Book Read Free

Cinq Semaines En Ballon

Page 7

by Jules Verne

—Et du cafe a discretion, ajouta le docteur. Je te permets d'emprunter un peu de chaleur a mon chalumeau; il en a de reste. Et de cette facon nous n'aurons point a craindre d'incendie.

  —Ce serait terrible, reprit Kennedy. C'est comme une poudriere que nous avons au-dessus de nous.

  —Pas tout a fait, repondit Fergusson; mais enfin, si le gaz s'enflammait, il se consumerait peu a peu, et nous descendrions a terre, ce qui nous desobligerait; mais soyez sans crainte, notre aerostat est hermetiquement clos.

  —Mangeons donc, fit Kennedy.

  —Voila, Messieurs, dit Joe, et, tout en vous imitant, je vais confectionner un cafe dont vous me direz des nouvelles.

  —Le fait est, reprit le docteur, que Joe, entre mille vertus, a un talent remarquable pour preparer ce delicieux breuvage; il le compose d'un melange de diverses provenances, qu'il n'a jamais voulu me faire connaetre.

  —Eh bien! mon maetre, puisque nous sommes en plein air, je peux bien vous confier ma recette. C'est tout bonnement un melange en parties egales de moka, de bourbon et de rio-nunez. "

  Quelques instants apres, trois tasses fumantes etaient servies et terminaient un dejeuner substantiel assaisonne par la bonne humeur des convives; puis chacun se remit a son poste d'observation.

  Le pays se distinguait par une extreme fertilite. Des sentiers sinueux et etroits s'enfoncaient sous des voutes de verdure. On passait au-dessus des champs cultives de tabac de mais, d'orge, en pleine maturite; ca et la de vastes rizieres avec leurs tiges droites et leurs fleurs de couleur purpurine.

  On apercevait des moutons et des chevres renfermes dans de grandes cages elevees sur pilotis, ce qui les preservait de la dent du leopard. Une vegetation luxuriante s'echevelait sur ce sol prodigue. Dans de nombreux villages se reproduisaient des scenes de cris et de stupefaction a la vue du Victoria, et le docteur Fergusson se tenait prudemment hors de la portes des fleches; les habitants, attroupes autour de leurs huttes contigues, poursuivaient longtemps les voyageurs de leurs vaines imprecations.

  A midi, le docteur en consultant sa carte, estima qu'il se trouvait au-dessus du pays d'Uzaramo [U, ou, signifient contree dans la langue du pays]. La campagne se montrait herissee de cocotiers, de papayers, de cotonniers, au-dessus desquels le Victoria paraissait se jouer. Joe trouvait cette vegetation toute naturelle, du moment qu'il s'agissait de l'Afrique. Kennedy apercevait des lievres et des cailles qui ne demandaient pas mieux que de recevoir un coup de fusil; mais c'eut ete de la poudre perdue, attendu l'impossibilite de ramasser le gibier.

  Les aeronautes marchaient avec une vitesse de douze milles a l'heure, et se trouverent bientot par 38 degrees 2` de longitude au-dessus du village de Tounda.

  " C'est la, dit le docteur, que Burton et Speke furent pris de fievres violentes et crurent un instant leur expedition compromise Et cependant ils etaient encore peu eloignes de la cote, mais deja la fatigue et les priva-tions se faisaient rudement sentir. "

  En effet, dans cette contree regne une malaria perpetuelle; le docteur n'en put meme eviter les atteintes qu'en elevant le ballon au-dessus des miasmes de cette terre humide, dont un soleil ardent pompait les emanations.

  Parfois on put apercevoir une caravane se reposant dans un " kraal " en attendant la fraecheur du soir pour reprendre sa route. Ce sont de vastes emplacements entoures de haies et de jungles, ou les trafiquants s'abritent non seulement contre les betes fauves, mais aussi contre les tribus pillardes de la contree. On voyait les indigenes courir, se disperser a la vue du Victoria. Kennedy desirait les contempler de plus pres; mais Samuel s'opposa constamment a ce dessein.

