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Collected Poems in English and French

Page 5

by Samuel Beckett


  Une demeure permanente

  Et des armes pour se défendre

  Une plage peu fréquentée

  Un coup de feu un seul

  Stupéfaction du père

  Mort depuis longtemps.

  4

  Tous ces gens mangent

  Ils sont gourmands ils sont contents

  Et s'ils rient ils mangent plus.

  Confections

  1

  Simplicity yea even to write

  To-day at least the hand is there

  2

  It is meet to scrutinize

  The inquisitive

  When one is weary

  3

  The violence of sea-winds

  Ships old faces

  A permanent abode

  Weapons to defend one

  A shot one only

  Stupefaction of the father

  Dead this long time

  4

  All these people eat

  They are gluttonous they are happy

  The more they laugh the more they eat

  5

  Par-dessus les chapeaux

  Un régiment d'orfraies passe au galop

  C'est un régiment de chaussures

  Toutes les collections des fétichistes déçus

  Allant au diable.

  6

  Des cataclysmes d'or bien acquis

  Et d'argent mal acquis.

  7

  Les oiseaux parfument les bois

  Les rochers leurs grands lacs nocturnes.

  8

  Gagner au jeu du profil

  Qu'un oiseau reste dans ses ailes.

  9

  Immobile

  J'habite cette épine et ma griffe se pose

  Sur les seins délicieux de la misère et du crime.

  5

  Above the hatwear

  A regiment of ospreys gallops past

  It is a regiment of footwear

  All the disillusioned fetishists and their complete collections

  Off to the devil

  6

  Cataclysms of gold well-gotten

  And of silver ill-gotten

  7

  The birds perfume the woods

  The rocks their great nocturnal lakes

  8

  Play at profile and win

  Let a bird abide in its wings

  9

  Rapt

  I dwell in this thorn and my claw alights

  On the sweet breasts of poverty and crime

  10

  Pourquoi les fait-on courir

  On ne les fait pas courir

  L'arrivée en avance

  Le départ en retard

  Quel chemin en arrière

  Quand la lenteur s'en mêle.

  Les preuves du contraire

  Et l'inutilité.

  11

  Une limaille d'or un trésor une flaque

  De platine au fond d'une vallée abominable

  Dont les habitants n'ont plus de mains

  Entraîne les joueurs à sortir d'eux-mêmes.

  12

  Le salon à la langue noire lèche son maître

  Il l'embaume il lui tient lieu d'éternité.

  13

  Le passage de la Bérésina par une femme rousse à grandes

  mamelles.

  14

  Il la prend dans ses bras

  Lueurs brillantes un instant entrevues

  Aux omoplates aux épaules aux seins

  Puis cachées par un nuage.

  Elle porte la main à son cœur

  Elle pâlit elle frissonne

  Qui donc a crié?

  Mais l'autre s'il est encore vivant

  On le retrouvera

  Dans une ville inconnue.

  10

  Why are they made to run

  They are not made to run

  Arriving underdue

  Departing overdue

  What a road back

  When slowness takes a hand

  Proofs of the contrary

  And futility

  11

  Gold-filings a treasure a platinum

  Puddle deep in a horrible valley

  Whose denizens have lost their hands

  It takes the players out of themselves

  12

  The drawing-room with its black tongue licks its master

  Embalms him performs the office of eternity

  13

  The Beresina forded by a sandy jug-dugged woman

  14

  He takes her in his arms

  Bright gleams for a second playing

  On the shoulder-blades the shoulders and the breasts

  Then hidden by a cloud

  She carries her hand to her heart

  She pales she quakes

  Whose then was the cry

  But he if he still lives

  He shall be rediscovered

  In a strange town

  15

  Le sang coulant sur les dalles

  Me fait des sandales

  Sur une chaise au milieu de la rue

  J'observe les petites filles créoles

  Qui sortent de l'école en fumant la pipe.

  16

  Il ne faut pas voir la réalité telle que je suis.

  17

  Toute la vie a coulé dans mes rides

  Comme une agate pour modeler

  Le plus beau des masques funèbres.

  18

  Les arbres blancs les arbres noirs

  Sont plus jeunes que la nature

  Il faut pour retrouver ce hasard de naissance

  Vieillir.

