— C'était Edward, poursuivit-elle sans relever. Il croit que tu es morte.
Mon cerveau se remit en marche. Ce n'étaient pas là les mots que j'avais eu peur d'entendre, et le soulagement m'éclaircissait les idées.
— Rosalie lui a annoncé que je m'étais suicidée, c'est ça ? soupirai-je en me détendant.
— Oui. Pour sa défense, elle le croyait aussi. Ils font beaucoup trop confiance à mes visions, bien qu'elles ne fonctionnent pas très bien. Mais penser qu'elle a osé le chercher partout afin de lui balancer la nouvelle ! Elle ne se rendait pas compte que... elle se moquait...
Horrifiée, elle se tut.
— Et lorsque Edward a téléphoné ici, il a pensé que Jake parlait de mon enterrement.
Savoir que j'avais été à deux doigts de l'entendre était douloureux. J'enfonçai mes ongles dans le bras de Jacob, qui ne broncha pas.
— Ça ne te bouleverse pas ? s'étonna doucement Alice.
— Disons que c'est un malentendu agaçant, mais tout finira par s'arranger. La prochaine fois qu'il appellera, quelqu'un lui apprendra ce... qui...
Je m'interrompis — le regard d'Alice avait étranglé les mots dans ma gorge. Pourquoi paraissait-elle aussi affolée ? Pourquoi son visage était-il tordu par l'horreur et la compassion ? Que venait-elle de dire à Rosalie, au téléphone ? Quelque chose à propos de ce qu'elle avait vu... et une allusion aux regrets de sa sœur. Or, Rosalie n'éprouverait jamais de remords à mon égard, quoi qu'il pût m'arriver. En revanche, avoir blessé sa famille, son frère...
— Bella, murmura Alice, Edward ne rappellera pas. Il l'a crue.
« Et alors ? » répondis-je avec les lèvres, car j'étais hors d'état de m'exprimer à voix haute tant j'étouffais.
— Il s'apprête à partir en Italie, précisa-t-elle.
Il ne me fallut qu'un battement de cils pour comprendre ce que cela impliquait. Le ténor d'Edward résonna dans ma tête, et ce n'était plus la parfaite imitation de mes hallucinations auditives, juste les pauvres intonations qu'était capable de produire ma mémoire. Les mots cependant furent suffisants pour déchirer ma poitrine et la laisser de nouveau béante. Des mots d'une autre époque, celle où j'avais été prête à parier tout ce que je possédais (ou pourrais emprunter) qu'il m'aimait. « Il était évident que je ne comptais pas vivre sans toi ! m'avait-il révélé tandis que nous regardions mourir Roméo et Juliette, dans cette même pièce. Mon seul problème, c'était la façon dont j'allais m'y prendre... Inutile d'espérer l'aide d'Emmett ou de Jasper... Alors, j'ai songé à me rendre en Italie pour provoquer les Volturi... On n'irrite pas les Volturi... Sauf à souhaiter mourir... »
Sauf à souhaiter mourir...
— NON !
Mon cri retentit si fort, après la discussion à voix basse qui avait précédé, que nous tressaillîmes tous les trois. Le sang me monta au visage quand je saisis quelle vision avait eue Alice.
— Non ! Non, non, non ! Il n'a pas le droit !
— Il a pris sa décision dès que ton ami a confirmé qu'il était trop tard pour te sauver.
— Mais... c'est lui qui m'a quittée ! Il ne voulait plus de moi. Quelle différence cela fait-il, maintenant ? Il savait bien que je finirais par mourir un jour !
— À mon avis, il n'a jamais envisagé de te survivre très longtemps.
— Quel culot ! piaillai-je.
Je m'étais levée, et Jacob m'imita, essayant de se glisser entre Alice et moi.
— Oh, tire-toi de mon chemin, Jake ! m'impatientai-je en repoussant son corps agité de soubresauts. Que faut-il que nous fassions ? ajoutai-je à l'intention d'Alice. Il y a forcément une solution. Pourrions-nous le contacter ? Ou Carlisle ?
