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T. S. Eliot the Poems, Volume 2

Page 12

by T. S. Eliot


  xvi you traffic not in a salt more strong than this, when at morning with omen of kingdoms and omen of dead waters swung high over the smokes of the world, the drums of exile waken on the marches

  xvii Eternity yawning on the sands.

  * * *

  xviii … In a single robe and pure, among you. For another year, among you. ‘My glory is upon the seas, my strength is amongst you!

  xix To our destiny promised this breath of other shores, and there beyond the seeds of time, the splendour of an age at its height on the beam of the scales …’

  xx Mathematics hung on the floes of salt! there at the sensitive point on my brow where the poem is formed, I inscribe this chant of all a people, the most rapt god-drunken,

  xxi drawing to our dockyards eternal keels!

  [Commentary II 140–41 · Textual History II 645–46]

  Qui n’a, louant la soif, bu l’eau des sables dans un casque,

  je lui fais peu crédit au commerce de l’âme …’ (Et le soleil n’est point nommé, mais sa puissance est parmi nous.)

  Hommes, gens de poussière et de toutes façons, gens de négoce et de loisir, gens des confins et gens d’ailleurs, ô gens de peu de poids dans la mémoire de ces lieux; gens des vallées et des plateaux et des plus hautes pentes de ce monde à l’échéance de nos rives; flaireurs de signes, de semences, et confesseurs de souffles en Ouest; suiveurs de pistes, de saisons, leveurs de campements dans le petit vent de l’aube; ô chercheurs de points d’eau sur l’écorce du monde; ô chercheurs, ô trouveurs de raisons pour s’en aller ailleurs,

  vous ne trafiquez pas d’un sel plus fort quand, au matin, dans un présage de royaumes et d’eaux mortes hautement suspendues sur les fumées du monde, les tambours de l’exil éveillent aux frontières

  l’éternité qui bâille sur les sables.

  * * *

  … En robe pure parmi vous. Pour une année encore parmi vous. ‘Ma gloire est sur les mers, ma force est parmi vous!

  A nos destins promis ce souffle d’autres rives et, portant au delà les semences du temps, l’éclat d’un siècle sur sa pointe au fléau des balances …’

  Mathématiques suspendues aux banquises du sel! Au point sensible de mon front où le poème s’établit, j’inscris ce chant de tout un peuple, le plus ivre,

  à nos chantiers tirant d’immortelles carènes!

  II

  Aux pays fréquentés sont les plus grands silences, aux pays fréquentés de criquets à midi.

  Je marche, vous marchez dans un pays de hautes pentes à mélisses, où l’on met à sécher la lessive des Grands.

  Nous enjambons la robe de la Reine, toute en dentelle avec deux bandes de couleur bise (oh! que l’acide corps de femme sait tacher une robe à l’endroit de l’aisselle!)

  Nous enjambons la robe de Sa fille, toute en dentelle avec deux bandes de couleur vive (ah! que la langue du lézard sait cueillir les fourmis à l’endroit de l’aisselle!)

  Et peut-être le jour ne s’écoule-t-il point qu’un même homme n’ait brûlé pour une femme et pour sa fille.

  Rire savant des morts, qu’on nous pèle ces fruits! … Eh quoi! n’est-il plus grâce au monde sous la rose sauvage?

  Il vient, de ce côté du monde, un grand mal violet sur les eaux. Le vent se lève. Vent de mer. Et la lessive

  part! comme un prêtre mis en pièces …

  II

  i In busy lands are the greatest silences, in busy lands with the locusts at noon.

  ii I tread, you tread in a land of high slopes clothed in balm, where the linen of the Great is exposed to dry.

  iii We step over the gown of the Queen, all of lace with two brown stripes (and how well the acid body of a woman can stain a gown at the armpit).

  iv We step over the gown of the Queen’s daughter, all of lace with two bright stripes (and how well the lizard’s tongue can catch ants at the armpit).

  v And perhaps the day does not pass but the same man may burn with desire for a woman and for her daughter.

  vi Knowing laugh of the dead, let this fruit be peeled for us! … How, under the wild rose is there no more grace to the world?

  vii Comes from this side of the world a great purple doom on the waters. Rises the wind, the sea-wind. And the linen exposed to dry

  viii scatters! like a priest torn in pieces …

  [Commentary II 141 · Textual History II 646]

  III

  A la moisson des orges l’homme sort. Je ne sais qui de fort a parlé sur mon toit. Et voici que ces Rois sont assis à ma porte. Et l’Ambassadeur mange à la table des Rois. (Qu’on les nourrisse de mon grain!) Le Vérificateur des poids et des mesures descend les fleuves emphatiques avec toute sorte de débris d’insectes

  et de fétus de paille dans la barbe.

