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Les Cinq Cents Millions de la Begum

Page 14

by Jules Verne


  La foule, subjuguée plus encore par l'accent de l'orateur que par ses paroles, lui obéit sans même songer à les discuter. Le docteur répondait de Marcel Bruckmann. Cela suffisait.

  Des ordres furent immédiatement donnés, et des messagers partirent dans toutes les directions pour les répandre.

  Quant aux habitants de la ville, les uns, rentrant dans leur demeure, descendirent dans les caves, résignés à subir les horreurs d'un bombardement ; les autres, à pied, à cheval, en voiture, gagnèrent la campagne et tournèrent les premières rampes des Cascade-Mounts. Pendant ce temps et en toute hâte, les hommes valides réunissaient sur la grande place et sur quelques points indiqués par le docteur tout ce qui pouvait servir à combattre le feu, c'est-à-dire de l'eau, de la terre, du sable.

  Cependant, à la salle des séances, la délibération continuait à l'état de dialogue.

  Mais il semblait alors que Marcel fût obsédé par une idée qui ne laissait place à aucune autre dans son cerveau. Il ne parlait plus, et ses lèvres murmuraient ces seuls mots :

  (( A onze heures quarante-cinq ! Est-ce bien possible que ce Schultze maudit ait raison de nous par son exécrable invention ?... ))

  Tout à coup, Marcel tira un carnet de sa poche. Il fit le geste d'un homme qui demande le silence, et, le crayon à la main, il traça d'une main fébrile quelques chiffres sur une des pages de son carnet. Et alors, on vit peu à peu son front s'éclairer, sa figure devenir rayonnante :

  (( Ah ! mes amis ! s'écria-t-il, mes amis ! Ou les chiffres que voici sont menteurs, ou tout ce que nous redoutons va s'évanouir comme un cauchemar devant l'évidence d'un problème de balistique dont je cherchais en vain la solution ! Herr Schultze s'est trompé ! Le danger dont il nous menace n'est qu'un rêve ! Pour une fois, sa science est en défaut ! Rien de ce qu'il a annoncé n'arrivera, ne peut arriver ! Son formidable obus passera au-dessus de France-Ville sans y toucher, et, s'il reste à craindre quelque chose, ce n'est que pour l'avenir ! ))

  Que voulait dire Marcel ? On ne pouvait le comprendre !

  Mais alors, le jeune Alsacien exposa le résultat du calcul qu'il venait enfin de résoudre. Sa voix nette et vibrante déduisit sa démonstration de façon à la rendre lumineuse pour les ignorants eux-mêmes. C'était la clarté succédant aux ténèbres, le calme à l'angoisse. Non seulement le projectile ne toucherait pas à la cité du docteur, mais il ne toucherait à (( rien du tout )). Il était destiné à se perdre dans l'espace !

  Le docteur Sarrasin approuvait du geste l'exposé des calculs de Marcel, lorsque, tout d'un coup, dirigeant son doigt vers le cadran lumineux de la salle :

  (( Dans trois minutes, dit-il, nous saurons qui de Schultze ou de Marcel Bruckmann a raison ! Quoi qu'il en soit, mes amis, ne regrettons aucune des précautions prises et ne négligeons rien de ce qui peut déjouer les inventions de notre ennemi. Son coup, s'il doit manquer, comme Marcel vient de nous en donner l'espoir, ne sera pas le dernier ! La haine de Schultze ne saurait se tenir pour battue et s'arrêter devant un échec !

  - Venez ! )) s'écria Marcel.

  Et tous le suivirent sur la grande place.

  Les trois minutes s'écoulèrent. Onze heures quarante-cinq sonnèrent à l'horloge !...

  Quatre secondes après, une masse sombre passait dans les hauteurs du ciel, et, rapide comme la pensée, se perdait bien au-delà de la ville avec un sifflement sinistre.

