Surrealist, Lover, Resistant

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Surrealist, Lover, Resistant Page 23

by Robert Desnos


  A woman and a man

  Didn’t love the man and woman who loved them

  Once upon one time

  Once upon perhaps only one time

  A woman and a man loved each other.

  CHANSON-CAILLOU

  J’arrive en chantant

  Visage de bois visage de bois

  Je pars en rêvant

  Ô mon amour ô mon roi

  Viennent les Printemps

  Odeurs des bois odeurs des bois

  à nous deux tuons le temps

  Pour qu’il renaisse avec la joie

  Eh quoi je suis toute seule

  Cercueil de bois cercueil de bois

  Ô mon amour ma chère gueule

  Te souviens-tu de moi parfois?

  PEBBLE-SONG

  I arrive I’m singing

  Wooden face wooden face

  When I leave I’m dreaming

  O my love my king my ace

  Comes another may-time

  Woody smells woody smells

  Time to kill our playtime

  Soon reborn with peal of bells

  Hey I’m all alone now

  Wooden coffin wooden coffin

  O my love my own now

  Think of me remember often

  Ô JEUNESSE

  Ô jeunesse voici que les noces s’achèvent

  Les convives s’en vont des tables du banquet

  Les nappes sont tachées de vin et le parquet

  Est blanchi par les pas des danseurs et des rêves

  Une vague a roulé des roses sur la grève

  quelque amant malheureux jeta du haut du quai

  Dans la mer en pleurant reliques et bouquets

  Et les rois ont mangé la galette et la fève

  Midi flambant fait pressentir le crépuscule

  Le cimetière est plein d’amis qui se bousculent

  que leur sommeil soit calme et leur mort sans rigueur

  Mais tant qu’il restera du vin dans les bouteilles

  qu’on emplisse mon verre et bouchant mes oreilles

  J’écouterai monter l’océan dans mon cœur.

  DAYS OF YOUTH

  Days of youth the wedding is over

  The guests are leaving the banquet

  There’s wine on the cloths, and the parquet

  Is whitened by dancers and dreams.

  A wave strewed the foreshore with roses

  Love’s victim has hurled off the quayside

  Weeping wretchedly keepsakes and posies

  The kings ate the cake and the bean.

  Flaming noon foreshadows the twilight

  Friends jostle in graveyards to slumber

  In peace and for death without stiffness

  But while there’s still wine in the bottles

  Fill my glass and with ears stopped I’ll listen

  To my heart where the ocean is rising.

  BAGATELLES

  BAGATELLES

  Vous reviendrez me voir, dit-elle

  Quand vous serez riche à millions

  Quand les roses de Bagatelle,

  Sous la neige s’épanouiront.

  Lavant le sable des rivières,

  Brisant le quartz, ouvrant le tronc

  Des caoutchoucs à la lisière

  D’un enfer d’arbres aux fûts ronds,

  Libérant des nids de pétrole,

  Ou labourant les Alaskas,

  Quatre-vingts ans, la terre molle

  Cacha le trésor des Incas.

  Quand il revint, elle était morte,

  Il était bête, il était vieux,

  Mais les amants de cette sorte

  Ne sont pas tellement nombreux.

  Que fleurissent à Bagatelle

  Les roses de poudre et frimas,

  Mais que fleurissent surtout celles

  Que l’on aime jusqu’au trépas.

  BAGATELLES

  BAGATELLES

  You’ll come back to me, she said,

  Rich as Croesus, when the rose

  Down at Bagatelle shall spread

  Buds and blossoms in the snows.

  Washing loads of river-sand,

  Breaking quartz to smithereens

  Tapping rubber from a stand

  Of infernal round-boled trees

  Freeing up the beds of oil

  Heavy work in the Alaskas

  Eighty years in yielding soil

  Hidden treasure of the Incas

  He came back but she’d passed over.

  He was old and cretinous.

  Even so, this type of lover,

  They are hardly numerous.

  May there bloom at Bagatelle

  Roses of the snow and frost

  May those darlings bloom as well

  That we love till life is lost.

  LE NUAGE

  Le nuage dit à l’indien:

  «Tire sur moi tes flèches,

  Je ne sentirai rien.»

