dos.

  — Leurs sagaies sont leurs crocs, elles tuent en bande, et rapportent la viande, poursuivit Attaroa en scandant ses paroles dont Jondalar était sûr qu’elle les savait par cœur. Leurs jambes sont des pattes, elles courent tout le jour, et peuvent courir toujours. Epadoa est leur chef, Zelandonii. Mieux vaut ne pas t’y frotter, elle est très rusée.

  — Je n’en doute pas, fit Jondalar, impressionné par le nombre des « Louves », et qui ne put s’empêcher d’admirer tout ce qu’elles avaient accompli avec si peu de connaissances au départ. Je déplore le gâchis de tous ces hommes inactifs alors qu’ils pourraient chasser, eux aussi, cueillir des plantes, fabriquer des outils. Les femmes n’accompliraient plus seules les travaux pénibles. Je ne prétends pas qu’elles en sont incapables, mais pourquoi devraient-elles travailler pour elles et pour les hommes ?

  Une fois encore, le rire cruel et démoniaque d’Attaroa fit frémir Jondalar.

  — C’est précisément ce que je me suis demandé, dit-elle. Ce sont les femmes qui produisent la vie, à quoi bon nous encombrer des hommes ? Certaines femmes ne peuvent pas encore s’en passer, mais à quoi sont-ils bons ? Aux Plaisirs ? Ce sont eux qui obtiennent les Plaisirs, et eux seuls. Ici, on ne se soucie plus de leur procurer les Plaisirs. Plutôt que de partager un foyer avec un homme, j’ai uni les femmes ensemble. Elles partagent les tâches, élèvent ensemble leurs enfants, elles se comprennent. Quand il n’y aura plus d’hommes, la Mère ne mêlera plus que les esprits des femmes, et il ne naîtra que des filles.

  Serait-ce possible ? se demanda Jondalar. S’Amodun lui avait dit que peu de bébés étaient nés ces dernières années. La théorie d’Ayla lui revint alors en mémoire. Elle disait que c’étaient les Plaisirs que partageaient un homme avec une femme qui créaient une nouvelle vie dans le ventre de la femme. Or Attaroa avait séparé les couples. Serait-ce la raison du peu de naissances ?

  — Et combien d’enfants sont nés depuis ? demanda-t-il avec une curiosité feinte.

  — Pas beaucoup, mais quelques-uns tout de même. Et il y en aura d’autres.

  — C’étaient des filles ?

  — Les hommes sont encore trop présents, cela trouble la Mère. Mais tous les hommes auront bientôt disparu. Nous verrons alors combien d’enfants naîtront.

  — S’il en naît, dît Jondalar. La Grande Terre Mère a conçu les hommes et les femmes, et à Son image, les femmes sont élues pour donner naissance au mâle comme à la femelle. C’est la Mère qui décide quel esprit d’homme sera mêlé à celui de la femme. Et il faut toujours un esprit de chaque. Crois-tu pouvoir modifier ce qu’Elle a ordonné ?

  — Que sais-tu de ce que décidera la Mère ? Tu n’es pas une femme, Zelandonii ! lança-t-elle avec mépris. Tu n’aimes pas entendre dire combien tu es inutile, à moins que tu ne sois pas encore prêt à renoncer aux Plaisirs. C’est bien ça, n’est-ce pas ?

  Elle changea subitement de ton, affectant un roucoulement langoureux.

  — Veux-tu les Plaisirs, Zelandonii ? Si tu ne veux pas te battre avec moi, que donneras-tu en échange de ta liberté ? Ah, je sais ! Les Plaisirs. Pour un bel homme, fort et robuste tel que toi, Attaroa accepterait sûrement de te donner les Plaisirs. Et toi, sauras-tu les lui apporter ?

  Jondalar prit soudain conscience qu’il n’entendait qu’une traduction. Prendre la voix de la Femme Qui Ordonne, à la rigueur S’Armuna le pouvait, mais pas celle d’Attaroa, la femme. S’Armuna traduisait les mots, elle ne pouvait pas épouser la personnalité de la femme. Maintenant, Jondalar distinguait leurs deux voix.

  — Il est si grand, si blond, si parfait, ne pourrait-il être le compagnon de la Mère elle-même ? Regardez-le, il est plus grand qu’Attaroa, et peu d’hommes peuvent s’en vanter ! Tu as donné les Plaisirs à beaucoup de femmes, n’est-ce pas ? Un sourire du géant blond aux yeux si bleus, et les femmes se battent pour monter dans sa couche. Procures-tu les Plaisirs à toutes, Zelandonii ?

