Surrealist, Lover, Resistant

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Surrealist, Lover, Resistant Page 21

by Robert Desnos


  Et dormir dans une île

  C’est aujourd’hui Dimanche

  Il fait bon s’amuser

  Se tenir par la hanche

  Échanger des baisers

  C’est ça la belle vie

  Dimanche au bord de l’eau

  Heureux ceux qui envient

  Le petit matelot.

  IN A LITTLE BOAT

  In a little boat

  Sits a little lady

  At the little oars

  Sits a little sailor

  See them take a trip

  On a quiet stream

  In the sunlight sleep

  On an island dream

  One of those Sundays

  Do as one pleases

  Hold the love-handles

  Give and get kisses

  Life lived on Sundays

  Down by the water

  Happy who envies

  That little sailor.

  LA BELLE QUE VOILÀ

  quand l’âge aura flétri ces yeux et cette bouche

  quand trop de souvenirs alourdiront ce cœur

  quand il ne restera pour bercer dans sa couche

  ce corps aujourd’hui beau que des spectres moqueurs

  quand la poussière infecte en recouvrant les choses

  vêtira d’un linceul les désirs abolis

  quand l’amour plus fané qu’en un livre une rose

  ne sera plus qu’un nom sous des portraits pâlis

  quand il sera trop tard pour n’être plus cruelle

  quand l’écho des baisers et l’écho des serments

  Décroîtront comme un pas la nuit dans une ruelle

  ou le sifflet d’un train vers le noir firmament

  quand sur les seins pendants le ventre qui se ride

  Les mains aux doigts séchés durcies par les passions

  Et lasses d’essuyer trop de larmes acides

  Referont le bilan de leur dégradation

  quand nul fard ne pourra mentir à ce visage

  S’il se penche au miroir jadis trop complaisant

  Pour se désaltérer comme au lac d’un mirage

  Aux rêves du passé revécus au présent

  La belle que voilà restera belle encore

  Par la vertu d’un feu reflété constamment

  aux vitres d’un château dont les salles sonores

  seront hantées par ceux qui furent ses amants

  La belle que voilà ainsi qu’une fontaine

  Dont le flot toujours pur sur les marbres disjoints

  S’écoule en entraînant d’ineffables sirènes

  Pour perdre sa splendeur ne renoncera point

  Rien ne disparaîtra des ciels qui se reflètent

  Malgré la peau fripée et malgré les reins plats

  Restera jalousée et présente à la fête

  Jeune éternellement la belle que voilà

  Tant de cœurs ont battu jadis à son attente

  qu’une flamme est enclose en ce corps sans raison

  qu’indigne de ces feux elle reste éclatante

  Ainsi qu’à l’incendie survivent les tisons.

  THAT LOVELY WOMAN

  When age shall make those lips and eyes grow pale

  When the heart’s burdened down by memories

  And when to lull those limbs now beautiful

  None shall be left but ghosts that jeer and tease,

  When filthy dust that covers all shall clothe

  And fold in shrouds desire’s abolished flame

  When love as wilted as a dry-pressed rose

  Shall hook on faded photographs its name

  When it will be too late to make us kind

  When echoes of each kiss and vow shall die

  Like footsteps dwindling in a darkened wynd

  Or a train whistling to the midnight sky

  When hands that passion rendered dry and hard

  By wrinkled abdomen and dangling teat

  Weary of wiping all those acid tears

  Shall check their degradation’s balance-sheet

  When no cosmetic can deceive this face

  That leans towards a long-complaisant glass

  As if to drink from a cool mirage-lake

  Dreams that the present borrows from the past

  That lovely woman shall be lovely still

  By virtue of a fire that plays and plays

  On windows of great echoing rooms, that will

  Be haunted by her loves of bygone days

  That lovely woman like a fountainhead

  Streaming on slabs of marble always pure

  By all her siren-train accompanied

  Shall not renounce her glory evermore

  Nor shall she vanish from reflected skies

  Though loins are flattened skin is loosely hung

  She shall go feasting, watched by envious eyes

  That woman lovely and for ever young

  So many hearts once in attendance beat

  That in her limbs an unreal flame is sheathed.

  Rising above its fires she dazzles yet,

  A poker in a burnt-out house, unscathed.

