Surrealist, Lover, Resistant
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Paysages.
Moi je n’en veux pas d’autres que l’étreinte à laquelle j’aspire,
Et meure le chant du coq.
Comme une main, à l’instant de la mort, se crispe, mon cœur se serre.
Je n’ai jamais pleuré depuis que je te connais.
J’aime trop mon amour pour pleurer.
Tu pleureras sur mon tombeau,
Ou moi sur le tien.
Il ne sera pas trop tard.
Je mentirai. Je dirai que tu fus ma maîtresse.
Et puis vraiment c’est tellement inutile,
Toi et moi, nous mourrons bientôt.
JUST AS A HAND AT THE MOMENT OF DEATH
Just as a hand at the moment of death and shipwreck rises up like the rays of the setting sun, so your glances go flashing from all directions.
It may be too late to see me now,
But the falling leaf and the turning wheel will tell you nothing lasts for ever on earth
Except love,
And I want to be convinced of that.
Lifeboats painted in reddish colours,
Storms hurrying away,
A clapped-out waltz carried off by weather and wind in the sky’s long spaces.
Landscapes.
I want the embrace that I long for, and no other,
Perish the cockcrow.
Just as a hand clenches at the moment of death, my heart closes up.
I’ve never wept since I’ve known you.
I love my love too much to weep.
You’ll weep on my grave,
Or I’ll weep on yours.
It won’t be too late.
I shall lie. I’ll say you were my mistress.
And it’s really so futile,
You and I will soon be dead.
À LA FAVEUR DE LA NUIT
Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit.
Suivre tes pas, ton ombre à la fenêtre,
Cette ombre à la fenêtre c’est toi, ce n’est pas une autre c’est toi.
N’ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges.
Ferme les yeux.
Je voudrais les fermer avec mes lèvres.
Mais la fenêtre s’ouvre et le vent, le vent qui balance bizarrement la flamme et le drapeau entoure ma fuite de son manteau.
La fenêtre s’ouvre: ce n’est pas toi.
Je le savais bien.
UNDER COVER OF NIGHT
To slip into your shadow under cover of night.
To follow your footsteps, your shadow at the window,
That shadow at the window is you, not someone else, it’s you.
Don’t open that window where you are behind the curtains, moving.
Close your eyes.
I’d like to close them with my lips.
But the window is opening and the breeze, the breeze weirdly juggling flame and flag, wraps my retreat in its cloak.
The window is opening: it isn’t you.
I knew that.
TÉNÈBRES 1927
LA VOIX DE ROBERT DESNOS
Si semblable à la fleur et au courant d’air
au cours d’eau aux ombres passagères
au sourire entrevu ce fameux soir à minuit
si semblable à tout au bonheur et à la tristesse
c’est le minuit passé dressant son torse nu au-dessus
des beffrois et des peupliers
j’appelle à moi ceux-là perdus dans les campagnes
les vieux cadavres les jeunes chênes coupés
les lambeaux d’étoffe pourrissant sur la terre et le linge
séchant aux alentours des fermes
j’appelle à moi les tornades et les ouragans
les tempêtes les typhons les cyclones
les raz de marée
les tremblements de terre
j’appelle à moi la fumée des volcans et celle des cigarettes
les ronds de fumée des cigares de luxe
j’appelle à moi les amours et les amoureux
j’appelle à moi les vivants et les morts
j’appelle les fossoyeurs j’appelle les assassins
j’appelle les bourreaux j’appelle les pilotes les maçons
et les architectes
les assassins
j’appelle la chair
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime
le minuit triomphant déploie ses ailes de satin et se pose
sur mon lit
les beffrois et les peupliers se plient à mon désir
ceux-là s’écroulent ceux-là s’affaissent
les perdus dans la campagne se retrouvent en me trouvant
les vieux cadavres ressuscitent à ma voix
les jeunes chênes coupés se couvrent de verdure
les lambeaux d’étoffe pourrissant dans la terre et sur la terre claquent à ma voix comme l’étendard de la révolte le linge séchant aux alentours des fermes habille d’adorables femmes que je n’adore pas qui viennent à moi obéissent à ma voix et m’adorent
les tornades tournent dans ma bouche
les ouragans rougissent s’il est possible mes lèvres
les tempêtes grondent à mes pieds
les typhons s’il est possible me dépeignent
je reçois les baisers d’ivresse des cyclones
les raz de marée viennent mourir à mes pieds
les tremblements de terre ne m’ébranlent pas mais font tout crouler à mon ordre
la fumée des volcans me vêt de ses vapeurs
et celle des cigarettes me parfume
et les ronds de fumée des cigares me couronnent
les amours et l’amour si longtemps poursuivis se réfugient en moi
les amoureux écoutent ma voix
les vivants et les morts se soumettent et me saluent les premiers froidement les seconds familièrement
les fossoyeurs abandonnent les tombes à peine creusées et déclarent que moi seul puis commander leurs nocturnes travaux
les assassins me saluent
les bourreaux invoquent la révolution
invoquent ma voix
invoquent mon nom
les pilotes se guident sur mes yeux
les maçons ont le vertige en m’écoutant
les architectes partent pour le désert
les assassins me bénissent
la chair palpite à mon appel
celle que j’aime ne m’écoute pas
celle que j’aime ne m’entend pas
celle que j’aime ne me répond pas.
