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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 418

by Gustave Flaubert


  MUREL : Un essai ne coûte rien ; peut-être quelques centaines de francs dans les cabarets.

  GRUCHET, vivement : Pas plus, vous croyez ?

  MUREL : Et je vais remuer tout l’arrondissement, et vous serez nommé, et Rousselin sera enfoncé ! Et beaucoup de ceux qui font semblant de ne pas vous connaître s’inclineront très bas en vous disant : “Monsieur le député, j’ai bien l’honneur de vous offrir mes hommages.”

  Scène XIV : les mêmes, Julien

  MUREL : Mon petit Duprat, vous ne verrez pas M. Rousselin !

  JULIEN : Je ne pourrai pas voir...

  MUREL : Non ! Nous sommes brouillés... sur la politique.

  JULIEN : Je ne comprends pas ! Tantôt vous êtes venu chez moi me démontrer qu’il fallait soutenir M. Rousselin, en me donnant une foule de raisons... que j’ai été redire à M. Gruchet. Il les a, de suite, acceptées, d’autant plus qu’il désire...

  GRUCHET : Ceci entre nous, on cher ! C’est une autre question, qui ne concerne pas Rousselin.

  JULIEN : Pourquoi n’en veut-on plus ?

  MUREL : Je vous le répète, ce n’est pas l’homme de notre parti.

  GRUCHET, avec fatuité : Et on en trouvera un autre !

  MUREL : Vous saurez lequel. Allons-nous en ! On ne conspire pas chez l’ennemi.

  JULIEN : L’ennemi ? Rousselin !

  MUREL : Sans doute ; et vous aurez l’obligeance de l’attaquer, dans l’Impartial, vigoureusement !

  JULIEN : Pourquoi cela ? Je ne vois pas de mal à en dire.

  GRUCHET : Avec de l’imagination, on en trouve.

  JULIEN : Je ne suis pas fait pour ce métier.

  GRUCHET : Ecoutez-donc ! Vous êtes venu à moi le premier m’offrir vos services, et sachant que j’étais l’ami de Rousselin, vous m’avez prié, - c’est le mot, - de vous introduire chez lui.

  JULIEN : A peine y suis-je que vous m’en arrachez !

  GRUCHET : Ce n’est pas ma faute si les choses ont pris, tout à coup, une autre direction.

  JULIEN : Est-ce la mienne ?

  GRUCHET : Mais comme il était bien convenu entre nous deux que vous entameriez une polémique contre la Société des Tourbières de Grumesnil-les-Arbis, président le comte de Bouvigny, en démontrant l’incapacité financière dudit sieur, - une affaire superbe dont ce gredin de Dodart m’a exclu !...

  MUREL, à part : Ah ! voilà le motif de leur alliance !

  GRUCHET : Jusqu’à présent, vous n’en avez rien fait ; donc, c’est bien le moins, cette fois, que vous vous exécutiez ! Ce qu’on vous demande, d’ailleurs, n’est pas tellement difficile...

  JULIEN : N’importe ! Je refuse.

  MUREL : Julien, vous oubliez qu’aux termes de notre engagement...

  JULIEN : Oui, je sais ! Vous m’avez pris pour faire des découpures dans les autres feuilles, écrire toutes les histoires de chiens perdus, noyades, incendies, accidents quelconques, et rapetisser à la mesure de l’esprit local les articles des confrères parisiens, en style plat ; c’est une exigence, chaque métaphore enlève un abonnement. Je dois aller aux informations, écouter les réclamations, recevoir toutes les visites, exécuter un travail de forçat, mener une vie d’idiot, et n’avoir, en quoi que ce soit, jamais d’initiative ! Eh bien, une fois par hasard, je demande grâce !

  MUREL : Tant pis pour vous !

  GRUCHET : Alors il ne fallait pas prendre cette place !

  JULIEN : Si j’en avais une autre !

  GRUCHET : Quand on n’a pas de quoi vivre, c’est pourtant bien joli !

  JULIEN, s’éloignant : Ah ! la misère !

  MUREL : Laissons-le bouder ! Asseyons-nous, pour que j’écrive votre profession de foi.

