Surrealist, Lover, Resistant

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Surrealist, Lover, Resistant Page 25

by Robert Desnos


  Nous devons nous entendre et nous aimer.

  Peut-être m’aimes-tu?

  Je t’aime déjà.

  Mais ces étendues entre nous, qui les franchira?

  Tu ne dis rien mais tu me regardes

  Et, pour ce regard,

  Il n’y a ni jour ni étendue

  Ma seule amie mon amour.

  Je n’ai pas fini de te dire tout.

  Mais à quoi bon…

  L’indifférence en toi monte comme un rosier vorace qui, détruisant les murailles, se tord et grandit,

  Étouffe l’ivrogne de son parfum…

  Et puis, est-ce que cela meurt?

  Un clair refrain retentit dans la ruelle lavée par le matin, la

  nuit et le printemps.

  Le géranium à la fenêtre fermée semble deviner l’avenir.

  C’est alors que surgit le héros du drame.

  Je ne te conte cette histoire qui ne tient pas debout que parce que je n’ose pas continuer comme j’ai commencé.

  Car je crois à la vertu des mots et des choses formulées.

  Nul jeu, ce soir, sur la table de bois blanc.

  Un ciel creux comme une huître vide

  Une terre plate

  La demoiselle sans foudre apparaîtra-t-elle?

  Un peu de poisson abandonné sur le carrelage d’une cuisine n’en peut plus d’ennui.

  Il se gonfle

  Près de lui dans la boîte à ordures luit l’arête.

  Corridor sombre traversé par les chats

  Une porte de saltimbanque s’ouvre et se ferme alterna­tivement sur une femme, sur un homme, sur un homme, sur une femme.

  Et la demoiselle sans foudre dit qu’au carrefour d’aubépines et de sainfoin elle perdit un bas

  Qu’elle perdit l’autre au pied du chêne fendu

  Et sa chemise sur la berge.

  La demoiselle sans foudre est nue toute nue

  Elle tient un cœur palpitant de poisson dans la main

  Elle regarde vaguement devant elle

  Elle se mord les lèvres jusqu’au sang et parfois s’arrête et chantonne.

  La demoiselle sans foudre est seule toute seule.

  Le cœur de poisson palpite dans sa main

  L’ombre tombe sur son corps nu et le fait étinceler

  C’est ainsi que naissent les constellations

  C’est ainsi que naît le désir

  C’est alors que se souvenant de lui-même un noctambule s’arrête sous un réverbère au coin d’une rue, regarde rougeoyer la

  lumière.

  Et avant de reprendre son chemin s’imagine tel qu’il était des années auparavant avec son regard vif et sa bouche sanglante.

  À l’heure où la demoiselle sans foudre venait tendrement le border dans son lit.

  La sirène rencontre son double et lui sourit.

  Elle s’endort alors du sommeil adorable dont elle ne s’éveillera pas.

  Elle rêve peut-être. Elle rêve certainement. Nous sommes au matin d’un jour de moissons lumineuses et de tremble­ments de terre et de marées de diamants, les premières retombant sur tes cheveux et surgissant de tes yeux, les seconds signalant ta promenade et les troisièmes montant à l’assaut de ton cœur.

  Il est cinq heures du matin dans la forêt de pins où se dresse le château de la sirène, mais la sirène ne s’éveillera plus car elle a vu son double, elle t’a vu. Désormais ton empire est immense.

  D’un sentier sort un bûcheron sur lequel la rosée tremble et s’étoile.

  Au premier arbre qu’il abat surgit un grand nombre de libellules!

  Elles s’éparpillent dans des territoires de brindilles. Au second

  arbre se brisent les premières vagues. Au troisième arbre tu m’as dit

  «Dors dans mes bras.»

  Tu diras au revoir pour moi à la petite fille du pont

  à la petite fille qui chante de si jolies chansons

  à mon ami de toujours que j’ai négligé

  à ma première maîtresse

  à ceux qui connurent celle que tu sais

  à mes vrais amis et tu les reconnaîtras aisément

  à mon épée de verre

  à ma sirène de cire

  à mes monstres à mon lit

  Quant à toi que j’aime plus que tout au monde

  Je ne te dis pas encore au revoir

  Je te reverrai

  Mais j’ai peur de n’avoir plus longtemps à te voir.

  Amer destin celui de compter la feuille et la pierre blanche

  Malice errant le premier du mois de mai

  Salua d’un cœur vaillant chapeau claque et gants blancs

  Salua dis-je le dis-je et la lune en mousseline

  Salua bien des choses

  Salua surtout le dis-je

  Salua vraiment salua

  Salua

  Et comme j’ai l’honneur de le dire

  La cataracte du Niagara ne tiendrait peut-être pas dans votre verre.

  Peut-être pas Monsieur peut-être

  Peut-être et comment va Madame peut-être

  Madame peut-être s’ennuie

  Madame peut-être a des vapeurs

  Peut-être.

