Et dormir dans une île
C’est aujourd’hui Dimanche
Il fait bon s’amuser
Se tenir par la hanche
Échanger des baisers
C’est ça la belle vie
Dimanche au bord de l’eau
Heureux ceux qui envient
Le petit matelot.
IN A LITTLE BOAT
In a little boat
Sits a little lady
At the little oars
Sits a little sailor
See them take a trip
On a quiet stream
In the sunlight sleep
On an island dream
One of those Sundays
Do as one pleases
Hold the love-handles
Give and get kisses
Life lived on Sundays
Down by the water
Happy who envies
That little sailor.
LA BELLE QUE VOILÀ
quand l’âge aura flétri ces yeux et cette bouche
quand trop de souvenirs alourdiront ce cœur
quand il ne restera pour bercer dans sa couche
ce corps aujourd’hui beau que des spectres moqueurs
quand la poussière infecte en recouvrant les choses
vêtira d’un linceul les désirs abolis
quand l’amour plus fané qu’en un livre une rose
ne sera plus qu’un nom sous des portraits pâlis
quand il sera trop tard pour n’être plus cruelle
quand l’écho des baisers et l’écho des serments
Décroîtront comme un pas la nuit dans une ruelle
ou le sifflet d’un train vers le noir firmament
quand sur les seins pendants le ventre qui se ride
Les mains aux doigts séchés durcies par les passions
Et lasses d’essuyer trop de larmes acides
Referont le bilan de leur dégradation
quand nul fard ne pourra mentir à ce visage
S’il se penche au miroir jadis trop complaisant
Pour se désaltérer comme au lac d’un mirage
Aux rêves du passé revécus au présent
La belle que voilà restera belle encore
Par la vertu d’un feu reflété constamment
aux vitres d’un château dont les salles sonores
seront hantées par ceux qui furent ses amants
La belle que voilà ainsi qu’une fontaine
Dont le flot toujours pur sur les marbres disjoints
S’écoule en entraînant d’ineffables sirènes
Pour perdre sa splendeur ne renoncera point
Rien ne disparaîtra des ciels qui se reflètent
Malgré la peau fripée et malgré les reins plats
Restera jalousée et présente à la fête
Jeune éternellement la belle que voilà
Tant de cœurs ont battu jadis à son attente
qu’une flamme est enclose en ce corps sans raison
qu’indigne de ces feux elle reste éclatante
Ainsi qu’à l’incendie survivent les tisons.
THAT LOVELY WOMAN
When age shall make those lips and eyes grow pale
When the heart’s burdened down by memories
And when to lull those limbs now beautiful
None shall be left but ghosts that jeer and tease,
When filthy dust that covers all shall clothe
And fold in shrouds desire’s abolished flame
When love as wilted as a dry-pressed rose
Shall hook on faded photographs its name
When it will be too late to make us kind
When echoes of each kiss and vow shall die
Like footsteps dwindling in a darkened wynd
Or a train whistling to the midnight sky
When hands that passion rendered dry and hard
By wrinkled abdomen and dangling teat
Weary of wiping all those acid tears
Shall check their degradation’s balance-sheet
When no cosmetic can deceive this face
That leans towards a long-complaisant glass
As if to drink from a cool mirage-lake
Dreams that the present borrows from the past
That lovely woman shall be lovely still
By virtue of a fire that plays and plays
On windows of great echoing rooms, that will
Be haunted by her loves of bygone days
That lovely woman like a fountainhead
Streaming on slabs of marble always pure
By all her siren-train accompanied
Shall not renounce her glory evermore
Nor shall she vanish from reflected skies
Though loins are flattened skin is loosely hung
She shall go feasting, watched by envious eyes
That woman lovely and for ever young
So many hearts once in attendance beat
That in her limbs an unreal flame is sheathed.
Rising above its fires she dazzles yet,
A poker in a burnt-out house, unscathed.
