by Jean M. Auel
Non loin du premier, elle avisa un deuxième mammouth, puis d’autres encore, et deux petits chevaux, peints presque entièrement en noir. Là encore, une ligne définissant la silhouette d’un cheval était gravée dans le calcaire, mise en évidence par un trait noir. A l’intérieur de la ligne, les chevaux étaient peints en noir et, comme pour les autres représentations, les détails leur donnaient une réalité stupéfiante.
Ayla remarqua aussi des peintures sur la paroi droite du couloir, certaines tournées vers l’extérieur, d’autres vers l’intérieur. Les mammouths prédominaient, au point de donner l’impression d’un troupeau. A l’aide des mots pour compter, Ayla en dénombra au moins dix sur les deux côtés. Comme elle continuait à descendre le couloir sombre en jetant un coup d’œil aux peintures, elle fut arrêtait par une scène saisissante : deux rennes se faisaient face sur la paroi gauche.
Le premier, tourné vers la sortie, était un mâle peint en noir. Les formes de l’animal étaient magnifiquement rendues, entre autres la ramure, suggérée par des traits incurvés plutôt que reproduite dans tous ses détails. Il avait la tête baissée et, à l’étonnement d’Ayla, léchait tendrement le front d’une femelle. A la différence de la majorité des cervidés, chez le renne, la femelle avait aussi des bois et, sur le dessin comme dans la vie, les siens étaient plus petits. Elle était peinte en rouge et pliait un peu les genoux pour se prêter à la douce caresse.
Cette scène qui révélait un sens authentique de la tendresse et de l’affection lui fit penser à son propre couple. Ayla n’avait jamais imaginé que des animaux puissent être amoureux, mais ces deux-là semblaient l’être. Elle avait presque les larmes aux yeux tant elle était émue. Les acolytes lui laissèrent le temps de regarder. Ils comprenaient sa réaction : eux aussi étaient touchés par cette scène exquise.
Jondalar s’était arrêté également pour admirer les rennes.
— Elle est nouvelle, celle-là, dit-il. Je pensais qu’il y avait un mammouth à cet endroit.
— Il y en avait un, confirma le jeune acolyte fermant la marche. En examinant la femelle, on discerne encore une partie du mammouth au-dessous.
— C’est Jonokol qui les a peints, dit la femme. Jondalar et Ayla se tournèrent vers l’artiste avec un respect nouveau.
— Je comprends maintenant pourquoi tu es acolyte de Zelandoni, lui dit Jondalar. Tu as des Dons exceptionnels. Jonokol hocha la tête pour accepter le compliment.
— Nous avons tous nos Dons. Je crois savoir que tu es un remarquable tailleur de silex. Je suis impatient de voir ton travail. En fait, j’ai en tête un outil que je voudrais faire fabriquer, mais je n’arrive pas à expliquer ce que je veux aux tailleurs. J’espère que Dalanar viendra à la Réunion d’Été pour que je puisse lui soumettre mon idée.
— Il a l’intention de venir, mais je suis prêt à essayer de la réaliser, si tu veux. J’aime les défis.
— Nous pourrions peut-être en parler demain, proposa l’acolyte.
— Je peux te demander quelque chose, Jonokol ? dit Ayla.
— Bien sûr.
— Pourquoi as-tu peint les rennes par-dessus le mammouth ?
— Parce que ce mur, cet endroit m’ont incité à le faire. C’était là que je devais les peindre. Ils étaient dans la roche, ils voulaient en sortir.
— C’est un mur spécial, il conduit à l’au-delà, dit la femme. Quand la Première chante ici, ou qu’on joue de la flûte, ce mur répond. Il fait écho, il résonne. Quelquefois, il nous dit ce qu’il attend de nous.
— Toutes ces parois ont demandé à quelqu’un de peindre sur elles ? dit Ayla.
— C’est une des raisons pour lesquelles cette « profonde » est si sacrée. La plupart des murs te parlent si tu sais écouter ; ils te conduisent en certains lieux si tu es prêt à partir.
— Personne ne m’avait jamais dit cela, intervint Jondalar. Pas de cette façon, en tout cas. Pourquoi nous expliques-tu tout cela maintenant ?
— Parce que tu devras écouter, et peut-être passer de l’autre côté si tu veux aider la Première à trouver l’élan de ton frère, répondit la femme. Elle marqua une pause puis ajouta :
— Les Zelandonia essaient depuis quelque temps de comprendre pourquoi Jonokol a eu l’inspiration de peindre ces animaux à cet endroit. Je commence à en avoir une idée.
La femme adressa au couple un sourire énigmatique puis se retourna pour pénétrer plus profondément dans la grotte.
— Attends, dit Ayla à la femme en lui touchant le bras pour la retenir. Je ne sais même pas comment tu t’appelles.