  Quand il mit son doigt sur le plaid

  Sur le plaid d’Égypte monsieur mais oui

  Nous ne sommes pas tous comme ça dans la famille

  C’est heureux pour mon père et ma mère

  Et pourtant plus on est de fous…

  Oui c’est heureux

  Plus on rit

  Oui.

  J’ai écrit cette chanson qui en vaut bien d’autres

  Un soir où je n’étais ni gai ni triste

  Bien que de jour en jour je connaisse mieux les hommes

  Ni gai ni triste

  Un soir où je n’avais pas bu

  Un soir où j’avais vu celle que j’aime

  J’ai écrit cette chanson qui en vaut bien d’autres

  Pour amuser celle que j’aime.

  Mais je connais une chanson bien plus belle

  Celle d’une aube dans la rue ou parmi les champs prêts à la moisson ou sur un lit désert

  On a brillé ce début de printemps les dernières bûches de l’hiver

  De vieilles douleurs deviennent douces au souvenir

  Des yeux plus jeunes s’ouvrent sur un univers lavé.

  J’ai connu cette aube grâce à toi

  Mais se lèvera-t-elle jamais

  Sur les douleurs que tu provoques?

  Tu sais de quelle apparition je parle

  Et de quelle réincarnation

  Coulez coulez larmes et fleuves

  Et vins dans les verres.

  Le temps n’est plus où nous riions

  Quand nous étions ivres.

  Elle est haut la sirène parmi les étoiles sœurs de la vaincue. Impératrices de peu de nuages, reines d’une heure de la nuit, planètes néfastes. Et voici que d’un seul bond, d’une seule chute, la sirène plonge dans la mer au milieu d’une gerbe d’écume qui fait pâlir la Voie Lactée.

  L’épave est toujours à la même place enlisée dans le sable où ses armes rouillées ont des allures de poulpes.

  Une huitre gigantesque bâille et montre sa gigantesque perle dans l’orient

  de laquelle le homard et le crabe écartent les algues comme une forêt vierge.

  Il était une fois une algue errante

  Il était une fois un rein et une reine

  Dans des courants de tulle et de tussor

  Une algue qui avait vu bien des choses, bien des actes répréhensibles

  Et bien des couchers de soleil

  Et bien des couchers de sirènes.

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bsp; Elle voguait à l’aventure, rêvant aux résédas qui s’ennuient dans leur pot de terre, sur l’appui de la fenêtre des demoiselles vieillies par l’abstinence et le regret de leur jeunesse.

  Une hélice après l’autre avait meurtri les branches et les graines magiques de cette algue qui se dissolvait lentement en pourriture dans l’eau salée.

  Un poisson volant lui dit: Bonjour l’algue.

  Car, si l’on peut donner la parole à un poisson volant, il n’est pas d’exemple qu’on puisse la donner à une algue perdue au large, détachée d’on ne sait quel haut-fond et travaillée par les phénomènes de la dis­solution et de la germination.

  La sirène, je la perds, je crois la perdre, mais je la retrouve toujours, la sirène nage vers la plage, pénètre dans la forêt du rosier mortel et, là, rencontre l’oiseau hideux, l’oiseau muet et, durant un jour ou mille ans, lui apprend à chanter et transfigure cette bête.

  Les arbres se penchent longuement sur cette rencontre et des drapeaux inconnus fleurissent dans leur feuillage.

  Fougères, rasoirs, baisers perdus, tout s’écroule et renaît par une belle matinée tandis que, par un sentier désert, délaissant sur l’herbe les cartes d’une réussite certaine, la sirène s’éloigne vers la plage d’où elle partit au début de cette histoire décousue.

  Regagne la plage au pied du château fort

  La mer a regagné son lit

  L’étoile ne brille plus mais sa place décolorée comme une vieille robe luit sinistrement.

  Regagne la plage.

  Regagne la bouteille

  S’y couche.

  L’ivrogne remet le bouchon

  Le ciel est calme.

  Tout va s’endormir au bruit du flux blanchi d’écume.

  Ô rien ne peut séparer la sirène de l’hippocampe!

  Rien ne peut défaire cette union

  Rien

  C’est la nuit

  Tout dort ou fait semblant de dormir

  Dormons, dormons,

  Ou faisons semblant de dormir.

  Ne manie pas ce livre à la légère

  À la légère à la légère à la légère à la légère.

  Je sais ce qu’il veut dire mieux que personne.

  Je sais où je vais,

  Ce ne sera pas toujours gai.

  Mais l’amour et moi

  L’aurons voulu ainsi.

  SIREN-AMOUR

  Sow seed in my garden

  Sow seed it was thriving.

  I speak of the ideal and living siren,

  Mistress of the foam and the night harvests

  Where the constellations as deep as wells creak in all their pulleys and pour by the bucket-load on earth and on sleep a thunder of pearls and of periwinkles.

  To Lisbon we journey, soul sings and heart hardens

  To pluck belladonna where once I had gardens.

