The Penguin Book of French Poetry
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The state of inertia preceding Artine brought indispensable elements to the projection of striking impressions on to the screen of floating ruins: an eiderdown in flames hurled into the unfathomable abyss of shadows in perpetual motion.
Artine retained despite animals and cyclones an inexhaustible freshness. Out walking, it was absolute transparency.
Amid the most active depression the magnificence of Artine’s beauty may surge up in vain, the curious minds remain furious minds, the indifferent minds extremely curious minds.
Artine’s appearances went beyond the limits of those tracts of sleep where the for and the for are animated by an equal and murderous violence. They evolved in the folds of a burning silk peopled with trees whose leaves were ashes.
Washed and renovated, the horse-drawn carriage nearly always triumphed over the saltpetre-papered apartment when it was a case of playing host through an interminable evening to la multitude des ennemis mortels d’Artine. Le visage de bois mort était particulièrement odieux. La course haletante de deux amants au hasard des grands chemins devenait tout à coup une distraction suffisante pour permettre au drame de se dérouler, derechef, à del ouvert.
Quelquefois une manoeuvre maladroite faisait tomber sur la gorge d’Artine une tête qui n’était pas la mienne. L’énorme bloc de soufre se consumait alors lentement, sans fumée, présence en soi et immobilité vibrante.
Le livre ouvert sur les genoux d’Artine était seulement lisible les jours sombres. A intervalles irréguliers les héros venaient apprendre les malheurs qui allaient à nouveau fondre sur eux, les voies multiples et terrifiantes dans lesquelles leur irréprochable destinée allait à nouveau s’engager. Uniquement soucieux de la Fatalité, ils étaient pour la plupart d’un physique agréable. Ils se déplaçaient avec lenteur, se montraient peu loquaces. Ils exprimaient
the multitude of Artine’s mortal enemies. The dead-wood face was particularly odious. The breathless race of two lovers haphazardly along the highways suddenly became a diversion sufficient to allow the unfolding of the drama once more, under the open sky.
Sometimes an unskilful movement made a head other than mine sink on Artine’s breast. The enormous block of sulphur burned itself up slowly then, without smoke, presence in itself and vibrant immobility.
The book open on Artine’s knees was readable only on dark days. At irregular intervals the heroes would come to learn the misfortunes which were once more to strike down upon them, the multiple and terrifying directions in which their irreproachable destiny was once more to be committed. Concerned solely with Fatality, they had on the whole an agreeable physique. They moved about slowly, showed little loquacity. They expressed their desires through broad leurs désirs à l’aide de larges mouvements de tête imprévisibles. Ils paraissaient en outre s’ignorer totalement entre eux.
Le poète a tué son modèle.
unforeseeable movements of their heads. They seemed moreover to be entirely unaware of each other.
The poet has killed his model.
Migration
A Yvonne Zervos
Le poids du raisin modifie la position des feuilles. La montagne avait un peu glissé. Sans dégager d’époque. Toutefois, à travers les ossuaires argileux, la foulée des bêtes excrémentielles en marche vers le convulsif ambre jaune. En relation avec l’inerte.
La sécurité est un parfum. L’homme morne et emblématique vit toujours en prison, mais sa prison se trouve à présent en liberté. Le mouvement et le sentiment ont réintégré la fronde mathématicienne. La fabuleuse simulatrice, celle qui s’ensevelit en marchant, qui remporta dans la nuit tragique de la préhistoire les quatre doigts tabous de la main-fantôme, a rejoint ses quartiers d’étude, à
Migration
for Yvonne Zervos
The weight of the grape alters the position of the leaves. The mountain had slipped a little. Without setting off an epoch. And yet, across the clay ossuaries, the tread of excremental beasts in their progress towards the convulsive yellow amber. In contact with the inert.
Security is a fragrance. Drab and emblematic man still lives in prison, but his prison now finds itself free. Movement and feeling have reintegrated the mathematical catapult. The fabulous simulator, she who interred herself while walking, who carried back into the tragic night of prehistory the four taboo fingers of the phantom hand, has returned to her study la zone des clairvoyances. Dans le salon manqué sur les grands carreaux hostiles, le dormeur et l’aimée, trop impopulaires pour ne pas être réels, accouplent interminablement leurs bouches ruisselantes de salive.
quarters, in the zone of clairvoyance. In the ill-conceived drawing room, on the great unfriendly tiles, the sleeper and the loved one, too unpopular not to be real, interminably couple their mouths streaming with saliva.
