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Surrealist, Lover, Resistant

Page 9

by Robert Desnos


  Paysages.

  Moi je n’en veux pas d’autres que l’étreinte à laquelle j’aspire,

  Et meure le chant du coq.

  Comme une main, à l’instant de la mort, se crispe, mon cœur se serre.

  Je n’ai jamais pleuré depuis que je te connais.

  J’aime trop mon amour pour pleurer.

  Tu pleureras sur mon tombeau,

  Ou moi sur le tien.

  Il ne sera pas trop tard.

  Je mentirai. Je dirai que tu fus ma maîtresse.

  Et puis vraiment c’est tellement inutile,

  Toi et moi, nous mourrons bientôt.

  JUST AS A HAND AT THE MOMENT OF DEATH

  Just as a hand at the moment of death and shipwreck rises up like the rays of the setting sun, so your glances go flashing from all directions.

  It may be too late to see me now,

  But the falling leaf and the turning wheel will tell you nothing lasts for ever on earth

  Except love,

  And I want to be convinced of that.

  Lifeboats painted in reddish colours,

  Storms hurrying away,

  A clapped-out waltz carried off by weather and wind in the sky’s long spaces.

  Landscapes.

  I want the embrace that I long for, and no other,

  Perish the cockcrow.

  Just as a hand clenches at the moment of death, my heart closes up.

  I’ve never wept since I’ve known you.

  I love my love too much to weep.

  You’ll weep on my grave,

  Or I’ll weep on yours.

  It won’t be too late.

  I shall lie. I’ll say you were my mistress.

  And it’s really so futile,

  You and I will soon be dead.

  À LA FAVEUR DE LA NUIT

  Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit.

  Suivre tes pas, ton ombre à la fenêtre,

  Cette ombre à la fenêtre c’est toi, ce n’est pas une autre c’est toi.

  N’ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges.

  Ferme les yeux.

  Je voudrais les fermer avec mes lèvres.

  Mais la fenêtre s’ouvre et le vent, le vent qui balance bizarrement la flamme et le drapeau entoure ma fuite de son manteau.

  La fenêtre s’ouvre: ce n’est pas toi.

  Je le savais bien.

  UNDER COVER OF NIGHT

  To slip into your shadow under cover of night.

  To follow your footsteps, your shadow at the window,

  That shadow at the window is you, not someone else, it’s you.

  Don’t open that window where you are behind the curtains, moving.

  Close your eyes.

  I’d like to close them with my lips.

  But the window is opening and the breeze, the breeze weirdly juggling flame and flag, wraps my retreat in its cloak.

  The window is opening: it isn’t you.

  I knew that.

  TÉNÈBRES 1927

  LA VOIX DE ROBERT DESNOS

  Si semblable à la fleur et au courant d’air

  au cours d’eau aux ombres passagères

  au sourire entrevu ce fameux soir à minuit

  si semblable à tout au bonheur et à la tristesse

  c’est le minuit passé dressant son torse nu au-dessus

  des beffrois et des peupliers

  j’appelle à moi ceux-là perdus dans les campagnes

  les vieux cadavres les jeunes chênes coupés

  les lambeaux d’étoffe pourrissant sur la terre et le linge

  séchant aux alentours des fermes

  j’appelle à moi les tornades et les ouragans

  les tempêtes les typhons les cyclones

  les raz de marée

  les tremblements de terre

  j’appelle à moi la fumée des volcans et celle des cigarettes

  les ronds de fumée des cigares de luxe

  j’appelle à moi les amours et les amoureux

  j’appelle à moi les vivants et les morts

  j’appelle les fossoyeurs j’appelle les assassins

  j’appelle les bourreaux j’appelle les pilotes les maçons

  et les architectes

  les assassins

  j’appelle la chair

  j’appelle celle que j’aime

  j’appelle celle que j’aime

  j’appelle celle que j’aime

  le minuit triomphant déploie ses ailes de satin et se pose

  sur mon lit

  les beffrois et les peupliers se plient à mon désir

  ceux-là s’écroulent ceux-là s’affaissent

  les perdus dans la campagne se retrouvent en me trouvant

  les vieux cadavres ressuscitent à ma voix

  les jeunes chênes coupés se couvrent de verdure

  les lambeaux d’étoffe pourrissant dans la terre et sur la terre claquent à ma voix comme l’étendard de la révolte le linge séchant aux alentours des fermes habille d’adorables femmes que je n’adore pas qui viennent à moi obéissent à ma voix et m’adorent

  les tornades tournent dans ma bouche

  les ouragans rougissent s’il est possible mes lèvres

  les tempêtes grondent à mes pieds

  les typhons s’il est possible me dépeignent

  je reçois les baisers d’ivresse des cyclones

  les raz de marée viennent mourir à mes pieds

  les tremblements de terre ne m’ébranlent pas mais font tout crouler à mon ordre

  la fumée des volcans me vêt de ses vapeurs

  et celle des cigarettes me parfume

  et les ronds de fumée des cigares me couronnent

  les amours et l’amour si longtemps poursuivis se réfugient en moi

  les amoureux écoutent ma voix

  les vivants et les morts se soumettent et me saluent les premiers froidement les seconds familièrement