  LES NUITS BLANCHES

  MA SIRÈNE

  Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage

  Pour l’instant elle dort sur la nacre

  Et sur l’océan que je crée pour elle

  Elle peut visiter les grottes magiques des îles saugrenues

  Là des oiseaux très bêtes

  conversent avec des crocodiles qui n’en finissent plus

  Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue

  Les crocodiles retournent à leur boire

  Et l’île n’en revient pas

  ne revient pas d’où elle se trouve

  où ma sirène et moi nous l’avons oubliée

  Ma sirène a des étoiles très belles dans son ciel

  Des étoiles blondes aux yeux noirs

  Des étoiles rousses aux dents étincelantes

  et des étoiles brunes aux beaux seins

  Chaque nuit trois par trois

  alternant la couleur de leurs cheveux

  Ces étoiles visitent ma sirène

  Cela fait beaucoup d’allées et venues dans le ciel

  Mais le ciel de ma sirène n’est pas un ciel ordinaire

  Ma sirène a sept bateaux sur son océan

  Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi

  Samedi et Dimanche

  Les uns à vapeur les autres à voiles

  Les uns rapides les autres lents

  Mais tous beaux mais tous charmants

  avec des marins connaissant leur métier

  Ma sirène a des savons de toutes formes et de toutes couleurs

  C’est pour laver sa jolie peau

  Ma sirène a beaucoup de savons

  L’un pour les mains

  L’autre pour les pieds

  Un pour hier

  Un pour demain

  Un pour chacun des yeux

  Et celui-là pour sa queue d’écailles

  Et cet autre pour les cheveux

  Et encore un pour son ventre

  Et encore un pour ses reins

  Ma sirène ne chante que pour moi

  J’ai beau dire à mes amis de l’écouter

  Personne ne l’entendit jamais

  Excepté un, un seul

  Mais bien qu’il ait l’air sincère

  Je me méfie car il peut être menteur.

  WHITE NIGHTS

  MY MERMAID

  My mermaid is blue as the channels she swims in

  Just now she’s asleep on the mother-of-pe
arl

  And on the ocean I create for her

  She can visit the superb grottoes of the Ludicrous Islands

  Where some very silly birds

  Chat to crocodiles who never leave off

  And the very silly birds fly over the blue mermaid

  The crocodiles turn back to their drinking

  And the island never comes back

  never comes back from where it is

  where my mermaid and I have forgotten it

  My mermaid has beautiful stars in her sky

  Blonde stars with black eyes

  Redhead stars with shining teeth

  and brunette stars with lovely breasts

  Every night three by three

  alternating their hair colour

  These stars call on my mermaid

  Which makes a lot of coming and going in the sky

  But my mermaid’s sky is no ordinary sky

  My mermaid has seven boats on her ocean

  Monday Tuesday Wednesday Thursday Friday

  Saturday and Sunday

  Some steamboats some sailing-boats

  Some fast some slow

  But all beautiful and delightful

  with sailors who know their business

  My mermaid has soaps of every shape and colour

  To wash her pretty skin

  My mermaid has so many soaps

  One for her hands

  Another for her feet

  One for yesterday

  One for today

  One for each eye

  And that one for her fish-tail

  That one for her hair

  Another for her belly

  Another for her loins

  My mermaid sings only for me

  No use telling my friends to listen

  No-one ever hears her

  Except only one

  But though he seems sincere

  I mistrust him as he may be a liar.

  LITTÉRATURE

  Je voudrais aujourd’hui écrire de beaux vers

  Ainsi que j’en lisais quand j’étais à l’école

  Ça me mettait parfois les rêves à l’envers

  Il est possible aussi que je sois un peu folle

  Mais compter tous ces mots accoupler ces syllabes

  Me paraît un travail fastidieux de fourmi

  J’y perdrais mon latin mon chinois mon arabe

  Et même le sommeil mon serviable ami

  J’écrirai donc comme je parle et puis tant pis

  Si quelque grammairien surgi de sa pénombre

  Voulait me condamner avec hargne et dépit

  Il est une autre science où je puis le confondre.

  LITERATURE

  I’d like to pen the finest verse to-day

  The sort of thing I used to read at school

  It sometimes turned my dreams the other way

  Call me a soppy thing perhaps a fool

  But joining syllables in twos and threes

  Word-counts the mincing labour of an ant

  I’d lose my latin arabic chinese

  Even my sleep my valued confidant

  In fact I’ll write the way I speak so there

  If any lurking jumped-up pedant scouted

  My work with spiteful sneers I’d bring to bear

  Another science and he’d soon be routed.