SHADOWS 1927
THE VOICE OF ROBERT DESNOS
So like the flower and the breeze
the stream the passing shadows
the smile glimpsed that great night at midnight
so like everything joy sorrow
it’s last night’s midnight rearing its naked torso above the
belfries and poplars
I summon those who are lost in the countryside
old corpses young felled oaks
rags of cloth rotting on the ground and laundry drying around farms
I summon tornadoes and hurricanes
tempests typhoons cyclones
tidal waves
earthquakes
I summon smoke of volcanoes and cigarettes
smoke-rings of luxury cigars
I summon loves and lovers
I summon the quick and the dead
I summon grave-diggers I summon assassins
I summon executioners I summon pilots masons and
architects
assassins
I summon the flesh
I summon the one I love
I summon the one I love
I summon the one I love
midnight triumphant spreads its satin wings and sits
on my bed
belfries and poplars bend to my desire
they crumble they subside
those lost in the countryside find me and are found again
old corpses revive at my voice
young felled oaks cover themselves with greenery
rags of cloth rot in the ground and on the ground clap at my voice like the banner of revolt laundry drying around farms is worn by adorable women I don’t adore who come to me obey my voice and adore me
tornadoes spin in my mouth
hurricanes redden if possible my lips
tempests roar at my feet
typhoons if possible mess my hair
I receive the drunken kisses of cyclones
tidal waves come to die at my feet
earthquakes leave me unshaken but make all things tremble at my command
volcano smoke dresses me in its vapours
and cigarette smoke makes me fragrant
and cigar smoke-rings wreathe my head
loves and love so long pursued take refuge in me
lovers listen to my voice
the quick and the dead submit and greet me the first cold the second familiar
grave-diggers abandon scarcely-dug graves and declare that only I can command their nocturnal toil
assassins greet me
executioners invoke the revolution
invoke my voice
invoke my name
pilots steer by my eyes
masons listen to me and get vertigo
architects head off to the desert
assassins bless me
the flesh throbs at my call
the one I love doesn’t heed me
the one I love doesn’t hear me
the one I love doesn’t answer me
INFINITIF
Y mourir ô belle flammèche y mouriR
Voir les nuages fondre comme la neige et l’échO
Origines du soleil et du blanc pauvres comme JoB
Ne pas mourir encore et voir durer l’ombrE
Naître avec le feu et ne pas mouriR
Etreindre et embrasser amour fugace le ciel maT
Gagner les hauteurs abandonner le borD
Et qui sait découvrir ce que j’aimE
Omettre de transmettre mon nom aux annéeS
Rire aux heures orageuses dormir au pied d’un piN
Grâce aux étoiles semblables à un numérO
Et mourir ce que j’aime au bord des flammeS.
INFINITIVE
[Double acrostic: Yvonne George, Robert Desnos]
You are my lovely spark. To perish oR
View clouds that melt away like snow and echO
Origins of sun-whiteness poor as JoB
Not yet to die to see the shade survivE
Not die but come to birth with blazing fervouR
Embrace and quench dull sky love prone to fliT
Gaining the heights abandoning the stranD
Efficient to discover what I lovE
Omit my name’s transmission to the yearS
Rejoice at storm-times sleep where pines look dowN
Grateful to stars that make a dominO
Expiring which I love beside the flameS.
LE VENDREDI DU CRIME
Un incroyable désir s’empare des femmes endormies
Une pierre précieuse s’endort dans l’écrin bleu de roi
Et voilà que sur le chemin s’agitent les cailloux fatigués
Plus jamais les pas des émues par la nuit
Passez cascades
Les murailles se construisent au son du luth d’Orphée
Et s’écroulent au son des trompettes de Jéricho
Sa voix perce les murailles
Et mon regard les supprime sans ruines
Ainsi passent les cascades avec la lamentation des étoiles
Plus de cailloux sur le sentier
Plus de femmes endormies
Plus de femmes dans l’obscurité
Ainsi passez cascades.
