The Complete Poetry of Aimé Césaire
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. . .with each step of my voice, with each drop of my name
LE REBELLE
…à chaque pas de ma voix, à chaque goutte de mon nom
CHORUS (still farther away)
Arise o king
LE CHŒUR (plus lointain encore)
Ô roi debout
THE REBEL
. . .arucaria cones, bunches of cherries
LE REBELLE
… des pommes d’araucaria, des bouquets de cerises
CHORUS (nearly lost in the distance)
Arise o king
LE CHŒUR (presque perdu dans la distance)
Ô roi debout
THE REBEL (in a thundering voice)
. . .bows, signs prints fires
LE REBELLE (d’une voix tonnante)
… des arcs, des signes des empreintes des feux
CHORUS (moaning)
Arise o king
LE CHŒUR (gémissant)
Ô roi debout
THE REBEL
I had brought this country to a knowledge of itself,
acquainted this land with its secret demons
lit up in the craters of heloderms and cymbals
the symphonies of an unknown hell, splendidly parasitized with haughty nostalgias
LE REBELLE
j’avais amené ce pays à la connaissance de lui-même,
familiarisé cette terre avec ses démons secrets
allumé aux cratères d’hélodermes et de cymbales
les symphonies d’un enfer inconnu, splendide parasité de nostalgies hautaines
CHORUS
Arise o king
LE CHŒUR
Ô roi debout
THE REBEL
And now
alone
everything is alone
however much I sharpen my voice
all deserts all
my voice labors
my voice pitches in the foghorn of mists without crossroad
and I have no mother
and I have no sons.
LE REBELLE
Et maintenant
seul
tout est seul
j’ai beau aiguiser ma voix
tout déserte tout
ma voix peine
ma voix tangue dans le cornet des brumes sans carrefour
et je n’ai pas de mère
et je n’ai pas de fils.
CHORUS
Arise o king
LE CHŒUR
Ô roi debout
THE REBEL
I understand. Hold on convict back off, your part is finished.
Beautiful as when memory relinquishes recent oblivion, vengeance has arisen with the ear of the day and all the dust that weaves the flesh of night, all the wasps that salivate the cassava of night all the barracudas that scrawl graffiti on the back of night have pressed on until glimpsing their eye of youth.
And behold I hail now the last night of my sex
hearth
coal
sun rooted in the mines of my strength
You will not frighten me phantoms I am strong.
I have muzzled the sea while listening to the gardeners struggling toward the fabulous rump of morning in a softness of scandal and spume.
(The light is extinguished).
LE REBELLE
je comprends. Holà chiourme retirez-vous, votre office est fini.
Belle comme la mémoire dessaisie d’oubli frais, la vengeance s’est dressée avec l’oreille du jour et toutes les poussières qui tissent la chair des nuits, toutes les guêpes qui salivent la cassave des nuits toutes les sphyrènes qui signent le dos des nuits ont forcé jusqu’à voir leur œil de jouvence.
Et voici je salue maintenant la dernière nuit de mon sexe
foyer
charbon
soleil enraciné dans les mines de ma force
Vous ne m’effraierez pas fantômes je suis fort.
j’ai muselé la mer en écoutant peiner les maraîchers vers la croupe fabuleuse des matins dans une douceur de scandale et d’écume.
(La lumière s’éteint).
THE REBEL
I have made a pact with the night, for twenty years past I have felt it softly hailing me. . .
(A flickering of candlelight).
LE REBELLE
j’ai pacte avec cette nuit, depuis vingt ans je la sens qui vers moi doucement hèle…
(Des lumignons s’allument).
THE REBEL
I have hailed my gods by dint of renunciations.
(Sneers).
LE REBELLE
j’ai hélé mes dieux à force de reniements
(Ricanements).
but they are watching me, spying on me and I am afraid
of the evil and jealous gods.
and their arms are long, immense, and their hand is webbed.
no way to escape
I say I’ve had it
mais ils me regardent ils m’épient, et j’ai peur
des dieux méchants et jaloux.
et leur bras est long immense, et leur main est palmée.
pas moyen d’échapper
je dis que je suis fichu
I say I can no more
how to make them understand that I do not want. That I cannot
not a clump of sleep, not a clump of silence that does not hide a god
and the voices say that I am a traitor, I am not an ingrate
I prostrate myself I lower my head
and the young goat bleats in my heart
je dis que je ne peux pas
comment leur faire comprendre que je ne veux pas. Que je ne peux pas
pas une touffe de sommeil, pas une touffe de silence qui ne cache un dieu
et les voix disent que je suis un traître, je ne suis pas un ingrat
je me prosterne je baisse la tête
et le chevreau bêle en mon cœur
(He stops. Grimacing frozen faces appear: they are fetishes: fantastic beasts with deformed faces and enormous white pupils.)
