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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 211

by Gustave Flaubert


  — “Ah ! saprelotte, nous allons nous la repasser douce, maintenant !”

  Frédéric n’aima point cette manière de s’associer, tout de suite, à sa fortune. Son ami témoignait trop de joie pour eux deux, et pas assez pour lui seul.

  Ensuite, Deslauriers conta son échec, et peu à peu ses travaux, son existence, parlant de lui-même stoïquement et des autres avec aigreur. Tout lui déplaisait. Pas un homme en place qui ne fût un crétin ou une canaille. Pour un verre mal rincé, il s’emporta contre le garçon, et, sur le reproche anodin de Frédéric :

  — “Comme si j’allais me gêner pour de pareils cocos, qui vous gagnent jusqu’à des six et huit mille francs par an, qui sont électeurs, éligibles peut-être ! Ah non,, non !”

  Puis, d’un air enjoué :

  — “Mais j’oublie que je parle à un capitaliste, à un Mondor, car tu es un Mondor, maintenant !”

  Et, revenant sur l’héritage, il exprima cette idée : que les successions collatérales (chose injuste en soi, bien qu’il se réjouît de celle-là) seraient abolies, un de ces jours, à la prochaine révolution.

  — “Tu crois ?” dit Frédéric.

  — “Compte dessus” répondit-il. “Ça ne peut pas durer on souffre trop Quand je vois dans la misère des gens comme Sénécal…”

  — “Toujours le Sénécal !” pensa Frédéric.

  — “Quoi de neuf, du reste ? Es-tu encore amoureux de Mme Arnoux ! C’est passé, hein ?”

  Frédéric, ne sachant que répondre, ferma les yeux en baissant la tête.

  À propos d’Arnoux, Deslauriers lui apprit que son journal appartenait maintenant à Hussonnet, lequel l’avait transformé. Cela s’appelait “L’Art, institut littéraire, société par actions de cent francs chacune ; capital social : quarante mille francs”, avec la faculté pour chaque actionnaire de pousser là sa copie ; car “la société a pour but de publier les œuvres des débutants, d’épargner au talent, au génie peut-être. les crises douloureuses qui abreuvent, etc…, tu vois la blague” Il y avait cependant quelque chose à faire, c’était de hausser le ton de ladite feuille, puis tout à coup, gardant les mêmes rédacteurs et promettant la suite du feuilleton, de servir aux abonnés un journal politique les avances ne seraient pas énormes.

  — “Qu’en penses-tu, voyons veux-tu t’y mettre ?”

  Frédéric ne repoussa pas la proposition. Mais il fallait attendre le règlement de ses affaires.

  — “Alors, si tu as besoin de quelque chose…”

  — “Merci, mon petit !” dit Deslauriers.

  Ensuite, ils fumèrent des puros, accoudés sur la planche de velours, au bord de la fenêtre. Le soleil brillait, l’air était doux, des troupes d’oiseaux voletant s’abattaient dans le jardin ; les statues de bronze et de marbre, lavées par la pluie, miroitaient ; des bonnes en tablier causaient assises sur des chaises ; et l’on entendait les rires des enfants, avec le murmure continu que faisait la gerbe du jet d’eau.

  Frédéric s’était senti troublé par l’amertume de Deslauriers ; mais, sous l’influence du vin qui circulait dans ses veines, à moitié endormi, engourdi, et recevant la lumière en plein visage, il n’éprouvait plus qu’un immense bien-être, voluptueusement stupide, — comme une plante saturée de chaleur et d’humidité. Deslauriers, les paupières entre-closes, regardait au loin, vaguement. Sa poitrine se gonflait, et il se mit à dire :

  — “Ah ! c’était plus beau, quand Camille Desmoulins, debout là-bas sur une table, poussait le peuple à la Bastille ! On vivait dans ce temps-là, on pouvait s’affirmer, prouver sa force ! De simples avocats commandaient à des généraux, des va-nu-pieds battaient les rois, tandis qu’à présent…”

  Il se tut, puis tout à coup :

  — “Bah ! l’avenir est gros”

  Et, tambourinant la charge sur les vitres, il déclama ces vers de Barthélémy :

  Elle reparaîtra, la terrible Assemblée

  Dont, après quarante ans, votre tête est troublée,

  Colosse qui sans peur marche d’un pas puissant.

