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Poems

Page 4

by Alain-Fournier, Henri; Costello, Anthony; Howell, Anthony


  Oh, my very sweet,

  I will lay my head, will lay it on your dress,

  In the low cool room where we take our ease

  And it will be as if, since break of day,

  We have been out, among the ripened wheat,

  Out in the wheat the whole mad day!

  As if the two of us had heard,

  On leaving town, the heavy creaking

  Of some lowly door, a worm-eaten shutter being eased.

  And when we’re beyond that, in the fields,

  There are the wheezy combines juddering out the rumble of their ilk.

  And then it will be as if we had come

  At dusk to the humble room

  Of some strange farm

  Simply to ask for some milk.

  Miracles

  SUR LA NACELLE …

  Sur la nacelle

  Une ombrelle

  De satin.

  La tache est rouge

  L’eau ne bouge

  Ce matin.

  Sous l’ombre chaude

  Un reflet rôde

  D’émeraude.

  Et de prés frais

  Et de forêts

  On sent à peine

  L’haleine.

  Pour un midi brûlant d’été,

  Un ruisseau clair, une tourelle,

  Ne va pas rêver, Isabelle,

  De soleil et de liberté.

  JE PENSE À CELLES …

  Je pense à celles qui seront,

  Frêles et brunes au salon

  À l’heure grise

  Avant les lampes allumées

  Petites robes, soies froissées

  Nos filles.

  Je pense aux heures de plus tard

  Sonneuses lentes de départ

  […] portant leurs pas vers la mer

  […] dans leurs yeux clairs

  De larmes.

  TRISTESSES D’ ÉTÉ

  Dimanche

  Les rideaux sont fermés, aux carrefours déserts…

  Fraîches, Elles ont quitté le rouet et la porte

  Pour la fraîcheur et la gaieté des lointains verts…

  … Quelque part, un piano sanglote…

  *

  Et ce matin pourtant, parce que c’était l’Été,

  on avait cru les voir sourire en robe blanche;

  Et pourtant, ce matin, les cloches ont chanté

  parce que c’était Dimanche…

  *

  Désespoirs ensoleillés d’après-midi déserts,

  Poussière… silence… et rayons des gaietés mortes,

  Jours de rideaux baissés, tristes comme des hivers!..

  .. Et, pleureuses venues.. et lasses.., des notes

  Qu’un piano,.. quelque part.., d’oubliée, sanglote…

  ADOLESCENTS

  (À Monsieur M. Maeterlinck.)

  «… et cherchez doucement

  Avec vos mains de sang qui s’écorchent dans l’ombre.»

  De la Colline – enivrés de printemps,

  d’avoir senti rêver les sapins trop longtemps,

  et d’avoir regardé bleuir au loin la Ville,

  Nous sommes descendus.. au soir.. et au printemps.

  Nous étions vingt, nous étions mille

  Et nos sanglots d’amour s’en allaient vers la Ville.

  *

  Nous avons passé les seuils et leurs treilles,

  et nous avons frôlé l’âme petite et vieille

  gardienne du chemin, berceuse des hameaux,

  et familière, au soir, quand les âtres s’égayent.

  Au souffle calme des hameaux,

  Nous sommes descendus en cueillant des rameaux.

  *

  La gloire du couchant s’en est allée,

  II a fait trop clair de lune sur la vallée,

  La ville s’est éteinte.. et nous allons à pied..

  à pieds percés aux graviers blancs de la vallée.

  En pleurant le bois muet des ramiers,

  Nous marchons vers la Mort dans le sang de nos pieds.

  *

  Ho!.. Mon coeur a perdu le reste de la bande!..

  Mon coeur est froid de lune et tout seul dans la lande!..

  Qui donc va m’enseigner la route du Matin?

  Qui donc viendrait porteur de toile et de lavande?

  Les charrettes, ce soir, en grelots aux chemins,

  en fanaux cahotés, sont parties par la lande..