  «C’est vrai, rien ne t’ébrèche,

  Répond le sauvage,

  Mais vois mes tatouages!

  Rien de pareil sur les nuages.»

  THE CLOUD

  Said a cloud in the sky

  To a warlike brave

  Let your arrows go zing

  I won’t feel a thing

  Said the brave so bold

  You cannot be holed

  But here’s where you lose

  You have no tattoos.

  CHANSONS BRÈVES

  i

  Depuis si longtemps que tu chantes

  N’as-tu pas soif? N’as-tu pas faim?

  J’ai soif! mais la fontaine est lente

  J’ai faim! M’aimeras-tu demain?

  ii

  Vous n’aviez pas ces yeux ma chère

  Tout cet avril qui fut le nôtre

  J’y lis une phrase étrangère

  J’y vois le souvenir des autres

  iii

  Ma jalousie est semblable à la neige

  Elle est monotone et pourtant

  Elle recouvre, elle protège

  Toute la gloire du printemps.

  SHORT SONGS

  i

  Aren’t you hungry? Thirsty too?

  You interminably croon.

  Yes I am! The fountain’s slow

  Will you love me very soon?

  ii

  All this April-time of ours,

  Those were not my darling’s eyes!

  There I scanned a stranger’s phrase,

  Someone else’s memories.

  iii

  Like the snow, my jealousy

  Is a tiresome, dreary thing.

  Yet it cloaks protectively

  All the glory of the spring.

  CHANSON

  De bon cœur, la bonne aventure,

  Chante colombe, au fond du bois;

  L’étoile baigne aux sources pures,

  Trois par trois sont partis les mois,

  De bon cœur, la bonne aventure.

  Qu’elle était douce à son amant.

  De bon cœur, la bonne aventure,

  Allons à son enterrement;

  Et qu’elle avait belle figure,

  Qu’elle était douce à son amant.

  Il en aima bien mieux les autres,

  Chante colombe au fond des bois;

  Meurent prophète et ses apôtres,

  On s’oubliera selon les lois.

  On en aimera mieux les autres.

  Vienne le jour des vieux bilans,

  L’étoile baigne aux sources pures.

  Qu’elle était douce à son
amant,

  De bon cœur, la bonne aventure.

  Vienne le jour des vieux bilans.

  Trois par trois sont partis les mois,

  Qui se souvient encore d’elle?

  Après trois fois trois ans, ma foi,

  À la sienne reste fidèle,

  Chante colombe, au fond des bois.

  SONG

  In good heart, the future’s fair,

  Sing, you dove, deep in the wood,

  Pure spring waters bathe a star,

  Three times three the months have fled,

  In good heart, the future’s fair.

  To her darling she was good,

  In good heart, the future’s fair,

  Now in earth we’ll see her laid;

  And her face and form were fair,

  To her darling she was good.

  Others more than her he’d cherish,

  Sing, you dove, deep in the wood;

  Prophets and apostles perish,

  We’ll forget, by rights we should.

  Others more than her we’ll cherish.

  Check the figures, how they stood,

  Pure spring waters bathe a star.

  To her darling she was good,

  In good heart, the future’s fair.

  Check the figures, how they stood.

  Three times three the months have fled,

  Who remembers her today?

  Three times three years now, dear God,

  Faithful to your darling stay,

  Sing, you dove, deep in the wood.

  MINOTAURE

  [Révue Littéraire]

  À manger son propre sang

  En tartine sur du pain

  À boire l’eau de l’étang

  Où les morts prennent leur bain

  À prononcer des paroles

  Nées de cœurs empoisonnés

  À fréquenter les écoles

  Des esprits emprisonnés

  À marcher sur le chemin

  Où l’on marche avec les mains

  Le Minotaure a vieilli

  Loin des siens et du pays

  Il va retrouver les sphinx

  Les licornes et les lynx

  Qui lui disent il est tard

  Déjà l’on ferme l’enceinte

  L’homme salera ton lard

  Dans un coin du labyrinthe

  Mugis encore si tu peux

  Minotaure de rien, Minotaure de peu.

  MINOTAUR

  [A literary magazine.]