  “Je ne sais plus le reste ! Mais il est tard, si nous partions ?”

  Et il continua, dans la rue, à exposer ses théories.

  Frédéric, sans l’écouter, observait à la devanture des marchands les étoffes et les meubles convenables pour son installation ; et ce fut peut-être la pensée de Mme Arnoux qui le fit s’arrêter à l’étalage d’un brocanteur, devant trois assiettes de faïence. Elles étaient décorées d’arabesques jaunes, à reflets métalliques, et valaient cent écus la pièce. Il les fit mettre de côté.

  — “Moi, à ta place”, dit Deslauriers, “je m’achèterais plutôt de l’argenterie”, décelant, par cet amour du cossu, l’homme de mince origine.

  Dès qu’il fut seul, Frédéric se rendit chez le célèbre Pomadère, où il se commanda trois pantalons, deux habits, une pelisse de fourrure et cinq gilets ; puis chez un bottier, chez un chemisier, et chez un chapelier, ordonnant partout qu’on se hâtât le plus possible.

  Trois jours après, le soir, à son retour du Havre, il trouva chez lui sa garde-robe complète ; et, impatient de s’en servir, il résolut de faire à l’instant même une visite aux Dambreuse. Mais il était trop tôt, huit heures à peine.

  — “Si j’allais chez les autres ?”, se dit-il.

  Arnoux, seul, devant sa glace, était en train de se raser. Il lui proposa de le conduire dans un endroit où il s’amuserait, et, au nom de M. Dambreuse :

  — “Ah ! ça se trouve bien ! Vous verrez là de ses amis venez donc ! ce sera drôle !”

  Frédéric s’excusait, Mme Arnoux reconnut sa voix et lui souhaita le bonjour à travers la cloison, car sa fille était indisposée, elle-même souffrante ; et l’on entendait le bruit d’une cuiller contre un verre, et tout ce frémissement de choses délicatement remuées qui se fait dans la chambre d’un malade. Puis Arnoux disparut pour dire adieu à sa femme. Il entassait les raisons :

  — “Tu sais bien que c’est sérieux. Il faut que j’y aille, j’y ai besoin, on m’attend.”

  — “Va, va, mon ami. Amuse-toi !”

  Arnoux héla un fiacre.

  — “Palais-Royal ! galerie Montpensier.”

  Et, se laissant tomber sur les coussins :

  — “Ah ! comme je suis las, mon cher ! j’en crèverai. Du reste, je peux bien vous le dire, à vous.”

  Il se pencha vers son oreille, mystérieusement :

  — “Je cherche à retrouver le rouge de cuivre des Chinois.”

  Et il expliqua ce qu’étaient la couverte et le petit feu.

  Arrivé chez Chevet, on lui remit une grande corbeille, qu’il fit porter sur le fiacre. Puis il choisit pour “sa pauvre femme” du raisin, des ananas, différentes curiosités de bouche et recommanda qu’elles fussent envoyées de bonne heure, le lendemain.

  Ils allèrent ensuite chez un costumier ; c’était d’un bal qu’il s’agissait. Arnoux prit une culotte de velours bleu, une veste pareille, une perruque rouge ; Frédéric un domino ; et ils descendirent rue de Laval, devant une maison illuminée au second étage par des lanternes de couleur.

  Dès le bas de l’escalier, on entendait le bruit des violons.

  — “Où diable me menez-vous ?” dit Frédéric.

  — “Chez une bonne fille ! n’ayez pas peur !”

  Un groom leur ouvrit la porte, et ils entrèrent dans l’antichambre, où des paletots, des manteaux et des châles étaient jetés en pile sur des chaises. Une jeune femme, en costume de dragon Louis XV, la traversait en ce moment-là. C’était Mlle Rose-Annette Bron, la maîtresse du lieu.

  — “Eh bien ?” dit Arnoux.

  — “C’est fait !” répondit-elle.