  les fossoyeurs abandonnent les tombes à peine creusées et déclarent que moi seul puis commander leurs noc­turnes travaux

  les assassins me saluent

  les bourreaux invoquent la révolution

  invoquent ma voix

  invoquent mon nom

  les pilotes se guident sur mes yeux

  les maçons ont le vertige en m’écoutant

  les architectes partent pour le désert

  les assassins me bénissent

  la chair palpite à mon appel

  celle que j’aime ne m’écoute pas

  celle que j’aime ne m’entend pas

  celle que j’aime ne me répond pas.

  SHADOWS 1927

  THE VOICE OF ROBERT DESNOS

  So like the flower and the breeze

  the stream the passing shadows

  the smile glimpsed that great night at midnight

  so like everything joy sorrow

  it’s last night’s midnight rearing its naked torso above the

  belfries and poplars

  I summon those who are lost in the countryside

  old corpses young felled oaks

  rags of cloth rotting on the ground and laundry drying around farms

  I summon tornadoes and hurricanes

  tempests typhoons cyclones

  tidal waves

  earthquakes

  I summon smoke of volcanoes and cigarettes

  smoke-rings of luxury cigars

  I summon loves and lovers

  I summon the quick and the dead

  I summon grave-diggers I summon assassins

  I summon executioners I summon pilots masons and

  architects


  assassins

  I summon the flesh

  I summon the one I love

  I summon the one I love

  I summon the one I love

  midnight triumphant spreads its satin wings and sits

  on my bed

  belfries and poplars bend to my desire

  they crumble they subside

  those lost in the countryside find me and are found again

  old corpses revive at my voice

  young felled oaks cover themselves with greenery

  rags of cloth rot in the ground and on the ground clap at my voice like the banner of revolt laundry drying around farms is worn by adorable women I don’t adore who come to me obey my voice and adore me

  tornadoes spin in my mouth

  hurricanes redden if possible my lips

  tempests roar at my feet

  typhoons if possible mess my hair

  I receive the drunken kisses of cyclones

  tidal waves come to die at my feet

  earthquakes leave me unshaken but make all things tremble at my command

  volcano smoke dresses me in its vapours

  and cigarette smoke makes me fragrant

  and cigar smoke-rings wreathe my head

  loves and love so long pursued take refuge in me

  lovers listen to my voice

  the quick and the dead submit and greet me the first cold the second familiar

  grave-diggers abandon scarcely-dug graves and declare that only I can command their nocturnal toil

  assassins greet me

  executioners invoke the revolution

  invoke my voice

  invoke my name

  pilots steer by my eyes

  masons listen to me and get vertigo

  architects head off to the desert

  assassins bless me

  the flesh throbs at my call

  the one I love doesn’t heed me

  the one I love doesn’t hear me

  the one I love doesn’t answer me

  INFINITIF

  Y mourir ô belle flammèche y mouriR

  Voir les nuages fondre comme la neige et l’échO

  Origines du soleil et du blanc pauvres comme JoB

  Ne pas mourir encore et voir durer l’ombrE

  Naître avec le feu et ne pas mouriR

  Etreindre et embrasser amour fugace le ciel maT

  Gagner les hauteurs abandonner le borD

  Et qui sait découvrir ce que j’aimE

  Omettre de transmettre mon nom aux annéeS

  Rire aux heures orageuses dormir au pied d’un piN

  Grâce aux étoiles semblables à un numérO

  Et mourir ce que j’aime au bord des flammeS.

  INFINITIVE

  [Double acrostic: Yvonne George, Robert Desnos]

  You are my lovely spark. To perish oR

  View clouds that melt away like snow and echO

  Origins of sun-whiteness poor as JoB

  Not yet to die to see the shade survivE

  Not die but come to birth with blazing fervouR

  Embrace and quench dull sky love prone to fliT

  Gaining the heights abandoning the stranD

  Efficient to discover what I lovE

  Omit my name’s transmission to the yearS

  Rejoice at storm-times sleep where pines look dowN

  Grateful to stars that make a dominO

  Expiring which I love beside the flameS.

  LE VENDREDI DU CRIME

  Un incroyable désir s’empare des femmes endormies

  Une pierre précieuse s’endort dans l’écrin bleu de roi

  Et voilà que sur le chemin s’agitent les cailloux fatigués

  Plus jamais les pas des émues par la nuit

  Passez cascades

  Les murailles se construisent au son du luth d’Orphée

  Et s’écroulent au son des trompettes de Jéricho

  Sa voix perce les murailles

  Et mon regard les supprime sans ruines

  Ainsi passent les cascades avec la lamentation des étoiles

  Plus de cailloux sur le sentier

  Plus de femmes endormies

  Plus de femmes dans l’obscurité

  Ainsi passez cascades.

