Book Read Free

Surrealist, Lover, Resistant

Page 30

by Robert Desnos

Dawn breaks in the forest. All is orange!

  Except the birch-trunks marked with chalk.

  There, near that tree whose leaves grow old too early, I came across Diana in a natural posture not often described in poems.

  Her oval buttocks were outlined between disarranged underwear and the soft green-grey of grass

  On a nearby path echoed the step of a keeper

  He went past unseen.

  While Diana melted in daylight,

  like the crescent moon.

  At this spot in the forest there are fragments of a bottle

  An old book that rain and dew are rotting down to mould

  A bird’s feather

  A scrap of flint

  A footprint deeply etched in the ground

  And maybe someone will pass there, the day and hour that I die.

  O life, heady life

  Blinding and bountiful.

  CHANSON DE MONSIEUR DE CHARETTE

  Monsieur de Charette a dit

  À ceux de Charenton et de Vincennes

  C’est aujourd’hui Dimanche, hier était Samedi,

  La fuite des jours me fait de la peine.

  Monsieur de Charette a dit

  J’ai un nom à coucher dehors

  Et puis toujours derrière les fesses des chevaux

  Ça n’est pas propre, ça n’est pas beau.

  Monsieur de Charette a dit

  J’en ai assez de rouler dans le crottin,

  Moi qui appartiens au gratin

  Avec mes deux brancards et ma manivelle.

  Monsieur de Charette a dit

  Je suis d’un autre âge

  Comme les poètes Voiture et Ménage

  Qui sont maintenant au paradis.

  L’automobile m’a fait beaucoup de tort,

  Tous ces chauffeurs sont des butors

  Où est-il le temps des cochers?

  Il est tard, allons nous coucher.

  SONG OF MR CART

  Said Mr Cart

  To all at Carterton and at Crewe

  Incarcerated in fort or zoo

  Saturday yesterday Sunday today

  I hate the way days flitter away

  Said Mr Cart

  I’m noted for sleeping out of doors

  And being behind the back end of a horse

  Not clean not smart

  Said Mr Cart

  Said Mr Cart

  I’m tired of trundling in horse-manure

  With a pair of shafts and a handlebar

  I’m one of the smart set, someone apart

  Said Mr Cart

  Said Mr Cart

  I come from another age, I’m sure

  Like the poet Ménage and the poet Voiture

  Who went to heaven because of their art

  Said Mr Cart

  The horseless carriage has done me down

  Show me a chauffeur I’ll show you a clown

  When will the carter be cock of the town?

  It’s late he said

  It’s time for bed.

  APRÈS MOI

  D’une pluie une goutte,

  D’une goutte une poussière.

  De poussière en poussières

  Un grain de sable.

  D’un grain de sable un caillou.

  D’un caillou un coup de pied.

  Le coup de pied d’un voyageur

  Sur la route entre les montagnes.

  L’empreinte du pied s’efface dans la poussière.

  L’écho se perd de la chanson qu’il chantait.

  Un voyageur de moins sur la terre

  Toujours semblable à elle-même

  Ou si peu s’en faut!

  AFTER ME

  Drop of rain,

  Speck of a drop.

  Specks of dust

  Sandgrain.

  Sandgrain a pebble.

  Pebble a kick.

  Kick of a wayfarer

  On the mountain pass.

  Footprint erased in the dust.

  Fading echo of song he sang.

  One wayfarer the less on this earth

  Which stays just the same

  Or near enough!

  BONSOIR TOUT LE MONDE

  – Couché dans ton lit

  Entre tes draps,

  Comme une lettre dans son enveloppe,

  Tu t’imagines que tu pars

  Pour un long voyage.

  – Mais non, je n’imagine rien.

  Je suis pas né d’hier

  Je connais le sommeil et ses mystères

  Je connais la nuit et ses ténèbres

  Et je dors comme je vis.

  GOODNIGHT EVERYONE

  ‘Lying in bed

  Between your sheets,

  Like a letter in its envelope,

  You imagine you’re off

  On a long journey.’

  ‘No, I don’t imagine anything.

  I wasn’t born yesterday.

  I know sleep and its mysteries

  I know night and its shadows

  And I sleep as I live.’

  L’HOMME QUI A PERDU SON OMBRE

  – Où l’ai-je laissée dans quelle cave? dans quel puits?