  — “Ah ! merci, mon ange !”

  Et il voulut l’embrasser.

  — “Prends donc garde, imbécile ! tu vas gâter mon maquillage !”

  Arnoux présenta Frédéric.

  — “Tapez là dedans, monsieur, soyez le bienvenu !” Elle écarta une portière derrière elle, et se
mit à crier emphatiquement :

  — “Le sieur Arnoux, marmiton, et un prince de ses amis !”

  Frédéric fut d’abord ébloui par les lumières ; il n’aperçut que de la soie, du velours, des épaules nues, une masse de couleurs qui se balançait aux sons d’un orchestre caché par des verdures, entre des murailles tendues de soie jaune, avec des portraits au pastel, çà et là, et des torchères de cristal en style Louis XVI. De hautes lampes, dont les globes dépolis ressemblaient à des boules de neige, dominaient des corbeilles de fleurs, posées sur des consoles, dans les coins ; — et, en face, après une seconde pièce plus petite, on distinguait, dans une troisième, un lit à colonnes torses, ayant une glace de Venise à son chevet.

  Les danses s’arrêtèrent, et il y eut des applaudissements, un vacarme de joie, à la vue d’Arnoux s’avançant avec son panier sur la tête ; les victuailles faisaient bosse au milieu. — “Gare au lustre !” Frédéric leva les yeux : c’était le lustre en vieux saxe qui ornait la boutique de l’Art industriel ; le souvenir des anciens jours passa dans sa mémoire ; mais un fantassin de la Ligne en petite tenue, avec cet air nigaud que la tradition donne aux conscrits, se planta devant lui, en écartant les deux bras pour marquer l’étonnement ; et il reconnut, malgré les effroyables moustaches noires extra-pointues qui le défiguraient, son ancien ami Hussonnet. Dans un charabia moitié alsacien, moitié nègre, le bohème l’accablait de félicitations, l’appelant son colonel. Frédéric, décontenancé par toutes ces personnes ne savait que répondre. Un archet ayant frappé sur un pupitre, danseurs et danseuses se mirent en place.

  Ils étaient une soixantaine environ, les femmes pour la plupart en villageoises ou en marquises, et les hommes, presque tous d’âge mûr, en costumes de routier, de débardeur ou de matelot.

  Frédéric, s’étant rangé contre le mur, regarda le quadrille devant lui.

  Un vieux beau, vêtu, comme un doge vénitien, d’une longue simarre de soie pourpre, dansait avec Mme Rosanette, qui portait un habit vert, une culotte de tricot et des bottes molles à éperons d’or. Le couple en face se composait d’un Arnaute chargé de yatagans et d’une Suissesse aux yeux bleus, blanche comme du lait, potelée comme une caille, en manches de chemise et corset rouge. Pour faire valoir sa chevelure qui lui descendait jusqu’aux jarrets, une grande blonde, marcheuse à l’Opéra, s’était mise en femme sauvage ; et, par-dessus son maillot de couleur brune, n’avait qu’un pagne de cuir, des bracelets de verroterie, et un diadème de clinquant, d’où s’élevait une haute gerbe en plumes de paon. Devant elle, un Pritchard, affublé d’un habit noir grotesquement large, battait la mesure avec son coude sur sa tabatière. Un petit berger Watteau, azur et argent comme un clair de lune, choquait sa houlette contre le thyrse d’une Bacchante, couronnée de raisins, une peau de léopard sur le flanc gauche et des cothurnes à rubans d’or. De l’autre côté une Polonaise, en spencer de velours nacarat, balançait son jupon de gaze sur ses bas de soie gris perle, pris dans des bottines roses cerclées de fourrure blanche. Elle souriait à un quadragénaire ventru, déguisé en enfant de chœur, et qui gambadait très haut, levant d’une main son surplis et retenant de l’autre sa calotte rouge. Mais la reine, l’étoile, c’était mademoiselle Loulou, célèbre danseuse des bals publics. Comme elle se trouvait riche maintenant, elle portait une large collerette de dentelle sur sa veste de velours noir uni ; et son large pantalon de soie ponceau, collant sur la croupe et serré à la taille par une écharpe de cachemire, avait, tout le long de la couture, des petits camélias blancs naturels. Sa mine pâle, un peu bouffie et à nez retroussé, semblait plus insolente encore par l’ébouriffure de sa perruque où tenait un chapeau d’homme, en feutre gris, plié d’un coup de poing sur l’oreille droite ; et, dans les bonds qu’elle faisait, ses escarpins à boucles de diamants atteignaient presque au nez de son voisin, un grand Baron moyen âge tout empêtré dans une armure de fer. Il y avait aussi un Ange, un glaive d’or à la main, deux ailes de cygne dans le dos, et qui, allant, venant, perdant à toute minute son cavalier, un Louis XIV, ne comprenait rien aux figures et embarrassait la contredanse.