  GRUCHET : Très volontiers (Ils s’assoient)

  JULIEN, un peu remonté au fond : Comme je m’enfuirais à la grâce de Dieu, n’importe où, si tu n’étais pas là, mon pauvre amour. (Regardant la maison de Rousselin) Oh ! je ne veux pas que dans ta maison, aucune douleur, fût-ce la moindre, survienne à cause de moi ! Que les murs qui t’abritent soient bénis ! Mais... sous les acacias, il me semble.. qu’une robe ?... Disparue ! Plus rien ! Adieu ! (Il s’éloigne)

  GRUCHET, le rappelant : Restez donc ; nous avons quelque chose à vous montrer !

  JULIEN : Ah ! j’en ai assez de vos sales besognes ! (Il sort)

  MUREL, tendant le papier à Gruchet : Qu’en pensez-vous ?

  GRUCHET : C’est très bien ; merci !... Cependant...

  MUREL : Qu’avez-vous ?

  GRUCHET : Rousselin m’inquiète !

  MUREL : Un homme sans conséquence !

  GRUCHET : Eh ! vous ne savez pas de quoi il est capable - au fond ! Et puis, le jeune Duprat ne m’a pas l’air extrêmement chaud.

  MUREL : Son entêtement à ménager Rousselin doit avoir une cause.

  GRUCHET : Eh ! il est amoureux de Louise !

  MUREL : Qui vous l’a dit ?

  GRUCHET : Rousselin lui-même !

  MUREL, à part : Un autre rival ! Bah ! j’en ai roulé des plus solides ! (Haut) Ecoutez-moi ; je vais le rejoindre pour le catéchiser ; vous, pendant ce temps-là, faites imprimer la profession de foi ; voyez tous nos amis, et trouvez-vous ici dans deux heures.

  GRUCHET : Convenu ! (Il sort)

  MUREL : Et maintenant, M. Rousselin, c’est vous qui m’offrirez votre fille. (Il sort

  (3)

  ACTE DEUX

  Le théâtre représente une promenade sous les quinconces A gauche, au deuxième plan, le Café Français ; A droite, la grille de la maison de Rousselin. Au lever du rideau, un colleur est en train de coller trois affiches sur les murs de la maison de Rousselin.

  Scène I : Heurtelot, Marchais, le garde champêtre, la foule.

  LE GARDE CHAMPETRE, à la foule : Circulez ! circulez ! laissez toute la place aux proclamations !

  LA FOULE : Trop juste !

  HEURTELOT : Ah ! la profession de foi de Bouvigny !

  MARCHAIS : Parbleu, puisqu’il sera nommé !

  HEURTELOT : C’est Gruchet qui sera nommé ! Lisez plutôt son affiche !

  MARCHAIS : Que je la lise !

  HEURTELOT : Oui !

  MARCHAIS : Commencez vous-même ! (A part) Il ne connait pas ses lettres ! (Haut) Eh bien ?

  HEURTELOT : Mais vous ?

  MARCHAIS : Moi ?

  HEURTELOT, à part : Il ne sait pas épeler ! (Haut) Allons...

  LE GARDE CHAMPETRE : Et ça vote ! - Tenez, je vais m’y mettre pour vous ! D’abord, celle du comte de Bouvigny : “Mes amis, cédant à de vives instances, j’ai cru devoir me présenter à vos suffrages...”

  HEURTELOT : Connu ! A l’autre ! Celle de Gruchet !

  LE GARDE CHAMPETRE : “Citoyens, c’est pour obéir à la volonté de quelques amis que je me présente...”

  MARCHAIS : Quel farceur ! assez !

  LE GARDE CHAMPETRE : Alors je passe à celle de M. Rousselin ! “Mes chers compatriotes, si plusieurs d’entre vous ne m’en avaient vivement sollicité, je n’oserais...”

  HEURTELOT : Il nous embête ! je vais déchirer son affiche !

  MARCHAIS : Moi aussi, car c’est une trahison !

  LE GARDE CHAMPETRE, s’interposant : Vous n’en avez pas le droit !

  MARCHAIS : Comment, pour soutenir l’ordre !

  HEURTELOT : Eh bien, et la liberté ?

