Surrealist, Lover, Resistant
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Do you like the fresh air?
Do you like the great wind?
LE LOUP
Le loup n’a plus les dents longues
au temps des aubépines
Les yeux lueurs de brasier
Éclatantes étoiles
Figures de lac et de torrent
Neige forêt
Et sur tout cela comme dans les images
La zébrure d’un ruisseau de sang
Un traîneau fuyant au loin vers les forêts
La voix d’une petite fille
Loup y es-tu n’y es-tu pas
au temps des aubépines
au temps des pommes de pin.
THE WOLF
The wolf no longer has long teeth
In the time of hawthorns
Brazier-glow eyes
Flashing stars
Forms of lake and torrent
Snow forest
And on all of that as in images
The zebra-stripe of a stream of blood
A sleigh fleeing far off to the forests
The voice of a little girl
Wolf are you there aren’t you there
In the time of hawthorns
In the time of pinecones.
MOURIR
Pour mourir sans regret il faut être si lasse
Pour mourir sans regret des désirs oubliés
Pour mourir sans chagrin pour mourir sans pitié
Faut-il détruire aussi les mains les yeux les faces
Celles-là qui sont nées choisies parmi les races
avec un cœur violent par nul amour plié
avec des membres durs que rien ne peut lier
Savent chercher la mort parmi les tombes basses
Mais celles qui aimaient celles qui dans leurs bras
surent garder parfois dans la froideur des draps
L’amant ou le mari jusqu’à défier les ombres
Fermeront leurs deux yeux par une nuit sans feux
Et jetant leur amour comme un dernier enjeu
Connaîtront le repos creux comme les décombres.
DYING
To die without regret means being so soft
Regretting no desires that slipped away
To die with neither pity nor dismay
Must hands eyes faces all be written off
Those women born elect among the races
With heart so violent no love can fold
With limbs so hard no tying-down can hold
Know to seek death in the low burial-places
But those who loved who many times embraced
Lover or husband often mounting guard
In the cold bed-sheets to defy the shades
In fireless night shall close their two eyes shut
And throwing down their love like one last bet
Shall know repose as deep as tips of waste.
LE BEL APRÈS-MINUIT
Plus blanche que la neige et les cristaux de sel
La flore de la nuit épanouit ses pétales
Et grandit remplissant les espaces du ciel
Où tel cheval d’azur hennit rue et détale
Vers des prairies semées de récentes étoiles
à travers des moissons d’astres et de reflets
Du feu de quatre fers éclaboussant les voiles
Il plonge au plus profond des ténèbres de lait
Déroulant le ruban des cycles abolis
Les plus courts fléchissant au poids des crépuscules
Pour avoir de trop près soleils aux feux pâlis
approché ta rougeur de la Lyre et d’Hercule
Mais la lune à cette heure en robe de mariée
Traîne à ses talons blancs la nébuleuse et blanc
blanc comme le matin sur la mer pétrifiée
Le bélier de l’aurore apprête son élan
La comète à son front a mis ses étincelles
Belle négresse ô lune où vas-tu d’un pas lent
Retrouver ton époux aux yeux de mirabelle
Dont Vénus bassina le lit d’un corps galant
Champagnes ruisselez dans les constellations
Si les vins sont pareils aux étoiles liquides
Retrouvons ô Bourgogne en toi la création
Des monstres fabuleux de l’éther et du vide
Nous ferons apparaître en pressant les raisins
Mercure et Jupiter et le Cancer et l’Ourse
En dépit des flambeaux reflétés dans le vin
Et du soleil baigné dans la fraîcheur des sources
Toi bel après-minuit escorté de légendes
Entraîne encore un couple aux valses du désir
afin que le buveur lassé te redemande
D’emplir son verre avec le sang des souvenirs.