(Il s’arrête. Apparaissent des figures grimaçantes immobiles : ce sont les fétiches : animaux fantastiques faces difformes énormes prunelles blanches).
THE REBEL (flat on his belly)
Here I am. . .
(Pause).
LE REBELLE (à plat ventre)
Me voici…
(Pause).
however much one paints the foot of the tree white the strength of the bark screams from below. . .
(Pause).
on a beau peindre blanc le pied de l’arbre la force de l’écorce en dessous crie…
(Pause).
why would I fear the judgment of my gods?
who said that I was a traitor?
(Pause).
pourquoi aurais-je peur du jugement de mes dieux ?
qui a dit que j’ai trahi ?
(Pause).
the strange beggars with vintage faces who sometimes threaten
sometimes hail the dawn
they are myself
a hunger every night awakens them amidst the madrepores
a hunger for a greater sun and very ancient coins
I turn anew toward the unknown wind humped by pursuits
les étranges mendiants aux faces de millésime qui tantôt menacent
tantôt saluent les aubes
c’est moi
une faim chaque nuit les réveille parmi le madrépore
une faim de soleil plus large et de pièces de monnaies très anciennes.
je me tourne à nouveau vers le vent inconnu sailli de poursuites.
I’m going away
do not speak, do not laugh
Africa sleeps, do not speak, do not laugh. Africa bleeds, my mother
Africa shattered opens herself to a ditch of vermin,
to the sterile invasion of the spermatozoa of rape.
je m’en vais
ne parlez pas, ne riez pas
L’Afrique dort, ne parlez pas, ne riez pas. L’Afri
que saigne, ma mère
L’Afrique s’ouvre fracassée à une rigole de vermines,
à l’envahissement stérile des spermatozoïdes du viol.
FIRST TEMPTER’S VOICE
what thread stretched above the forests rivers swamps languages and wild beasts?
I have no mother I have no past
I have filled in to the point of forgetting the dust and insults the stepmother well of my navel.
PREMIÈRE VOIX TENTATRICE
quel fil tendu par-dessus les forêts les fleuves les marais les langues et les fauves ?
je n’ai pas de mère je n’ai pas de passé
j’ai comblé jusqu’à l’oubli de poussières et d’insulte le puits marâtre de mon nombril.
THE REBEL
get back torturers
ah you wink at me
you ask for my complicity?
help help murder
they have killed the sun there is no more sun there remain only the bulls* of Bashan
a torch is attached to their furious tails
assassins assassins
it’s all over. . . they have sniffed out the black man’s flesh
they stop
they laugh.
LE REBELLE
arrière bourreaux
ah vous me clignez de l’œil
vous me demandez ma complicité ?
au secours au secours au meurtre
ils ont tué le soleil il n’y a plus de soleil il ne reste plus que les taureaux de Basan
une torche est attachée à leur queue furibonde
assassins assassins
ça y est… ils ont reniflé la viande du nègre
ils s’arrêtent
ils rient.
SECOND TEMPTER’S VOICE
It’s over, it’s all over, useless to complain, judicial function is finished.
See, they have torn him to shreds, to shreds like a wild pig
DEUXIÈME VOIX TENTATRICE
C’est fini, tout est fini, inutile de réclamer, l’action de la justice est éteinte.
Voyez, ils l’ont déchiré en lambeaux, en lambeaux comme un cochon sauvage
THE REBEL
like an agouti? like a mongoose?
who has done that? you ask me who has done that?
no it is not I
I am innocent
LE REBELLE
comme un agouti ? comme une mangouste ?
qui a fait cela ? vous me demandez qui a fait cela ?
non ce n’est pas moi
je suis innocent
Who?
Them
they the dogs
they the men with bloody lips, with steely eyes
but you know I tell you that the judicial function is finished.
finished, but the light in their eyes is never extinguished.
Assassins, Assassins, Assassins.
(Stepping into the barathrum and going from corpse to corpse).
Qui ?
Eux
eux les chiens
eux les hommes aux babines saignantes, aux yeux d’acier
mais vous savez je vous dis que l’action de la justice est éteinte.
éteinte, mais la lueur de leurs yeux ne s’éteint jamais.
Assassins, Assassins, Assassins.
(S’avançant dans la barathre et circulant de cadavre en cadavre).
Ashes, the dream . . . famished, famished . . . two hands burning on the plate of the sun. . . o you dead . . . and the sadism of the master and the death rattle of the slave forced to eat excrement put the finishing touches in lines of vomit on the shark’s snapping and the scolopendra’s slithering.
