Moi, l'amour et autres catastrophes

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Moi, l'amour et autres catastrophes Page 22

by Karen Templeton


  — Calme-toi, Nick. Je prends le métro seule depuis que j’ai treize ans. La nuit depuis que j’en ai dix-sept. Je sais me débrouiller toute seule.

  — Ouais, ça, tu sais le faire, n’est-ce pas ?

  Le ton glacé m’interpelle.

  — Qu’est-ce que ça veut dire ?

  — Laisse tomber.

  — Non. Non, je veux savoir ce que tu entends par là.

  — Non tu ne veux pas. Tu ne veux rien savoir de ce que pensent les autres. Pas à moins que cela ne coïncide avec ce que tu as déjà décidé, avec la façon dont tu as organisé ta vie. Bon sang, Ginger ! Pourquoi refuses-tu de te laisser aller ?

  — Je ne…

  — Si. Te contenter de savourer le moment te pose un réel problème, non ? As-tu déjà lâché prise, sans essayer de forcer les événements à prendre la direction que tu crois être la bonne ?

  Tout serait plus facile si nous avions mal fait l’amour. Ou alors si cela n’avait rien d’inoubliable. Mais noooon, il fallait que ce soit hors catégorie, n’est-ce pas ? Je frémis encore. Sans effort, j’ai toujours la sensation de Nick en moi. Et zut, je voudrais qu’il y soit de nouveau. Mais pas comme ça. Pas comme…

  — Nick, s’il te plaît, ce n’est pas bien envers toi. Nous venons tous les deux de rompre, nous ne sommes pas prêts à… rien, je ne sais pas où j’avais la tête. Je veux dire…

  Super. Je ne parviens même pas à achever ma phrase.

  Nick me lance un de ces regards stoïques que les hommes maîtrisent si bien, puis se dirige vers l’évier pour rincer un verre. Je devrais le prendre comme une invitation à quitter les lieux, mais quand j’ouvre la bouche pour prendre congé, la voix de Nick comble le silence.

  — Tu sais, ma mère me répétait toujours un truc que je n’ai jamais oublié. Que parfois, trop occupés à nous taper la tête contre les murs afin d’obtenir ce que nous croyons désirer, nous passons à côté de quelque chose de mieux. Et que quand ce que nous avions cru désirer si fort nous échappait, il fallait y voir un message. C'est ce qui se passe ce soir, n’est-ce pas ? Ce qui s’est produit ne colle pas avec tes plans.

  — Ne sois pas ridicule, Nick. Je n’aurais pas couché avec toi si je ne l’avais pas désiré.

  — Alors pourquoi t’enfuis-tu à toutes jambes, Ginger ? Ai-je dit quelque chose qui te fasse craindre que les règles du jeu aient changé ?

  — N-non.

  — Exact, je n’ai rien dit. Rien dit ni rien fait qui te menace ou exige quoi que ce soit de toi.

  Il croise les bras sur sa poitrine. Sa voix est calme, son attitude naturelle, mais la tension et la colère irradient de lui en vagues chaudes, brûlantes.

  — Quoi ? Le sexe n’était pas à la hauteur de tes espérances ?

  — Bon sang, Nick, non, c’était génial…

  — Alors où est le problème, merde ?

  Je me souviens de son regard et serre mes bras autour de moi.

  — C'est... compliqué.

  Il laisse échapper un brusque soupir.

  — Oui. Je parie que ça l’est. Dingue, même si je vis jusqu’à cent quarante ans, je ne comprendrai jamais pourquoi les femmes prennent plaisir à tout compliquer.

  L’esprit confus, je rétorque :

  — C’est préférable à la mentalité des mecs, persuadés que tous les problèmes de l’existence se résolvent par le sport, la violence ou le sexe !

  Il sourit presque.

  — Ainsi parle la femme qui tout à l’heure m’assurait qu’elle se servait de moi, tout comme je me servais d’elle. A moins que ma mémoire ne me joue des tours ?

  Des larmes piquent mes yeux.