  .. Il ne passera plus de bon Samaritain.

  *

  Ho!.. Voici qu’il y a quelque chose sur la lande,

  La douce ombre de la Tour sur toute la lande

  de la Tour mystérieuse d’être avant le Matin!..

  – et sur mon coeur et sur mes mains..

  (J’ai retrouvé les bons chemins..

  Oh! les grelots sont clairs sur le nouveau chemin..

  Oh! les grelots sont clairs de chanter au matin!)

  – et sur mon coeur et sur mes mains,

  Crépuscule avant l’aube et sur toute la lande,

  sur tout mon sang, bonne lavande,

  – et sur mon coeur et sur mes mains,

  ta chevelure, ô Mélisande!

  L’ONDÉE …

  «Une touffe de fleurs où trembleraient des larmes.»

  (A. Samain.)

  L’ondée a fait rentrer les enfants en déroute,

  La nuit vient lente et fraîche au silence des routes,

  Et mon coeur au jardin s’épanche goutte à goutte

  Si discret, maintenant, et si pur… qu’à l’aimer

  On pourrait se risquer − Oh! Belle qui viendrez,

  Vous ouvrirez la grille un soir mouillé de mai.

  *

  Timidement, avec des doigts qui se méfient,

  Et qui tremblent… un peu, vous ouvrirez, ravie

  D’amour et de fraîcheur et de frayeur… un peu:

  Les lilas aux barreaux sont encore lourds de pluie…

  Qui sait si les lilas, inclinés, lourds d’aveux,

  Vont pas pleurer sur vos cheveux!..

  *

  Vous irez, doucement, tout le long des bordures,

  Chercher des fleurs pour vous les mettre à la ceinture

  Mes pensées frissonnantes pour en faire un bouquet;

  Gardez-vous bien, surtout, de passer aux sentiers

  Où les herbes, ce soir, ont d’étranges allures,

  Où les herbes sont folles et meurent de rêver!..

  Si vous alliez mouiller vos petits pieds!…

  *

  Les rondes folles se sont tues.

  – Les herbes folles vont dormir.

  L’allée embaume à en mourir…

  Tu peux venir, ma bienvenue!

  Tout le soir, sagement, tu descendras l’allée

  Tiède d’amour, de pétales et de rosée.

  Tu viendras t’accouder au ruisseau de mon coeur,

  Y délier ta cueillette, y délier fleur à fleur

  La candeur des jasmins et l’orgueil des pensées.

  – Et tout le soir, dans l’ombre humide et parfumée,

  Débordant de printemps, de pluie et de bonheur,

  Les larges eaux de paix, les eaux fleurdelisées

  Rouleront vers la Nuit des branches et des fleurs…

  CONTE DU SOLEIL ET DE LA ROUTE

  (À une petite fille.)

  − Un peu plus d’ombre sous les marronniers des places,

  Un peu plus de soleil sur la grand’ route lasse…

  Des noces passeront, aux «beaux jours» étouffants,

  sur la grand’ route, au grand soleil, et sur deux rangs.

  De très longs cortèges de noces campagnardes

  avec de beaux habits dont tout le monde parle

  Et de petits enfants, dans la noce, effarés

  auront de très petits «gros chagrins» ignorés…

  − Je songe à l’Un, petit garçon, qui me ressemble

  et, les matins légers de printemps, sous les trembles,

  à ca
use du ciel tiède et des haies d’églantiers,

  parce qu’il était seul, qu’on l’avait invité,

  se prenait à rêver à la noce d’Été:

  «… On me “mettra” peut-être − on l’a dit − avec Elle

  qui me fait pleurer dans mon lit, et qui est belle…

  (Si vous saviez − les soirs, quelquefois − oh mamans,

  les pleurs de tristesse et d’amour de vos enfants!)