  (( Bon voyage ! s'écria Marcel, en éclatant de rire. Avec cette vitesse initiale, l'obus de Herr Schultze qui a dépassé, maintenant, les limites de l'atmosphère, ne peut plus retomber sur le sol terrestre ! ))

  Deux minutes plus tard, une détonation se faisait entendre, comme un bruit sourd, qu'on eût cru sorti des entrailles de la terre !

  C'était le bruit du canon de la Tour du Taureau, et ce bruit arrivait en retard de cent treize secondes sur le projectile qui se déplaçait avec une vitesse de cent cinquante lieues à la minute.

  XIII MARCEL BRUCKMANN AU PROFESSEUR SCHULTZE, STAHLSTADT

  (( France-Ville, 14 septembre.

  (( Il me paraît convenable d'informer le Roi de l'Acier que j'ai passé fort heureusement, avant-hier soir, la frontière de ses possessions, préférant mon salut à celui du modèle du canon Schultze.

  (( En vous présentant mes adieux, je manquerais à tous mes devoirs, si je ne vous faisais pas connaître, à mon tour, mes secrets ; mais, soyez tranquille, vous n'en paierez pas la connaissance de votre vie.

  (( Je ne m'appelle pas Schwartz, et je ne suis pas suisse. Je suis alsacien. Mon nom est Marcel Bruckmann. Je suis un ingénieur passable, s'il faut vous en croire, mais, avant tout, je suis français. Vous vous êtes fait l'ennemi implacable de mon pays, de mes amis, de ma famille. Vous nourrissiez d'odieux projets contre tout ce que j'aime. J'ai tout osé, j'ai tout fait pour les connaître ! Je ferai tout pour les déjouer.

  (( Je m'empresse de vous faire savoir que votre premier coup n'a pas porté, que votre but, grâce à Dieu, n'a pas été atteint, et qu'il ne pouvait pas l'être ! Votre canon n'en est pas moins un canon archi- merveilleux, mais les projectiles qu'il lance sous une telle charge de poudre, et ceux qu'il pourrait lancer, ne feront de mal à personne ! Ils ne tomberont jamais nulle part. Je l'avais pressenti, et c'est aujourd'hui, à votre plus grande gloire, un fait acquis, que Herr Schultze a inventé un canon terrible... entièrement inoffensif.

  (( C'est donc avec plaisir que vous apprendrez que nous avons vu votre obus trop perfectionné passer hier soir, à onze heures quarante-cinq minutes et quatre secondes, au-dessus de notre ville. Il se dirigeait vers l'ouest, circulant dans le vide, et il continuera à graviter ainsi jusqu'à la fin des siècles. Un projectile, animé d'une vitesse initiale vingt fois supérieure à la vitesse actuelle, soit dix mille mètres à la seconde, ne peut plus "tomber" ! Son mouvement de translation, combiné avec l'attraction terrestre, en fait un mobile destiné à toujours circuler autour de notre globe.

  (( Vous auriez dû ne pas l'ignorer.

  (( J'espère, en outre, que le canon de la Tour du Taureau est absolument détérioré par ce premier essai ; mais ce n'est pas payer trop cher, deux cent mille dollars, l'agrément d'avoir doté le monde planétaire d'un nouvel astre, et la Terre d'un second satellite.

  (( Marcel BRUCKMANN. ))

  Un exprès partit immédiatement de France-Ville pour Stahlstadt. On pardonnera à Marcel de n'avoir pu se refuser la satisfaction gouailleuse de faire parvenir sans délai cette lettre à Herr Schultze.

  Marcel avait en effet raison lorsqu'il disait que le fameux obus, animé de cette vitesse et circulant au-delà de la couche atmosphérique, ne tomberait plus sur la surface de la terre, — raison aussi quant il espérait que, sous cette énorme charge de pyroxyle, le canon de la Tour du Taureau devait être hors d'usage.

  Ce fut une rude déconvenue pour Herr Schultze, un échec terrible à son indomptable amour-propre, que la réception de cette lettre. En la lisant, il devint livide, et, après l'avoir lue, sa tête tomba sur sa poitrine comme s'il avait reçu un coup de massue. Il ne sortit de cet état de prostration qu'au bout d'un quart d'heure, mais par quelle colère !