  LE GARDE CHAMPETRE : Laissez les papiers tranquilles, ou je vous flanque au violon tous les deux !

  HEURTELOT : Voilà bien le Gouvernement ! Il est à nous vexer, toujours !

  MARCHAIS : On ne peut rien faire !

  Scène II : les mêmes, Murel, Gruchet

  MUREL, à Heurtelot : Fidèle au poste ! c’est bien ! Prenez-les tous ; faites les boire !

  HEURTELOT : Oh ! là-dessus !...

  MUREL, aux électeurs : Entrez ! et pas de cérémonie ! J’ai donné des ordres ; c’est Gruchet qui régale !

  GRUCHET : Jusqu’à un certain point, cependant !

  MUREL, à Gruchet :Allez donc !

  LES ELECTEURS : Ah ! Gruchet ! un bon ! u
n solide ! un patriote ! (Ils entrent tous dans le café)

  Scène III : Murel, Miss Arabelle

  MUREL, se dirigeant vers la grille de la maison Rousselin : Il faut pourtant que je tâche de voir Louise !

  MISS ARABELLE, sortant de la grille : Je voudrais vous parler, Monsieur.

  MUREL : Tant mieux, miss Arabelle ! Et Louise, dites-moi, n’est-elle pas ?...

  MISS ARABELLE : Mais vous étiez avec quelqu’un ?

  MUREL : Oui.

  MISS ARABELLE : M. Julien, je crois ?

  MUREL : Non, Gruchet.

  MISS ARABELLE : Gruchet ! Ah, un bien mauvais homme ! C’est vilain, sa candidature !

  MUREL : En quoi, miss Arabelle ?

  MISS ARABELLE : M. Rousselin lui a prêté, autrefois, une somme qui n’est pas rendue. J’ai vu le papier.

  MUREL, à part : C’est donc pour cela que Gruchet a peur !

  MISS ARABELLE : Mais M. Rousselin, par délicatesse, gentlemanry, ne voudra pas poursuivre ! Il est bien bon ! seulement bizarre quelquefois ! Ainsi sa colère contre M. Julien...

  MUREL : Et Louise, miss Arabelle ?

  MISS ARABELLE : Oh ! quand elle a su votre mariage impossible, elle a pleuré, beaucoup.

  MUREL, joyeux : Vraiment ?

  MISS ARABELLE : Oui ; et, pauvre petite ! Mme Rousselin est bien dure pour elle !

  MUREL : Et son père ?

  MISS ARABELLE : Il a été très fâché !

  MUREL : Est-ce qu’il regrette ?

  MISS ARABELLE : Oh non ! Mais il a peur de vous.

  MUREL : Je l’espère bien !

  MISS ARABELLE : A cause des ouvriers et de l’Impartial, où il dit que vous êtes le maître !

  MUREL, riant : Ah ! ah !

  MISS ARABELLE : Mais non, n’est-ce pas, c’est M. Julien ?

  MUREL : Continuez, miss Arabelle.

  MISS ARABELLE : Oh ! moi, je suis bien triste, bien triste ! et je voudrais un raccommodement.

  MUREL : Cela me parait maintenant difficile !

  MISS ARABELLE : Oh ! non ! M. Rousselin en a envie, j’en suis sûre ! Tâchez ! Je vous en prie !

  MUREL, à part : Est-elle drôle !

  MISS ARABELLE : C’est dans votre intérêt, à cause de Louise ! Il faut que tout le monde soit content : elle, vous, moi, M. Julien !

  MUREL, à part : Encore Julien ! Ah ! que je suis bête ; c’était pour l’institutrice ; une muse et un poète, parfait ! (Haut) je ferai ce qui dépendra de moi. Au revoir, Mademoiselle !

  MISS ARABELLE, saluant : Good Afternoon, sir ! (Apercevant une vieille femme qui lui fait signe de venir) Ah ! Félicité ! (Elle sort avec elle)

  Scène IV : Murel, Rousselin

  ROUSSELIN, entrant : C’est inouï, ma parole d’honneur !

  MUREL, à part : Rousselin, à nous deux !

  ROUSSELIN : Gruchet ! un Gruchet, qui veut me couper l’herbe sous le pied ! un misérable que j’ai défendu, nourri ; et il se vante d’être soutenu par vous ?