  «… J’aurai mon grand chapeau de paille neuve et blanche;

  sur mon bras la dentelle envolée de sa manche…»

  − Et je rêve son rêve aux habits de Dimanche.

  «… Oh! le beau temps d’amour et d’Été qu’il fera,

  Et qu’elle sera douce et penchée, à mon bras.

  J’irai à petits pas. Je tiendrai son ombrelle.

  Très doucement, je lui dirai “Mademoiselle”

  d’abord − Et puis, le soir, peut-être, j’oserai,

  si l’étape est très longue, et si le soir est frais,

  serrer si fort son bras, et lui dire si près,

  à perdre haleine, et sans chercher, des mots si vrais

  qu’elle en aura “ses” yeux mouillés – des mots si tendres

  qu’elle me répondra, sans que personne entende…»

  − Et je songe, à présent, aux mariées pas jolies

  qu’on voit, les matins chauds, descendre des mairies

  Sur la route aveuglante, en musique, et traîner

  des couples en cortège, aux habits étrennés.

  – Et je songe, dans la poussière de leurs traînes

  où passent, deux à deux, les fillettes hautaines

  les fillettes en blanc, aux manches de dentelles,

  Et les garçons venus des grandes Villes – laids,

  avec de laids bouquets de fleurs artificielles,

  – je songe aux petits gars oubliés, affolés

  qu’on n’a mis, «au dernier moment», avec personne

  − aux petits gars des bourgs, amoureux bousculés

  par le cortège au pas ridicule et rythmé

  − aux petits gars qui ne s’en vont avec personne

  dans le cortège qui s’en va, fier et traîné

  vers l’allégresse sans raison, là-bas, qui sonne.

  − Et tout petits, tout éperdus, le long des rangs,

  ne peuvent même plus retrouver leurs mamans.

  − Un surtout… qui me ressemble de plus en plus!

  un surtout, que je vois – un surtout… a perdu

  au grand vent poussiéreux, au grand soleil de joie,

  son beau chapeau tout neuf, blanc de paille et de soie,

  et je le vois… sur la route… qui court après

  − et perd le défilé des «Messieurs» et des «Dames» −

  court après – et fait rire de lui – court après,

  aveuglé de soleil, de poussière et de larmes…

  SUR CE GRAND CHEMIN GRIS …

  «Je suis plus près de toi dans l’obscurité»

  (Pelléas et Mélisande, acte IV, scène 3)

  Sur ce Grand Chemin gris

  où nous ont amenés deux sentiers de traverse,

  nous voilà pris tous deux par l’orage et l’averse

  et la nuit. Pas d’abris

  en vue. Il va falloir marcher par les ornières

  en guettant aux détours les premières lumières

  lointaines d’un pays…

  Il va falloir marcher en se donnant la main

  – Voyageurs des mois gris, perdus aux grands chemins

  devant soi, par la nuit…

  *

  Nous ne pourrons pas lire aux bornes des chemins,

  nous ne pourrons pas lire à cause de la nuit,

  de la nuit sans étoile, à cause de la pluie.

  *

  Et pourtant nous irons, aveugles et confiants

  et contents de la route et contents de la vie,

  comme si nous étions deux tout petits enfants

  sur le chemin du bourg, sous un grand parapluie.

  *

  Nous irons au hasard, tous deux: une ombre, un pas…

  Et nous pardonnerons à la nuit, dans les bois,

  à la nuit sur nos pas, à la nuit qui fait perdre.

  Puisque j’ai dit: «Viens près de moi,.. plus près de moi»,

  de crainte de te perdre.

  Puisque tu as, ce soir, osé prendre mes doigts,

  dans l’ombre qui fait peur, avec tes doigts timides

  pour ne plus avoir peur et pour que je te guide.