— Ça a été mon premier réflexe. Edward a abandonné son mobile dans une poubelle de Rio, c'est quelqu'un d'autre qui a décroché.
— Mais tu as dit que nous n'avions pas de temps à perdre. À quoi songeais-tu ?
— Bella... je... je ne suis pas certaine que je puisse te demander ça.
— Si !
Elle plaça ses mains sur mes épaules pour m'empêcher de tourner en rond.
— Il est peut-être déjà trop tard, reprit-elle. Je l'ai vu aller chez les Volturi... et leur demander de mourir.
Je fus soudain aveuglée par des larmes que j'essuyai vivement.
— Tout dépend du moyen qu'ils choisiront, enchaîna-t-elle. Je ne verrai rien tant qu'ils n'auront pas arrêté leur décision. S'ils refusent, et c'est encore possible car Aro adore Carlisle et ne désire sans doute pas l'offenser, Edward a un plan B. Ils sont très protecteurs envers leur ville. Donc Edward compte se rendre coupable d'un acte susceptible d'en troubler la paix, espérant ainsi les obliger à réagir. Il a raison, ils tenteront sûrement de l'en empêcher.
Je la fusillai du regard, frustrée. Pour l'instant, elle ne m'avait donné aucune raison qui expliquât pourquoi nous étions encore ici.
— S'ils acquiescent à sa demande, enchaîna-t-elle, nous arriverons trop tard. S'ils refusent et qu'il met en pratique son projet, nous arriverons trop tard aussi. Sauf s'il cède à ses tendances théâtrales... ça devrait nous donner un peu de répit.
— Alors, fonçons !
— Écoute, Bella ! Que nous soyons là-bas à temps ou non, nous allons nous retrouver au cœur du territoire des Volturi. S'il réussit, je serai considérée comme sa complice. Toi, tu seras une humaine qui non seulement en sait trop, mais une qui sent trop bon aussi. Il y a de très fortes chances pour qu'ils nous éliminent tous les trois, même si pour toi ce sera moins une punition qu'un dîner fin.
— Et c'est pour ça que nous traînons ? m'écriai-je, ahurie. Si tu as la frousse, j'irai seule, ajoutai-je en comptant mentalement l'argent qu'il me restait et en me demandant si elle serait d'accord pour me prêter ce qui manquerait.
— Je n'ai peur que d'une chose, c'est que tu sois tuée.
— Je manque de mourir quasi quotidiennement, répliquai-je. Et maintenant, dis-moi ce que je dois faire !
— Tu vas écrire un mot à Charlie pendant que je joins les compagnies aériennes.
— Charlie !
Si ma présence ne le protégeait en rien, je ne pouvais décemment pas le laisser seul pour affronter...
— Je veillerai sur lui, gronda Jacob, furibond. Et tant pis pour ce traité !
Je levai les yeux sur lui ; il se renfrogna en découvrant mon air paniqué.
— Dépêche, Bella ! me lança Alice.
Je courus dans la cuisine, ouvrant les tiroirs à la volée et les renversant par terre pour y trouver un stylo. Une main brune et lisse m'en tendit un.
— Merci, marmottai-je en retirant le bouchon avec mes dents.
Sans mot dire, il me donna également le calepin sur lequel nous notions les messages téléphoniques. J'arrachai la première page et la balançai sur le sol. Papa, écrivis-je, je suis avec Alice. Edward a des ennuis. Tu me puniras à mon retour. Je sais que ce n'est pas le bon moment. Désolée. Je t'aime tant. Bella.
— Ne pars pas ! me chuchota Jacob.
Toute trace de fureur l'avait déserté, maintenant qu'Alice n'était plus en vue. Il était exclu que je perde une seule minute à me disputer avec lui.
— S'il te plaît, je t'en supplie, prends soin de Charlie.
Je filai dans le salon. Alice m'y attendait, son sac sur l'épaule.
— Prends ton portefeuille, tu auras besoin d'une pièce d'identité. Et ne me dis pas que tu n'as pas de passeport. Je n'ai absolument pas le temps de t'en fabriquer un faux.