  MUREL : Mais...

  ROUSSELIN : D’où diable lui est venue cette idée de candidature ?

  MUREL : Je n’en sais rien. Il est tombé chez moi comme un furieux, en disant que j’allais abjurer mes opinions.

  ROUSSELIN : C’est parce que je suis modéré ! Je proteste également contre les tempêtes de la démagogie que souhaite ce polisson de Gruchet, et le joug de l’absolutisme, dont M. Bouvigny est l’abominable soutien, le gothique symbole ! en un mot, - fidèle aux traditions du vieil esprit français, - je demande, avant tout, le règne des lois, le gouvernement du pays par le pays, avec le respect de la propriété Oh ! là-dessus, par exemple !...

  MUREL : Justement ! on ne vous trouve pas assez républicain !

  ROUSSELIN : Je le suis plus que Gruchet, encore une fois ! car je me prononce, - voulez-vous que l’imprime ? - pour la suppression des douanes et de l’octroi.

  MUREL : Bravo !

  ROUSSELIN : Je demande l’affranchissement des pouvoirs municipaux, une meilleure composition du jury, la liberté de la presse, l’abolition de toutes les sinécures et titres nobiliaires !

  MUREL : Très bien !

  ROUSSELIN : Et l’application sérieuse du suffrage universel ! Cela vous étonne ? Je suis comme ça, moi ! Notre nouveau préfet qui soutient la réaction, je lui ai écrit trois lettres, en manière d’avertissement ! Oui, Monsieur ! E je suis capable de le braver en face, de l’insulter ! Vous pouvez dire ça aux ouvriers !

  MUREL, à part : Est-ce qu’il parlerait sérieusement ?

  ROUSSELIN : Vous voyez donc qu’en me préférant Gruchet... car, je vous le répète, il se vante d’être soutenu par vous. Il le crie dans toute la ville.

  MUREL : Que savez-vous si je vote pour lui ?

  ROUSSELIN : Comment ?

  MUREL : Moi, en politique, je ne tiens qu’aux idées ; or, les siennes ne m’ont pas l’air d’être aussi progressives que les vôtres. Un moment ! Tout n’est pas fini !

  ROUSSELIN : Non ! tout n’est pas fini ! et on ne sait pas jusqu’où je peux aller, pour plaire aux électeurs. Aussi, je m’étonne d’avoir été méconnu par une intelligence comme la vôtre.

  MUREL : Vous me comblez !

  ROUSSELIN : Je ne doute pas de votre avenir !

  MUREL : Eh bien, alors, dans ce cas-là...

  ROUSSELIN : Quoi ?

  MUREL : Pour répondre à votre confiance, - j’ai un petit aveu à vous faire : - en écoutant Gruchet, c’était après ce refus, et j’ai cédé à un mouvement de rancune.

  ROUSSELIN : Tant mieux ! ça prouve du coeur.

  MUREL : Comme j’adore votre fille, je vous maudissais.

  ROUSSELIN : Ce cher ami ! Ah ! votre défection m’a fait une peine !

  MUREL : Sérieusement, si je ne l’ai pas, j’en mourrai.

  ROUSSELIN : Il ne faut pas mourir !

  MUREL : Vous me donnez de l’espoir ?

  ROUSSELIN : Eh ! eh ! Après mûr examen, votre position personnelle me paraît plus avantageuse...

  MUREL, étonné : Plus avantageuse ?

  ROUSSELIN : Oui, car sans compter trente mille francs d’appointements...

  MUREL, timidement : Vingt mille !

  ROUSSELIN : Trente mille ! en plus, une part dans les bénéfices de la Compagnie ; et puis vous avez votre tante...

  MUREL : Madame veuve Murel, de Montélimar.

  ROUSSELIN : Puisque vous êtes son héritier.

  MUREL : Avec un autre neveu, militaire !

  ROUSSELIN : Alors, il y a des chances... (Faisant le geste de tirer un coup de fusil) Les Bédouins ! (Il rit)

  MUREL, riant : Oui, oui, vous avez raison ! Les femmes, même les vieilles, changent d’idée facilement ; celle-là est capricieuse. Bref ! cher monsieur Rousselin, j’ai tout lieu de croire que ma bonne tante songe à moi, quelquefois.