  " Les chefs sont armes de mousquets, dit-il, et notre ballon serait un point de mire trop facile pour y loger une balle.

  —Est-ce qu'un trou de balle amenerait une chute? demanda Joe.

  —Immediatement, non; mais bientot ce trou deviendrait une vaste dechirure par laquelle s'envolerait tout notre gaz

  —Alors tenons-nous a une distance respectueuse de ces mecreants. Que doivent-ils penser a nous voir planer dans les airs? Je suis sur qu'ils ont envie de nous adorer.

  Laissons-nous adorer, repondit le docteur, mais de loin. On y gagne toujours. Voyez, le pays change deja d'aspect; les villages sont plus rares; les manguiers ont disparu; leur vegetation s'arrete a cette latitude. Le sol devient montueux et fait pressentir de prochaines montagnes.

  —En effet, dit Kennedy, il me semble apercevoir quelques hauteurs de ce cote.

  —Dans l'ouest..., ce sont les premieres chaenes d'Ourizara, le mont Duthumi, sans doute, derriere lequel j'espere nous abriter pour passer la nuit. Je vais donner plus d'activite a la flamme du chalumeau: nous sommes obliges de nous tenir a une hauteur de cinq a six cents pieds.

  —C'est tout de meme une fameuse idee que vous avez eue la, Monsieur, dit Joe; la maneuvre n'est difficile ni fatigante, on tourne un robinet, et tout est dit.

  —Nous voici plus a l'aise, fit le chasseur lorsque le ballon se fut eleve; la reflexion des rayons du soleil sur ce sable rouge devenait insupportable.

  —Quels arbres magnifiques! s'ecria Joe; quoique tres naturel, c'est tres beau! Il n'en faudrait pas une douzaine pour faire une foret.

  —Ce sont des baobabs, repondit le docteur Fergusson; tenez, en voici un dont le tronc peut avoir cent pieds de circonference. C'est peut-etre au pied de ce meme arbre que perit le Francais Maizan en 1845, car nous sommes au-dessus du village de Deje la Mhora, ou il s'aventura seul; il fut saisi par le chef de cette contree, attache au pied d'un baobab, et ce negre feroce lui coupa lentement les articulations, pendant que retentissait le chant de guerre; puis il entama la gorge, s'arreta pour aiguiser son couteau emousse, et arracha la tete du malheureux avant qu'elle ne fut coupee! Ce pauvre Francais avait vingt-six ans!

  —Et la France n'a pas tire vengeance d'un pareil crime? demanda Kennedy.

  —La France a reclame; le said de Zanzibar a tout fait pour s'emparer du meurtrier, mais il n'a pu y reussir.

  —Je demande a ne pas m'arreter en route, dit Joe; montons, mon maetre, montons, si vous m'en croyez.

  —D'autant plus volontiers, Joe, que le mont Duthumi se dresse devant nous Si mes calculs sont exacts, nous l'aurons depasse avant sept heures du soir.

  —Nous ne voyagerons pas la nuit? demanda le chasseur.

  —Non, autant que possible; avec des precautions et de la vigilance, on le ferait sans danger, mais il ne suffit pas de traverser l'Afrique, il faut la voir.

  —Jusqu'ici nous n'avons pas a nous plaindre, mon maetre, Le pays le plus cultive et le plus fertile du monde, au lieu d'un desert! Croyez donc aux geographes!

  —Attendons, Joe, attendons; nous verrons plus tard. "

  Vers six heures et demie du soir, le Victoria se trouva en face du mont Duthumi; il dut, pour le franchir, s'elever a plus de trois mille pieds, et pour cela le docteur n'eut a elever la temperature que de dix-huit degres [10 degrees centigrades]. On peut dire qu'il maneuvrait veritablement son ballon a la main. Kennedy lui indiquait les obstacles a surmonter, et le Victoria volait par les airs en rasant la montagne.

  A huit heures, il descendait le versant oppose, dont la pente etait plus adoucie; les ancres furent lancees au dehors de la nacelle, et l'une d'elles, rencontrant les branches d'un nopal enorme, s'y accrocha fortement. Aussitot Joe se laissa glisser par la corde et l'assujettit avec la plus grande so-lidite. L'echelle de soie lui fut tendue, et il remonta lestement. L'aerostat demeurait presque immobile, a l'abri des vents de l'est.