  Arminius et Sigimer seuls auraient pu dire ce qu'en furent les éclats !

  Cependant, Herr Schultze n'était pas homme à s'avouer vaincu. C'est une lutte sans merci qui allait s'engager entre lui et Marcel. Ne lui restait-il pas ses obus chargés d'acide carbonique liquide, que des canons moins puissants, mais plus pratiques, pourraient lancer à courte distance ?

  Apaisé par un effort soudain, le Roi de l'Acier était rentré dans son cabinet et avait repris son travail.

  Il était clair que France-Ville, plus menacée que jamais, ne devait rien négliger pour se mettre en état de défense.

  XIV BRANLE-BAS DE COMBAT

  Si le danger n'était plus imminent, il était toujours grave. Marcel fit connaître au docteur Sarrasin et à ses amis tout ce qu'il savait des préparatifs de Herr Schultze et de ses engins de destruction. Dès le lendemain, le Conseil de défense, auquel il prit part, s'occupa de discuter un plan
de résistance et d'en préparer l'exécution.

  En tout ceci, Marcel fut bien secondé par Octave, qu'il trouva moralement changé et bien à son avantage.

  Quelles furent les résolutions prises ? Personne n'en sut le détail. Les principes généraux furent seuls systématiquement communiqués à la presse et répandus dans le public. Il n'était pas malaisé d'y reconnaître la main pratique de Marcel.

  (( Dans toute défense, se disait-on par la ville, la grande affaire est de bien connaître les forces de l'ennemi et d'adapter le système de résistance à ces forces mêmes. Sans doute, les canons de Herr Schultze sont formidables. Mieux vaut pourtant avoir en face de soi ces canons, dont on sait le nombre, le calibre, la portée et les effets, que d'avoir à lutter contre des engins mal connus. ))

  Le tout était d'empêcher l'investissement de la ville, soit par terre, soit par mer.

  C'est cette question qu'étudiait avec activité le Conseil de défense, et, le jour où une affiche annonça que le problème était résolu, personne n'en douta. Les citoyens accoururent se proposer en masse pour exécuter les travaux nécessaires. Aucun emploi n'était dédaigné, qui devait contribuer à l'oeuvre de défense. Des hommes de tout âge, de toute position, se faisaient simples ouvriers en cette circonstance. Le travail était conduit rapidement et gaiement. Des approvisionnements de vivres suffisants pour deux ans furent emmagasinés dans la ville. La houille et le fer arrivèrent aussi en quantités considérables : le fer, matière première de l'armement ; la houille, réservoir de chaleur et de mouvement, indispensables à la lutte.

  Mais, en même temps que la houille et le fer, s'entassaient sur les places, des piles gigantesques de sacs de farine et de quartiers de viande fumée, des meules de fromages, des montagnes de conserves alimentaires et de légumes desséchés s'amoncelaient dans les halles transformées en magasins. Des troupeaux nombreux étaient parqués dans les jardins qui faisaient de France-Ville une vaste pelouse.

  Enfin, lorsque parut le décret de mobilisation de tous les hommes en état de porter les armes, l'enthousiasme qui l'accueillit témoigna une fois de plus des excellentes dispositions de ces soldats citoyens. Equipés simplement de vareuses de laine, pantalons de toile et demi- bottes, coiffés d'un bon chapeau de cuir bouilli, armés de fusils Werder, ils manoeuvraient dans les avenues.

  Des essaims de coolies remuaient la terre, creusaient des fossés, élevaient des retranchements et des redoutes sur tous les points favorables. La fonte des pièces d'artillerie avait commencé et fut poussée avec activité. Une circonstance très favorable à ces travaux était qu'on put utiliser le grand nombre de fourneaux fumivores que possédait la ville et qu'il fut aisé de transformer en fours de fonte.