  ROUSSELIN, à part : Si c’était vrai, cependant ? (Haut) Enfin, mon cher, trouvez-vous ce soir, après dîner, là, devant ma porte, sans avoir l’air de me chercher. (Il sort)

  Scène V : Murel, seul

  MUREL : Un rendez-vous pour ce soir ! Mais c’est une avance, une espèce de consentement ; Arabelle disait vrai.

  Scène VI : Murel, Gruchet, puis Hombourg, puis Félicité

  GRUCHET : Me voilà ! je n’ai pas perdu de temps ! Quoi de neuf ? - Répondez-moi.

  MUREL : Gruchet, avez-vous réfléchi à l’affaire dans laquelle vous vous embarquez ?

  GRUCHET : Hein ?

  MUREL : Ce n’est pas une petite besogne que d’être député.

  GRUCHET : Je le crois bien !

  MUREL : Vous allez avoir sur le dos tous les quémandeurs.

  GRUCHET : Oh ! moi, mon bon, je suis habitué à éconduire les gens.

  MUREL : N’importe, ils vous dérangeront de vos affaires énormément.

  GRUCHET : Jamais de la vie !

  MUREL : Et puis, il va falloir habiter Paris. C’est une dépense.

  GRUCHET : Eh bien, j’habiterai Paris ! ce sera une dépense, voilà !

  MUREL : Franchement, je n’y vois pas de gr
ands avantages.

  GRUCHET : Libre à vous !... moi j’en vois.

  MUREL : Vous pouvez d’ailleurs échouer.

  GRUCHET : Comment ? vous savez quelque chose ?

  MUREL : Rien de grave ! Cependant Rousselin, eh ! eh ! il gagne dans l’opinion.

  GRUCHET : Tantôt vous disiez que c’est un imbécile.

  MUREL : Ça n’empêche pas de réussir.

  GRUCHET : Alors, vous me conseillez de me démettre ?

  MUREL : Non ! Mais il est toujours fâcheux d’avoir contre soi un homme de l’importance de Rousselin.

  GRUCHET : Son im-por-tan-ce !

  MUREL : Il a beaucoup d’amis, ses manières sont cordiales, enfin, il plaît ; et tout en ménageant les conservateurs, il pose pour le républicain ;

  GRUCHET : On le connaît !

  MUREL : Ah ! si vous comptez sur le bon sens du public...

  GRUCHET : Mais pourquoi tenez-vous à me décourager, quand tout marche comme sur des roulettes ? Ecoutez-moi : Primo, sans qu’on s’en doute le moins du monde, je saurai par Félicité, ma bonne, tout ce qui se passe chez lui.

  MUREL : Ce n’est peut-être pas trop délicat, ce que vous faites.

  GRUCHET : Pourquoi ?

  MUREL : Ni même prudent ; car on dit que vous lui avez autrefois emprunté...

  GRUCHET : On le dit ? eh bien...

  MUREL : Il faudrait d’abord lui rendre la somme.

  GRUCHET : Pour cela, il faudrait d’abord que vous me rendiez ce qui m’est dû, vous ! Soyons justes !

  MUREL : Ah ! devant les preuves de mon dévouement, et à l’instant même où je vous gratifie d’un excellent conseil, voilà ce que vous imaginez ! Mais, sans moi, mon bonhomme, jamais de la vie vous ne seriez élu ; je m’éreinte, bien que je n’aie aucun intérêt...

  GRUCHET : Qui sait ? Ou plutôt je n’y comprends goutte ; tout à tour, vous me poussez, vous m’arrêtez ! Ce que je dois à Rousselin ? Les autres aussi feront des réclamations ! On n’est pas inépuisables. Il faudrait pourtant que je rentre dans mes avances ! Et la note du café, qui va être terrible, - car ces farceurs-là boivent, boivent ! - Si vous croyez que je n’y pense pas ! C’est un gouffre qu’une candidature ! (A Hombourg, qui entre) Hombourg ! quoi encore !

  HOMBOURG : Le bourgeois est il là ?

  GRUCHET : Je n’en sais rien !

 

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