  Le repas du soir fut prepare; les voyageurs, excites par leur promenade aerienne, firent une large breche a leurs provisions

  " Quel chemin avons-nous fait aujourd'hui? " demanda Kennedy en avalant des morceaux inquietants.

  Le docteur fit le point au moyen d'observations lunaires, et consulta l'excellente carte qui lui servait de guide; elle appartenait a l'atlas " der Neuester Entedekungen Afrika ", publie a Gotha par son savant ami Petermann, et que celui-ci lui avait adresse. Cet atlas, devait servir au voyage tout entier du docteur, car il contenait l'itineraire de Burton et Speke aux Grands Lacs,
le Soudan d'apres le docteur Barth, le bas Senegal d'apres Guillaume Lejean, et le delta du Niger par le docteur Baikie.

  Fergusson s'etait egalement muni d'un ouvrage. qui reunissait en un seul corps toutes les notions acquises sur le Nil, et intitule: " The sources of the Nil, being a general surwey of the basin of that river and of its heab stream with the history of the Nilotic discovery by Charles Beke, th. D. "

  Il possedait aussi les excellentes cartes publiees dans les " Bulletins de la Societe de Geographie de Londres, " et aucun point des contrees decouvertes ne devait lui echapper.

  En pointant sa carte, il trouva que sa route latitudinale etait de deux degres, ou cent vingt milles dans l'ouest [Cinquante lieues].

  Kennedy remarqua que la route se dirigeait vers le midi. Mais cette direction satisfaisait le docteur, qui voulait, autant que possible, reconnaetre les traces de ses devanciers.

  Il fut decide que la nuit serait divisee en trois quarts, afin que chacun put a son tour veiller a la surete des deux autres. Le docteur dut prendre le quart de neuf heures, Kennedy celui de minuit et Joe celui de trois heures du matin.

  Donc, Kennedy et Joe, enveloppes de leurs couvertures, s'etendirent sous la tente et dormirent paisiblement tandis que veillait le docteur Fergusson.

  CHAPITRE XIII

  Changement de temps,—Fievre de Kennedy.—La medecine du docteur—Voyage par terre.—Le bassin d'Imenge.—Le mont Rubeho.—A six mille pieds.—Joe.—Une halte de jour.

  La nuit fut paisible; cependant le samedi matin, en se reveillant, Kennedy se plaignit de lassitude et de frissons de fievre. Le temps changeait; le ciel couvert de nuages epais semblait s'approvisionner pour un nouveau deluge. Un triste pays que ce Zungomero, ou il pleut continuellement, sauf peut-etre pendant une quinzaine de jours du mois de janvier.

  Une pluie violente ne tarda pas a assaillir les voyageurs; au-dessous d'eux, les chemins coupes par des " nullabs ", sortes de torrents momentanes, devenaient impraticables, embarrasses d'ailleurs de buissons epineux et de lianes gigantesques. On saisissait distinctement ces emanations d'hydrogene sulfure dont parle le capitaine Burton.

  " D'apres lui, dit le docteur, et il a raison, c'est a croire qu'un cadavre est cache derriere chaque hallier.

  —Un vilain pays dit Joe, et il me semble que monsieur Kennedy ne se porte pas bien pour y avoir passe la nuit.

  —En effet, j'ai une fievre assez forte, fit le chasseur.

  —Cela n'a rien d'etonnant, mon cher Dick, nous nous trouvons dans l'une des regions les plus insalubres de l'Afrique. Mais nous n'y resterons pas longtemps. En route. "

  Grace a une maneuvre adroite de Joe, l'ancre fut decrochee, et, au moyen de l'echelle, Joe regagna la nacelle. Le docteur dilata vivement le gaz, et le Victoria reprit son vol, pousse par un vent assez fort.

