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Sexe, Meurtres et Cappuccino

Page 31

by Kyra Davis


  — Un vrai polar ! dis-je en portant un nouveau toast. Pourtant, il reste un ou deux détails qui me chiffonnent…

  — Raconte ? demanda Mary Ann.

  — Marcus, pour commencer. Il a du mal à encaisser le choc. Voilà quinze jours qu’il est enfermé chez lui à écouter Barbra Streisand en boucle ; il ne veut voir personne et il a perdu quatre kilos. Il me fait peur.

  — Le pauvre… Tu as tout de même réussi à le convaincre de nous rejoindre ?

  — En fait, je l’ai persuadé d’aller voir un psy et de nous retrouver ensuite ici pour nous raconter comment ça s’est passé. Cela dit, ajoutai-je en regardant ma montre, j’ai peur qu’il ait renoncé. Il devrait être ici depuis une demi-heure et je ne le vois toujours pas arriver.

  — Un psy ? s’étonna Mary Ann. Il n’est pas fou !

  — Non, mais il y a de quoi le devenir. Il vient de s’apercevoir que l’homme de sa vie était un tueur en série pseudo-nazi qui a failli assassiner sa meilleure amie à coups de club de golf et… Oh ! Le voilà ! Surtout, soyez gentilles avec lui, hein ? N’oubliez pas qu’il est en pleine déprime.

  Mary Ann et Dena regardèrent dans sa direction. Marcus arborait un jean de marque qui moulait à la perfection sa plastique admirable, une chemise de lin que je lui avais offerte récemment… ainsi qu’un sourire à faire tourner toutes les têtes sur son passage.

  — Il a drôlement l’air de déprimer, commenta Dena entre ses dents.

  — Salut, les trois grâces ! dit Marcus en nous rejoignant.

  D’un geste élégant, il s’assit à la place libre près de moi et déposa un baiser léger sur ma joue.

  — Marcus ! Tu as l’air… eh bien…

  — Moins suicidaire que jamais ? C'est grâce à toi, Sophie. J’ai suivi tes conseils et je me suis trouvé un psy.

  — Il a l’air drôlement efficace ! Tu es métamorphosé.

  — Avoue qu’il y a de quoi !Un mètre quatre-vingt-cinq, d’adorables boucles brunes et le regard le plus troublant que j’aie jamais vu ! Il vient d’obtenir son doctorat en psychologie. Ça a été le coup de foudre !

  Je le regardai, interdite.

  — Marcus ?

  — Hmm ?

  — Quand je t’ai conseillé de chercher un psy, ce n’était pas à ça que je pensais !

  — Peu importe, remarqua Dena. Ce qui compte, c’est le résultat. Ce garçon est exactement ce qu’il fallait à Marcus. On a souvent tendance à sous-estimer les bienfaits d’une vie sexuelle épanouie.

  — Tu l’as dit ! s’exclama Marcus en faisant signe au garçon de lui apporter la carte. Oh, à propos de sexe… J’ai lu l’article sur toi, dans Metro. Toutes mes félicitations!

  Mary Ann haussa les épaules dans un geste agacé, tandis que le visage de Dena s’éclairait d’un sourire radieux.

  — La roue tourne… Hier, j’étais une vendeuse de strings tout juste fréquentable, aujourd’hui, je suis l’héroïne capable d’arrêter un serial killer avec mon fouet et mes menottes en fourrure !

  Elle éclata de rire.

  — Depuis la parution de l’article, mon chiffre de vente a doublé. Tout le monde veut un fouet et des menottes !

  Mary Ann secoua la tête d’un air navré et rejeta d’un geste élégant ses boucles blondes derrière ses épaules.

  — Tu as revu Anatoly ?

  Je lissai ma serviette sur mes genoux.

  — Hmm ? Non. A vrai dire, j’ai été très occupée.

  Toutes les charges contre lui avaient été abandonnées. Pour ma part, je n’avais pas reconnu publiquement avoir effectué de fausses déclarations, mais la police en était rapidement arrivée à la conclusion que mon témoignage était sujet à caution. Je n’avais pas revu Anatoly depuis son arrestation, et son silence se faisait de plus en plus assourdissant.

  — Il faudra pourtant que tu le recontactes, ne serait-ce que pour lui présenter des excuses, non ?

  — Oui, bien sûr… J’attends seulement…

  — Quoi donc ? demanda Dena avec impatience. Un carton d’invitation ?

  — Dans ce cas, ça peut prendre du temps, observa Marcus. Je ne connais pas beaucoup d’hommes qui auraient envie d’inviter une femme qui les a fait arrêter pour meurtre.

  — D’accord, d’accord… Je vais l’appeler.