  Au milieu de ce mouvement incessant, Marcel se montrait infatigable. Il était partout, et partout à la hauteur de sa tâche. Qu'une difficulté théorique ou pratique se présentât, il savait immédiatement la résoudre. Au besoin, il retroussait ses manches et montrait un procédé expéditif, un tour de main rapide. Aussi son autorité était-elle acceptée sans murmure et ses ordres toujours ponctuellement exécutés.

  Auprès de lui, Octave faisait de son mieux. Si, tout d'abord, il s'était promis de bien garnir son uniforme de galons d'or, il y renonça, comprenant qu'il ne devait rien être, pour commencer, qu'un simple soldat.

  Aussi prit-il rang dans le bataillon qu'on lui assigna et sut-il s'y conduire en soldat modèle. A ceux qui firent d'abord mine de le plaindre :

  (( A chacun selon ses mérites, répondit-il. Je n'aurais peut-être pas su commander !... C'est le moins que j'apprenne à obéir ! ))

  Une nouvelle — fausse il est vrai — vint tout à coup imprimer aux travaux de défense une impulsion plus vive encore. Herr Schultze, disait-on, cherchait à négocier avec des compagnies maritimes pour le transport de ses canons. A partir de ce moment, les (( canards )) se succédèrent tous les jours. C'était tantôt la flotte schultzienne qui avait mis le cap sur France-Ville, tantôt le chemin de fer de Sacramento qui avait été coupé par des (( uhlans )), tombés du ciel apparemment.

  Mais ces rumeurs, aussitôt contredites, étaient inventées à plaisir par des chroniqueurs aux abois dans le but d'entretenir la curiosité de leurs lecteurs. La vérité, c'est que Stahlstadt ne donnait pas signe de vie.

  Ce silence absolu, tout en laissant à Marcel le temps de compléter ses travaux de défense, n'était pas sans l'inquiéter quelque peu dans ses rares instants de loisir.

  (( Est-ce que ce brigand aurait changé ses batteries et me préparerait quelque nouveau tour de sa façon ? )) se demandait-il parfois.

  Mais le plan, soit d'arrêter les navires ennemis, soit d'empêcher l'investissement, promettait de répondre à tout, et Marcel, en ses moments d'inquiétude, redoublait encore d'activité.

  Son unique plaisir et son unique repos, après une laborieuse journée, était l'heure rapide qu'il passait tous les soirs dans le salon de Mme Sarrasin.

  Le docteur avait exigé, dès les premiers jours, qu'il vînt habituellement dîner chez lui, sauf dans le cas où il en serait empêché par un autre engagement ; mais, par un phénomène singulier, le cas d'un engagement assez séduisant pour que Marcel renonçât à ce privilège ne s'était pas encore présenté. L'éternelle partie d'échecs du docteur avec le colonel Hendon n'offrait cependant pas un intérêt assez palpitant pour expliquer cette assiduité. Force est donc de penser qu'un autre charme agissait sur Marcel, et peut-être pourra-t- on en soupçonner la nature, quoique, assurément, il ne la soupçonnât pas encore lui-même, en observant l'intérêt que semblaient avoir pour lui ses causeries du soir avec Mme Sarrasin et Mlle Jeanne, lorsqu'ils étaient tous trois assis près de la grande table sur laquelle les deux vaillantes femmes préparaient ce qui pouvait être nécessaire au service futur des ambulances.

  (( Est-ce que ces nouveaux boulons d'acier vaudront mieux que ceux dont vous nous aviez montré le dessin ? demandait Jeanne, qui s'intéressait à tous les travaux de la défense.

  — Sans nul doute, mademoiselle, répondait Marcel.

  — Ah ! j'en suis bien heureuse ! Mais que le moindre détail industriel représente de recherche et de peine !... Vous me disiez que le génie a creusé hier cinq cents nouveaux mètres de fossés ? C'est beaucoup, n'est-ce pas ?

  — Mais non, ce n'est même pas assez ! De ce train-là nous n'aurons pas terminé l'enceinte à la fin du mois.