  Frédéric, en regardant ces personnes, éprouvait un sentiment d’abandon, un malaise. Il songeait encore à Mme Arnoux et il lui semblait participer à quelque chose d’hostile se tramant contre elle.

  Quand le quadrille fut achevé, Mme Rosanette l’aborda. Elle haletait un peu, et son hausse-col, poli comme un miroir, se soulevait doucement sous son menton.

  — “Et vous, monsieur”, dit-elle, “vous ne dansez pas ?”

  Frédéric s’excusa, il ne savait pas danser.

  — “Vraiment ! mais avec moi ? bien sûr ?”

  Et, posée sur une seule hanche, l’autre genou un peu rentré, en caressant de la main gauche le pommeau de nacre de son épée, elle le considéra pendant une minute, d’un air moitié suppliant, moitié gouailleur. Enfin elle dit “Bonsoir !”, fit une pirouette, et disparut.

  Frédéric, mécontent de lui-même, et ne sachant que faire, se mit à errer dans le bal.

  Il entra dans le boudoir, capitonné de soie bleu pâle avec des bouquets de fleurs des champs, tandis qu’au plafond, dans un cercle de bois doré, des Amours, émergeant d’un ciel d’azur, batifolaient sur des nuages en forme d’édredon. Ces élégances, qui seraient aujourd’hui des misères pour les pareilles de Rosanette, l’éblouirent ; et il admira tout : les volubilis artificiels ornant le contour de la glace, les rideaux de la cheminée, le divan turc, et, dans un renfoncement de la muraille, une manière de tente tapissée de soie rose, avec de la mousseline blanche par-dessus. Des meubles noirs à marqueterie de cuivre garnissaient la chambre à coucher, où se dressait, sur une estrade couverte d’une peau de cygne, le grand lit à baldaquin et à plumes d’autruche. Des épingles à tête de pierreries fichées dans des pelotes, des bagues traînant sur des plateaux, des médaillons à cercle d’or et des coffrets d’argent se distinguaient dans l’ombre, sous la lueur qu’épanchait une urne de Bohême, suspendue à trois chaînettes. Par une petite porte entrebâillée, on apercevait une serre chaude occupant toute la largeur d’une terrasse, et que terminait une volière à l’autre bout.

  C’était bien là un milieu fait pour lui plaire. Dans une brusque révolte de sa jeunesse, il se jura d’en jouir, s’enhardit ; puis, revenu à l’entrée du salon, où il y avait plus de monde maintenant (tout s’agitait dans une sorte de pulvérulence lumineuse), il resta debout à contempler les quadrilles, clignant les yeux pour mieux voir, — et humant les molles senteurs de femmes, qui circulaient comme un immense baiser épandu.

  Mais il y avait près de lui, de l’autre côté de la porte, Pellerin ; — Pellerin en grande toilette, le bras gauche dans la poitrine et tenant de la droite, avec son chapeau, un gant blanc, déchiré.

  — “Tiens, il y a longtemps qu’on ne vous a vu ! où diable étiez-vous donc ? parti en voyage, en Italie ? Poncif, hein, l’Italie ? pas si raide qu’on dit ? N’importe ! apportez-moi vos esquisses, un de ces jours ?”

  Et, sans attendre sa réponse, l’artiste se mit à parler de lui-même.