LES NUITS BLANCHES
MA SIRÈNE
Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage
Pour l’instant elle dort sur la nacre
Et sur l’océan que je crée pour elle
Elle peut visiter les grottes magiques des îles saugrenues
Là des oiseaux très bêtes
conversent avec des crocodiles qui n’en finissent plus
Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue
Les crocodiles retournent à leur boire
Et l’île n’en revient pas
ne revient pas d’où elle se trouve
où ma sirène et moi nous l’avons oubliée
Ma sirène a des étoiles très belles dans son ciel
Des étoiles blondes aux yeux noirs
Des étoiles rousses aux dents étincelantes
et des étoiles brunes aux beaux seins
Chaque nuit trois par trois
alternant la couleur de leurs cheveux
Ces étoiles visitent ma sirène
Cela fait beaucoup d’allées et venues dans le ciel
Mais le ciel de ma sirène n’est pas un ciel ordinaire
Ma sirène a sept bateaux sur son océan
Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi
Samedi et Dimanche
Les uns à vapeur les autres à voiles
Les uns rapides les autres lents
Mais tous beaux mais tous charmants
avec des marins connaissant leur métier
Ma sirène a des savons de toutes formes et de toutes couleurs
C’est pour laver sa jolie peau
Ma sirène a beaucoup de savons
L’un pour les mains
L’autre pour les pieds
Un pour hier
Un pour demain
Un pour chacun des yeux
Et celui-là pour sa queue d’écailles
Et cet autre pour les cheveux
Et encore un pour son ventre
Et encore un pour ses reins
Ma sirène ne chante que pour moi
J’ai beau dire à mes amis de l’écouter
Personne ne l’entendit jamais
Excepté un, un seul
Mais bien qu’il ait l’air sincère
Je me méfie car il peut être menteur.
WHITE NIGHTS
MY MERMAID
My mermaid is blue as the channels she swims in
Just now she’s asleep on the mother-of-pe
arl
And on the ocean I create for her
She can visit the superb grottoes of the Ludicrous Islands
Where some very silly birds
Chat to crocodiles who never leave off
And the very silly birds fly over the blue mermaid
The crocodiles turn back to their drinking
And the island never comes back
never comes back from where it is
where my mermaid and I have forgotten it
My mermaid has beautiful stars in her sky
Blonde stars with black eyes
Redhead stars with shining teeth
and brunette stars with lovely breasts
Every night three by three
alternating their hair colour
These stars call on my mermaid
Which makes a lot of coming and going in the sky
But my mermaid’s sky is no ordinary sky
My mermaid has seven boats on her ocean
Monday Tuesday Wednesday Thursday Friday
Saturday and Sunday
Some steamboats some sailing-boats
Some fast some slow
But all beautiful and delightful
with sailors who know their business
My mermaid has soaps of every shape and colour
To wash her pretty skin
My mermaid has so many soaps
One for her hands
Another for her feet
One for yesterday
One for today
One for each eye
And that one for her fish-tail
That one for her hair
Another for her belly
Another for her loins
My mermaid sings only for me
No use telling my friends to listen
No-one ever hears her
Except only one
But though he seems sincere
I mistrust him as he may be a liar.
LITTÉRATURE
Je voudrais aujourd’hui écrire de beaux vers
Ainsi que j’en lisais quand j’étais à l’école
Ça me mettait parfois les rêves à l’envers
Il est possible aussi que je sois un peu folle
Mais compter tous ces mots accoupler ces syllabes
Me paraît un travail fastidieux de fourmi
J’y perdrais mon latin mon chinois mon arabe
Et même le sommeil mon serviable ami
J’écrirai donc comme je parle et puis tant pis
Si quelque grammairien surgi de sa pénombre
Voulait me condamner avec hargne et dépit
Il est une autre science où je puis le confondre.
LITERATURE
I’d like to pen the finest verse to-day
The sort of thing I used to read at school
It sometimes turned my dreams the other way
Call me a soppy thing perhaps a fool
But joining syllables in twos and threes
Word-counts the mincing labour of an ant
I’d lose my latin arabic chinese
Even my sleep my valued confidant
In fact I’ll write the way I speak so there
If any lurking jumped-up pedant scouted
My work with spiteful sneers I’d bring to bear
Another science and he’d soon be routed.