  — Non, Nick. Ta mémoire ne te joue pas de tours.

  — Bon, ça m’enlève un poids. Alors dis-moi, Ginger, pourquoi tout est-il soudain si compliqué ?

  Je me fais l’impression d’être une abrutie totale. Stupide, égoïste, et avec un petit pois dans la cervelle.

  — Je ne peux pas l’expliquer, d’accord ? Je suis désolée. Merde. Nick, arrête de me regarder comme ça !

  — Comment « comme ça » ? D’un air qui sous-entend que ce qui perturbe ta petite caboche me tient à cœur ?

  J’ai l’impression que mon cœur va exploser.

  — Je ne veux pas en parler, dis-je.

  Et je m’enfuis pratiquement de l’appartement.

  Vous devez vous dire : cette fille est folle ou quoi ? Vous devez vous poser la question, parce que Dieu sait que je me la pose. J’aurais pu me contenter de coucher avec lui, n’est-ce pas, comme toute célibataire moderne. Le sexe pour le sexe? Eh bien, je ne peux pas. Enfin si, je le pourrais, mais c’est impossible. Pas avec Nick. Il cherche davantage, je le sais… Or Nick et moi, ça ne marcherait jamais.

  Il me fait peur, d’accord? Je ne crains pas qu’il ne me fasse du mal, ce n’est pas ça, mais… Non seulement pour Nick Wojowodski l’existence ne comporte aucune complication, mais lui-même ne connaît aucune complication. Tout chez lui est apparent, solide, prévisible et aisément déchiffrable. Moi. Pfff. Trente et un ans et à un stade à peine plus évolué qu’un protoplasme géant et amorphe gouverné par ses œstrogènes.

  J’atteins cette réjouissante conclusion au moment où je regagne l’appartement de ma mère. Il est presque 1 heure du matin. Je rentre grâce au jeu de clés toujours en ma possession, ôte mes sandales et, assoiffée par le long trajet en métro, je vais me chercher un verre d’eau dans la cuisine, sur la pointe des pieds. Sauf qu’en passant devant le salon, je sens… une présence. Comme si quelqu’un ou quelque chose m’épiait.

  Mon cœur fait un bond jusque dans ma gorge, bloquant le hurlement prêt à s’en échapper. Je fais volte-face, tentant de percer les ténèbres du salon, mais tant de bazar y est accumulé que je n’y parviens pas.

  Puis je l’entends. Un son, si faible que je manque ne pas l’entendre.

  Mon Dieu. Je n’ai vraiment pas besoin de ça en ce moment.

  C’est finalement arrivé. Après vingt-cinq ans de refus inébranlable de la part de ma mère de grillager l’accès à l’échelle d’incendie, quelqu’un s’est introduit dans l’appartement et rôde maintenant dans les ténèbres, attendant de me poignarder parce que je l’ai surpris. Ou surprise. Mais peut-être que si je parviens juste à… me glisser jusqu’à l’interrupteur, juste… là…

  Après quelques tâtonnements, ma main trouve l’interrupteur. C’est totalement fou, ce que je suis sur le point de faire. Mais c’est lui ou moi, et peut-être qu’en ce moment ma vie vaut peanuts, mais c’est la seule dont je dispose et je ne supporte pas l’idée de la quitter dans cet état.

  Je tourne l’interrupteur et hurle à pleins poumons.

  12

  En slip et T-shirt, ma mère dévale les escaliers. Ma grand-mère, Dieu merci, dort comme un sonneur.

  — Ginger ! Pour l’amour du ciel, que diable…

  Je me tourne vers ma mère. Les syllabes peinent à franchir mes dents serrées.

  — Bon… sang… qu’est-ce que… ça… fait ici ?

  Je désigne d’un geste tremblant le coq enfermé dans sa cage de fer. L’oiseau pointe la tête d’un côté, me fusillant de ses petits yeux ronds, avant d’émettre un affreux couinement offensé.

  — Là où ils sont, les Ortiz ne peuvent pas le garder, explique ma mère avec calme. Je leur avais dit de m’appeler s’ils avaient besoin d’aide, et voilà.