— Mon nom n’est pas important. Quand je deviendrai Zelandoni, j’y renoncerai, de toute façon. Je suis acolyte du Zelandoni de la Deuxième Caverne.
— Alors, je pourrais t’appeler Acolyte de la Deuxième, proposa Ayla.
— Oui, quoique le Zelandoni de la Deuxième ait plus d’un acolyte. Les deux autres ne sont pas ici, ils sont déjà partis préparer la Réunion d’Été.
— Alors peut-être Première Acolyte de la Deuxième ?
— Si tu veux.
— Et toi, comment dois-je t’appeler ? demanda Ayla au jeune homme qui fermait la marche.
— Je ne suis acolyte que depuis la dernière Réunion d’Été et, comme Jonokol, je fais encore usage de mon nom la plupart du temps. Je devrais peut-être me présenter. (Il tendit les deux mains.) Je suis Mikolan, de la Quatorzième Caverne des Zelandonii, Deuxième Acolyte du Zelandoni de la Quatorzième Caverne. Et je te souhaite la bienvenue.
Ayla prit les mains du jeune homme dans les siennes.
— Je suis Ayla des Mamutoï, membre du Camp du Lion, Fille du Foyer du Mammouth, Choisie par l’Esprit du Lion des Cavernes, Protégée par l’Ours des Cavernes, Amie des chevaux Whinney et Rapide, ainsi que de Loup le chasseur.
— Je crois me rappeler qu’un peuple de l’Est donne à sa Zelandonia le nom de Foyer du Mammouth, dit la femme acolyte.
— Tu as raison, acquiesça Jondalar. Ce sont les Mamutoï. Ayla et moi avons vécu chez eux un an, mais je suis surpris que vous ayez entendu parler d’eux. Ils vivent loin d’ici.
— Si tu es Fille du Foyer du Mammouth, cela explique certaines choses, dit-elle à Ayla. Tu fais partie de la Zelandonia !
— Non. Le Mamut m’a adoptée au sein du Foyer du Mammouth. Je n’ai pas été appelée mais il commençait à m’apprendre certaines choses juste avant que je parte avec Jondalar.
La femme sourit.
— Tu n’aurais pas été adoptée si tu n’avais pas été destinée à l’être. Je suis sûre que tu seras appelée.
— Je ne crois pas que j’en aie envie.
— Ça, peut-être, convint la Première Acolyte de la Deuxième.
La femme se retourna et continua à les conduire au cœur des Rochers de la Fontaine. Devant eux, ils aperçurent une lueur qui leur parut devenir presque vive à leur approche. Leurs yeux s’étaient habitués à l’obscurité de la grotte, et toute lumière un peu forte leur semblait éblouissante. Le couloir s’élargit et Ayla vit plusieurs personnes attendant dans une grande salle. Lorsqu’elle fut plus près, elle reconnut des hommes et des femmes qu’elle avait rencontrés et constata que, à l’exception de Jondalar et d’elle-même, tous faisaient partie de la Zelandonia.
La doniate obèse de la Neuvième Caverne se leva du siège qu’on avait apporté pour elle et dit en souriant :
— Nous vous attendions.
Elle leur donna à tous deux l’accolade, tout en respectant une certaine distance, et Ayla comprit que c’était une salutation rituelle qu’on échangeait en public avec des proches.
L’un des autres Zelandonia adressa un signe de tête à Ayla, qui répondit de même manière à l’homme de frêle stature en qui elle reconnut le Zelandoni de la Onzième Caverne, celui qui l’avait impressionnée par sa poignée de main vigoureuse et son assurance. Un homme plus âgé lui sourit, et elle rendit son sourire au Zelandoni de la Troisième Caverne, qui l’avait soutenue quand elle essayait d’aider Shevonar.
Un petit feu
brûlait sur des pierres qu’on avait apportées à cette fin et qui seraient remportées quand tout le monde partirait. Une outre à demi pleine reposait sur le sol, près d’un bol en bois de bonne taille, rempli d’eau fumante. A l’aide de pinces en bois courbé, une jeune femme acolyte tira deux pierres à cuire des flammes. Un panache de vapeur s’éleva quand les pierres brûlantes touchèrent l’eau. Quand elle se redressa, Ayla reconnut Mejera et lui sourit.
Celle Qui Était la Première y ajouta quelque chose qu’elle puisa dans une poche. Elle prépare une décoction, et non pas une simple infusion, pensa Ayla. Des racines ou de l’écorce, sans doute, quelque chose de fort. Quand la jeune femme remit des pierres, la vapeur dégagea cette fois un puissant arôme. Ayla reconnut facilement la menthe, mais il s’y mêlait d’autres odeurs qu’elle tenta d’identifier, en soupçonnant que la menthe ne servait qu’à masquer un goût moins agréable.