  He ate his own gore

  On buttered sliced bread

  He drank from the mere

  Where wallow the dead

  He uttered the phrases

  Of hearts that were poisoned

  Enrolled in the classes

  Of spirits imprisoned

  He strolled on the strands

  Where you stand on your hands

  The minotaur’s senile

  A lonely old exile

  He searches for sphinxes

  For unicorns lynxes

  Who tell him it’s late

  The labyrinth’s barred

  Behind its back gate

  They’ll pickle your lard

  Won’t you venture to roar

  Little Minus-o-taur?

  LA REINE COUCHÉE DANS SON LIT

  La Reine couchée dans son lit

  Écoute un rossignol chanter

  Écoute aussi la sentinelle

  Qui fait les cent pas dans la cour

  Cent pas par-ci, cent pas par-là

  Une reine et un rossignol

  Et le soldat qui sent le rhum

  Dans la cour du royal palais

  Le soldat couché dans son lit

  N’écoute pas chanter la Reine

  N’écoute pas le rossignol

  Qui fait les cent pas dans la cour

  Et le rossignol dans son nid

  N’écoute pas la sentinelle

  N’écoute pas même la Reine

  Qui fait les cent pas dans la cour

  Cent pas par-ci, cent pas par-là

  Voilà bientôt quatre cents pas

  Avec les cent pas du passant

  Dans ce palais extravagant

  QUEEN IN BED

  Queen in bed is listening

  Nightingale she hears it sing

  Hears the sentry pacing hard

  Ten by ten one hundred yard

  Loudly pacing palace guard

  Ten by ten one hundred yard

  One queen and one nightingale

  Sentry in the palace yard

  Pacing pungent red rum smell

  In his bed the sentinel

  Heeds no singing queen at all

  Listens to no nightingale

  Pacing ten by ten the yard

  In her nest the nightingale

  Heeds no sentinel at all

  Listens to no singing queen

  Pacing ten by ten the yard

  Hundred here a hundred there

  Hundred more as someone passes

  Very soon four hundred paces

  Palaces are lavish places

  SIRAMOUR

  Semez, semez la graine

  Aux jardins que j’avais.

  Je parle ici de la sirène idéale et vivante,

  de la maîtresse de l’écume et des moissons de la nuit

  Où les constellations profondes comme des puits grincent de toutes leurs poulies et renversent à pleins seaux sur la terre et le sommeil un tonnerre de marguerites et de pervenches.

  Nous irons à Lisbonne, âme lourde et cœur gai,

  Cueillir la belladone aux jardins que j’avais.

  Je parle ici de la sirène idéale et vivante,

  Pas la figure de proue mais la figure de chair,

  La vivante et l’insatiable,

  Vous que nul ne pardonne,

  me lourde et cœur gai,

  Sirène de Lisbonne,

  Lionne rousse aux aguets.

  Je parle ici de la sirène idéale et vivante.

  Jadis une sirène

  À Lisbonne vivait.

  Semez, semez la graine

  Aux jardins que j’avais.

  Que Lisbonne est jolie.

  La fumée des vapeurs

  Sous la brise mollie

  Prend des formes de fleurs.

  Nous irons à Lisbonne

  me lourde et cœur gai,

  Vous que nul ne pardonne,

  Lionne rousse aux aguets.

  Semez, semez la graine,

  Je connais la chanson

  Que chante la sirène

  Au pied de la maison.

  Nous irons à Lisbonne

  me lourde et cœur gai,

  Cueillir la belladone

  Aux jardins que j’avais.

  Il est minuit très noire,

  La nuit toutes les fleurs,

  Versez, versez à boire,

  Sont de même couleur.

  Je connais la sirène

  Je connais sa chanson

  Voyez sa robe traîne

  Et charme les poissons.

  Mais la graine qui germe

  Connaîtra pas ses fleurs.

  Chaque jour a son terme,

  Chaque amour ses douleurs.

  Tout en elle est semblable à l’eau, son élément,

  Mais à l’eau de montagne et qui glace les membres

  Du nageur qui s’y risque et devient son amant:

  Il souffre. Il sombre. Il meurt dans ces flots de décembre.

 

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