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Surrealist, Lover, Resistant

Page 43

by Robert Desnos


  Je suis le veilleur du Pont-au-Change

  Ne veillant pas seulement cette nuit sur Paris,

  Cette nuit de tempête sur Paris seulement dans sa fièvre et sa fatigue,

  Mais sur le monde entier qui nous environne et nous presse.

  Dans l’air froid tous les fracas de la guerre

  Cheminent jusqu’à ce lieu où, depuis si longtemps, vivent les hommes.

  Des cris, des chants, des râles, des fracas il en vient de partout,

  Victoire, douleur et mort, ciel couleur de vin blanc et de thé,

  Des quatre coins de l’horizon à travers les obstacles du globe,

  Avec des parfums de vanille, de terre mouillée et de sang,

  D’eau salée, de poudre et de bûchers,

  De baisers d’une géante inconnue enfonçant à chaque pas dans la terre grasse de chair humaine.

  Je suis le veilleur du Pont-au-Change

  Et je vous salue, au seuil du jour promis

  Vous tous camarades de la rue de Flandre à la Poterne des Peupliers,

  Du Point-du-Jour à la Porte Dorée.

  Je vous salue vous qui dormez

  Après le dur travail clandestin,

  Imprimeurs, porteurs de bombes, déboulonneurs de rails, incendiaires,

  Distributeurs de tracts, contrebandiers, porteurs de messages,

  Je vous salue vous tous qui résistez, enfants de vingt ans au sourire de source

  Vieillards plus chenus que les ponts, hommes robustes, images des saisons,

  Je vous salue au seuil du nouveau matin.

  Je vous salue sur les bords de la Tamise,

  Camarades de toutes nations présents au rendez-vous,

  Dans la vieille capitale anglaise,

  Dans le vieux Londres et la vieille Bretagne,

  Américains de toutes races et de tous drapeaux,

  Au-delà des espaces atlantiques,

  Du Canada au Mexique, du Brésil à Cuba,

  Camarades de Rio, de Tehuantepec, de New York et San Francisco.

  J’ai donné rendez-vous à toute la terre sur le Pont-au-Change.

  Veillant et luttant comme vous. Tout à l’heure,

  Prévenu par son pas lourd sur le pavé sonore,

  Moi aussi j’ai abattu mon ennemi.

  Il est mort dans le ruisseau, l’allemand d’Hitler anonyme et haï,

  La face souillée de boue la mémoire déjà pourrissante,

  Tandis que déjà, j’écoutais vos voix des quatre saisons,

  Amis, amis et frères des nations amies.

  J’écoutais vos voix dans le parfum des orangers africains,

  Dans les lourds relents de l’océan Pacifique,

  Blanches escadres de mains tendues dans l’obscurité,

  Hommes d’Alger, Honolulu, Tchoung-King,

  Hommes de Fès, de Dakar et d’Ajaccio.

  Enivrantes et terribles clameurs, rythmes des poumons et des cœurs,

  Du front de Russie flambant dans la neige,

  Du lac Ilmen à Kief, du Dniepr au Pripet,

  Vous parvenez à moi, nés de millions de poitrines.

  Je vous écoute et vous entends. Norvégiens, Danois, Hollandais,

  Belges, Tchèques, Polonais, Grecs, Luxembourgeois, Albanais et Yougo-Slaves, camarades de lutte.

  J’entends vos voix et je vous appelle,

  Je vous appelle dans ma langue connue de tous

  Une langue qui n’a qu’un mot:

  Liberté!

  Et je vous dis que je veille et que j’ai abattu un homme d’Hitler.

  Il est mort dans la rue déserte

  Au cœur de la ville impassible j’ai vengé mes frères assassinés

  Au Fort de Romainville et au Mont Valérien,

  Dans les échos fugitifs et renaissants du monde, de la ville et des saisons.

  Et d’autres que moi veillent comme moi et tuent,

  Comme moi ils guettent les pas sonores dans les rues désertes,

  Comme moi ils écoutent les rumeurs et les fracas de la terre.

  À la Porte Dorée, au Point-du-Jour,

  Rue de Flandre et Poterne des Peupliers,

  À travers toute la France, dans les villes et les champs,

  Mes camarades guettent les pas dans la nuit

  Et bercent leur solitude aux rumeurs et fracas de la terre.

  Car la terre est un camp illuminé de milliers de feux.

  À la veille de la bataille on bivouaque par toute la terre

  Et peut-être aussi, camarades, écoutez-vous les voix,

  Les voix qui viennent d’ici quand la nuit tombe,

  Qui déchirent des lèvres avides de baisers

  Et qui volent longuement à travers les étendues

  Comme des oiseaux migrateurs qu’aveugle la lumière des phares

  Et qui se brisent contre les fenêtres du feu.