Deux Zelandonia étendirent une épaisse couverture de cuir sur le sol humide et rocailleux, près du siège que la Première avait occupé.
— Ayla, Jondalar, approchez donc et installez-vous, suggéra l’imposante doniate. J’ai quelque chose à vous faire boire.
Mejera apporta trois coupes en déclarant :
— Ce n’est pas encore prêt.
— Ayla a apprécié les peintures du couloir, dit Jonokol. Je pense qu’elle aimerait en voir d’autres. Cela lui plairait plus que de rester assise en attendant.
— Oui, j’aimerais beaucoup, se hâta de confirmer Ayla.
Elle se sentait soudain assez inquiète à la perspective d’avaler une décoction inconnue qui devait l’aider, elle le savait, à trouver l’autre monde. L’expérience qu’elle avait eue de breuvages semblables n’avait pas été spécialement agréable.
Zelandoni observa l’étrangère. Elle connaissait assez Jonokol pour savoir qu’il n’aurait pas fait cette suggestion sans une bonne raison. Il avait dû remarquer le désarroi et la nervosité de la jeune femme.
— Bien sûr, Jonokol, approuva-t-elle. Charge-toi de les lui montrer.
— J’aimerais les accompagner, dit Jondalar, qui ne se sentait pas très serein lui-même. Et la porteuse de lampe pourrait venir avec nous.
— Oui, bien sûr, acquiesça la Première Acolyte de la Deuxième Caverne, récupérant la lampe qu’elle avait posée avec les autres près du feu. Il faut que je la rallume.
— Il y a un travail remarquable sur la paroi derrière les Zelandonia, mais je ne veux pas les déranger, dit Jonokol. Je vais vous faire voir quelque chose d’intéressant dans cette galerie.
Il les conduisit dans un embranchement du couloir principal, sur la droite. Tout de suite à gauche, il s’arrêta devant un autre panneau représentant un renne et un cheval.
— Tu les as peints, eux aussi ? demanda Ayla.
— Non, c’est celle auprès de qui j’ai appris. Elle était Zelandoni de la Deuxième Caverne, avant la sœur de Kimeran. C’était un peintre extraordinaire.
— Elle était bonne, mais je crois que l’élève a dépassé le maître, estima Jondalar.
— Pour les Zelandonia, ce n’est pas la qualité qui compte le plus, encore qu’elle soit appréciée. Ces peintures ne sont pas là uniquement pour être regardées, vous savez, précisa la Première Acolyte de la Deuxième Caverne.
— J’en suis persuadé, dit Jondalar avec un sourire malicieux, mais pour ma part, je préfère regarder. Je ne suis pas très pressé de prendre part à cette... cérémonie. Je suis d’accord, naturellement, et je pense que ce sera peut-être intéressant, mais d’une manière générale je laisse volontiers cette expérience aux Zelandonia.
L’aveu fit sourire Jonokol.
— Tu n’es pas le seul dans ce cas. La plupart des gens préfèrent rester solidement accrochés à ce monde. Venez, que je vous montre autre chose avant que nous soyons obligés d’être plus sérieux.
L’artiste acolyte les mena à une autre partie de l’embranchement, où un nombre inhabituel de stalactites et de stalagmites s’étaient formées, ta paroi était couverte de concrétions calcaires sur lesquelles étaient peints deux chevaux, et cette incorporation du relief donnait l’impression d’un long pelage d’hiver. L’animal de l’arrière se cabrait d’une manière suggestive.
— Ils ont l’air vivants, murmura Ayla, qui avait vu des chevaux se comporter de cette façon.
— Quand les garçons voient cette peinture pour la première fois, ils disent toujours que celui de derrière « se cabre pour les Plaisirs », commenta Jondalar.
— C’est une interprétation, admit la femme acolyte. Cela pourrait être un mâle tentant de monter la femelle qui est devant, mais je crois que la scène est volontairement ambiguë.
— C’est ton maître qui les a peints ? demanda Ayla à Jonokol.
— Non. Je ne sais pas qui l’a fait. Personne ne sait. Ils ont été peints il y a très longtemps, à la même époque que les mammouths. Par les ancêtres, dit-on.
— Je veux te montrer quelque chose, Ayla, fit la femme.
— Tu vas lui montrer la vulve ? dit le peintre d’un ton un peu surpris. Ce n’est pas l’usage, pour une première visite.
— Je sais, mais nous pouvons faire une exception pour elle.
La femme acolyte conduisit le groupe à un endroit proche des chevaux. Elle s’arrêta, baissa sa lampe pour éclairer une formation rocheuse singulière.
Au premier coup d’œil, Ayla vit une surface rehaussée de rouge, mais ce ne fut qu’après un examen attentif qu’elle comprit de quoi il s’agissait, et peut-être uniquement parce qu’elle avait aidé plus d’une femme à enfanter. Hasard ou expression d’une volonté, la roche avait pris la forme exacte d’un organe sexuel féminin. Les plis, la dépression qui marquait l’entrée du vagin, tout y était. On avait juste ajouté la couleur rouge pour le mettre en évidence.