Commune Présence II
Tu es pressé d’écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie
S’il en est ainsi fais cortège à tes sources
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
Effectivement tu es en retard sur la vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir
Celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement deci delà quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci
Hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
En t’inclinant
Shared Presence II
You are in a hurry to write As if to catch up with life If this is so get in step with your sources Be quick Be quick to transmit Your portion of miracle of revolt of generosity In truth you are lagging behind life Inexpressible life The only one in the end that you consent to wed The one refused you every day by beings and by things From which you acquire laboriously here and there a few emaciated fragments After pitiless conflicts Beyond it all is merely agony subjugated crude ending If you meet death while you toil Receive it as the sweating neck welcomes the arid handkerchief Bowing down If
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes
Tu as été créé pour des moments peu communs
Modifie-toi disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
you want to laugh Offer your submission Never your weapons You were created for rare moments Adjust disappear without regret At the will of sweet severity Quarter upon quarter the liquidation of the world continues Without interruption Without deviation
Let the dust swarm None will divulge your union.
Chant du refus
Début du partisan
Le poète est retourné pour de longues années dans le néant du père. Ne l’appelez pas, vous tous qui l’aimez. S’il vous semble que l’aile de l’hirondelle n’a plus de miroir sur terre, oubliez ce bonheur. Celui qui panifiait la souffrance n’est pas visible dans sa léthargie rougeoyante.
Ah! beauté et vérité fassent que vous soyez présents nombreux aux salves de la délivrance!
Song of Refusal
Début of the partisan
The poet has returned for long years into the nothingness of the father. Do not call him, all you who love him. If it seems to you that the swallow’s wing has no mirror now on earth, forget that happiness. He who transformed suffering into bread is not visible in his glowing red hibernation.
Ah! may beauty and truth ensure your presence in great numbers at the salvos of liberation!
Les premiers instants
Nous regardions couler devant
nous l’eau grandissante. Elle effaçait d’un coup la montagne, se chassant de ses flancs maternels. Ce n’était pas un torrent qui s’offrait à son destin mais une bête ineffable dont nous devenions la parole et la substance. Elle nous tenait amoureux sur l’arc tout-puissant de son imagination. Quelle intervention eÛt pu nous contraindre? La modicité quotidienne avait fui, le sang jeté était rendu à sa chaleur. Adoptés par l’ouvert, poncés jusqu’à l’invisible, nous étions une victoire qui ne prendrait jamais fin.
The First Moments
We were watching the swelling water as it flowed before us. It was effacing the mountain in one surge, ejecting itself from its maternal flanks. It was not a torrent yielding to its destiny but an ineffable creature whose word and substance we became. It held us loving on the all-powerful arch of its imagination. What mediation could have constrained us? Daily mediocrity had fled, blood spilled was restored to its heat. Adopted by openness, pumiced to invisibility, we were a victory that would never have an end.
A ∗∗∗
Tu es mon amour depuis tant d’années,
Mon vertige devant tant d’attente,
Que rien ne peut vieillir, froidir;
Même ce qui attendait notre mort,
Ou lentement sut nous combattre,
Même ce qui nous est étranger,
Et mes éclipses et mes retours.
Fermée comme un volet de buis
Une extrême chance compacte
Est notre chaîne de montagnes,
Notre comprimante splendeur.
To ∗∗∗
You have been my love for so many years, my vertigo faced with so much waiting, that nothing can age or chill; even what waited for our death, or fought us with measured skill, even what is alien to us, and my eclipses and my returns.
Closed like a boxwood shutter an extreme compact chance is our chain of mountains, our compressing splendour.
Je dis chance, ô ma martelée;
Chacun de nous peut recevoir
La part du mystère de l’autre
Sans en répandre le secret;
Et la douleur qui vient d’ailleurs
Trouve enfin sa séparation
Dans la chair de notre unité,
Trouve enfin sa route solaire
Au centre de notre nuée
Qu’elle déchire et recommence.
Je dis chance comme je le sens.
Tu as élevé le sommet
Que devra franchir mon attente
Quand demain disparaîtra.
I say chance, O my hammered love; each of us can receive the other’s portion of the mystery without shedding its secret; and the pain that comes from another place finds its severance at last in the flesh of our unity, finds at last its solar way at the centre of our cloud which it tears asunder and begins again.
I say chance as I feel it. You have raised the mountain crest which my waiting will have to clear when tomorrow disappears.
L’inoffensif
Je pleure quand le soleil se couche parce qu’il te dérobe à ma vue et parce que je ne sais pas m’accorder avec ses rivaux nocturnes. Bien qu’il soit au bas et maintenant sans fièvre, impossible d’aller contre son déclin, de suspendre son effeuillaison, d’arracher quelque envie encore à sa lueur moribonde. Son départ te fond dans son obscurité comme le limon du lit se délaye dans l’eau du torrent par delà l’éboulis des berges détruites. Dureté et mollesse au ressort différent ont alors des effets semblables. Je cesse de recevoir l’hymne de ta parole; soudain tu n’apparais plus entière à mon côté; ce n’est pas le fuseau nerveux de ton poignet que tient ma main mais la branche creuse d’un quelconque arbre mort et déjà débité. On ne met plus un nom à rien, qu’au frisson. Il fait nuit. Les artifices qui s’allument me trouvent aveugle.