  Va! nous nous étonnons de toi, Soleil! Tu nous as dit de tels mensonges! … Fauteur de troubles, de discordes! nourri d’insultes et d’esclandres, ô Frondeur! fais éclater l’amande de mon œil! Mon cœur a pépié de joie sous les magnificences de la chaux, l’oiseau chante: ‘ô vieillesse! …’, les fleuves sont sur leurs lits comme des cris de femmes et ce monde est plus beau

  qu’une peau de bélier peinte en rouge!

  Ha! plus ample l’histoire de ces feuillages à nos murs, et l’eau plus pure qu’en des songes, grâces, grâces lui soient rendues de n’être pas un songe! Mon âme est pleine de mensonge, comme la mer agile et forte sous la vocation de l’éloquence! L’odeur puissante m’environne. Et le doute s’élève sur la réalité des choses. Mais si un homme tient pour agréable sa tristesse, qu’on le produise dans le jour! et mon avis est qu’on le tue, sinon

  il y aura une sédition.

  Mieux dit: nous t’avisons, Rhéteur! de nos profits incalculables. Les mers fautives aux détroits n’ont point connu de juge plus étroit! Et l’homme enthousiasmé d’un vin, portant son cœur farouche et bourdonnant comme un gâteau de mouches noires, se prend à dire de ces choses: ‘… Roses, pourpre délice: la terre vaste à mon désir, et qui en posera les limites ce soir? … la violence au cœur du sage, et qui en posera les limites ce soir? …’ Et un tel, fils d’un tel, homme pauvre,

  vient au pouvoir des signes et des songes.

  ‘Tracez les routes où s’en aillent les gens de toute race, montrant cette couleur jaune du talon: les princes, les ministres, les capitaines aux voix amygdaliennes; ceux qui ont fait de grandes choses, et ceux qui voient en songe ceci ou cela … Le prêtre a déposé ses lois contre le goût des femmes pour les bêtes. Le grammairien choisit le lieu de ses disputes en plein air. Le tailleur pend à un vieil arbre un habit neuf d’un très beau velours. Et l’homme atteint de gonorrhée lave son linge dans l’eau pure. On fait brûler la selle du malingre et l’odeur en parvient au rameur sur son banc,

  elle lui est délectable.’

  A la moisson des orges l’homme sort. L’odeur puissante m’environne, et l’eau plus pure qu’en Jabal fait ce bruit d’un autre âge … Au plus long jour de l’année chauve, louant la terre sous l’herbage, je ne sais qui de fort a marché sur mes pas. Et des morts sous le sable et l’urine et le sel de la terre, voici qu’il en est fait comme de la bale dont le grain fut donné aux oiseaux. Et mon âme, mon âme veille a grand bruit aux portes de la mort—Mais dis au Prince qu’il se taise: à bout de lance parmi nous

  ce crâne de cheval!

  III

  i Man goes out at barley harvest. I know not what strong voice has been heard on my roof. And here at my door are seated these Kings. And the Ambassador eats at the table of the Kings. (Let them be fed on my grain!) The Assayer of Weights and Measures comes down the imposing rivers, with every sort of remains of dead insects

  ii and bits of straw in his beard.

  iii Come, we are amazed at you, Sun! You have told us such lies! … Instigator of strife and of discord! fed on insults and slanders, O Slinger! crack the nut of my eye! my heart twittered with joy under the splendour of the quicklime, the bird sings ‘O great age!’ the streams are in their beds l
ike the cries of women and this world has more beauty

  iv than a ram’s skin painted red!

  v Ha! ampler the story of the leaf shadows on our walls, and the water more pure than in any dream, thanks thanks be given it for being no dream! My soul is full of deceit like the agile strong sea under the vocation of eloquence! The strong smells encompass me. And doubt is cast on the reality of things. But if a man shall cherish his sorrow—let him be brought to light! and I say, let him be slain, otherwise

  vi there will be an uprising.