  Que ma voix vous parvienne donc

  Chaude et joyeuse et résolue,

  Sans crainte et sans remords

  Que ma voix vous parvienne avec celle de mes camarades,

  Voix de l’embuscade et de l’avant-garde française.

  Écoutez-nous à votre tour, marins, pilotes, soldats,

  Nous vous donnons le bonjour,

  Nous ne vous parlons pas de nos souffrances mais de notre espoir,

  Au seuil du prochain matin nous vous donnons le bonjour,

  À vous qui êtes proches et, aussi, à vous

  Qui recevrez notre vœu du matin

  Au moment où le crépuscule en bottes de paille entrera dans vos maisons.

  Et bonjour quand même et bonjour pour demain!

  Bonjour de bon cœur et de tout notre sang!

  Bonjour, bonjour, le soleil va se lever sur Paris,

  Même si les nuages le cachent il sera là,

  Bonjour, bonjour, de tout cœur bonjour!

  THE WATCHMAN AT THE PONT-AU-CHANGE

  I am the watchman at the Rue de Flandre.

  I keep watch while Paris sleeps.

  Far to the north a fire glows red in the night.

  I hear planes passing over the city.

  I am the watchman at the Point-du-Jour.

  The Seine coils in the shade, behind the Auteuil viaduct,

  Under twenty-three bridges across Paris.

  To the west I hear explosions.

  I am the watchman at the Porte Dorée.

  Around the keep, the wood of Vincennes thickens its shadows.

  I have heard shouts in the direction of Créteil

  And trains are rolling east, trailing their wake of songs of rebellion.

  I am the watchman at the Poterne des Peupliers.

  The south wind brings me an acrid smoke,

  Uncertain rumours and death-rattles

  That dissolve, somewhere, in Plaisance or Vaugirard.

  South, north, east, west,

  There is only the tumult of war converging on Paris.

  I am the watchman at the Pont-au-Change

  On watch in the heart of Paris, in the swell of rumour

  Where I make out the panic nightmares of the enemy,

  The cries of victory of our friends and of the French,

  The cries of agony of our brothers tortured by the Germans of Hitler.

  I am the watchman at the Pont-au-Change

  On watch tonight not only over Paris,

  This stormy night, not only over Paris in her fever and weariness,

  But over the whole world that surrounds us and presses us.

  In the cold air all the tumults of war

  Head for this place where for so long there have been people living.

  Shouts, songs, rumours, rattles, tumul
t come from every side,

  Victory, suffering and death, sky the colour of white wine and tea,

  From the four corners of the horizon past the obstacles of the world,

  With the perfumes of vanilla, of moist earth and blood,

  Of salt water, of powder and conflagrations,

  Of the kisses of an unknown giantess who at every step thrusts human flesh into the stout earth.

  I am the watchman at the Pont-au-Change

  And I salute you, on the threshold of the promised day,

  All you comrades from the Rue de Flandre to the Poterne des Peupliers,

  From the Point-du-Jour to the Porte Dorée.

  I salute you who sleep

  After the hard secret labour,

  Printers, bomb-carriers, dismantlers of rails, arsonists,

  Distributors of tracts, smugglers, message-bearers

  I salute all you resisters, youngsters of twenty with sweet-water grins,

  Old men venerable as the bridges, strong men, pictures of the seasons,

  I salute you on the threshold of the new morning.

  I salute you on the banks of the Thames,

  Comrades of all nations present and assembled,

  In England’s ancient capital,

  Old London, old Britain,

  Americans of every race and flag,

  Beyond the vast Atlantic,

  From Canada to Mexico, from Brazil to Cuba,

  Comrades from Rio, from Tehuantepec, from New York and San Francisco.

  I’ve made an appointment for the whole earth at the Pont-au-Change,

  Watching and fighting like you. Just now,

  Forewarned by his heavy step on the echoing cobbles,

  I too struck down my enemy.

  He died in the gutter, Hitler’s anonymous and hated German,

  His face soiled with mud, his memory already rotting,

  While I was already listening to your voices of the four seasons,

  Friends, friends and brothers from friendly nations.

  I was listening to your voices in the scent of African orange-trees,

  In the heavy staleness of the Pacific Ocean,

  Squadrons of hands unsheathed and extended in the dark,

  Men of Algiers, Honolulu, Chungking,

  Men of Fez, of Dakar, of Ajaccio.

  Intoxicating and terrible clamours, rhythms of lungs and hearts,

  From the Russian front blazing in the snow,

  From Lake Ilmen to Kiev, from the Dnieper to the Pripet,

  Born of the breasts of millions you win through to me.

  I listen, I hear you. Norwegians, Danes, Dutchmen,

  Belgians, Czechs, Poles, Greeks, Luxemburgers, Albanians and Yugoslavs, comrades in arms.

  I hear your voices and I call you,

  I call you in my language known to all,

  A language that has just one word,

  Liberty!

  And I tell you I am on watch and have killed a man of Hitler’s.