  19

  Soleil fatal du nombre des vivants

  On ne conserve pas ton cœur.

  (A toute épreuve, 1930)

  15

  The blood flowing on the flags

  Furnishes me with sandals

  I sit on a chair in the middle of the street

  I observe the little Creole girls

  Coming out of school smoking pipes

  16

  Do not see reality as I am

  17

  All life even as an agate has poured itself

  Into the seams of my countenance and cast

  A death-mask of unrivalled beauty

  18

  The black trees the white trees

  Are younger than nature

  In order to recover this freak of birth one must

  Age

  19

  Fatal sun of the quick

  One cannot keep thy heart

  (All Proof, 1930)

  ARTHUR RIMBAUD

  Le Bateau Ivre

  Comme je descendais des Fleuves impassibles,

  Je ne me sentis plus guidé par les haleurs:

  Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,

  Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

  J'étais insoucieux de tous les équipages,

  Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.

  Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,

  Les fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

  Drunken Boat

  Downstream on impassive rivers suddenly

  I felt the towline of the boatmen slacken.

  Redskins had taken them in a scream and stripped them and

  Skewered them to the glaring stakes for targets.

  Then, delivered from my straining boatmen,

  From the trivial racket of trivial crews and from

  The freights of Flemish grain and English cotton,

  I made my own course down the passive rivers.

  Dans les clapotements furieux des marées,

  Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,

  Je courus! et les Péninsules démarrées

  N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

  La tempête a béni mes éveils maritimes.

  Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots

  Qu'on ap
pelle rouleurs éternels de victimes,

  Dix nuits, sans regretter l'œil niais des falots.

  Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures,

  L'eau verte pénétra ma coque de sapin

  Et des taches de vins bleus et des vomissures

  Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

  Et, dès lors, je me suis baigné dans le poème

  De la mer infusé d'astres et lactescent,

  Dévorant les azurs verts où, flottaison blême

  Et ravie, un noyé pensif, parfois, descend;

  Blanker than the brain of a child I fled

  Through winter, I scoured the furious jolts of the tides,

  In an uproar and a chaos of Peninsulas,

  Exultant, from their moorings in triumph torn.

  I started awake to tempestuous hallowings.

  Nine nights I danced like a cork on the billows, I danced

  On the breakers, sacrificial, for ever and ever,

  And the crass eye of the lanterns was expunged.

  More firmly bland than to children apples' firm pulp,

  Soaked the green water through my hull of pine,

  Scattering helm and grappling and washing me

  Of the stains, the vomitings and blue wine.

  Thenceforward, fused in the poem, milk of stars,

  Of the sea, I coiled through deeps of cloudless green,

  Where, dimly, they come swaying down,

  Rapt and sad, singly, the drowned;

  Où, teignant tout à coup les bleuités, délires

  Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,

  Plus fortes que l'alcool, plus vastes que vos lyres,

  Fermentent les rousseurs amères de l'amour!

  Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes

  Et les ressacs et les courants; je sais le soir,

  L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,

  Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir.

  J'ai vu le soleil bas taché d'horreurs mystiques

  Illuminant de longs figements violets,

  Pareils à des acteurs de drames très antiques,

  Les flots roulant au loin leurs frissons de volets.

  J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,

  Baisers montant aux yeux des mers avec lenteur,

  La circulation des sèves inouïes

  Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs.

  Where, under the sky's haemorrhage, slowly tossing

  In thuds of fever, arch-alcohol of song,

  Pumping over the blues in sudden stains,

  The bitter rednesses of love ferment.

  I know the heavens split with lightnings and the currents

  Of the sea and its surgings and its spoutings; I know

  evening,

  And dawn exalted like a cloud of doves.

  And my eyes have fixed phantasmagoria.

  I have seen, as shed by ancient tragic footlights,

  Out from the horror of the low sun's mystic stains,

  Long weals of violet creep across the sea

  And peals of ague rattle down its slats.

  I have dreamt the green night's drifts of dazzled snow,

  The slow climb of kisses to the eyes of the seas,

  The circulation of unheard of saps,

  And the yellow-blue alarum of phosphors singing.