  vii Better said: we notify you, Rhetorician! of our profits beyond reckoning. The seas erring in their straits have not known a narrower judge! And man inspired by wine, who wears his heart savage and buzzing like a swarm of black flies, begins to say such words as these: ‘… Roses, purple delight; the earth stretched forth to my desire—and who shall set bounds thereunto, this evening? … violence in the heart of the sage, and who shall set bounds thereunto, this evening? …’ and upon such an one, son of such an one, a poor man,

  [Commentary II 141 · Textual History II 646]

  viii devolves the power of signs and visions.

  ix ‘Trace the roads whereon take their departure the folk of all races, showing the heel’s yellow colour: the princes, the ministers, the captains with tonsillar voices; those who have done great things, and those who see this or that in a vision…. The priest has laid down his laws against the depravities of women with beasts. The grammarian chooses a place in the open air for his arguments. On an old tree the tailor hangs a new garment of an admirable velvet. And the man tainted with gonorrhoea washes his linen in clean water. The saddle of the weakling is burnt and the smell reaches the rower on his bench,

  x it is sweet in his nostrils.’

  xi Man goes out at barley harvest. The strong smells encompass me, and the water more pure than that of Jabal makes sound of another age … On the longest day of the bald year, praising the earth under grass, I know not what being of strength has followed my pace. And the dead under the sand and the urine and the salt of the earth, it is done with these as with the husks whereof the grain was given to the fowls. And my soul, my soul keeps loud vigil at the portals of death—But say to the Prince to be still: on the point of a lance, amongst us,

  xii this horse’s skull!

  [Commentary II 141–42 · Textual History II 646]

  IV

  C’est là le train du monde et je n’ai que du bien à en dire— Fondation de la ville. Pierre et bronze. Des feux de ronces à l’aurore

  mirent à nu ces grandes

  pierres vertes et huileuses comme des fonds de temples, de latrines,

  et le navigateur en mer atteint de nos fumées vit que la terre, jusqu’au faîte, avait changé d’image (de grands écobuages vus du large et ces travaux de captation d’eaux vives en montagne).

  Ainsi la ville fut fondée et placée au matin sous les labiales d’un nom pur. Les campements s’annulent aux collines! Et nous qui sommes là sur les galeries de bois,

  tête nue et pieds nus dans la fraîcheur du monde,

  qu’avons-nous donc à rire, mais qu’avons-nous à rire, sur nos sièges, pour un débarquement de filles et de mules?

  et qu’est-ce à dire, depuis l’aube, de tout ce peuple sous les voiles?—Des arrivages de farines! … Et les vaisseaux plus hauts qu’Ilion sous le paon blanc du ciel, ayant franchi la barre, s’arrêtaient

  en ce point mort où flotte un âne mort. (Il s’agit d’arbitrer ce fleuve pâle, sans destin, d’une couleur de sauterelles écrasées dans leur sève.)

  Au grand bruit frais de l’autre rive, les forgerons sont maîtres de leurs feux! Les claquements du fouet déchargent aux rues neuves des tombereaux de malheurs inéclos. O mules, nos ténèbres sous le sabre de cuivre! quatre têtes rétives au nœud du poing font un vivant corymbe sur l’azur. Les fondateurs d’asiles s’arrêtent sous un arbre et les idées leur viennent pour le choix des terrains. Ils m’enseignent le sens et la destination des bâtiments: face honorée, face muette; les galeries de latérite, les vestibules de pierre noire et les piscines d’ombre claire pour bibliothèques; des constructions très fraîches pour les produits pharmaceutiques. Et puis s’en viennent les banquiers qui sifflent dans leurs clefs. Et déjà par les rues un homme chantait seul, de ceux qui peignent sur leur front le chiffre de leur Dieu. (Crépitements d’insectes à jamais dans ce quartier aux détritus!) … Et ce n’est point le lieu de vous conter nos alliances avec les gens de l’autre rive; l’eau offerte dans les outres, les prestations de cavalerie pour les travaux du port et les princes payés en monnaie de poissons. (Un enfant triste comme la mort des singes— sœur aînée d’une grande beauté—nous offrait une caille dans un soulier de satin rose.)