  — Tu ferais mieux d’y aller, dit Dena en me tendant mon sac à main. Tout de suite. Ça fera un détail de moins qui te chiffonne.

  Après avoir observé pendant plus d’une heure la façade de l’immeuble d’Anatoly, j’en connaissais par cœur le nombre de fenêtres, l’aspect des briques et la disposition des gouttières. Incapable de franchir les quelques pas qui menaient à l’entrée, je me balançai d’un pied sur l’autre. Après tout, ce n’était pas le meilleur moment pour reprendre contact avec Anatoly. Il valait mieux lui téléphoner avant de passer le voir.

  Je hochai la tête, satisfaite. Voilà, j’avais pris une décision. Il était urgent de ne rien précipiter. Je fis demi-tour, pressée de rentrer chez moi discuter de tout cela avec M. Katz.

  Derrière moi, j’entendis la porte de l’immeuble s’ouvrir, puis se refermer. C'était lui. Ce ne pouvait être que lui ! Il me semblait sentir dans mon dos le poids de son regard. Je me retournai avec une nonchalance délibérée.

  — Anatoly ? Tiens, salut ! Je… J’étais sortie me promener…

  — Voilà une heure et demie que tu fais le pied de grue sur ce trottoir.

  Je toussotai, mal à l’aise.

  — Ça alors ! J’aurais juré que ça ne faisait que… hmm… une heure vingt ?

  Son visage resta parfaitement inexpressif.

  — Puisque tu me voyais, pourquoi n’es-tu pas descendu plus tôt ? Il fait froid, ce soir.

  — Je suis supposé me préoccuper de ton bien-être, à présent ?

  — Oui, je comprends…

  Il fallait essayer une autre stratégie. Passant les mains derrière mon dos, je baissai un peu la tête et levai les yeux vers lui.

  — Tu as bonne mine.

  Il demeura de marbre. Dans un soupir, je détachai mes mains.

  — D’accord, je suis désolée. Je suis profondément et sincèrement désolée.

  — Ça ne me suffit pas.

  — Que veux-tu de plus ? Que je me prosterne devant toi ?

  — J’ai une blessure par balle au bras.

  — Par ma faute, j’en suis consciente. Mais ça va guérir. Et puis, quand tu porteras des chemises à manches courtes, ça te donnera un air de baroudeur qui fait craquer les filles !

  — Il n’y a personne de plus ignoble qu’un violeur. Et tu sais ce qui vient juste en deuxième position ?

  — Hmm… Donato ?

  — Quelqu’un qui lance de fausses accusations de viol.

  — Oh là, minute. Je ne t’ai jamais accusé de viol ! J’ai seulement dit que tu t’étais montré un peu trop entreprenant, que j’avais refusé tes avances, que tu t’étais énervé et que tu avais levé la main sur moi. Ah oui, et que je me demandais si tu n’avais pas assassiné deux ou trois personnes, mais je jure devant Dieu que je n’ai rien dit de plus.

  Anatoly me dévisagea, bouche bée.

  — Eh bien, ça ne te suffit toujours pas ?

  Il secoua la tête d’un air stupéfait.

  — Tu es la femme la plus retorse et la plus malhonnête que j’aie jamais rencontrée.

  — Dis donc, c’est un peu facile ! m’exclamai-je en faisant un pas vers lui. Tu as l’air d’oublier que quelqu’un essayait de me tuer, et que tout te désignait. Tu n’es peut-être pas un assassin mais tu m’espionnais tout de même ! Ne le nie pas, tu t’es introduit dans mon appartement, tu m’as photographiée à mon insu, tu m’as menti sur ton vrai métier, et pour finir, tu as braqué un flingue sur moi ! Avoue qu’il y avait de quoi se méprendre !

  — Tu me menaçais avec une bouteille cassée.

  — Dis donc, ce revolver n’est pas apparu par miracle entre tes mains ! Depuis quand en emportes-tu un quand tu sors avec une femme ? Tu crois que je ne me serais pas a
perçue que tu cachais une arme sous ton pantalon ?

  — Il y avait autre chose de bien plus intéressant sous mon pantalon pour détourner ton attention.

  — Ah oui ? Et quoi donc, ton cerveau ? J’ai bien l’impression que c’est là qu’il se trouve !

  Anatoly blanchit de colère.

  — La dernière fois que j’étais allé chez toi, tu avais failli m’attaquer avec un couteau de cuisine. J’avais des raisons de vouloir me protéger.

  — Puisque je te dis que je croyais que tu étais…

  — Le tueur, je sais. Et moi, c’est toi que je soupçonnais. Je n’ai jamais rencontré une personne innocente qui possède un tel talent pour donner l’impression qu’elle est coupable.