  Quelques huttes apparaissaient a peine au milieu de ce brouillard pestilentiel. Le pays changeait d'aspect. Il arrive frequemment en Afrique qu'une region malsaine et de peu d'etendue confine a des contrees parfaitement salubres.

  Kennedy soufrait visiblement, et la fievre accablait sa nature vigoureuse.

  " Ce n'est pourtant pas le cas d'etre malade, fit-il en s'enveloppant de sa couverture et se couchant sous la tente.

  —Un peu de patience, mon cher Dick, repondit le docteur Fergusson, et tu seras gueri rapidement.

  —Gueri! ma foi! Samuel, si tu as dans ta pharmacie de voyage quelque drogue qui me remette sur pied, administre-la-moi sans retard Je l'avalerai les yeux fermes.

  —J'ai mieux que cela, ami Dick, et je vais naturellement te donner un febrifuge qui ne coutera rien.

  —Et comment feras-tu?

  —C'est fort simple. Je vais tout bonnement monter au-dessus de ces nuages qui nous inondent, et m'eloigner de cette atmosphere pestilentielle. Je te demande dix minutes pour dilater l'hydrogene."

  " Les dix minutes n'etaient pas ecoules que les voyageurs avaient depasse la zone humide.

  " Attends un peu, Dick, et tu vas sentir l'influence de l'air pur et du soleil.

  —En voila un remede! dit Joe. Mais c'est merveilleux!

  —Non! c'est tout naturel.

  —Oh! pour naturel, je n'en doute pas.

  —J'envoie Dick en bon air, comme cela se fait tous les jours en Europe, et comme a la Martinique je l'enverrais aux Pitons [Montagne elevee de la Martinique] pour fuir la fievre jaune.

  —Ah ca! mais c'est un paradis que ce ballon, dit Kennedy deja plus a l'aise.

  —En tout cas, il y mene, repondit serieusement Joe. "

  C'etait un curieux spectacle que celui des masses de nuages agglomerees en ce moment au-dessous de la nacelle; elles roulaient les unes sur les autres, et se confondaient dans un eclat magnifique en reflechissant les rayons du soleil. Le Victoria atteignit une hauteur de quatre mille pieds. Le thermometre indiquait un certain abaissement dans la temperature; On ne voyait plus la terre. A une cinquantaine de milles dans l'ouest, le mont Rubeho dressait sa tete etincelante; il formait la limite du pays d'Ugogo par 36 degrees 20' de longitude. Le vent soufflait avec une vitesse de vingt milles a l'heure, mais les voyageurs ne sentaient rien de cette rapidite; ils n'eprouvaient aucune secousse, n'ayant pas meme le sentiment de la locomotion.

  —Trois heures plus tard, la prediction du docteur se realisait. Kennedy ne sentait plus aucun frisson de fievre, et dejeuna avec appetit.

  " Voila qui enfonce le sulfate de quinine, dit-il avec satisfaction.

  —Precisement, fit Joe, c'est ici que je me retirerai pendant mes vieux jours. "

  Vers dix heures l'atmosphere s'eclaircit. Il se fit une trouee dans les nuages, la terre reparut; le Victoria s'en approchait insensiblement. Le docteur Fergusson cherchait un courant qui le portat plus au nord est, et il le rencontra a six cents pieds du sol. Le pays devenait accidente, montueux meme. Le district du Zungomero s'effacait dans l'est avec les derniers cocotiers de cette latitude.

  Bientot les cretes d'une montagne prirent une taille plus arretee. Quelques pics s'elevaient ca et la. Il fallut veiller a chaque instant aux cones aigus qui semblaient surgir inopinement.

  " Nous sommes au milieu des brisants, dit Kennedy.

  —Sois tranquille, Dick, nous ne toucherons pas.

  —Jolie maniere de voyager, tout de meme! " repliqua Joe.

  En effet, le docteur maneuvrait son ballon avec une merveilleuse dex-terite.