BEAUTIFUL AFTER-MIDNIGHT
Whiter than the snow or the crystals of salt
Flowers of night are spreading wide their petals
Growing in the sky to fill the spaces of the vault
Where a blue horse neighs, kicks, heads for meadows
And grasslands sown with newly minted stars
Through harvests of pinpoints and reflected light
Spattering the sails with its four horseshoes’ flares
Plunging in deepest shadows milky-white
Rolling out the ribbon of rhythms long since dead
The shortest buckling with the weight of day’s last fire
Suns paled and faded that went too near the red
Glow of the constellations Hercules and Lyre
Even now the moon who is robed as a bride
Drags in her white claws the misty one and white
White as the morning on ocean petrified
The ram of the dawn prepares his dashing flight
The comet is wearing its sparklers on its brows
You moon black and beautiful moving slow ahead
Where do you meet your golden-plum-eyed spouse?
With a splendid body Venus warmed his bed
You champagnes go streaming through the constellations
If wines are similar to liquid stars
Then Burgundy in you let’s recover the creation
Of fairytale monsters, the ether, empty spheres.
Cancer and the Bear, Mercury and Jupiter,
As we press the vintage we shall make them shine
Never mind the sun bathed in fresh spring-water
Never mind the torches reflected in the wine
Beautiful after-midnight with the legends in your train
Draw another couple to the waltzes of desire
Till the weary drinker shall ask you once again
To fill up his glass with blood of memory’s fire!
LA ROSE AU BORD DE SEINE
La rose qui fleurit
aux berges de la Seine
Fleurit après minuit
sur les pelouses naines
Sur les pelouses naines
où danse le sommeil
où chantent les sirènes
Près Pontoise et Corbeil
Près Pontoise et Corbeil
à la pêche à la ligne
Près Thommery et Creil
où chantent les vieux cygnes
où chantent les vieux cygnes
où s’échouent les noyés
Si l’amour est indigne
et se fait monnayer
Et se fait monnayer
Là où fleurit la rose
Faudra bien la payer
Si l’on aime sans cause
Si l’on aime sans cause
Sans cause elle a fleuri
Elle a fleuri la rose
En Seine près Paris
En Seine près Paris
Flottez joyeux cadavres
Doux amants et maris
Jusqu’en rade du Havre
Jusqu’en rade du Havre
où s’arment les vapeurs
C’est l’amour qui vous navre
C’est la mort qui fait peur.
THE ROSE BY THE SEINE
There’s a rose that flowers
All along the Seine
In the wee small hours
On each tiny lawn
On each tiny lawn
Where the slumbers play
To the siren song
By Pontoise and Corbeil
By Pontoise and Corbeil
Fishing rods fishing lines
By Thommery and Creil
And the crooning swans
And the old swans crooning
Where the drowned go down
If love is demeaning
And cashed in for coin
And cashed in for coin
Where the rosebush flowers
You must pay for the rose
If you love without cause
If you love without cause
Without cause it flowers
The flowering rose
On the Seine by Paris
On the Seine by Paris
Float you blithe cadavers
Sweet husbands and lovers
To the wharves of Le Havre
To the wharves of Le Havre
Where the warships berth
You are wounded in love
And our fear is death.
PAS VU ÇA
Pas vu la comète
Pas vu la belle étoile
Pas vu tout ça
Pas vu la mer en flacon
Pas vu la montagne à l’envers
Pas vu tant que ça
Mais vu deux beaux yeux
Vu une belle bouche éclatante
Vu bien mieux que ça.
DIDN’T SEE THAT
Didn’t see the comet
Didn’t see the lovely star
Didn’t see all that
Didn’t see the sea in a bottle
Didn’t see the mountain inside-out
Didn’t see that much. But…
Saw two lovely eyes
Saw a lovely gorgeous mouth
Saw much better than that.
