Book Read Free

Surrealist, Lover, Resistant

Page 12

by Robert Desnos


  The waste of fortunes and the wash of tears

  Deep in the woods the ruthless shining star

  Nights of insanity and slain desires

  My words were twisted like our love-affair

  I murmured them when bleary midnight smeared

  Its bony fingers on pale faces where

  It dried moist eyes and left the make-up blurred

  The sky was heavy then and shadowy

  And chiming midnight guided to my bed

  Pitiless women The anemone

  Roused madness up more dismal than the dead

  Blooms moulted petals on the fruits of fall

  Perfumed the buds on compote-bowls below

  On broken columns immemorial

  The salt sea-breezes threw a glacier-glow

  The porcelain’s pride these fragrances shall float

  Through airy dining-rooms a place of peace

  Persistent too the shining crystal salt

  In shepherds’ airy overcoats of fleece

  My kisses shall rejoin the prophesied

  Tears and the solitude implacable

  Sea-winds that blow on hearths unoccupied

  And perfume dying in the compote-bowl

  My loves have made a lasting mark on me

  Like a wild horse that slips the gauchos’ snares

  Regains the pampas and his liberty

  Shows off his branded hide to all the mares

  The siren singing to a carbon sky

  With sweeping virile gestures out at sea

  Where reefs rip barrels open, magicks, high

  Into the whirlwinds’ heart, the anemone.