  Il avait fait beaucoup de progrès, ayant reconnu définitivement la bêtise de la Ligne. On ne devait pas tant s’enquérir de la Beauté et de l’Unité, dans une œuvre, que du caractère et de la diversité des choses.

  — “Car tout existe dans la nature, donc tout est légitime, tout est plastique. Il s’agit seulement d’attraper la note, voilà. J’ai découvert le secret !” Et lui donnant un coup de coude, il répéta plusieurs fois : — “J’ai découvert le secret, vous voyez ! Ainsi regardez-moi cette petite femme à coiffure de sphinx qui danse avec un postillon russe, c’est net, sec, arrêté, tout en méplats et en tons crus : de l’indigo sous les yeux, une plaque de cinabre à la joue, du bistre sur les tempes ; pif ! paf ! — Et il jetait, avec le pouce, comme des coups de pinceau dans l’air. — ” Tandis que la grosse, là-bas “, continua-t-il en montrant une Poissarde, en robe cerise avec une croix d’or au cou et un fichu de linon noué dans le dos, — ” rien que des
rondeurs ; les narines s’épatent comme les ailes de son bonnet, les coins de la bouche se relèvent, le menton s’abaisse, tout est gras, fondu, copieux, tranquille et soleillant, un vrai Rubens ! Elles sont parfaites cependant ! Où est le type alors ? “Il s’échauffait.” Qu’est-ce qu’une belle femme ? Qu’est-ce que le beau ? Ah ! le beau ! me direz-vous… " Frédéric l’interrompit pour savoir ce qu’était un pierrot à profil de bouc, en train de bénir tous les danseurs au milieu d’une pastourelle.

  — “Rien du tout ! un veuf, père de trois garçons. Il les laisse sans culottes, passe sa vie au club, et couche avec la bonne.”

  — “Et celui-là, costumé en bailli, qui parle dans l’embrasure de la fenêtre à une marquise-Pompadour ?” — “La marquise, c’est Mme Vandaël, l’ancienne actrice du Gymnase, la maîtresse du Doge, le comte de Palazot. Voilà vingt ans qu’ils sont ensemble ; on ne sait pourquoi. Avait-elle de beaux yeux, autrefois, cette femme-là ! Quant au citoyen près d’elle, on le nomme le capitaine d’Herbigny, un vieux de la vieille, qui n’a pour toute fortune que sa croix d’honneur et sa pension, sert d’oncle aux grisettes dans les solennités, arrange les duels et dîne en ville.”

  — “Une canaille ?” dit Frédéric.

  — “Non ! un honnête homme !”

  — “Ah !”

  L’artiste lui en nomma d’autres encore, quand, apercevant un monsieur qui portait comme les médecins de Molière une grande robe de serge noire, mais bien ouverte de haut en bas, afin de montrer toutes ses breloques :

  — “Ceci vous représente le docteur Des Rogis, enragé de n’être pas célèbre, a écrit un livre de pornographie médicale, cire volontiers les bottes dans le grand monde, est discret ; ces dames l’adorent. Lui et son épouse (cette maigre châtelaine en robe grise) se trimbalent ensemble dans tous les endroits publics, et autres. Malgré la gêne du ménage, on a un jour, — thés artistiques où il se dit des vers. — Attention !”

  En effet, le Docteur les aborda ; et bientôt ils formèrent tous les trois, à l’entrée du salon, un groupe de causeurs, où vint s’adjoindre Hussonnet, puis l’amant de la Femme-Sauvage, un jeune poète, exhibant, sous un court mantel à la François, la plus piètre des anatomies, et enfin un garçon d’esprit, déguisé en Turc de barrière. Mais sa veste à galons jaunes avait si bien voyagé sur le dos des dentistes ambulants, son large pantalon à plis était d’un rouge si déteint, son turban roulé comme une anguille à la tartare d’un aspect si pauvre, tout son costume enfin tellement déplorable et réussi, que les femmes ne dissimulaient pas leur dégoût. Le docteur l’en consola par de grands éloges sur la Débardeuse sa maîtresse. Ce Turc était fils d’un banquier.

 

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