  *

  Nous sortirons parfois du chemin, tous les deux

  et nous aurons parfois de l’eau jusqu’aux chevilles;

  les rafales de vent, de pluie et de ramilles

  arrêteront nos pas, et fermeront nos yeux…

  Et nous n’en voudrons pas davantage à la pluie

  Puisqu’elle est, quelque part, la seule pauvre amie

  de ceux qui pensent, éveillés, jusqu’au matin,

  et, tout seuls, dans leur lit, avec la fièvre aux mains,

  l’écoutent, consolés, leur tenir compagnie

  de son petit sanglot par la plaine endormie…

  et ruisseler toute la nuit dans les jardins…

  *

  … Nous irons si longtemps, si longtemps, par la plaine

  qu’à la fin… à la fin, exténuée, hors d’haleine

  et le coeur gros, tu ne pourras plus faire un pas.

  – Alors, c’est moi, soudain, qui porterai ta peine,

  ta peine reposée et bercée à mon pas,

  qui sera presque du bonheur, puisqu’il faudra

  que je te prenne dans mes bras…

  – Alors… Alors, il faudra bien que ces lointaines

  ces premières lueurs lointaines d’un pays,

  à mes yeux fatigués d’avoir fouillé la nuit,

  finissent par briller, paisibles et soudaines.

  … Rassurantes lueurs du bourg et des domaines

  … lampes de la veillée et veilleuses lointaines

  et foyer, quelque part, d’une auberge – lueur

  de l’auberge où, ce soir, j’emporte ma compagne,

  de l’auberge, là-bas, que tout ce soir je gagne,

  ton coeur contre mon coeur…

  Et dans la toile rude à l’odeur de campagne

  où nous reposerons nos membres douloureux

  en rêvant au bonheur tranquille des campagnes,

  en parlant de la nuit et des chemins peureux,

  – ta chair sera si douce et tiède et parfumée,

  ta douce chair d’amour, ta chair de bien-aimée,

  ta chair où l’on s’endort, ta chair consolatrice,

  qu’elle sera pareille aux linges des églises,

  délicats et divins, linges de soie et d’or,

  que l’on met soigneusement autour des calices,

  pour que le sang de ceux «tristes jusqu’à la mort»,

  qui font l’étape, un soir, seuls avec une croix,

  en laissant sur la route, où, silencieux, ils passent,

  un peu de pauvre sang que des femmes ramassent,

  – pour que ce sang précieux, dans les calices froids,

  coulé des pieds, les soirs, coulé des faces lasses

  – pour que ce sang des Christs ait moins mal et moins froid.

  RONDE

  «Nous n’irons plus au bois

  Les lauriers sont coupés…»

  Le soir est doux, la ronde est folle,

  Donnez vos mains, ô mes frivoles,

  Allons danser sous les tilleuls!…

  Nos coeurs et vos jupes s’envolent;

  le soir est bleu, mon âme est folle;

  Allons tourner sous les tilleuls!…

  *

  … On tournera jusqu’au froid

  avec «la belle que voilà» …

  *

  La fillette entre dans la ronde;

  La place est brune, la ronde est blo
nde

  Et le soir chante au pas des portes…

  Mon âme est la fillette blonde:

  Nous n’irons pas courir le monde!

  Restons danser au pas des portes!…

  *

  … On a dansé jusqu’au froid

  avec «la belle que voilà» …

  *

  Encore un tour avant la nuit!

  Un tour, avant d’avoir grandi!

  Un tour, et nous irons dormir…

  Au dernier, sous les marronniers,

  Au dernier tour, on a tourné..

  on a tourné jusqu’à mourir!

  *

  … On a tourné jusqu’à mourir…

  À TRAVERS LES ÉTÉS …

  (À une Jeune Fille.

  À une Maison.

  À Francis Jammes.)

  Attendue

  à travers les étés qui s’ennuient dans les cours

  en silence

  et qui pleurent d’ennui..

  Sous le soleil ancien de mes après-midi

  lourds de silence,

  solitaires et rêveurs d’amour

  d’amours sous des glycines, à l’ombre, dans la cour

 

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