  À quel carrefour du jour et de la nuit?

  Dans quelle caverne dans quelle cheminée de fumée et de suie?

  – Tu marchais peut-être dans les marais

  Au crépuscule ou bien parmi tes effets

  Défroque, uniforme aux galons défaits,

  (Quel souvenir de jugement et de dégradation!)

  Tu l’accrochas par distraction.

  – Mais pourquoi cela le gêne-t-il?

  L’ombre me paraît tellement inutile

  Il n’y a pas de quoi se faire de bile.

  – J’essaie de me souvenir

  Mais je n’en ai ni la puissance ni peut-être le désir.

  – Cherche au fond des rivières

  Où tu mirais encore hier

  Ton visage qui est ce que tu possèdes de plus cher.

  – Quoi? Ni cœur ni sexe ni diamant

  Ni l’ivresse du vin et celle des amants

  Ne lui paraissent plus précieux et plus charmants.

  – Non ce qui m’est le plus cher c’est mon ombre

  Qui m’accompagnait sans encombre

  Dans les rues bien pavées et les décombres.

  – Comme un chien tenu en laisse

  Ton ombre pleine de paresse

  Était lourde sans qu’il y paraisse.

  – Mon ombre était la caverne

  Où comme un œil dans son cerne

  Taureau de feu vendangeur sanglant hydre de Lerne

  Guettaient les rêves taciturnes araignées des citernes.

  – Eh bien? Si tu perdis la tienne

  Envolée par la fente des persiennes

  Sur un chemin de poussières aériennes

  Prends-en une autre sans honte ni gêne.

  – Voilà qu’il sort son couteau

  Et qu’il coupe comme un gâteau

  L’ombre immense d’un château.

  – De ton ombre s’envolent des ombres

  Et ton corps lui-même sombre

  Ombre parmi les ombres nombre parmi les nombres.

  – Je traîne après moi maintes forteresses

  Maints paysages de détresses

  Et le regret de ma jeunesse.

  – Il abomine le soleil et la lune

  Et il recherche sa fortune

  Dans l’eau putride des lagunes.

  – Voila qu’il jette aux orties

  Lundi mardi mercredi jeudi

  Vendredi samedi.

 
– Aujourd’hui c’est Dimanche

  C’est le soleil perçant les branches

  C’est le muguet c’est la pervenche.

  C’est l’oubli des vieux chagrins

  Au chapelet le dernier grain

  C’est le cheval sans mors ni frein.

  Ainsi que sur une image

  Mon corps se dresse sur les nuages

  Sans ombre et sans âge.

  Le vieux tombeau de nos ancêtres

  La flamme aux lueurs de salpêtre

  Autour de mes membres s’enchevêtre.

  Le vieux tombeau de mes pères

  Le vieux tombeau c’est la terre

  C’est la mer et c’est l’air.

  – Ton ombre tombe en ruine

  Et tout ton corps se déracine

  À l’envers et tombe dans les mines.

  – Qu’il disparaisse à jamais

  Celui que nulle ombre ne suivait

  Celui qui fut l’homme imparfait

  Car il faut à l’homme son ombre

  Au comptable il faut le nombre

  Au château les décombres.

  – Je renais baigné de lumière

  Je renais vivant sur la terre

  P1us féconde et plus prospère

  Mon ombre n’appartient pas au soleil

  Et la nuit pendant mon sommeil

  Mon ombre est là sur moi qui veille

  Lasse de suivre les contours

  De mon corps pendant le jour

  Et de traîner sur terre toujours

  Mon ombre enfin sort des limites

  Mon ombre enfin sort de son gîte

  Et va où son désir l’invite

  Mon ombre se confond avec la nuit

  Avec le charbon et la suie

  Et fume parce que je vis

  Mon ombre envahit la moitié du monde

  Et flotte avec les vents et les ondes

  Avec les fleuves et la mer qui gronde.

  – Son ombre est-elle douée de parole?

  Elle l’injurie et le console

  Et joue pour lui les plus beaux rôles.

  – Ton ombre elle est galonnée

  Mais elle a mis un faux nez

  Et chante un refrain suranné.

  – À la croisée des chemins

  Ton ombre t’a fait de la main

  Un adieu jusqu’à demain.