Je n’ai pleuré en vérité qu’une seule fois. Le soleil en
The innocuous man
I weep when the sun sets because he hides you from my sight and because I cannot find harmony with his nocturnal rivals. Although he is low and now without fever, impossible to resist his decline, to suspend his shedding of leaves, to wrench some desire still from his moribund glow. His departure melts you into his darkness as the silt of the bed soaks into the water of the torrent through the crumbling of the broken banks. Hardness and softness with differing elasticity then have similar effects. I cease to receive the hymn of your words; suddenly you appear no longer whole beside me; it is not the sinewy spindle of your wrist that my hand is holding but a hollow branch from a nondescript dead and already chopped tree. Nothing can be named now except the shudder. It is dark. The sparking fireworks find me blind.
I have wept in truth only once. The sun as it vanished had disparaissant avait coupé ton visage. Ta tête avait roulé dans la fosse du ciel et je ne croyais plus au lendemain.
Lequel est l’homme du matin et lequel celui des ténèbres?
cut off your face. Your head had rolled into the pit of the sky and I no longer believed in tomorrow.
Which is the man of the morning and which the man of the darkness?
Front de la rose
Malgré la fenêtre ouverte dans la chambre au long congé, l’arôme de la rose reste lié au souffle qui fut là. Nous sommes une fois encore sans expérience antérieure, nouveaux venus, épris. La rose! Le champ de ses allées éventerait même la hardiesse de la mort. Nulle grille qui s’oppose. Le désir resurgit, mal de nos fronts évaporés.
Celui qui marche sur la terre des pluies n’a rien à redouter de l’épine, dans les lieux finis ou hostiles. Mais s’il s’arrête et se recueille, malheur à lui! Blessé au vif, il vole en cendres, archer repris par la beauté.
Brow of the Rose
Despite the window open in the long-vacant room, the aroma of the rose remains linked to the breath that was there. Once again we are without prior experience, newcomers, in love. The rose! Its field of movement would fan away even death’s boldness. No gate to stand in the way. Desire surges up once more, malady of our moistureless1 brows.
He who walks on the earth of rains has nothing to fear from the thorn, in places finite or hostile. But if he stops and gathers his thoughts, woe to him! Wounded to the quick, he flies into ashes, an archer recaptured by beauty.
INDEX OF FIRST LINES
A cet endroit le fleuve est presque aussi large qu’un lac, 596
Ah! le divin attachement, 342
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, 7
A la fenêtre recelant, 205
A la fin tu es las de ce monde ancien, 540
A l’aube je suis descendu au fond des machines, 599
Alors il était nuit, et Jésus marchait seul, 31
à même le fleuve de sang de terre, 816
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu: voyelles, 293
A nulles rives dédiée, 647
A Paris la tour Saint-Jacques chancelante, 680
Assise, la fileuse au bleu de la croisée, 478
A travers la forêt des spontanéites, 221
Au bout du monde, 700
Au choc clair et vibrant des cymbales d’airain, 183
Au silence de celle qui laisse rêveur, 831
Aussitôt que l’idée du Déluge se fut rassise, 306
Aux buissons typographiques constitués par le poème, 794
Aux sons d’une musique endormie et molle, 470
Avancerons-nous aussi vite que l’étoile?, 822
Avec les fleurs, avec les femmes, 218
Avec ses vétements ondoyants et nacrés, 142
Beau monde des masures, 715
Blocus sentimental! Messageries du Levant!, 345
Booz s’était couché de fatigue accablé, 62
Calmes dans le demi-jour, 231
Celui qui me lira dans les siècles, un soir, 379
Ce n’est pas vous, non, madame, que j’aime, 113
Ces nymphes, je les veux perpétuer, 197
C’est après les moments les plus bouleversés, 434
C’e
st Dimanche aujourd’hui. L’air est couleur du miel, 412
C’est mon étoile, 595
C’est, sur un cou qui, raide, émerge, 339
C’était au beau milieu de notre tragédie, 735
Ce toit tranquille, où marchent des colombes, 491
Chevaux couleur cerise limite des Zélandes, 566
chez nous les fleurs des pendules s’allument, 691
Clown admirable, en vérité!, 128
Comme dans l’éponge, il y a dans l’orange 795
Comme je descendais des Fleuves impassibles, 295
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, 186
Contemple-les, mon âme; ils sont vraiment affreux!, 154
Cordes faites de cris, 563
Dans la forêt sans heures, 628
Dans la forêt silencieuse, la nuit n’est pas encore venue, 528
Dans la saison qu’Adonis fut blessé, 411
Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe, 50
Dans le vieux parc solitaire et glacé, 232
Dans l’interminable, 235
De la couleur, de la couleur et des couleurs, 594
De la musique avant toute chose, 241
De leur col blanc courbant les lignes, 116
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, 51
Des nuits du blond et de la brune, 277
Des paroles inconnues chantèrent-elles sur vos lèvres, 213
Des Terres neuves, par là-bas, 655