  THE FRIDAY OF THE CRIME

  An incredible desire comes over sleeping women

  A precious stone falls asleep in the royal blue jewel-box

  And see there in the lane the tired pebbles in motion

  Never again the footsteps of women thrilling to the night

  Pass on, waterfalls

  The walls spring up to the sound of Orpheus’ lute

  and collapse to the sound of Jericho’s trumpets

  That voice pierces the walls

  and my gaze crushes them leaving no ruins

  So the waterfalls pass on, with the wailing of stars

  No more pebbles on the path

  No more sleeping women

  No more women in the dark

  So pass on, waterfalls.

  CHANT DU CIEL

  La fleur des Alpes disait au coquillage: «tu luis»

  Le coquillage disait à la mer: «tu résonnes»

  La mer disait au bateau: «tu trembles»

  Le bateau disait au feu: «tu brilles»

  Le feu me disait: «je brille moins que ses yeux»

  Le bateau me disait: «je tremble moins que ton cœur quand elle paraît»

  La mer me disait: «je résonne moins que son nom en ton amour»

  Le coquillage me disait: «je luis moins que le phosphore du désir dans ton rêve creux»

  La fleur des Alpes me disait: «elle est belle»

  Je disais: «elle est belle, elle est belle, elle est émouvante».

  SKY SONG

  Said the daffodil to the shell: ‘you glitter’

  Said the shell to the sea: ‘you echo’

  Said the sea to the boat: ‘you shudder’

  Said the boat to the fire: ‘you shine’

  The fire said to me: ‘I shine less than her eyes’

  The boat said to me: ‘I shudder less than your heart in her presence’

  The sea said to me: ‘I echo less than her name in your loving’

  The shell said to me: ‘I glitter less than the phosphorus of desire in your hollow dream’

  The daffodil said to me: ‘She is beautiful’

  I said: ‘She is beautiful, she is beautiful, she is thrilling’.

  JAMAIS D’AUTRE QUE TOI

  Jamais d’autre que toi en dépit des étoiles et des solitudes

  En dépit des mutilations d’arbre à la tombée de la nuit

  Jamais d’autre que toi ne poursuivra son chemin qui est le mien

  Plus tu t’éloignes et plus ton ombre s’agrandit

  Jamais d’autre que toi ne saluera la mer à l’aube quand fatigué d’errer moi sorti des forêts ténébreuses et des buissons d’orties je marcherai vers l’écume

  Jamais d’autre que toi ne posera sa main sur mon front

  et mes yeux

  Jamais d’autre que toi et je nie le mensonge et l’infidélité

  Ce navire à l’ancre tu peux couper sa corde

  Jamais d’autre que toi

  L’aigle prisonnier dans une cage ronge lentement les barreaux de cuivre vert-de-grisés

  Quelle évasion!

  C’est le dimanche marqué par le chant des rossignols dans les bois d’un vert tendre l’ennui des petites filles en présence d’une cage où s’agite un serin, tandis que dans la rue solitaire le soleil lentement déplace sa ligne mince sur le trottoir chaud

  Nous passerons d’autres lignes


  Jamais jamais d’autre que toi

  Et moi seul seul seul comme le lierre fané des jardins de banlieue seul comme le verre

  Et toi jamais d’autre que toi.

  NEVER ANOTHER BUT YOU

  Never another but you for all the stars and solitudes

  All the trees hacked at nightfall

  Never another but you shall trace her path which is mine

  The more you recede the bigger your shadow

  Never another but you shall greet the sea at dawn when I emerge leg-weary from the dark forests and nettle-patches and make for the foam

  Never another but you shall put her hand on my brow and my eyes

  Never another but you. I deny falseness and infidelity

  This anchored ship you can cut its rope

  Never another but you

  The eagle shut in a cage slowly gnaws the copper bars green with verdigris

  What an escape!

  It’s Sunday marked by nightingale-song in fresh green woods the boredom of little girls at a fretting canary’s cage, while slowly in the lonely street the sun moves its thin line across the hot pavement

  We shall pass other lines

  Never never another but you

  And me alone alone alone like withered ivy in suburban gardens alone as glass

  And you never another but you.

  DE LA ROSE DE MARBRE À LA ROSE DE FER

  LA ROSE DE MARBRE immense et blanche était seule sur la place déserte où les ombres se prolongeaient à l’in­fini. Et la rose de marbre seule sous le soleil et les étoiles était reine de la solitude. Et sans parfum la rose de marbre sur sa tige rigide au sommet du pié­destal de granit ruisselait de tous les flots du ciel. La lune s’arrêtait pensive en son cœur glacial et les déesses des jardins les déesses de marbre à ses pétales venaient éprouver leurs seins froids.

 

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