  — Je voudrais bien la voir finie, et que ces affreux Schultziens arrivassent ! Les hommes sont bien heureux de pouvoir agir et se rendre utiles. L'attente est ainsi moins longue pour eux que pour nous, qui ne sommes bonnes à rien.

  — Bonnes à rien ! s'écriait Marcel, d'ordinaire plus calme, bonnes à rien. Et pour qui donc, selon vous, ces braves gens, qui ont tout quitté pour devenir soldats, pour qui donc travaillent-ils, sinon pour assurer le repos et le bonheur de leurs mères, de leurs femmes, de leurs fiancées ? Leur ardeur, à tous, d'où leur vient-elle, sinon de vous, et à qui ferez vous remonter cet amour du sacrifice, sinon... ))

  Sur ce mot, Marcel, un peu confus, s'arrêta. Mlle Jeanne n'insista pas, et ce fut la bonne Mme Sarrasin qui fut obligée de fermer la discussion, en disant au jeune homme que l'amour du devoir suffisait sans doute à expliquer le zèle du plus grand nombre.

  Et lorsque Marcel, rappelé par la tâche impitoyable, pressé d'aller achever un projet ou un devis, s'arrachait à regret à cette douce causerie, il emportait avec lui l'inébranlable résolution de sauver France-Ville et le moindre de ses habitants.

  Il ne s'attendait guère à ce qui allait arriver, et, cependant, c'était la conséquence naturelle, inéluctable, de cet état de choses contre nature, de cette concentration de tous en un seul, qui était la loi fondamentale de la Cité de l'Acier.

  XV LA BOURSE DE SAN FRANCISCO

  La Bourse de San Francisco, expression condensée et en quelque sorte algébrique d'un immense mouvement industriel et commercial, est l'une des plus animées et des plus étranges du monde. Par une conséquence naturelle de la position géographique de la capitale
de la Californie, elle participe du caractère cosmopolite, qui est un de ses traits les plus marqués. Sous ses portiques de beau granit rouge, le Saxon aux cheveux blonds, à la taille élevée, coudoie le Celte au teint mat, aux cheveux plus foncés, aux membres plus souples et plus fins. Le Nègre y rencontre le Finnois et l'Indu. Le Polynésien y voit avec surprise le Groenlandais. Le Chinois aux yeux obliques, à la natte soigneusement tressée, y lutte de finesse avec le Japonais, son ennemi historique. Toutes les langues, tous les dialectes, tous les jargons s'y heurtent comme dans une Babel moderne.

  L'ouverture du marché du 12 octobre, à cette Bourse unique au monde, ne présenta rien d'extraordinaire. Comme onze heures approchaient, on vit les principaux courtiers et agents d'affaires s'aborder gaiement ou gravement, selon leurs tempéraments particuliers, échanger des poignées de main, se diriger vers la buvette et préluder, par des libations propitiatoires, aux opérations de la journée. Ils allèrent, un à un, ouvrir la petite porte de cuivre des casiers numérotés qui reçoivent, dans le vestibule, la correspondance des abonnés, en tirer d'énormes paquets de lettres et les parcourir d'un oeil distrait.

  Bientôt, les premiers cours du jour se formèrent, en même temps que la foule affairée grossissait insensiblement. Un léger brouhaha s'éleva des groupes, de plus en plus nombreux.

  Les dépêches télégraphiques commencèrent alors à pleuvoir de tous les points du globe. Il ne se passait guère de minute sans qu'une bande de papier bleu, lue à tue-tête au milieu de la tempête des voix, vînt s'ajouter sur la muraille du nord à la collection des télégrammes placardés par les gardes de la Bourse.

  L'intensité du mouvement croissait de minute en minute. Des commis entraient en courant, repartaient, se précipitaient vers le bureau télégraphique, apportaient des réponses. Tous les carnets étaient ouverts, annotés, raturés, déchirés. Une sorte de folie contagieuse semblait avoir pris possession de la foule, lorsque, vers une heure, quelque chose de mystérieux sembla passer comme un frisson à travers ces groupes agités.

 

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