  L’AVEUGLE

  Les yeux clos elle allait dans un pays de nacre

  Où la vie assumait la forme d’un croissant

  C’était un jour de foire et les jeux de massacre

  Retentissaient du rire et des cris des passants

  Dans l’eau de l’océan les mines englouties

  Recélaient des échos en place de trésors

  Les ouvriers lâchant le manche des outils

  Incendiaient les forêts et la nouvelle aurore

  Répandue à grands flots se brisait aux murailles

  La terre tressaillait à l’appel des volcans

  Les sorciers découvraient dans le corps des volailles

  Le mirage du ciel et d’impurs talismans

  Chaque nuit éclairée par les aérolithes

  Se déchirait sinistre avec un bruit d’accroc

  Et les loups en hurlant surgissaient de leurs gîtes

  Pour sceller les cailloux des marques de leurs crocs

  Sans souci j’ai suivi le chemin de l’aveugle

  Ses pieds trébuchaient sur les dalles des perrons

  Mais ses doigts déchiffraient les mufles et les gueules

  Des fauves effrayés par le bruit des clairons

  Sa bouche ne savait ni chanson ni prière

  Ses seins qu’avaient mordus d’anonymes amants

  Saillaient sous le corsage et sous ses deux paupières

  Deux miroirs reflétaient son attendrissement

  Il fleurissait dans l’ombre en roses phosphoriques

  Dans un parc de granit de flamme et de métal

  Où jamais le refrain grotesque des cantiques

  Ne troubla le silence immobile et fatal

  Je n’oublierai jamais le docteur imbécile

  Qui l’ayant délivré des nuits de cécité

  Mourut en attendant avec un cœur tranquille

  Qu’un archange joufflu vînt l’en féliciter

  Mais avant d’évoquer au fond de ses prunelles

  Un paysage absurde avec ses monuments

  Le fer heurtant le fer en crachats d’étincelles

  Et les menteurs levant la main pour les serments

  Soyez bénis dit-elle au granit de son rêve

  Soyez bénis dit-elle aux reflets des cristaux

  Le voyage à bon port en cet instant s’achève

  Au pied du sémaphore à l’ombre des signaux

  Mais aujourd’hui n’est pas mon jour de délivrance

  Ce n’est pas moi qu’on rend aux soirs et aux matins

  Le rêve prisonnier de mon esprit s’élance

  Comme un beau patineur chaussé de ses patins

  La terre connaîtra mes cités ténébreuses

  Mes spectres minéraux mon cœur sans dimension

  Les lilas effeuillés la mort des tubéreuses

  La danse que Don Juan et moi-même dansions

  Que tous ferment les yeux au temps où mes yeux s’ouvrent

  S’il n’est pas tout à moi que me fait l’univers

  Avec ses Westminsters ses Kremlins et ses Louvres

  Que m’importe l’amour si mon amant voit clair

  Et ce soir célébrant notre mariage atroce

  Je plongerai l’acier dans ses yeux adorés

  Que mon premier baiser soit un baiser féroce

  Et puis je guiderai ses pas mal assurés

  Je finirai ma vie en veillant sur sa vie

  Je le protégerai des maux et des dangers

  Je couvrirai son corps contre l’intempérie

  Et je prendrai la lettre aux mains du messager

  Je lirai l’heure ardente au cadran de l’horloge

  J’aurai pour lui des soins hideux et maternels

  Je serai l’infirmière à qui vont les éloges

  La maîtresse impérieuse aux ordres sans appel

  Le soir qu’éclaboussaient les étoiles filantes

  Se déplia comme un serpent sur les pays

  Chaque fleur à son tour a fleuri sur les plantes

  Et puis voici la mort qui n’a jamais failli

  Lits éventrés nuit éternelle éclair des crimes

  Incendie allumé dans la maison des fous

  Voici venir l’amour du fin fond des abîmes

  Voici venir l’amour lampes éteignez-vous!

  BLIND

  Wall-eyed the land she entered was of pearl

  A crescent was life’s new morphology

  Games of mass killing at a festival

  Rang with the merry cries of passers-by

  In subterranean mines the ocean pools

  Held echoes but no treasure stashed away

  While all the workers laid aside their tools

  Burnt down the forest and the dawning day

  Spilled in great waves and smashed against the walls

  The earth was shaking at volcanoes’ cries

  Magicians found in slaughtered birds’ entrails

  Disgusting talismans deceitful skies

  Night after night lit up by meteors

  Burst open with an eerie rending squeal

  And howling wolves came surging from their lairs

  Scrunched pebbles with their tooth-marks for a seal

  Unfazed I tailed the blind one on her course

  On flights of flagstone steps her footsteps swerved

  Her fingers traced the muzzles and the jaws

  Of savage beasts that bugle-calls unnerved

  Her lips knew neither songs nor litanies

  Blemished by nameless lovers’ bites her breasts

  Swelled in her bodice while about her eyes

  Two mirrors signalled back her tenderness

  Phosphorus roses were its blooms in shade

  The park was formed of granite metal flame

  Where hymns in uncouth chorus never made

  A dent in the unmoving deathly calm

  I won’t forget that doctor what a fool

  Who freed her from the dark and sightless place

 
; Died happy waiting for a you’ve-done-well

  From an archangel with a chubby face

  Before she summoned up inside her eyes

  The spitting sparks the crash of blade on blade

  Memorials a land’s absurdities

  An upraised hand by perjured oath betrayed

  Bless you she murmured to her granite dream

  Bless you she murmured now I sail no more

  I’m safe in port she told the crystal gleam

  Under the signals and the semaphore

  But I’m not free I’m not set free today

  Restored to dark and light to dusk and dawn

  My spirit’s captive dream cavorts away

  Like a fine skater with her ice-skates on

  The earth shall know my towns fuliginous

  Mineral ghosts my heart’s infinity

  The moulted lilacs withered tuberose

  The dance we always danced Don Juan and I

  All eyes but mine must shut what good is all

  The universe unless it’s all for me

  What good are Louvre Kremlin and Whitehall

  What good’s my loving if my love can see

  Tonight to mark our worthless married bliss

  I’ll plunge the steel in his beloved eyes

  Then my first kiss shall be a savage kiss

  And I shall guide his feet’s uncertainties

  I’ll end my life in watching over his

  Protect him from all danger and mischance

  I’ll shield him from the weather’s vagaries

  Collect the letter from the postman’s hands

  I’ll care for him in vile maternal ways

  Let the clock tell the time for us to feel

  I’ll be the nurse who’s given all the praise

  Imperious mistress brooking no appeal

  The dusk was spattered splashed by shooting-stars

  On plants each bloom in turn burst into bloom

  Dusk snaked its coils across these lands of ours

  Hullo here’s death inevitable doom

  Slit guts of beds and everlasting night

  The flash of crimes the madhouse set on fire

  Love enters in from the deep infinite

  Love enters in. Burn out, you lamps, expire!

