Collected Poems in English and French

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Collected Poems in English and French Page 6

by Samuel Beckett


  Noire et froide où vers le crépuscule embaumé

  Un enfant accroupi, plein de tristesse, lâche

  Un bateau frêle comme un papillon de mai.

  Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,

  Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,

  Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,

  Ni nager sous les yeux horribles des pontons!

  But no more tears. Dawns have broken my heart,

  And every moon is torment, every sun bitterness;

  I am bloated with the stagnant fumes of acrid loving—

  May I split from stem to stern and founder, ah founder!

  I want none of Europe's waters unless it be

  The cold black puddle where a child, full of sadness,

  Squatting, looses a boat as frail

  As a moth into the fragrant evening.

  Steeped in the languors of the swell, I may

  Absorb no more the wake of the cotton-freighters,

  Nor breast the arrogant oriflammes and banners,

  Nor swim beneath the leer of the pontoons.

  GUILLAUME APOLLINAIRE

  Zone

  A la fin tu es las de ce monde ancien

  Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

  Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine

  Ici mêmes les automobiles ont l'air d'être anciennes

  La religion seule est restée toute neuve la religion

  Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

  Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme

  L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X

  Et toi que les fenêtres observent la honte te retient

  D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin

  Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui

  chantent tout haut

  Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux

  Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventures

  policières

  Portraits des grands hommes et mille titres divers

  Zone

  In the end you are weary of this ancient world

  This morning the bridges are bleating Eiffel Tower oh herd

  Weary of living in Roman antiquity and Greek

  Here even the motor-cars look antique

  Religion alone has stayed young religion

  Has stayed simple like the hangars at Port Aviation

  You alone in Europe Christianity are not ancient

  The most modern European is you Pope Pius X

  And you whom the windows watch shame restrains

  From entering a church this morning and confessing your

  sins

  You read the handbills the catalogues the singing posters

  So much for poetry this morning and the prose is in

  the papers

  Special editions full of crimes

  Celebrities and other attractions for 25 centimes

  J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom

  Neuve et propre du soleil elle était le clairon

  Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes

  Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent

  Le matin par trois fois la sirène y gémit

  Une cloche rageuse y aboie vers midi

  Les inscriptions des enseignes et des murailles

  Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent

  J'aime la grâce de cette rue industrielle

  Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue

  des Ternes

  Voilà la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant

  Ta mère ne t'habille que de bleu et de blanc

  Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades

  René Dalize.