  Jondalar refusa de répondre. Oui, il avait été un temps où il aimait donner les Plaisirs à de nombreuses femmes, mais à présent Ayla était la seule qui comptait. Un violent et douloureux chagrin l’envahit. Que deviendrai t-il sans elle ? Vivre ou mourir, quelle différence ?

  — Viens, Zelandonii, si tu apportes beaucoup de plaisir à Attaroa, tu seras libre. Attaroa sait que tu en es capable.

  La grande et belle femme marcha sur lui d’un air séducteur.

  — Tu vois ? Attaroa se donnera à toi. Montre à tout le monde comment un bel homme vigoureux procure les Plaisirs à une femme. Partage le Don de Muna, la Grande Terre Mère, avec Attaroa, Jondalar des Zelandonii.

  Attaroa jeta ses bras autour de son cou et se pressa contre lui. Jondalar resta de glace. Elle essaya d’embrasser sa bouche, mais il était trop grand pour elle et il refusait de s’incliner. Elle n’était pas habituée à des hommes de si haute taille, et encore moins à ce qu’on lui résistât. Comprenant qu’elle se ridiculisait, elle entra dans une violente colère.

  — Zelandonii ! Je suis prête à m’accoupler avec toi, et à t’accorder une chance de recouvrer la liberté !

  — Je ne partagerai pas le Don des Plaisirs de la Mère dans ces conditions, affirma-t-il d’une voix calme qui cachait mal son indignation.

  Comment osait-elle insulter la Mère à ce point ?

  — Le Don de la Mère est sacré, et doit être partagé de plein gré et dans la joie. L’accouplement que tu proposes ferait injure à la Mère. Ce serait profaner Son Don et provoquer Son juste courroux, autant que de prendre une femme de force. Je choisis toujours la femme avec qui je m’accouple, et je n’ai aucune envie de partager Son Don avec toi, Attaroa.

  Jondalar aurait pu répondre à l’invite d’Attaroa, mais il savait qu’elle n’était pas sincère. Il attirait la plupart des femmes, et il avait acquis assez d’expérience pour les satisfaire. Mais malgré tous ses efforts de séduction, Attaroa le laissait de glace. Même s’il avait voulu la satisfaire, il n’aurait pas pu.

  En entendant la traduction, Attaroa blêmit. Plus d’un homme se serait réjoui de partager le Don des Plaisirs avec une si belle femme et de gagner ainsi sa libert
é. Les visiteurs assez malchanceux pour se faire capturer sur son territoire avaient saisi l’occasion d’échapper aussi facilement aux Louves des S’Armunaï. Certains avaient hésité pourtant, craignant un piège, mais aucun n’avait rejeté son offre avec tant de hardiesse. Et ils découvraient vite qu’ils avaient eu raison de se méfier.

  — Tu... tu refuses !... bégaya Attaroa, incrédule.

  La traduction avait été énoncée d’un ton égal, mais on ne pouvait se méprendre sur sa réaction.

  — Tu refuses Attaroa ! Comment oses-tu ? hurla-t-elle. Déshabillez-le ! ordonna-t-elle à ses Louves, et attachez-le à la cible.

  Le sort de Jondalar avait été scellé depuis longtemps, mais le dénouement était plus rapide qu’Attaroa l’eût souhaité. Elle avait espéré que Jondalar la distrairait pendant l’interminable et triste hiver. Elle adorait mettre les hommes au supplice en leur faisant miroiter la liberté en échange des Plaisirs. L’ironie de la chose la réjouissait. Dès qu’ils commettaient l’erreur d’accepter, elle se délectait à les humilier et à les avilir jusqu’à ce qu’elle fût prête pour son dernier jeu. Ils allaient jusqu’à se déshabiller eux-mêmes dans leur hâte de lui plaire !

  Mais aucun homme ne pouvait lui donner les Plaisirs. On avait abusé d’elle quand elle n’était qu’une enfant, et elle avait attendu avec impatience de pouvoir s’unir avec le chef d’un autre Camp. Mais ce qu’elle avait vécu auprès de l’homme qu’elle avait choisi était pire encore. Il n’atteignait les Plaisirs qu’après l’avoir battue et humiliée. Elle s’était révoltée et avait provoqué la mort de l’homme après une horrible et dégradante agonie. Elle avait bien retenu la leçon. Pervertie par les cruautés qu’elle avait subies, elle ne pouvait atteindre les Plaisirs qu’en infligeant des tortures aux autres. Partager le Don de la Mère avec des hommes, ou même des femmes, n’enthousiasmait guère Attaroa. Elle se procurait elle-même les Plaisirs en se délectant de la longue et douloureuse agonie de ses victimes.

 

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