  … Solitude! l’œuf bleu que pond un grand oiseau de mer, et les baies au matin tout encombrées de citrons d’or!—C’était hier! L’oiseau s’en fut!

  Demain les fêtes, les clameurs, les avenues plantées d’arbres à gousses et les services de voierie emportant à l’aurore de grands morceaux de palmes mortes, débris d’ailes géantes … Demain les fêtes,

  les élections de magistrats du port, les vocalises aux banlieues et, sous les tièdes couvaisons d’orage,

  la ville jaune, casquée d’ombre, avec ses caleçons de filles aux fenêtres.

  * * *

  … A la troisième lunaison, ceux qui veillaient aux crêtes des collines replièrent leurs toiles. On fit brûler un corps de femme dans les sables. Et un homme s’avança à l’entrée du Désert—profession de son père: marchand de flacons.

  IV

  i Such is the way of the world and I have nothing but good to say of it.—Foundation of the City. Stone and bronze. Thorn fires at dawn

  ii bared these great

  iii green stones, and viscid like the bases of temples, of latrines,

  iv and the mariner at sea whom our smoke reached saw that the earth to the summit had changed its form (great tracts of burnt-over land seen afar and these operations of channelling the living waters on the mountains).

  v Thus was the City founded and placed in the morning under the labials of a clear sounding name. The encampments are razed from the hills! And we who are there in the wooden galleries,

  vi head bare and foot bare in the freshness of the world,

  vii what have we to laugh at, but what have we to laugh at, as we sit, for a disembarkation of girls and mules?

  viii and what is there to say, since the dawn, of all this people under sail?—Arrivals of grain! … And the ships taller than Ilion under the white peacock of the sky, having crossed the bar, hove to

  ix in this deadwater where floats a dead ass. (We must ordain the fate of this pale meaningless river, colour of grasshoppers crushed in their sap.)

  [Commentary II 142 · Textual History II 646]

  x In the great fresh noise of the yonder bank, the blacksmiths are masters of their fires! The cracking of whips in the new streets unloads whole wainsful of unhatched evils. O mules, our shadows under the copper sword! four restive heads knotted to the fist make a living cluster against the blue. The founders of asylums meet beneath a tree and find their ideas for the choice of situations. They teach me the meaning and the purpose of the buildings: front adorned, back blind; the galleries of laterite, the vestibules of black stone and the pools of clear shadow for libraries; cool places for wares of the druggist. And then come the bankers blowing into their keys. And already in the streets a man sang alone, one of those who paint on their brow the cipher of their god. (Perpetual crackling of insects in this quarter of vacant lots and rubbish.) … And this is no time to tell you, no time to reckon our alliances with the people of the other shore; water presented in skins, commandeering of cavalry for the dockworks and princes paid in currency of fish. (A child sorrowful as the death of apes—one that had an elder sister of great beauty—offered us a quail in a slipper of rose-coloured satin.)

  xi … Solitude! the blue egg laid by a great sea-bird, and the bays at
morning all littered with gold lemons!—Yesterday it was! The bird made off!

  xii Tomorrow the festivals and tumults, the avenues planted with podded trees, and the dustmen at dawn bearing away huge pieces of dead palmtrees, fragments of giant wings … Tomorrow the festivals,

  xiii the election of harbour-masters, the voices practising in the suburbs and, under the moist incubation of storms,

  xiv the yellow town, casque’d in shade, with the girls’ waist cloths hanging at the windows.

  * * *

  xv … At the third lunation, those who kept watch on the hilltops folded their canvas. The body of a woman was burnt in the sands. And a man strode forth at the threshold of the desert—profession of his father: dealer in scent-bottles.

  [Commentary II 142 · Textual History II 646]

  V

  Pour mon âme mêlée aux affaires lointaines, cent feux de villes avivés par l’aboiement des chiens …

  Solitude! nos partisans extravagants nous vantaient nos façons, mais nos pensées déjà campaient sous d’autres murs:

  ‘Je n’ai dit à personne d’attendre … Je vous hais tous avec douceur … Et qu’est-ce à dire de ce chant que vous tirez de nous? …’

  Duc d’un peuple d’images à conduire aux Mers Mortes, où trouver l’eau nocturne qui lavera nos yeux?

  Solitude! … Des compagnies d’étoiles passent au bord du monde, s’annexant aux cuisines un astre domestique.

 

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