  Vous n'aimez rien tant que les pompes de l'Église

  Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez

  du dortoir en cachette

  Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège

  Tandis qu'éternelle et adorable profondeur améthyste

  Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ

  C'est le beau lys que tous nous cultivons

  C'est la torche aux cheveux roux que n'éteint pas le vent

  C'est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère

  C'est l'arbre toujours touffu de toutes les prières

  C'est la double potence de l'honneur et de l'éternité

  C'est l'étoile à six branches

  C'est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche

  This morning I saw a pretty street whose name is gone

  Clean and shining clarion of the sun

  Where from Monday morning to Saturday evening four

  times a day

  Directors workers and beautiful shorthand typists go their

  way

  And thrice in the morning the siren makes its moan

  And a bell bays savagely coming up to noon

  The inscriptions on walls and signs

  The notices and plates squawk parrot-wise

  I love the grace of this industrial street

  In Paris between the Avenue des Ternes and the Rue

  Aumont-Thiéville

  There it is the young street and you still but a small child

  Your mother always dresses you in blue and white

  You are very pious and with René Dalize your oldest crony

  Nothing delights you more than church ceremony

  It is nine at night the lowered gas burns blue you steal away

  From the dormitory and all night in the college chapel pray

  Whilst everlastingly the flaming glory of Christ

  Wheels in adorable depths of amethyst

  It is the fair lily that we all revere

  It is the torch burning in the wind its auburn hair

  It is the rosepale son of the mother of grief

  It is the tree with the world's prayers ever in leaf

  It is of honour and eternity the double beam

  It is the six-branched star it is God

  Who Friday dies and Sunday rises from the dead

  C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs

  Il détient le record du monde pour la hauteur

  Pupille Christ de l'œil

  Vingtième pupille des siècles il sait y faire

  Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l'air

  Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder

  Ils disent qu'il imite Simon Mage en Judée

  Ils crient s'il sait voler qu'on l'appelle voleur

  Les anges voltigent autour du joli voltigeur

  Icare Enoch Élie Apollonius de Thyane

  Flottent autour du premier aéroplane

  Ils s'écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte

  la Sainte-Eucharistie

  Ces prêtres qui montent éternellement élevant l'hostie

  L'avion se pose enfin sans refermer les ailes

  Le ciel s'emplit alors de millions d'hirondelles

  A tire-d'aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux

  D'Afrique arrivent les ibis les flamants les marabouts

  L'oiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes

  Plane tenant dans les serres le crâne d'Adam la première

  tête

  L'aigle fond de l'horizon en poussant un grand cri

  Et d'Amérique vient le petit colibri

  De Chine sont venus les pihis longs et souples

  Qui n'ont qu'une seule aile et qui volent par couples

  Puis voici la colombe esprit immaculé

  Qu'escortent l'oiseau-lyre et le paon ocellé

  Le phénix ce bucher qui soi-même s'engendre

  It is Christ who better than airmen
wings his flight

  Holding the record of the world for height

  Pupil Christ of the eye

  Twentieth pupil of the centuries it is no novice

  And changed into a bird this century soars like Jesus

  The devils in the deeps look up and say they see a

  Nimitation of Simon Magus in Judea

  Craft by name by nature craft they cry

  About the pretty flyer the angels fly

  Enoch Elijah Apollonius of Tyana hover

  With Icarus round the first airworthy ever

  For those whom the Eucharist transports they now and

  then make way

  Host-elevating priests ascending endlessly

  The aeroplane alights at last with outstretched pinions

  Then the sky is filled with swallows in their millions

  The rooks come flocking the owls the hawks

  Flamingoes from Africa and ibises and storks

  The roc bird famed in song and story soars

  With Adam's skull the first head in its claws

  The eagle stoops screaming from heaven's verge

  From America comes the little humming-bird

  From China the long and supple

  One-winged peehees that fly in couples

  Behold the dove spirit without alloy

  That ocellate peacock and lyre-bird convoy

  The phoenix flame-devoured flame-revived

  Un instant voile tout de son ardente cendre

  Les sirènes laissant les périlleux détroits

  Arrivent en chantant bellement toutes trois

  Et tous aigle phénix et pihis de la Chine

  Fraternisent avec la volante machine

  Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule

  Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent

  L'angoisse de l'amour te serre le gosier

  Comme si tu ne devais jamais plus être aimé

  Si tu vivais dans l'ancien temps tu entrerais dans un

  monastère

  Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une

  prière

  Tu te moques de toi et comme le feu de l'Enfer ton rire

  pétille

  Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie

  C'est un tableau pendu dans un sombre musée

  Et quelquefois tu vas le regarder de près

  Aujourd'hui tu marches dans Paris les femmes sont

  ensanglantées

  C'était et je voudrais ne pas m'en souvenir c'était au

  déclin de la beauté

  Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m'a regardé

  à Chartres

  Le sang de votre Sacré-Cœur m'a inondé à Montmartre

  Je suis malade d'ouïr les paroles bienheureuses

  L'amour dont je souffre est une maladie honteuse

  Et l'image qui te possède te fait survivre dans l'insomnie

  et dans l'angoisse