  — Moi ? m’écriai-je. Mais enfin, j’étais la victime, dans cette histoire ! Tu ne comprends pas que…

  Je m’interrompis, déçue et frustrée. Ce n’était pas cette discussion-là que j’avais espérée en venant ici. Bien sûr, Anatoly avait des raisons d’être furieux. Si la police m’avait tiré dessus et m’avait jetée en prison, je l’aurais été aussi. Je laissai échapper un soupir de lassitude.

  — Ecoute, je suis vraiment navrée que les choses aient pris une tournure aussi catastrophique, et je me rends compte que ça ne serait pas arrivé si je t’avais fait confiance. Je t’ai causé beaucoup de mal, mais je t’assure que ce n’est pas ce que je voulais. Si ça peut te soulager, dis-toi que j’ai failli perdre la vie dans d’horribles souffrances.

  L'expression d’Anatoly se radoucit. Son regard dériva par-delà mon épaule pour se perdre dans le vague.

  — L'idée de te savoir bâillonnée et les mains liées, livrée à ce malade avide de sang, n’est pas précisément un soulagement.

  Ses yeux se focalisèrent de nouveau sur moi.

  — Il t’a fait mal ?

  Un sourire de triomphe m’échappa.

  — Voyez-vous ça ! On dirait que tu tiens quand même un peu à moi ?

  — Ne dis pas de bêtises ! Simple curiosité professionnelle, rien de plus. J’aurais posé la même question à n’importe qui.

  — Je vois. Eh bien, pour ta curiosité professionnelle, sache qu’il m’a cassé une côte.

  Une lueur de rage folle passa dans le regard d’Anatoly. Cette fois-ci, je m’interdis de sourire.

  — C'est bon, il ne m’a rien fait du tout. Grâce à Dena et à son attirail sadomaso, je m’en suis sortie sans une égratignure.

  — Mais…

  — C'était juste pour voir ta réaction. Maintenant, je sais que tu tiens à moi.

  — Pour l’instant, j’ai surtout envie de te jeter dans l’océan.

  — Il y a d’autres façons de me donner le grand frisson.

  Il éclata d’un rire surpris.

  — Pardon ?

  — Tu m’as très bien entendue.

  Je franchis le dernier pas qui nous séparait et posai une main sur son bras, là où il avait été atteint d’une balle.

  — Tu n’as pas idée comme je m’en veux.

  — J’ai connu pire, dit-il, radouci. Dès nos premières rencontres, je t’ai rayée de ma liste de suspects. J’avais très envie de te connaître, mais sur un plan plus… personnel.

  Il me décocha un de ces petits sourires en coin si sexy dont il avait le secret.

  — Ensuite, j’ai eu un doute. Ta conduite était tellement irrationnelle ! Je suis heureux que ma première impression ait été la bonne, et que tu ne sois pas l’assassin.

  — Moi aussi, je suis heureuse que tu ne sois pas un serial killer.

  — Voilà déjà une base de discussion.

  — Est-ce que… tu as toujours envie de me connaître sur un plan plus personnel ?

  — Non.

  — Dommage. Et sur un plan purement professionnel ? Ma sœur cherche un bon détective privé pour savoir si elle doit demander le divorce. Combien prends-tu pour ce type d’affaire ?

  — Pour toi, six mille dollars le premier mois.

  — Six mille ? On gagne bien sa vie, dans ton métier !

  — D’habitude, je demande moitié moins pour ce genre de travail, mais étant donné tout ce que tu as fait pour moi, tu as droit à un tarif spécial.

  — Comme c’est délicat de ta part ! Enfin, je suppose que ça reste meilleur marché qu’une action en justice… Tu es engagé.

  Anatoly ouvrit des yeux ronds de surprise.

  — A six mille dollars ?

  — Pourquoi, tu espérais me décourager ? C'est raté. Je te présente ma sœur demain.

  — Tu… Je… Pourquoi pas ?

  Il mit les mains dans ses poches et leva les yeux au ciel, avant d’ajouter :

  — Je serai à 13 heures chez toi.

  — Entendu.

  J’allais m’éloigner lorsqu’il me rattrapa par la main.

  — Encore un détail. Je pose une condition.

  — J’écoute ?

  — Si l’une d’entre vous deux me menace avec un objet coupant, tranchant ou ébréché, je laisse tomber l’affaire, et il n’y aura pas de remboursement.

  Puis, sans un mot de plus, il rentra chez lui. Je croisai les bras et le regardai s’éloigner jusqu’à ce que la porte de l’immeuble se referme derrière lui. Je ne pus retenir un sourire de triomphe.

  — C'est bien ce que je pensais. Il est fou de moi.

  Également en vente ce mois-ci dans la même collection,

  un nouveau roman de Kyra Davis :

  Crimes, passion et talons aiguilles.

 

 

 


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