  " S'il nous fallait marcher sur ce terrain detrempe, dit-il nous nous traenerions dans une boue malsaine. Depuis notre depart de Zanzibar, la moitie de nos betes de somme seraient deja mortes de fatigue. Nous aurions l'air de spectres, et le desespoir nous prendrait au ceur. Nous serions en lutte incessante avec nos guides, nos porteurs, exposes a leur brutalite sans frein. Le jour, une chaleur humide, insupportable, acca-blante! La nuit, un froid souvent intolerable, et les piqures de certaines mouches, dont les mandibules percent la toile la plus epaisse, et qui rendent fou! Et tout cela sans parler des betes et des peuplades feroces!

  —Je demande a ne pas en essayer, repliqua simplement Joe.

  —Je n'exagere rien, reprit le docteur Fergusson, car, au recit des voyageurs qui ont eu l'audace de s'aventurer dans ces contrees, les larmes vous viendraient aux yeux. "

  Vers onze heures, on depassait le bassin d'Imenge; les tribus eparses sur ces collines menacaient vainement le Victoria de leurs armes; il arrivait enfin aux dernieres ondulations de terrain qui precedent le Rubeho; elles forment la troisieme chaene et la plus elevee des montagnes de l'Usagara.

  Les voyageurs se rendaient parfaitement compte de la conformation orographique du pays. Ces trois ramifications, dont le Duthumi forme le premier echelon, sont separees par de vastes plaines longitudinales; ces croupes elevees se composent de cones arrondis, entre lesquels le sol est parseme de blocs erratiques et de galets. La declivite la plus roide de ces montagnes fait face a la cote de Zanzibar; les pentes occidentales ne sont guere que des plateaux inclines. Les depressions de terrain sont couvertes d'une terre noire et fertile, ou la vegetation est vigoureuse. Divers cours d'eau s'infiltrent vers l'est,
et vont affluer dans le Kingani, au milieu de bouquets gigantesques de sycomores, de tamarins, de calebassiers et de palmyras

  " Attention! dit le docteur Fergusson. Nous approchons du Rubeho, dont le nom signifie dans la langue du pays: " Passage des vents. " Nous ferons bien d'en doubler les aretes aigues a une certaine hauteur. Si ma carte est exacte, nous allons nous porter a une elevation de plus de cinq mille pieds.

  —Est-ce que nous aurons souvent l'occasion d'atteindre ces zones superieures?

  —Rarement; l'altitude des montagnes de l'Afrique parait etre mediocre relativement aux sommets de l'Europe et de l'Asie. Mais, en tout cas, notre Victoria ne serait pas embarrasse de les franchir. "

  En peu de temps, le gaz se dilata sous l'action de la chaleur, et le ballon prit une marche ascensionnelle tres marquee. La dilatation de l'hydrogene n'offrait rien de dangereux d'ailleurs, et la vaste capacite de l'aerostat n'etait remplie qu'aux trois quarts; le barometre, par une depression de pres de huit pouces, indiqua une elevation de six mille pieds.

  " Irions-nous longtemps ainsi? demanda Joe.

  —L'atmosphere terrestre a une hauteur de six mille toises, repondit le docteur. Avec un vaste ballon, on irait loin. C'est ce qu'ont fait MM. Brioschi et Gay-Lussac; mais alors le sang leur sortait par la bouche et par les oreilles. L'air respirable manquait. Il y a quelques annees, deux hardis Francais, MM. Barral et Bixio, s'aventurerent aussi dans les hautes regions; mais leur ballon se dechira...

  —Et ils tomberent! demanda vivement Kennedy.

  —Sans doute! mais comme doivent tomber des savants, sans se faire aucun mal.

  —Eh bien! Messieurs, dit Joe, libre a vous de recommencer leur chute; mais pour moi, qui ne suis qu'un ignorant, je prefere rester dans un milieu honnete, ni trop haut, ni trop bas. Il ne faut point etre ambitieux.

  A six mille pieds, la densite de l'air a deja diminue sensiblement; le son s'y transporte avec difficulte, et la voix se fait moins bien entendre. La vue des objets devient confuse. Le regard ne percoit plus que de grandes masses assez indeterminees; les hommes, les animaux, deviennent absolument invisibles: les routes sont des lacets, et les lacs, des etangs.

 

‹ Prev