O you who have died in a free land.
the beautiful blind eyes of the earth spontaneously sing
cutting school, the joined eyebrows of plowed highlands
the wily strategems of colloquia without rhyme or reason in the quicksand.
the shipwreckers’ cow, the rain of calvaries and waves bewitch with snakes with palavers with kelp the disjointed lighthouse of blood and shadow
La cendre, le songe… affamé, affamé… deux mains brûlantes dans l’assiette du soleil… ô morts… et le sadisme du maître et le râlement de l’esclave par force coprophage parachèvent en traits de vomi le happement du squale et le rampement du scolopendre.
Ô morts en terre franche.
les beaux yeux aveugles de la terre chantent d’eux-mêmes
l’école buissonnière, les sourcils joints des hauts labours
les ruses savantes des colloques sans rime ni raison aux sables mouvants.
la vache des naufrageurs, la pluie des calvaires et des vagues ensorcellent de serpents de palabres de varechs le phare disjoint de sang et d’ombre
o you who have died without a cavesson
I shall build out of sky, birds and parrots, bells, scarves, drums, airy smoke, furious caresses, copper tones, mother-of-pearl, sundays, junk, childish words, words of love
of love of children’s mittens
a world our world
my round-shouldered world
of wind of sun of moon of rain of full moon
a world of teaspoons
ô morts sans caveçon
je bâtirai de ciel, d’oiseaux de perroquets, de cloches, de foulards, de tambours, de fumées légères, de tendresses furieuses, de tons de cuivre, de nacre, de dimanches, de bastringues, de mots d’enfants, de mots d’amour
d’amour de mitaines d’enfants
un monde notre monde
mon monde aux épaules rondes
de vent de soleil de lune de pluie de pleine lune
un monde de petites cuillers
of velvet
of gold brocade
of pitons of valleys of petals of frightened fawn cries
a day
long ago
equal sisters will take one another by the hand in the torture chambers
the world will bend very gently its crooked head in order to die
de velours
d’étoffes d’or
de pitons de vallées de pétales de cris de faon effarouché
un jour
autrefois
les sœurs égales se donneront la main dans les chambres de tortures
le monde penchera tout doucement pour mourir sa tête biscornue
the days neatly lined up like an orphanage going to mass
the days with their polite assassin faces
will rob themselves of milk of grass of hours
with their wild cherry faces
with their polite expressions of galleys on the route of swans
with their famous castle looks
but in the unknown halls as beautiful as the lie that is nothing other than the love of travel a day long ago truce of god without god of unknown ports always of unknown suns always
les jours bien rangés comme un orphelinat allant à la messe
les jours avec leurs mines d’assassins polis
se détrousseront de lait d’herbe d’heures
avec leurs mines de cerisiers sauvages
avec leurs politesses de galères sur la route des cygnes
avec leurs airs de château connu
mais aux salles inconnues aussi belles que le mensonge qui n’est pas autre chose que l’amour du voyage un jour autrefois trêve de dieu sans dieu des ports inconnus toujours des soleils inconnus toujours
SEMI-CHORUS
Man, beware, fire is a language that asks to spread
(The mother steps forward).
LE DEMI-CHŒUR
Homme, prends garde, le feu est un langage qui demande à courir.
(S’avance la mère).
THE REBEL
Woman beware, there is a beautiful country licentious out of season that they have fattened on larvae
a world of shards of flowers dirtied by old posters
a house of broken tiles of leaves ripped out without tempest
not yet
not yet
I shall return only serious
love will shine in our burned-barn eyes
like a drunken bird
a firing squad
LE REBELLE
Femme prends garde, il y a un beau pays qu’ils ont gâté de larves dévergondé hors saison
un monde d’éclats de fleurs salis de vieilles affiches
une maison de tuiles cassées de feuilles arrachées sans tempête
pas encore
pas encore
je ne reviendrai que grave
l’amour luira dans nos yeux de grange incendiée
comme un oiseau ivre
un peloton d’exécution
not yet
not yet
I shall return only with my good portion of contraband
living love grassy with wheat with locusts with wave with deluge with whistlings with braziers with signs with forest of water with meadow of water with herds of water
spacious love of flames of instants of hives of peonies of poinsettias prophetic of codes, prophetic of climates
pas encore
pas encore
je ne reviendrai qu’avec ma bonne prise de contrebande
l’amour vivant herbeux de blé de sauterelles de vague de déluge de sifflements de brasiers de signes de forêt d’eau de gazon d’eau de troupeaux d’eau
l’amour spacieux de flammes d’instants de ruches de pivoines de poinsettias prophétique de chiffres, prophétique de climats
CHORUS
chopping knives my sweet canticles
spilled blood my warm fur
massacres, my massacres, smokes, my smokes create a road barely limpid with water jets propelled by the vent holes of the conflagration
LE CHŒUR
hachoirs mes doux cantiques
sang répandu ma tiède fourrure
les massacres, mes massacres, les fumées, mes fumées font une route peu limpide de jets d’eau lancés par les évents de l’incendie