THE FRIDAY OF THE CRIME
An incredible desire comes over sleeping women
A precious stone falls asleep in the royal blue jewel-box
And see there in the lane the tired pebbles in motion
Never again the footsteps of women thrilling to the night
Pass on, waterfalls
The walls spring up to the sound of Orpheus’ lute
and collapse to the sound of Jericho’s trumpets
That voice pierces the walls
and my gaze crushes them leaving no ruins
So the waterfalls pass on, with the wailing of stars
No more pebbles on the path
No more sleeping women
No more women in the dark
So pass on, waterfalls.
CHANT DU CIEL
La fleur des Alpes disait au coquillage: «tu luis»
Le coquillage disait à la mer: «tu résonnes»
La mer disait au bateau: «tu trembles»
Le bateau disait au feu: «tu brilles»
Le feu me disait: «je brille moins que ses yeux»
Le bateau me disait: «je tremble moins que ton cœur quand elle paraît»
La mer me disait: «je résonne moins que son nom en ton amour»
Le coquillage me disait: «je luis moins que le phosphore du désir dans ton rêve creux»
La fleur des Alpes me disait: «elle est belle»
Je disais: «elle est belle, elle est belle, elle est émouvante».
SKY SONG
Said the daffodil to the shell: ‘you glitter’
Said the shell to the sea: ‘you echo’
Said the sea to the boat: ‘you shudder’
Said the boat to the fire: ‘you shine’
The fire said to me: ‘I shine less than her eyes’
The boat said to me: ‘I shudder less than your heart in her presence’
The sea said to me: ‘I echo less than her name in your loving’
The shell said to me: ‘I glitter less than the phosphorus of desire in your hollow dream’
The daffodil said to me: ‘She is beautiful’
I said: ‘She is beautiful, she is beautiful, she is thrilling’.
JAMAIS D’AUTRE QUE TOI
Jamais d’autre que toi en dépit des étoiles et des solitudes
En dépit des mutilations d’arbre à la tombée de la nuit
Jamais d’autre que toi ne poursuivra son chemin qui est le mien
Plus tu t’éloignes et plus ton ombre s’agrandit
Jamais d’autre que toi ne saluera la mer à l’aube quand fatigué d’errer moi sorti des forêts ténébreuses et des buissons d’orties je marcherai vers l’écume
Jamais d’autre que toi ne posera sa main sur mon front
et mes yeux
Jamais d’autre que toi et je nie le mensonge et l’infidélité
Ce navire à l’ancre tu peux couper sa corde
Jamais d’autre que toi
L’aigle prisonnier dans une cage ronge lentement les barreaux de cuivre vert-de-grisés
Quelle évasion!
C’est le dimanche marqué par le chant des rossignols dans les bois d’un vert tendre l’ennui des petites filles en présence d’une cage où s’agite un serin, tandis que dans la rue solitaire le soleil lentement déplace sa ligne mince sur le trottoir chaud
Nous passerons d’autres lignes
Jamais jamais d’autre que toi
Et moi seul seul seul comme le lierre fané des jardins de banlieue seul comme le verre
Et toi jamais d’autre que toi.
NEVER ANOTHER BUT YOU
Never another but you for all the stars and solitudes
All the trees hacked at nightfall
Never another but you shall trace her path which is mine
The more you recede the bigger your shadow
Never another but you shall greet the sea at dawn when I emerge leg-weary from the dark forests and nettle-patches and make for the foam
Never another but you shall put her hand on my brow and my eyes
Never another but you. I deny falseness and infidelity
This anchored ship you can cut its rope
Never another but you
The eagle shut in a cage slowly gnaws the copper bars green with verdigris
What an escape!
It’s Sunday marked by nightingale-song in fresh green woods the boredom of little girls at a fretting canary’s cage, while slowly in the lonely street the sun moves its thin line across the hot pavement
We shall pass other lines
Never never another but you
And me alone alone alone like withered ivy in suburban gardens alone as glass
And you never another but you.
DE LA ROSE DE MARBRE À LA ROSE DE FER
LA ROSE DE MARBRE immense et blanche était seule sur la place déserte où les ombres se prolongeaient à l’infini. Et la rose de marbre seule sous le soleil et les étoiles était reine de la solitude. Et sans parfum la rose de marbre sur sa tige rigide au sommet du piédestal de granit ruisselait de tous les flots du ciel. La lune s’arrêtait pensive en son cœur glacial et les déesses des jardins les déesses de marbre à ses pétales venaient éprouver leurs seins froids.