  MOUCHOIRS AU NADIR

  Comme l’espace entre eux devenait plus opaque

  Le signe des mouchoirs disparut pour jamais

  Eux c’était une amante aux carillons de Pâques

  Qui revenait de Rome et que l’onde animait

  Eux c’était un amant qui partait vers la nuit

  Érigée sur la route au seuil des capitales

  Eux c’était la rivière et le miroir qui fuit

  La porte du sépulcre et le cœur du crotale

  Combien d’oiseaux combien d’échos combien de flammes

  Se sont unis au fond des lits de cauchemars

  Combien de matelots ont-ils brisé leurs rames

  En les trempant dans l’eau hantée par les calmars

  Combien d’appels perdus à travers les déserts

  Avant de se briser aux portes de la ville

  Combien de prêtres morts pendus à leurs rosaires

  Combien de trahisons dans les guerres civiles

  Le signe des mouchoirs qui se perd dans les nuages

  Aux ailes des oiseaux fait ressembler le lin

  Les filles à minuit contemplent son image

  Vol de mouette apparue dans le miroir sans tain

  Les avirons ne heurtent plus les flots du port

  Les cloches vendredi ne partent plus pour Rome

  Tout s’est tu puisqu’un soir l’au revoir et la mort

  Ont échangé le sel et le vin et la pomme

  Les astres sont éteints au zénith qui les porte

  Ô Zénith ô Nadir ô ciel tous les chemins

  Conduisent à l’amour marqué sur chaque porte

  Conduisent à la mort marquée dans chaque main

  Ô Nadir je connais tes parcs et ton palais

  Je connais ton parfum tes fleurs tes créatures

  Tes sentiers de vertige où passent les mulets

  Du ciel les nuages blancs du soir à l’aventure

  Ô Nadir dans ton lit de torrent et cascades

  Le négatif de celle aimée la seule au ciel

  Se baigne et des troupeaux lumineux de dorades

  Paissent l’azur sous les arceaux de l’arc-en-ciel

  Ni vierge ni déesse et posant ses deux pieds

  Sur le croissant de lune et l’anneau des planètes

  Dans le ronronnement de tes rouages d’acier

  Hors du champ tumultueux fouillé par les lunettes

  Vieux Nadir ô pavé au col pur des amantes

  Est-ce dans ta volière au parc des étincelles

  Qu’aboutissent les vols de mouchoirs et la menthe

  L’herbe d’oubli dans tes gazons resplendit-elle?

  HANDKERCHIEFS AT THE NADIR

  The space between them getting more opaque

  The waving hanky sign was gone for good

  They were a sweetheart Easter bells brought back

  From Rome, excited by the tidal flood

  They were a lover heading for the night

  Raised on the road where mighty cities start

  They were the mirror and the stream in flight

  From cemetery gate and rattler’s heart

  In depth of nightmare beds how many birds

  How many echoes and how many fires

  How many sailors dipped and broke their oars

  Deep in the watery haunts of calamars

  How many deserts lost how many cries

  Before they shattered on the city doors

  How many priests hanged by their rosaries

  How many treasons in the civil wars

  The hanky sign is lost behind the clouds

  Linen like birds’ wings vanishing from sight

  Observed by studious girls through wakeful hours

  In the untarnished glass a seagull’s flight

  The oars no longer lap along the staithe

  And Rome no longer gets her Friday bell

  It’s all gone silent since the night that Death

  Swapped wine and salt and apples with Farewell

  The stars that ride the Zenith shine no more

  O Zenith Nadir sky the paths all tend

  Towards the love that’s marked on every door

  Towards the death that’s marked on every hand

  Nadir I know your parks your palace too

  I know your flowers your creatures and your musk

  Your paths of vertigo and derring-do

  For mules in heaven for white clouds at dusk

  O Nadir in your leaping torrents’ bed

  The negative of her the sky’s one love

  Bathes where the shining shoals of bream have fed

  On azure blue beneath the rainbows’ curve

  No virgin and no goddess feet set wide

  On crescent moon and planetary disc

  Within your steel cogs’ purring and outside

  The field of strife that lunar lenses frisk

  Old Nadir, paving on pure neck of love,

  Is it your birdcage on the lawns of sparks

  That lures the fluttering hankies while the herb

  Mint of forgetfulness gleams in your grass?

  DE SILEX ET DE FEU

  Éraillé béant abritant peste et démence

  Il arrive il pénètre au port le paquebot

  Hors de son flanc comme l’intestin d’une panse

  La cargaison étonnem
ent des cachalots

  Est partie à la dérive au sommet du mât

  Flotte un pavillon noir Écartez-vous voilures

  Tout l’équipage mort moisit dans les hamacs

  Proie de l’épidémie aux yeux de pourriture

  Sur l’épaule inclinant le manche de sa faux

  Tout à l’heure à midi des bureaux sanitaires

  L’épouvante danseuse étique aux bijoux faux

  Paraîtra saluée par les cris des fonctionnaires

  Déjà le feu pétille il est trop tard trop tard

  Le ciel contemple les gestes des sémaphores

 

‹ Prev