SECONDE CHANSON DE LA FLEUR DE SOUCI
Ayant dit ayant fait
Ce qui me plaît
Je vais à droite je vais à gauche
Et j’aime la fleur de souci
Je vais à droite je vais à gauche
Je bois du vin je bois de l’eau
Chantant faux mais chantant fort
Et j’aime la fleur de souci
Chantant faux mais chantant fort
Quand le diable y serait
Je l’inviterais
S’il aime la fleur de souci
Je l’inviterais
Comme j’invite tous les bons camarades
à partager mon verre et ma chanson
Et à vider nos verres sur la fleur de souci.
SECOND SONG OF THE WORRYGOLD
I did and I said
What entered my head
I go left I go right
I love the worrygold
I go left I go right
I drink wine drink water
Sing wrong but sing strong
I love the worrygold
Sing wrong but sing strong
If Old Nick were about
I’d call him out
If he loves the worrygold
I’d call him out
And all my good friends
To join in my glass and my song
Drain our glasses over the worrygold
Souci means ‘Worry’ but also ‘Marigold’
SOYONS SÉRIEUSE
Quand la mort sur mes seins posera ses balances
J’espère, jours d’amour que vous l’emporterez
Sur les jours où mon cœur battant dans le silence
n’éveille que l’écho pour me désespérer
J’espère que ma bouche à tels baisers soumise
En vain n’aura jamais affronté ces baisers
que les nuits où l’amour déchira ma chemise
se déchiraient aussi pour nous éterniser
Mais les jours de tristesse où le branle des cloches
Du donjon de mon cœur résonne à mon poignet
Comme une pièce fausse au fond de quelque poche
Se rouille et tinte encore un agaçant regret
Je débarque en un port sans phare et sans vigie
Où je découvre au fond d’un boulevard venteux
Mes éternels désirs brûlant en effigie
Sans étincelles sans chaleur presque sans feu
Et je pénètre alors dans les châteaux farouches
Où des miroirs d’oubli semblent se refléter
De corridor en corridor et si ma bouche
veut boire c’est aux flots magiques du Léthé
Autour des hauts parloirs ainsi que des armures
Mes beaux jours alignés rêvent aux anciens temps
Et soudain surgissant des sombres encoignures
Des cloches par milliers agitent leurs battants
Et parallèlement le bronze heurtant le bronze
Entoure la rêveuse avec de durs barreaux
Tels que pour La Ballue en eût rêvé Louis onze
ou Bostock pour ses lions Lili pour ses oiseaux
Infranchissable cage aux murailles sonores
Je trouve en mon tourment son remède et l’éther
bourdonne moins que ce royaume sans aurore
Cette forêt de sons et ce bruyant désert
Et défiant la mort sa faux et ses balances
Bien sûre jours d’amour que vous l’emporterez
sur les jours où mon cœur vibre dans le silence
mon propre cœur est seul à me désespérer.
WOMAN, BE SERIOUS
When death upon my breasts shall set his balance,
I hope, you days of love, you will triumph there
Over those days when my heart as it beats in silence
Wakes only the echo that brings me to despair
I hope that my lips which received and have undergone
Such kisses shall never have kissed to no purpose, never;
That the nights of love when my shirt was rent and torn
Were rent and torn themselves so we’d live for ever
But the days of sadness when the swing of the bells
Of my heart’s inner ke
ep resounds to the stroke of my wrist,
Just as, deep in a pocket, a coin that’s minted false
Still rusts and discolours a chance regrettably missed
Gone ashore in a port with no watch and no harbour-light,
At the end of a windy street I discover a pyre:
My eternal desires have been torched on a bonfire-night
With no sparks and no heat and hardly any fire
Then I find my way into strongholds perhaps accursed
Where the mirrors of forgetting reflect each other
From one corridor to the next, and if I’ve a thirst
Then it’s for the river Lethe’s magic water
Surrealist, Lover, Resistant Page 21