Hochant la tête, je grimpai les marches quatre à quatre, genoux tremblants. Par bonheur, ma mère avait désiré se marier avec Phil sur une plage mexicaine. Comme tous ses projets, celui-là avait naturellement échoué. Pas avant que je me sois occupée de toutes les démarches administratives, cependant.
Je déboulai dans ma chambre, où je fourrai mon passeport, un T-shirt et un pantalon de survêtement propres de même que ma brosse à dents au fond d'un sac à dos, puis je regagnai le rez-de-chaussée à toute vitesse. L'impression de déjà-vu était
presque suffocante, à ce stade. Au moins, contrairement à la dernière fois, quand je m'étais sauvée pour fuir des vampires assoiffés, pas pour me jeter dans leurs bras, je n'aurais à faire d'adieux à personne.
Jacob et Alice étaient figés dans une espèce de confrontation sur le seuil de la maison, si loin l'un de l'autre qu'on aurait pu croire qu'ils discutaient au premier abord. Ni lui ni elle ne parut prendre conscience de mon retour, pourtant bruyant. Jacob était en pleine accusation.
— Vous savez peut-être vous contrôler à l'occasion, mais les sangsues auxquelles tu la conduis...
— C'est ça, espèce d'animal ! Les Volturi sont l'essence même de notre espèce. C'est à cause d'eux que tes poils se dressent quand tu me sens. Ils sont la substance de tes cauchemars, la peur qui se dissimule derrière tes instincts. Je ne suis pas complètement folle, va !
— Et tu la leur apportes comme une bouteille de bon vin à une fête ? rugit-il.
— Tu estimes qu'il vaudrait mieux pour elle que je l'abandonne ici pendant que Victoria la traque ?
— Nous sommes capables de lui régler son compte.
— Alors pourquoi ne l'avez-vous pas encore fait ?
Jacob gronda, et un frisson agita sa poitrine.
— Arrêtez ! hurlai-je, furieuse. Vous réglerez ça à notre retour. Allons-y !
Alice fila à sa voiture avec une telle rapidité qu'elle en devint invisible. Je lui emboîtai le pas, m'arrêtant mécaniquement pour verrouiller la porte. Jacob posa une main frémissante sur mon bras.
— Je t'en prie, Bella, je t'en supplie.
Ses yeux noirs brillaient de larmes. Une boule se forma dans ma gorge.
— Jake, il faut que...
— Non. Tu n'es pas obligée. Tu pourrais rester ici avec moi. Tu pourrais rester vivante. Pour Charlie. Pour moi.
Le moteur de la Mercedes gronda quand Alice appuya impatiemment sur l'accélérateur. Je secouai la tête. Quand je me dégageai de son emprise, Jake ne fit rien pour m'en empêcher.
— Ne meurs pas, Bella, balbutia-t-il. Ne pars pas. Ne pars pas.
Le reverrais-je jamais ? Cette pensée m'arracha un sanglot, et je l'enlaçai violemment, trop brièvement néanmoins, enfouissant mon visage humide contre son torse. Sa grande paume se posa sur ma nuque, comme pour me retenir.
— Au revoir, Jake.
J'ôtai sa main de mon cou, l'embrassai.
— Désolée, ajoutai-je sans réussir à affronter ses prunelles.
Tournant les talons, je courus jusqu'à la voiture. La portière passager était déjà ouverte. Je jetai mon sac sur la banquette arrière et m'installai sur mon siège en la claquant derrière moi. « Prends soin de Charlie ! » voulus-je crier à Jacob, mais il avait déjà disparu. Alice mit les gaz et, les pneus crissant sur l'asphalte en émettant un hurlement d'humain, fit demi-tour. J'eus le temps de repérer un objet blanc près de la lisière. Un morceau de chaussure.
19
LA COURSE
Nous attrapâmes notre vol de justesse, puis la vraie torture commença. L'avion patientait sur le tarmac, cependant que les hôtesses arpentaient (d'une démarche bien trop nonchalante à mon goût) les allées et s'assuraient que les sacs rentraient bien dans les compartiments à bagages. Dans l'embrasure du cockpit, les pilotes bavardaient avec elles dès qu'ils en avaient l'opportunité. Alice me tenait par le coude d'une poigne de fer, tandis que je bondissais anxieusement sur mon siège.