  He is dead in the empty street

  At the heart of the unmoved city I have avenged my murdered brothers

  In Fort de Romainville and in Mont-Valérien,

  In the fleeting reborn echoes of the world, the city, and the seasons.

  And others besides me are watching and killing,

  Marking, as I do, the resonant steps in the empty streets,

  Hearing, as I do, the earth’s rumours and tumults.

  At the Porte Dorée, at the Point-du-Jour,

  At the Rue de Flandre, at the Poterne des Peupliers,

  All across France, in cities and fields,

  My comrades mark the footsteps in the night

  And lull their loneliness to the earth’s rumours and tumults.

  For the earth is a camp lit by thousands of fires.

  On the eve of battle there are bivouacs across the globe

  And perhaps, comrades, you hear the voices,

  Voices coming from here at nightfall,

  Ripping open lips that are thirsty for kisses

  And flying across great distances

  Like migrant birds blinded by lighthouse-beams

  Who smash into the windows of the blaze.

  May my voice reach you then

  Warm and joyous and resolute,

  Without fear and remorse

  May my voice reach you with those of my comrades,

  Voices of the ambush, the vanguard of France.

  Hear us in your turn, sailors, airmen, soldiers,

  We bid you good morning.

  We tell you not of our sufferings but of our hope,

  On the threshold of coming dawn we bid you good morning,

  You who are near, and also you

  Who will receive our morning greeting

  When daybreak in straw shoes creeps into your homes.

  And good morning anyway, and good morning for tomorrow!

  Good morning, full-hearted and full-blooded!

  Good morning, good morning, the sun is coming up over Paris,

  Even if the clouds hide it, it will be there,

  Good morning, good morning, a hearty good morning!

  Signed ‘Valentin Guillois’, the above poem appeared in May 1944, in L’Honneur des Poètes II. It draws on Walt Whitman’s poem ‘Salut au Monde’. It was recited and acclaimed in Paris in October 1944, in the presence of Général de Gaulle.

  VAINCRE LE JOUR, VAINCRE LA NUIT

  Vaincre le jour, vaincre la nuit,

  Vaincre le temps qui colle à moi,

  Tout ce silence, tout ce bruit,

  Ma faim, mon destin, mon horrible froid.

  Vaincre ce cœur, le mettre à nu,

  Écraser ce corps plein de fables

  Pour le plonger dans l’inconnu,

  Dans l’insensible, dans l’impénétrable.

  Briser enfin, jeter au noir

  Des égouts ces vieilles idoles,

  Convertir la haine en espoir,

  En de saintes les mauvaises paroles.

  Mais mon temps n’est-il pas perdu?

  Tu m’a pris tout le sang, Paris.

  À ton cou je suis ce pendu,

  Ce libertaire qui pleure et qui rit.

  TO CONQUER DAY, TO CONQUER NIGHT

  To conquer day, to conquer night,

  To conquer time’s insistent hold,

  This world of tumult and of quiet,

  My thirst, my fate, my depth of cold.

  To rule this heart and lay it bare,

  To crush this body stuffed with fable,

  To plunge it in the void, somewhere

  Unknowable, impenetrable.

  To smash the idols of the past

  And hurl them down the blackest drains,

  Recover hope from hate’s disdains,

  Turn evil speech to good at last.

  My time is spent and I am through:

  Paris, you bled my arteries.

  I am the hanged man, hung on you,

  I, this free soul who laughs and cries.

  Published posthumously, July 1947, in Les Regrets de Paris.

  CHANSON DE ROUTE

  C’est avec du crottin de Pégase

  Qu’Eusèbe a fumé son jardin.

  Avec du crottin de Pégase?

  Oh! oh!

  Pour du crottin, c’est du crottin

  Eusèbe appartient au gratin.

  C’est avec du crottin de Licorne

  Qu’Eusèbe a fumé son jardin

  avec du crottin de Licorne?

  Oh! oh!

  Pour du crottin c’est du crottin

  Eusèbe n’est pas un crétin.

 
; Avec du crottin de Minotaure

  Eusèbe a fumé son jardin

  ouais du crottin de minotaure!

  Oh! oh!

  non du crottin mais de la bouse

  qu’Eusèbe a mis sur sa pelouse.

  ROAD SONG

  With horse-manure of Pegasus

  Sebastian dunged his blessed plot.

  With horse-manure of Pegasus?

  Oh! Oh!

  With horse-manure, with horse-manure

  He’s upper-crust and that’s for sure.

  With horse-manure of Unicorn

  Sebastian dunged his blessed plot.

  With horse-manure of Unicorn?

  Oh! Oh!

  With horse-manure, with horse-manure

  He’s not some greenhorn, that’s for sure.

  With horse-manure of Minotaur

  Sebastian dunged his blessed plot.

  Yes horse-manure of Minotaur!

  Oh! Oh!

  Not horse-manure but cattle-splat

  He fertilised his lawn with that.

 

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