  C'est toujours près de toi cette image qui passe

  All with its ardent ash an instant hides

  Leaving the perilous straits the sirens three

  Divinely singing join the company

  And eagle phoenix peehees fraternize

  One and all with the machine that flies

  Now you walk in Paris alone among the crowd

  Herds of bellowing buses hemming you about

  Anguish of love parching you within

  As though you were never to be loved again

  If you lived in olden times you would get you to a

  cloister

  You are ashamed when you catch yourself at a

  paternoster

  You are your own mocker and like hellfire your laughter

  crackles

  Golden on your life's hearth fall the sparks of your laughter

  It is a picture in a dark museum hung

  And you sometimes go and contemplate it long

  To-day you walk in Paris the women are

  blood-red

  It was and would I could forget it was at

  beauty's ebb

  From the midst of fervent flames Our Lady beheld me

  at Chartres

  The blood of your Sacred Heart flooded me in Montmartre

  I am sick with hearing the words of bliss

  The love I endure is like a syphilis

  And the image that possesses you and never leaves your

  side

  In anguish and insomnia keeps you alive

  Maintenant tu es au bord de la Méditerranée

  Sous les citronniers qui sont en fleur toute l'année

  Avec tes amis tu te promènes en barque

  L'un est Nissard il y a un Mentonasque et deux

  Turbiasques

  Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs

  Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur

  Tu es dans le jardin d'une auberge aux environs de Prague

  Tu te sens tout heureux une rose est sur la table

  Et tu observes au lieu d'écrire ton conte en prose

  La cétoine qui dort dans le cœur de la rose

  Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit

  Tu étais triste à mourir le jour où tu t'y vis

  Tu ressembles au Lazare affolé par le jour

  Les aiguilles de l'horloge du quartier juif vont à rebours

  Et tu recules aussi dans ta vie lentement

  En montant au Hradchin et le soir en écoutant

  Dans les tavernes chanter des chansons tchèques

  Te voici à Marseille au milieu des pastèques

  Te voici à Coblence a l'hotel du Géant

  Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon

  Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves

  belle et qui est laide

  Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde

  Now you are on the Riviera among

  The lemon-trees that flower all year long

  With your friends you go for a sail on the sea

  One is from Nice one from Menton and two from La Turbie

  The polypuses in the depths fill us with horror

  And in the seaweed fishes swim emblems of the Saviour

  You are in an inn-garden near Prague

  You feel perfectly happy a rose is on the table

  And you observe instead of writing your story in prose

  The chafer asleep in the heart of the rose

  Appalled you see your image in the agates of Saint Vitus

  That day you were fit to die with sadness

  You look like Lazarus frantic in the daylight

  The hands of the clock in the Jewish quarter go to left

  from right

  And you too live slowly backwards

  Climbing up to the Hradchin or listening as night falls

  To Czech songs being sung in taverns

  Here you are in Marseilles among the water-melons

  Here you are in Coblentz at the Giant's Hostelry

  Here you are in Rome under a Japanese medlar-tree

  Here you are in Amsterdam with an ill-favoured maiden

  You find her beautiful she is engaged to a student

  in Leyden

  On y loue des chambres en latin Cubicula locanda

  Je m'en souviens j'y ai passé trois jours et autant à Gouda

  Tu es à Paris chez le juge d'instruction

  Comme un criminel on te met en état d'arrestation

  Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages

  Avant de t'apercevoir du mensonge et de l'âge

  Tu as souffert de l'amour à vingt et à trente ans

  J'ai vécu comme un fou et j'ai perdu mon temps

  Tu n'oses plus regarder tes mains et à tous moments

  je voudrais sangloter

  Sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a épouvanté

  Tu regardes les yeux pleins de larmes ces
pauvres

  émigrants

  Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants

  Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare

  Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages

  Ils espèrent gagner de l'argent dans l'Argentine

  Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune

  Une famille transporte un édredon rouge comme vous

  transportez votre cœur

  Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels

  Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent

  Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges

  Je les ai vus souvent le soir ils prennent l'air dans la rue

  Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs

  Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque

  Elles restent assises exsangues au fond des boutiques

  There they let their rooms in Latin cubicula locanda

  I remember I spent three days there and as many in Gouda

  You are in Paris with the examining magistrate

  They clap you in gaol like a common reprobate

  Grievous and joyous voyages you made

  Before you knew what falsehood was and age

  At twenty you suffered from love and at thirty again

  My life was folly and my days in vain

  You dare not look at your hands tears haunt my eyes

  For you for her I love and all the old miseries

  Weeping you watch the wretched emigrants

  They believe in God they pray the women suckle their

  infants

  They fill with their smell the station of Saint-Lazare

  Like the wise men from the east they have faith in their

  star

  They hope to prosper in the Argentine

  And to come home having made their fortune

 

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