  – Jusqu’à toujours elle est partie

  Pour fonder parmi les orties

  Dans tes rêves une dynastie.

  – Il la retrouvera quand l’heure

  Sonnera où sans couleur

  Le corps qui meurt perd sa chaleur.

  – Mon ombre elle est là dans ma tête

  Bien enfoncée dans sa cachette

  Mon ombre est sourde aveugle et muette.

  – Je suis ton ombre du matin

  Celle du jour à son déclin

  Et de midi sur les jardins.

  – Elle est aussi l’ombre de nuit

  C’est elle qui tourne et le suit

  Quand le réverbère s’allume et luit.

  – Je suis environné d’ombres

  Car il est l’ombre de son ombre

  Un nombre parmi les nombres.

  – Le sang circule dans mes veines

  Je m’incarne et pleins d’oxygène

  Mes poumons respirent sans peine

  Je m’en vais parmi les vivants

  Je marche vers la lumière

  Et mon ombre n’est pas derrière:

  Comme il se doit elle est devant

  – J’entendais jadis une voix

  Elle se tait et dans les bois

  L’écho lui-même se tient coi

  – Tu te dissous et moi aussi

  Et notre mort sans autopsie

  Ne laissera pas trace ici

  – J’entends l’orchestre de la fête

  Les chants et les cris du travail

  Aucun obstacle ne m’arrête

  Libre et vivant dans ma conquête

  Car les muses sont illusoires

  Dont le cœur reste silencieux

  Ce n’est pas dans les ciboires

  Que le vin se boit le mieux

  La vie est au cœur de la vie

  Le sang qui chante sous la chair

  Dessine la géographie

  Du corps, du monde et du mystère

  Rapport de l’astre et de la terre

  Rassurant témoignage, aimable compagnon

  Ombre flexible et jamais solitaire

  C’est dans tes plis que nous dormirons.

  THE MAN WHO LOST HIS SHADOW

  “Where have I

  laid it by?

  Down what well or

  in what cellar?

  Was it where the nights and days

  cross their ways?

  In what cavern have I put it?

  In what fireplace, smoked and sooted?”

  “Walking in the twilit marsh,

  or among your own effects,

  unfrocked, stripped of epaulettes,

  (verdict and disgrace – what scars!)

  you with maladresse mistook,

  must have stuck it on a hook.”

  Surely, though, a shadow’s rather

  non-essential? What’s the bother?

  Why get into such a lather?

  “Can’t remember – cannot figure.

  No desire, and still less vigour.”

  “Search and drag the rivers where

  yesterday I saw you stare

  at your dear face, mirrored there.”

  What? Not heart nor sex nor sapphires,

  drunkenness of wine and lovers,

  seem more precious, charm him better.

  “More than all I loved my shadow,

  staunch companion, faithful Fido,

  on the pavement, in the gutter.”

  “What a weight, your shiftless shade!

  Like a dog that tugs a lead:

  quite deceptive, what it weighed!”

  “No, my shadow was the cavern.

  Eyeball-orb in orbit-haven,

  stubble-bull and bleeding Hydra,

  silent dreams, that spied a spider.”

  “Very well, if yours got lost,

  flitted through a slatted blind

  on a path of airy dust –

  take another, never mind!”

  This is when he takes his dirk,

  cuts the shadow, like a cake,

  from a castle, vast and dark.

  “From your shadow shadows gambol,

  and your frame itself shall stumble,

  just one number, one penumbra.”

  “Dragged behind me, fortresses,

  countrysides of miseries,

  sorrows of my tender years.”

  He detests the sun and moon,

  searches, hoping for a boon,

  each malodorous lagoon.

  In the nettles he has thrown

  all six weekdays one by one.

  Now it’s Sunday and the sun

  shines on periwinkle alley,

  parts the foliage, O sole

  mio, lily-of-the-valley.

  “It is old regrets forgot,

  bead of penance ultimate,

  horse with neither rein nor bit.

  Like an image my corsage

  rises up on a mirage,

  has no shadow, has no age.

  At our old ancestral tomb

  the saltpetre-tinted flame

  tangles closely with my frame.

  All my forebears, buried there!

  I
t is earth, that sepulchre,

  it is sea and it is air.”

  “Ruined shadow falling prone,

  all your body is undone,

  tumbling down a mineshaft, gone.”

 

‹ Prev