LE RÊVE DANS UNE CAVE
Tant de flacons étaient brisés dans cette cave
que l’odeur du vin bu par le sable montait
Comme un brouillard d’octobre au-dessus des vieux quais
Et les murs salpêtrés étaient jaunes de lave
L’araignée en filant sa toile balançait
son ventre de goulaffe enflé par ces fumées
ainsi qu’une frégate à l’heure où la marée
clapote et crève en l’ombre avec un bruit d’abcès
Belle frégate au nom fabuleux d’amoureuse
Ta sirène à la proue aux cheveux bien peignés
T’aurait-elle livrée aux crocs des araignées
que tu parus soudain dans la toile et nombreuses
Tes voiles que gonflaient d’infimes aquilons
Te poussaient toute blanche à l’assaut des ténèbres
noires comme une mer agitée et que zèbre
L’écume qui s’enroule au cou des tourbillons
Belle frégate blanche autant qu’une chemise
Par une lavandière oubliée dans un champ
Par une nuit sans astre et sur un fil séchant
Belle frégate vogue aux merveilles promises
Car on n’entend nul autre bruit dans ce cachot
que l’eau qui pleure au sein des conduites sonores
Et que le bruit des pas montant montant encore
D’un attardé qui rêve aux douceurs d’un lit chaud.
THE DREAM IN A CELLAR
So many bottles shattered in this cellar.
The wine-soaked sand gave off a rising smell,
Like fog above old quaysides in the fall,
And the saltpetred walls were lava-yellow.
The spider span its thread and poised its greedy
Paunch that these aromatics magnified,
Just as a ship does, when the clacking tide
Is popping like an abscess in the shadow.
Fine ship, that sleek-haired siren on your prow
(Your name in legend is a loving lady’s) –
Would she have left you in the jaws of spiders?
Abruptly you were in the web – and how
Crowding, and swelled by base north winds, your sails
Pushed you, white ship, to wrestle the tenebrous
Black of an angry sea whipped up to zebras
By foam that twists about the neck of squalls.
Fine ship, as white as any shirt a laundress
Left hanging on the line, abandoned careless,
Out in the meadow when the night was starless:
Set sail, fine ship, towards the promised wonders!
No sound inside the dungeon. Just that tread.
Water sobs on the bosom of the plumbing.
Someone, kept late, is climbing, climbing, coming,
Dreaming the sweetness of a well-warmed bed.
L’OISEAU MÉCANIQUE
L’oiseau tête brûlée
Qui chantait la nuit
Qui réveillait l’enfant
Qui perdait ses plumes dans l’encrier
L’oiseau pattes de 7 lieues
Qui cassait les assiettes
Qui dévastait les chapeaux
Qui revenait de Suresnes
L’oiseau l’oiseau mécanique
A perdu sa clef
Sa clef des champs
Sa clef de voûte
Voilà pourquoi il ne chante plus.
THE MECHANICAL BIRD
The burnt-head bird
That sang in the night
That woke up the child
That lost its quills in the ink
The bird with the 7-league feet
That broke the plates
That ruined the hats
Came back from Suresnes
The bird the mechanical bird
Has lost its key
The key of the fields
The key of the vault
That’s why it stopped singing.
LA CHANSON DU PETIT JOUR
La bague au doigt
que vous m’aviez donnée
Je ne sais si je dois
si je dois pardonner.
Dans la ville de Lille
Ils s’étaient séparés
Adieu! et par la ville
Tous deux étaient allés
Au labeur de la mine
Il noircissait ses mains
Du poussier pour l’angine
Du caillou pour la faim.
La bague au doigt
que vous m’aviez donnée
Je ne sais si je dois
si je dois pardonner.
Beaucoup souffraient pour elle
Elle avait de beaux yeux
Et qu’elle était donc belle
Avec ses blonds cheveux
Si belle que pour elle
Beaucoup aimaient pleurer
amour à la cruelle
Vous nous réunirez
La bague au doigt
que vous m’aviez donnée
Je ne sais si je dois
si je dois pardonner
Il est mort en Décembre
noirci par le charbon
<
br /> à l’heure où dans la chambre
auprès du feu fait bon
Il pourrit dans la terre
quelque part dans le nord
où l’on boit de la bière
Et tant pis pour les morts
La bague au doigt