  Elle ponctue sa phrase d’un haussement d’épaules, comme si cette explication suffisait.

  Je la regarde, sans voix.

  — Les aider se traduit par donner asile à un poulet ?

  — Seulement pour quelques jours. Jusqu’à ce qu’ils lui trouvent un autre hébergement, peut-être chez d’autres membres de leur famille.

  — Et ils n’ont pas envisagé d’appeler l’inspection vétérinaire ? Non, attends, toi tu n’as pas envisagé d’appeler l’inspection vétérinaire ?

  — Je ne pouvais pas ! Ils auraient euthanasié Rocky.

  — Rocky ?

  — Chicken Run est l
e film préféré de leur petit garçon.

  — Nedra. Ecoute-moi. Il est contraire à la loi d’élever des animaux non domestiqués à Manhattan. Ça l’est depuis, oh, au moins un siècle.

  — Sincèrement, Ginger…

  Elle croise les bras, indignée.

  — … tu réagis comme si j’avais rapporté à la maison une vache ou un truc de ce genre.

  Vous comprenez maintenant ce que j’ai dû endurer toutes ces années ?

  — Seigneur, Nedra, que vont dire les voisins ?

  — Ils n’en sauront rien, n’est-ce pas ? A moins qu’une pipelette ne le leur apprenne.

  — Le coq leur apprendra lui-même, pour l’amour du ciel !

  Ses biorythmes certainement bouleversés par la lumière que j’ai allumée, Rocky choisit ce moment précis pour faire une démonstration de sa technique de chant, tout en s’étirant sur la pointe de ses ergots et battant ses ailes contre les parois de la cage. Une plume s’envole et atterrit sur la moquette. Je ne veux même pas penser aux diverses choses qui vivent sûrement dans cette plume.

  — Regarde, dit Nedra. Tu le bouleverses.

  — Moi, je le bouleverse… ?

  — Et pour quelqu’un qui vient de s’envoyer en l’air, tu es bien grognon.

  Si ma bouche n’avait pas été déjà ouverte, elle serait tombée jusque sur ma poitrine. Comme je suis une piètre menteuse, inutile de nier, mais comment le sait-elle ? Un genre de radar maternel, j’imagine. En tout cas, j’arrive seulement à répliquer :

  — Ouais, eh bien au moins, ça en fait une sur deux.

  Et je pivote sur mes talons nus pour me diriger, tête haute, vers ma chambre.

  — N’en sois pas si sûre, lance-t-elle derrière moi.

  Le temps que, une fois de plus, je reprenne mes esprits, elle a disparu.

  Le coq lui, malheureusement non.

  Si j’avais pu éviter la cuisine le lendemain matin, croyez-moi, je l’aurais fait. Mais après moins de cinq heures de sommeil — interrompues par des cocoricos enthousiastes — poser un pied hors de l’appartement sans une absorption massive de caféine aurait relevé de l’inconscience, et mis en danger l’ordre public. Donc je me retrouve dans la cuisine — raisonnablement présentable dans mon pimpant chemisier sans manche blanc et ma longue jupe droite noire fendue sur le devant — et je tente d’ignorer le coq perché sur le dossier de ma chaise. Nonna gazouille ce que je suppose être une berceuse italienne à l’intention du coq. Tandis que ma mère, assise à la table près du coq perché, je le rappelle, sur le dossier de ma chaise, sirote son café tout en parcourant le Times,

  Sapristi. Ma mère rayonne littéralement. Comme je pourrais rayonner moi-même, si je n’étais pas aussi tordue.

  Non. Non. Je ne vais pas penser à moi. A Nick. A nous.

  Je vais plutôt penser à ma mère. Ce qui n’arrange rien. Pour être honnête, l’idée que ma mère s’envoie en l’air est encore plus étrange qu’avoir un coq perché sur le dossier de ma chaise.