  SECONDE CHANSON DE LA FLEUR DE SOUCI

  Ayant dit ayant fait

  Ce qui me plaît

  Je vais à droite je vais à gauche

  Et j’aime la fleur de souci

  Je vais à droite je vais à gauche

  Je bois du vin je bois de l’eau

  Chantant faux mais chantant fort

  Et j’aime la fleur de souci

  Chantant faux mais chantant fort

  Quand le diable y serait

  Je l’inviterais

  S’il aime la fleur de souci

  Je l’inviterais

  Comme j’invite tous les bons camarades

  à partager mon verre et ma chanson

  Et à vider nos verres sur la fleur de souci.

  SECOND SONG OF THE WORRYGOLD

  I did and I said

  What entered my head

  I go left I go right

  I love the worrygold

  I go left I go right

  I drink wine drink water

  Sing wrong but sing strong

  I love the worrygold

  Sing wrong but sing strong

  If Old Nick were about

  I’d call him out

  If he loves the worrygold

  I’d call him out

  And all my good friends

  To join in my glass and my song

  Drain our glasses over the worrygold

  Souci means ‘Worry’ but also ‘Marigold’

  SOYONS SÉRIEUSE

  Quand la mort sur mes seins posera ses balances

  J’espère, jours d’amour que vous l’emporterez

  Sur les jours où mon cœur battant dans le silence

  n’éveille que l’écho pour me désespérer

  J’espère que ma bouche à tels baisers soumise

  En vain n’aura jamais affronté ces baisers

  que les nuits où l’amour déchira ma chemise

  se déchiraient aussi pour nous éterniser

  Mais les jours de tristesse où le branle des cloches

  Du donjon de mon cœur résonne à mon poignet

  Comme une pièce fausse au fond de quelque poche

  Se rouille et tinte encore un agaçant regret

  Je débarque en un port sans phare et sans vigie

  Où je découvre au fond d’un boulevard venteux

  Mes éternels désirs brûlant en effigie

  Sans étincelles sans chaleur presque sans feu

  Et je pénètre alors dans les châteaux farouches

  Où des miroirs d’oubli semblent se refléter

  De corridor en corridor et si ma bouche

  veut boire c’est aux flots magiques du Léthé

  Autour des hauts parloirs ainsi que des armures

  Mes beaux jours alignés rêvent aux anciens temps

  Et soudain surgissant des sombres encoignures

  Des cloches par milliers agitent leurs battants

  Et parallèlement le bronze heurtant le bronze

  Entoure la rêveuse avec de durs barreaux

  Tels que pour La Ballue en eût rêvé Louis onze

  ou Bostock pour ses lions Lili pour ses oiseaux

  Infranchissable cage aux murailles sonores

  Je trouve en mon tourment son remède et l’éther

  bourdonne moins que ce royaume sans aurore

  Cette forêt de sons et ce bruyant désert

  Et défiant la mort sa faux et ses balances

  Bien sûre jours d’amour que vous l’emporterez

  sur les jours où mon cœur vibre dans le silence

  mon propre cœur est seul à me désespérer.

  WOMAN, BE SERIOUS

  When death upon my breasts shall set his balance,

  I hope, you days of love, you will triumph there

  Over those days when my heart as it beats in silence

  Wakes only the echo that brings me to despair

  I hope that my lips which received and have undergone

  Such kisses shall never have kissed to no purpose, never;

  That the nights of love when my shirt was rent and torn

  Were rent and torn themselves so we’d live for ever

  But the days of sadness when the swing of the bells

  Of my heart’s inner ke
ep resounds to the stroke of my wrist,

  Just as, deep in a pocket, a coin that’s minted false

  Still rusts and discolours a chance regrettably missed

  Gone ashore in a port with no watch and no harbour-light,

  At the end of a windy street I discover a pyre:

  My eternal desires have been torched on a bonfire-night

  With no sparks and no heat and hardly any fire

  Then I find my way into strongholds perhaps accursed

  Where the mirrors of forgetting reflect each other

  From one corridor to the next, and if I’ve a thirst

  Then it’s for the river Lethe’s magic water

 

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