— C’est une femme ! s’écria Ayla, ébahie. C’est exactement comme une femme ! Je n’ai jamais rien vu de tel.
— Tu comprends maintenant pourquoi cette grotte est sacrée ? La Mère Elle-Même a fait cela pour nous. C’est la preuve que cette caverne est bien l’Entrée du Giron de la Mère, conclut la femme acolyte.
— Tu l’avais déjà vue, Jondalar ?
— Une fois seulement. Zelandoni me l’a montrée. C’est extraordinaire. Un artiste comme Jonokol regarde une paroi, discerne la forme qu’elle contient et l’amène à la surface pour que tous puissent la voir. Mais là, la roche était telle quelle. La couleur ne sert qu’à la rendre plus visible.
— Il y a un autre endroit que je veux vous faire voir, dit Jonokol.
Ils retournèrent sur leurs pas et, quand ils furent parvenus à la salle où tout le monde attendait, le peintre tourna à droite d’un pas vif pour reprendre le couloir principal, qui se terminait par un espace circulaire dont les parois présentaient des creux, des surfaces concaves. A certains de ces endroits, on avait peint des mammouths, de manière à créer une illusion d’optique. L’œil ne voyait pas une dépression mais le renflement caractéristique d’une panse. Ayla dut regarder de plus près puis toucher la roche pour se convaincre qu’elle était concave et non convexe, que c’était un creux et non une bosse.
— Remarquable ! s’exclama-t-elle. Ils sont peints pour donner l’impression d’être le contraire de ce qu’ils sont !
— Ils sont nouveaux ? questionna Jondalar. Je ne me souviens pas de les avoir vus. C’est toi qui les as peints, Jonokol ?
— Non, mais je suis sûr que vous rencontrerez la femme qui l’a fait.
— Tout le monde la trouve exceptionnelle, assura la femme acolyte. Comme Jonokol, bien sûr. Nous sommes heureux d’avoir deux artistes aussi talentueux.
— Il y a encore quelques petites choses un peu plus loin, dit le peintre en regardant Ayla. Un rhinocéros laineux, un lion des cavernes, un cheval gravé, mais le couloir est très resserré et difficile à atteindre. Une série de traits marque la fin.
— Ils doivent être prêts, là-bas. Nous devrions y retourner, suggéra la femme.
E
n faisant demi-tour, Ayla leva les yeux vers la paroi de droite, en face de l’espèce de sanctuaire orné de mammouths, et avança de quelques pas dans le couloir. Un étrange malaise s’empara d’elle. Elle l’avait déjà éprouvé, elle craignait de savoir ce qui allait suivre. La première fois, c’était quand elle avait bu le breuvage préparé avec des racines pour les Mog-ur. Iza lui avait dit que ce liquide était trop sacré pour qu’on le gaspille et qu’elle n’était donc pas autorisée à s’entraîner.
Ayla était déjà étourdie d’avoir mâché les racines pour les attendrir et avalé d’autres potions pendant cette nuit de cérémonie. Découvrant qu’il restait un peu de liquide dans le vieux bol, elle l’avait bu par souci de ne rien gaspiller. Le puissant breuvage avait eu sur elle un effet dévastateur. En pleine confusion, elle avait suivi la lueur des torches dans les profondeurs de la grotte, et, quand elle avait découvert Creb et les autres Mog-ur, il était trop tard pour rebrousser chemin.
Après cette nuit-là, Creb avait changé, et Ayla n’avait plus été la même, elle non plus. Elle avait commencé à faire des rêves mystérieux, à avoir des visions énigmatiques qui la transportaient en d’autres lieux et servaient parfois à la mettre en garde. Elles étaient devenues plus fréquentes et plus fortes pendant leur Voyage.
Maintenant qu’elle fixait la paroi du couloir, la roche solide lui sembla soudain si mince qu’elle eut l’impression de pouvoir regarder au travers ou la pénétrer avec les yeux. Au lieu d’une surface dure reflétant la petite flamme de la lampe, elle voyait une masse molle, profonde et noire. Elle se trouvait dans cet espace indéfini et menaçant, elle n’arrivait pas à s’en extirper. Elle se sentait à bout de forces, elle avait mal au plus profond d’elle-même. Tout à coup, Loup apparut. Il courait dans l’herbe haute, il filait vers elle pour la retrouver.
— Ayla ? Ça va ? s’inquiéta Jondalar. Ayla ?
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— Ayla ! cria Jondalar.
— Qu’est-ce que... Oh, Jondalar ! J’ai vu Loup, murmura-t-elle, clignant des yeux, secouant la tête pour tenter de dissiper son pressentiment.