  J’attrape un toast, ignorant les supplications de Nonna qui m’enjoint de m’asseoir (comme si j’allais risquer que cette créature picore mes cheveux) pour avaler un véritable petit déjeuner parce que je suis trop maigre. Je détaille la femme de cinquante ans assise en face de moi, vêtue d’une robe imprimée sans manche, les cheveux ébouriffés tombant librement sur ses épaules, les sourcils froncés. Dieu qu’elle est belle. Ne vous méprenez pas, l’idée qu’elle fasse l’amour ne me répugne pas. Pas du tout. A mon avis, elle aurait dû s’envoyer en l’air depuis longtemps. Mais… elle ne l’a pas fait. A ma connaissance, pas une fois depuis la mort de papa. Et bien sûr, une part de moi a envie de la harceler de questions : Est-ce une relation durable ? Est-ce que je le connais ? Est-ce sérieux entre eux ?

  Est-elle aussi heureuse qu’elle en a l’air ?

  A travers la queue du coq, je guette son visage pour vérifier.

  A mon avis, elle délire de bonheur.

  Et ça m’ennuie parce que… ?

  Mon portable sonne. Je cours jusqu’à ma chambre et découvre que Nonna a fait mon lit. Quand l’a-t-elle fait ? Je prends la communication avant de comprendre mon geste. Mon Dieu, et si c’était Nick ? Que suis-je censée dire ?

  Quel âge j’ai, treize ans ?

  — Allô ? dis-je avec prudence, espérant me distraire l’esprit en tentant de deviner où Nonna a bien pu fourrer mes sandales noires à lanières.

  — Ginger? Salut, c’est Curtiss James. Le nouveau papa de Geoffrey ?

  — Oh…

  Ah, les voilà. Dans le placard, comme par hasard.

  — Salut, dis-je, soulagée et déçue en même temps.

  Que ce ne soit pas Nick, je veux dire. Allez comprendre. Pour l’instant, je me contente de tenir le téléphone et d’attacher ma chaussure droite d’une seule main.

  — Comment allez-vous ?

  — Eh bien, ça va. Mais… nous avons un problème. Liam est allergique aux poils de chien, ce que nous ignorions avant de ramener Geoff à la maison. Au début, nous avons cru qu’il s’agissait d’autre chose… Nous avions vraiment envie que ce soit autre chose, parce que Liam adore ce chien… Puis il est parti en déplacement pour faire des photos, et quand il est revenu, boum ! Les yeux rouges ! Il ressemble à un adepte de Satan. Et avant que vous ne posiez la question : non, même les antihistaminiques ne marchent pas.

  Je n’allais pas poser la question.

  — … donc, pour en venir au fait, nous ne pouvons pas garder le chien. Alors nous nous demandions… nous espérions en fait… pouvoir vous le rendre ?

  Je me tétanise un instant. Avant qu’un petit frisson de joie ne parcoure mon dos. Vous voulez dire qu’après toutes ces semaines où je n’ai cessé d’être dépossédée de mes biens, il est question que je récupère quelque chose ?

  — Bien sûr que vous pouvez me le rendre ! Mon Dieu… je veux dire, je suis vraiment désolée que ça n’ait pas marché pour vous, mais j’adorerais le récupérer ! Quand pouvez-vous l’amener ? Oh, attendez ! Je n’habite plus au même endroit. C’est une longue histoire… j’ai dû revenir habiter chez ma mère. Je vais vous donner l’adresse.

  — Ne quittez pas… Liam, chéri ? Tu peux m’envoyer ce stylo ? Merci, tu es un amour.

  Il s’adresse de nouveau à moi.

  — Mon Dieu! Vous êtes retournée vivre chez votre mère ?

  — Et encore, vous ne la connaissez pas.

  — Je connais la mienne et ça me suffit. Voilà, je vous écoute.

  Je lui donne l’adresse et il me répond qu’il passera avec le chien aux environs de 19 heures. Je raccroche et réalise que je n’ai même pas demandé à ma mère si elle était d’accord.

  Pardon ? Un coq se balade dans le couloir — j’entends ses ongles qui grattent le sol nu — et je m’inquiète d’amener un chien ?