— C'est quand même plus rapide que courir, me rappela-t-elle à voix basse.
Je me bornai à acquiescer sans cesser de trépigner.
Enfin, l'appareil s'éloigna paresseusement du couloir d'embarquement et prit de la vitesse avec une persistance qui ne fit qu'accroître mon angoisse. Si j'espérais un quelconque soulagement au décollage, j'en fus pour mes frais — mon impatience ne diminua en rien.
Alice s'empara du téléphone accroché au siège devant elle avant même la fin de notre ascension et tourna le dos à l'hôtesse qui la toisait avec désapprobation. Cette dernière n'osa cependant venir protester — quelque chose dans mon expression l'arrêta sans doute. Je m'efforçai de ne pas écouter la conversation qu'Alice avait avec Jasper, mais des bribes de mots me parvinrent malgré moi.
— Je n'en suis pas sûre, je n'arrête pas de voir différentes choses, ce qui signifie qu'il passe son temps à changer d'avis... une série de meurtres dans la ville, s'en prendre à la garde, soulever une voiture au-dessus de sa tête sur la place principale... tous types d'actions qui l'exposeraient. Il sait que la meilleure façon d'obtenir une réaction... non, c'est impossible, dit-elle soudain en baissant le ton au point que je n'entendis plus rien, bien que je fusse à côté d'elle. (Par esprit de contradiction, je tendis l'oreille.) Dis à Emmett que non... Eh bien, rattrape Emmett et Rosalie et retiens-les... Réfléchis deux minutes, Jasper. S'il aperçoit l'un de nous, comment crois-tu qu'il réagira ? Exactement (Elle hocha la tête.) Pour moi, Bella est notre seule chance... s'il y en a une... Je ferai le maximum, mais débrouille-toi pour préparer Carlisle : les dieux ne sont pas avec nous.
Elle s'interrompit soudain pour rire, et sa voix se fêla.
— J'y ai pensé, reprit-elle. Oui, je te le promets... Ne me suis pas, je t'en prie. Je te le jure, Jasper. D'une façon ou d'une autre, je m'en sortirai... je t'aime.
Elle raccrocha, se renfonça dans son fauteuil et ferma les yeux.
— Je déteste avoir à lui mentir, soupira-t-elle.
— Je ne comprends pas. Raconte-moi. Pourquoi as-tu demandé à Jasper d'arrêter Emmett ? Pourquoi ne peuvent-ils pas venir nous aider ?
— Pour deux raisons, chuchota-t-elle en gardant les paupières closes. La première, je la lui ai dite. Il serait envisageable d'essayer quelque chose par nous-mêmes. Si Emmett mettait la main sur lui, nous réussirions sans doute à le retenir assez longtemps pour lui prouver que tu es toujours vivante. Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de surprendre Edward. S'il devine que nous arrivons, il agira d'autant plus vite. Il balancera une Buick dans un mur, ou un truc de ce genre-là, et les Volturi le réduiront en bouillie. Et ça, c'est bien sûr la deuxième raison, celle que je ne pouvais décemment confier à Jasper. Parce que si les Cullen sont là-bas, et que les Volturi tuent Edward, ce sera la guerre.
Brusquement, elle rouvrit les yeux et m'observa d'un air implorant.
— S'il existait la moindre chance que nous l'emportions, continua-t-elle, ça aurait sans doute été différent. Mais nous ne vaincrons pas, Bella. Et je refuse de perdre Jasper de cette façon.
Je compris alors pourquoi elle me suppliait presque. Elle protégeait Jasper à nos dépens, et à ceux d'Edward également, peut-être. Forcément, cette attitude trouvait des échos en moi. J'acquiesçai, afin de lui montrer que je ne lui en voulais pas.
— Edward ne t'aura-t-il pas entendue ? observai-je cependant. Il devrait être au courant que je suis vivante, s'il a espionné ton esprit. À quoi bon tout ça, alors ?