  I speak of the ideal and living siren,

  Not the figure of the prow but the figure of flesh,

  Living and insatiable,

  You siren of Lisbon,

  That nobody pardons,

  Sharp lioness auburn,

  Soul sings and heart hardens.

  I speak of the ideal and living siren.

  There once was a siren

  In Lisbon was living.

  Sow seed in my garden

  Sow seed it was thriving.

  Lisbon knows how to please.

  The puffs and the steams

  Are pulped by the breeze

  And shaped into blooms.

  We journey to Lisbon

  Soul sings and heart hardens,

  Sharp lioness auburn

  That nobody pardons.

  The seed’s to be sown,

  The siren’s old ditty

  She sings as I’ve known

  Near a house in the city.

  To Lisbon we journey

  Soul sings and heart hardens,

  To pluck belladonna

  Where once I had gardens.

  At night all the flowers

  Have only one hue

  In the black midnight hours

  Let’s drink, me and you.

  O siren I’ve known

  Both you and your ditty:

  That sweep of your gown

  the fish think it pretty.

  But the seed and the germ

  Shall never bear flowers.

  Each day has its term,

  Each love has its tears.

  She entirely resembles her element, water,

  But it’s high-mountain water that freezes the swimmer

  Who plunges in deep and ends up as her lover:

  He sinks and he dies in the waves of December.

  Stretched long in her bed that’s the black on her mirror

  She marries quite meekly a corpse and its image;

  The earth as dusk falls will receive a cadaver.

  The birds on her banks sing a sweet tirra-lirra.

  This thirst-quenching water brings death to the drinker

  They find him again he is dead in some gully

  And stabbed to the heart by a deadlier dagger

  Than ever was dipped in this glittering water

  That wears the moon-crystals and blue of the pole-star

  And sings as it runs on the deep bed of pebbles

  And roars in the deep inaccessible gorges

  Like a whore beaten up by her cheap trashy fellow.

  But one who jumps in with a spirit robust and

  Dries out in the sun (having got right across)

  All the glistening drops on his kidneys and chest and

  The mud from the stream-bed that sticks to his toes,

  Is annealed from now on like a murderous dagger,

  A criminal blade for whose touch there’s no healing,

  A thrust from the past by a righteous avenger,

  Steel solid as Sheffield and tough as Toledo.

  All hail to you, Siren, and fast-flowing river,

  You woman whose love is a strong soul’s immersion!

  Who cares if your mouth of the terrible kisses

  Was salted by tears of importunate lovers?

  A thousand and three were the trysts of Don Juan:

  But first you endowed him with charms and with torment

  Your lilting was heard (for his voice was an echo)

  By the women he ruined with loving and weeping.

  Don Juan’s two sons from your lips took their lessons:

  Lord Byron learnt courage, magnificence, destiny;

  Nerval discovered the draught beyond fever

  To bring you to life in his funeral reverie.

  It’s midnight below the castle which isn’t Sleeping Beauty’s or the only one in Spain or king of the clouds, but the one whose walls rise on a mountain peak and dominate the sea and the plain and many other castles whose towers shine far off like sails lost on the sea. It’s midnight on plain and sea, midnight in the constellations to be seen from here, and look! the star, now black, now blue, is rising above the foam that splashes like a low storm in the dark waters. By its light, the bottle left in reeds and greenery shines with the milky ways it seems to contain and doesn’t contain, since it is well stoppered and holds the masked mermaid, the formidable captive masked mermaid called Unheard-of in the seas where she declines to sing, and Fantomas in dreams. Indeed one pictures her in top hat and tails, moving through a wood of ill omen while distant festive music re-echoes but cannot coax back the cross-dressed charmer. One pictures her too, an amazon in the same wood, in autumn, clutching blown roses whose petals are scattered by the wind and by her horse’s rhythmic trot.

  Captive for now, she awaits release from the
prison a loving hand has firmly sealed, while an undelivered letter rots on the ground. It’s the time of night when dice and clocks make odd, surprising noises; when the lover undressing his mistress is surprised by the unaccustomed musical rustling of silk and linen. The pallid and the dreamers all listen to these revelations of the invisible which is merely their thoughts and dreams and, for those, the fateful numbers, for these,the hour of the missed rendezvous and for them all, the impact of the splendid flesh that for some seconds eternises their gaze, who suddenly see far, far beyond the hazards and changes of plan, beyond the caresses and promises, beyond even the indecipherable siren songs. It’s midnight on castle, plain and sea.

  It’s midnight on gaming and gambling.

  It’s midnight on the dials of clocks.

  It’s midnight on love and lost letters and the siren sings, but her voice does not pass the glass partitions, but the drinker comes up and drinks the song and sets the siren free, the siren who is called Unheard-of and also Fantomas.

  Stork star loved by silence and sense

  Defunct kisses of kings the longed-for lance

  Circle traced under roofs of assassin sky

  By shameless blood and roses and thickening

  Burgundy born in the daybreak of a kiss

  Boats encircled intelligible words of the circle

  martyred in three segments

  Of the plus sign linking the lover to his mistress

 

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