  Zut. Et si le chien mangeait le coq ?

  Et après tout si le chien mangeait le coq ?

  Oh allez. On verra bien.

  Plus tard dans la soirée, Geoff s’est glissé à reculons entre le frigo et le placard, gémissant et aboyant en alternance à l’intention du coq. Celui-ci bat des ailes, tout excité, et exécute au milieu de la cuisine la version basse-cour d’une break-dance. Tandis que ma mère et moi nous disputons sur la meilleure façon d’attraper ce stupide volatile afin de lui faire réintégrer sa cage, Nonna, armée d’un balai, houspille le volatile en italien, tentant de l’empêcher de crever les yeux du chien.

  Je ne suis pourtant pas totalement idiote. J’avais prévenu ma mère de l’arrivée de Geoff… Alors ? Alors, quand Curtiss a déposé le chien et ses affaires, y compris le sac de nourriture qui ne finit jamais (quand même réduit maintenant environ au tiers) nous avons enfermé le coq dans sa cage. Nous étions en train de faire visiter à Geoff son nouveau domicile quand Rocky a débouché dans la cuisine dans un nuage de plumes et de caquètements, afin d’attaquer ce pauvre chien. Qui aurait cru que ce damné animal savait ouvrir sa cage ? Un éclair de génie me traverse soudain.

  — Att
endez ! Mon panier à linge !

  Je fonce dans ma chambre et je reviens en courant, semant au passage mes vêtements sales. Rocky parade maintenant devant le chien, apparemment satisfait de le tourmenter par sa seule présence. En colère, Geoff retrousse les lèvres, laissant échapper un grognement occasionnel, me lançant des regards signifiant « Pourrais-tu s’il te plaît faire sortir ce foutu truc d’ici ? » A la vue du panier à linge, que je tiens à l’envers en prévision du grand saut, ma grand-mère lance au coq un croûton. (A mon avis, c’est gâcher un excellent croûton, mais le désespoir exige des mesures désespérées.) Enfin bon, le poulet saute sur le croûton, je saute sur le poulet. Le panier tombe sans problème sur lui et je m’empresse de crier à qui veut l’entendre d’apporter la cage.

  Le volatile prisonnier de sa cage, maintenant domiciliée dans la chambre de ma mère — « C’est toi qui l’as introduit ici, c’est toi qui le gardes », lui ai-je dit. Elle n’a pas protesté. — le pauvre chien se laisse circonvenir par Nonna qui l’attire hors de son trou avec un reste de rosbif.

  — Il est censé se nourrir uniquement de ses croquettes, dis-je en désignant le sac appuyé contre la table de la cuisine.

  Nonna lui jette un coup d’œil, puis tend à Geoff un autre morceau de bœuf. Elle semblait attachée au coq, mais la fourrure gagne sur les plumes, sans hésiter. D’autant que l’animal à fourrure possède un cerveau.

  — Pourquoi le sac est-il si gros ? C’est trop pour un si petit chien, non ?

  — Ne me le demande pas à moi, demande à Brice.

  Je grimace.

  — Enfin tu aurais pu demander à Brice s’il était vivant.

  Sa tâche accomplie, Nonna lance un « basta » au chien, puis se retourne pour fusiller le sac du regard.

  — Un sac ouvert, ce n’est pas bon. Des bêtes vont se glisser dedans. Tu sors, trouver quelque chose avec couvercle à mettre dessus.

  Trois quarts d’heure plus tard, à 20 heures, par une douce nuit d’été, Nedra et moi remontons Broadway, traînant à la maison une minipoubelle munie d’un couvercle. Je ne sais pas pourquoi Nedra a décidé de m’accompagner, mais elle ne cesse de me jeter des coups d’œil, comme si elle voulait parler, mais ne savait pas trop par où commencer. Comme nous ne sommes pas enclines aux petites conversations mère-fille à cœur ouvert, je la comprends. Mais je ne vais pas pour autant lui faciliter la tâche.

 

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