Ce qui ne justifiait en rien l'attitude d'Edward. J'étais toujours aussi ébahie qu'il ait réagi aussi violemment. C'était insensé ! Je me rappelai avec une douloureuse clarté les mots qu'il avait prononcés sur le canapé en regardant Roméo et Juliette se tuer l'un après l'autre. « Il était évident que je ne comptais pas vivre sans toi », avait-il dit comme si c'était une évidence. Hélas, les paroles qu'il m'avait assenées dans les bois le jour où il m'avait quittée les avait occultés durablement.
— Oui, acquiesça-t-elle, pour peu qu'il m'espionne. Mais, crois-le ou non, il est possible de mentir par la pensée. Quand bien même tu serais morte, je m'efforcerais de l'arrêter en ne cessant de t'imaginer vivante, ce qu'il sait d'ailleurs.
Je retins un gémissement.
— Si j'avais un moyen d'agir sans t'impliquer, Bella, je ne te mettrais pas en danger comme ça. C'est très mal de ma part.
— Ne dis pas de bêtises. Je devrais être le cadet de tes soucis. Explique-moi plutôt ce que tu entendais à propos de détester mentir à Jasper.
— Je lui ai juré que je m'en irais avant qu'ils m
e tuent également, marmonna-t-elle avec un pauvre sourire. C'est un serment sur lequel je n'ai aucune garantie.
Elle souleva un sourcil, comme pour m'inciter à prendre plus au sérieux le danger qu'impliquait notre mission.
— Qui sont ces Volturi ? En quoi sont-ils beaucoup plus menaçants qu'Emmett, Jasper, Rosalie et toi ?
J'avais en effet du mal à envisager plus effrayant que la fratrie Cullen. Alice respira profondément puis, soudain, jeta un regard noir derrière moi. Je me retournai à temps pour constater que mon voisin faisait mine de ne pas nous écouter. C'était un homme d'affaires en complet sombre et cravate, un ordinateur sur les genoux. Je lui lançai un regard irrité, et c'est avec ostentation qu'il ouvrit son portable et mit le casque sur sa tête. Je me rapprochai aussi d'Alice qui me chuchota toute l'histoire dans le conduit de l'oreille.
— J'ai été surprise que tu connaisses ce nom. Que tu saisisses tout de suite ce que ma mention de l'Italie signifiait. Je craignais devoir tout t'expliquer. Que t'a confié Edward ?
— Juste qu'il s'agissait d'un clan vieux et puissant, genre famille royale. Et qu'on ne provoquait pas leur hostilité à moins de rechercher... la mort.
— Il faut que tu comprennes. Nous, les Cullen, sommes uniques de bien plus de manières que tu le croies. Il est... anormal que nous vivions en paix alors que nous sommes aussi nombreux. C'est pareil pour Tanya et les siens, et Carlisle en a conclu que l'abstinence nous rendait plus civilisés, plus enclins à nouer des liens reposant sur l'amour plutôt que sur l'instinct de survie ou la commodité. Même la meute de James était vaste, selon nos critères, et tu as constaté avec quelle facilité Laurent s'en était détaché. En règle générale, notre espèce préfère la solitude, au mieux le couple. À ma connaissance, la famille qu'a fondée Carlisle est à ce jour la plus grande qui soit, à une exception près — les Volturi. À l'origine, ils étaient trois : Aro, Caïus et Marcus.
— J'ai vu leur portrait sur une peinture du bureau de Carlisle, marmonnai-je.
— Deux femmes se sont jointes à eux au cours des siècles, et à eux cinq, ils ont formé ce clan. Sans pouvoir l'affirmer, je soupçonne que c'est leur âge qui leur donne cette capacité à coexister en paix. Ils ont largement dépassé les trois mille ans. Ou alors, leur tolérance leur vient de leurs dons. Comme Edward et moi, Aro et Marcus sont... doués. Nonobstant, cette aptitude à se supporter pourrait aussi reposer sur leur amour commun du pouvoir. Dynastie est le mot qui s'impose, les concernant.
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