  J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries

  Hystériques, la boule à l'assaut des récifs,

  Sans songer que les pieds lumineux des Maries

  Pussent forcer le muffle aux Océans poussifs.

  J'ai heurté, savez-vous? d'incroyables Florides

  Mêlant aux fleurs des yeux de panthères aux peaux

  D'hommes, des arcs-en-ciel tendus comme des brides

  Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux.

  J'ai vu fermenter les marais, énormes nasses

  Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan,

  Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces

  Et les lointains vers les gouffres cataractant!

  Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises,

  Échouages hideux au fond des golfes bruns

  Où les serpents géants dévorés des punaises

  Choient des arbres tordus avec de noirs parfums!

  I have followed months long the maddened herds of the

  surf

  Storming the reefs, mindless of the feet,

  The radiant feet of the Marys that constrain

  The stampedes of the broken-winded Oceans.

  I have fouled, be it known, unspeakable Floridas, tangle of

  The flowers of the eyes of panthers in the skins of

  Men and the taut rainbows curbing,

  Beyond the brows of the seas, the glaucous herds.

  I have seen Leviathan sprawl rotting in the reeds

  Of the great seething swamp-nets;

  The calm sea disembowelled in waterslides

  And the cataracting of the doomed horizons.

  Iridescent waters, glaciers, suns of silver, flagrant skies,

  And dark creeks' secret ledges, horror-strewn,

  Where giant reptiles, pullulant with lice,

  Lapse with dark perfumes from the writhing trees.

  J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades

  Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.

  Des écumes de fleurs ont béni mes dérades,

  Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

  Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,

  La mer, dont le sanglot faisait mon roulis doux,

  Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes

  Et je restais ainsi qu'une femme à genoux,

  Presqu'île ballottant sur mes bords les querelles

  Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds,

  Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles

  Des noyés descendaient dormir à reculons…

  Or, moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,

  Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,

  Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses

  N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau,

  I would have shown to children those dorados

  Of the blue wave, those golden fish, those singing fish;

  In spumes of flowers I have risen from my anchors

  And canticles of wind have blessed my wings.

  Then toward me, rocking softly on its sobbing,

  Weary of the torment of the poles and zones,

  The sea would lift its yellow polyps on flowers

  Of gloom and hold me—like a woman kneeling—

  A stranded sanctuary for screeching birds,

  Flaxen-eyed, shiteing on my trembling decks,

  Till down they swayed to sleep, the drowned, spreadeagled,

  And, sundering the fine tendrils, floated me.

  Now I who was wrecked in the inlets' tangled hair

  And flung beyond birds aloft by the hurricane,

  Whose carcass drunk with water Monitors

  And Hanseatic sloops could not have salved;

  Libre, fumant, monté de brumes violettes,

  Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur

  Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,

  Des lichens de soleil et des morves d'azur,

  Qui courais taché de lunules électriques,

  Planche folle, escorté des hippocampes noirs,

  Quand les Juillets faisaient crouler à coups de triques

  Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs,

  Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues

  Le rut des Béhémots et des Maelstroms épais,

  Fileur éternel des immobilités bleues,

  Je regrette l'Europe aux anciens parapets.

  J'ai vu des archipels sidéraux!
et des îles

  Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur:

  Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,

  Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur?

  Who, reeking and free in a fume of purple spray,

  Have pierced the skies that flame as a wall would flame

  For a chosen poet's rapture, and stream and flame

  With solar lichen and with azure snot;

  Who scudded, with my escort of black sea-horses,

  Fury of timber, scarred with electric moons,

  When Sirius flogged into a drift of ashes

  The furnace-cratered cobalt of the skies;

  I who heard in trembling across a waste of leagues

  The turgent stroms and Behemoths moan their rut,

  I weaving for ever voids of spellbound blue,

  Now remember Europe and her ancient ramparts.

  I saw archipelagoes of stars and islands launched me

  Aloft on the deep delirium of their skies:

  Are these the fathomless nights of your sleep and exile,

  Million of golden birds, oh Vigour to be?

  Mais, vrai, j'ai trop pleuré. Les aubes sont navrantes,

  Toute lune est atroce et tout soleil amer.

  L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs envirantes.

  Oh! que ma quille éclate! Oh! que j'aille à la mer!

  Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache

 

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