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T. S. Eliot the Poems, Volume 2

Page 13

by T. S. Eliot


  Les Rois Confédérés du ciel mènent la guerre sur mon toit et, maîtres des hauteurs, y établissent leurs bivacs.

  Que j’aille seul avec les souffles de la nuit, parmi les Princes pamphlétaires, parmi les chutes de Biélides! …

  Ame jointe en silence au bitume des Mortes! cousues d’aiguilles nos paupières! louée l’attente sous nos cils!

  La nuit donne son lait, qu’on y prenne bien garde! et qu’un doigt de miel longe les lèvres du prodigue:

  ‘… Fruit de la femme, ô Sabéenne! …’ Trahissant l’âme la moins sobre et soulevé des pures pestilences de la nuit,

  je m’élèverai dans mes pensées contre l’activité du songe; je m’en irai avec les oies sauvages, dans l’odeur fade du matin! …

  —Ha! quand l’étoile s’anuitait au quartier des servantes, savionsnous que déjà tant de lances nouvelles

  poursuivaient au désert les silicates de l’Eté? ‘Aurore, vous contiez …’ Ablutions aux rives des Mers Mortes!

  Ceux qui ont couché nus dans l’immense saison se lèvent en foule sur la terre—se lèvent en foules et s’écrient

  que ce monde est insane! … Le vieillard bouge des paupières dans la lumière jaune; la femme s’étire sur son ongle;

  et le poulain poisseux met son menton barbu dans la main de l’enfant, qui ne rêve pas encore de lui crever un œil …

  ‘Solitude! Je n’ai dit à personne d’attendre … Je m’en irai par là quand je voudrai …’—Et l’Étranger tout habillé

  de ses pensées nouvelles, se fait encore des partisans dans les voies du silence: son œil est plein d’une salive,

  il n’y a plus en lui substance d’homme. Et la terre en ses graines ailées, comme un poète en ses propos, voyage …

  V

  i For my soul engaged in far-off matters, an hundred fires revived in towns by the barking of dogs …

  ii Solitude! our immoderate partisans boasted of our ways, but our thoughts were already encamped beneath other walls:

  iii ‘I have told no one to wait … I hate you all, gently … And what is to be said of this song that you elicit from us? …’

  iv Leader of a people of dreams to be led to the Dead Seas, where shall I find the water of night that shall bathe our eyes?

  v Solitude! … squadrons of stars pass the edge of the world, enlisting from the kitchens a homely star.

  vi The Confederate Kings of Heaven make war over my roof and, lords of the high places, set there their bivouacs.

  vii Let me go alone with the airs of the night, among the pamphleteering Princes, among the falling Bielides! …

  viii Soul united in silence to the bitumen of the Dead! our eyelids sewn with needles! praised be the waiting under our eyelids!

  ix The night gives its milk, O take heed! let a honeyed finger touch the lips of the prodigal:

  x ‘… Fruit of woman, O Sabaean! …’ Betraying the least sober soul and roused from the pure pestilences of night,

  xi in my thoughts I will protest against the activity of dream; I shall be off with the wild geese, in the stale smell of morning! …

  xii Ah when the star was benighted in the servant-girls’ quarters, did we know that already so many new spears

  xiii pursued in the desert the silicates of Summer? ‘Dawn, you were saying …’ Ablutions on the banks of the Dead Seas!

  xiv Those who lay naked in the immense season arise in crowd on the earth—arise in crowds and cry out

  xv that this world is mad! … The old man stirs his eyelids in the yellow light; the woman extends herself from nail to nail;

  [Commentary II 142–43 · Textual History II 646–47]

  xvi and the sticky colt thrusts his bearded chin into the hand of the child, who has not yet, in dreams, stolen one of his eyes …

  xvii ‘Solitude! I have told no one to wait … I shall go away in that direction when I wish …’—And the Stranger clothed

  xviii in his new thoughts, acquires still more partisans in the ways of silence: his eye is full of a sort of saliva,

  xix there is no more substance of man in him. And the earth in its winged seeds, like a poet in his thoughts, travels …

  [Commentary II 143 · Textual History II 647]

  VI

  Tout-puissants dans nos grands gouvernements militaires, avec nos filles parfumées qui se vêtaient d’un souffle, ces tissus,

  nous établîmes en haut lieu nos pièges au bonheur.

  Abondance et bien-être, bonheur! Aussi longtemps nos verres où la glace pouvait chanter comme Memnon …

  Et fourvoyant à l’angle des terrasses une mêlée d’éclairs, de grands plats d’or aux mains des filles de service fauchaient l’ennui des sables aux limites du monde.

  Puis ce fut une année de souffles en Ouest et, sur nos toits lestés de pierres noires, tout un propos de toiles vives adonnées au délice du large. Les cavaliers au fil des caps, assaillis d’aigles lumineuses et nourrissant à bout de lances les catastrophes pures du beau temps, publiaient sur les mers une ardente chronique:

  Certes! une histoire pour les hommes, un chant de force pour les hommes, comme un frémissement du large dans un arbre de fer! … lois données sur d’autres rives, et les alliances par les femmes au sein des peuples dissolus; de grands pays vendus à la criée sous l’inflation solaire, les hauts plateaux pacifiés et les provinces mises à prix dans l’odeur solennelle des roses …

  Ceux-là qui en naissant n’ont point flairé de telle braise, qu’ont-ils à faire parmi nous? et se peut-il qu’ils aient commerce de vivants? ‘C’est votre affaire et non la mienne de régner sur l’absence …’ Pour nous qui étions là, nous produisîmes aux frontières des accidents extraordinaires, et nous portant dans nos actions à la limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie:

  ‘Je connais cette race établie sur les pentes: cavaliers démontés dans les cultures vivrières. Allez et dites à ceux-là: un immense péril a courir avec nous! des actions sans nombre et sans mesure, des volontés puissantes et dissipatrices et le pouvoir de l’homme consommé comme la grappe dans la vigne … Allez et dites bien: nos habitudes de violence, nos chevaux sobres et rapides sur les semences de révolte et nos casques flairés par la fureur du jour … Aux pays épuisés où les coutumes sont à reprendre, tant de familles à composer comme des encagées d’oiseaux siffleurs, vous nous verrez, dans nos façons d’agir, assembleurs de nations sous de vastes hangars, lecteurs de bulles à voix haute, et vingt peuples sous nos lois parlant toutes les langues …

  ‘Et déjà vous savez l’histoire de leur goût: les capitaines pauvres dans les voies immortelles, les notables enfouie venus pour nous saluer, toute la population virile de l’année avec ses dieux sur des bâtons, et les princes déchus dans les sables du Nord, leurs filles tributaires nous prodiguant les assurances de leur foi, et le Maître qui dit: j’ai foi dans ma fortune …

  ‘Ou bien vous leur contez les choses de la paix: aux pays infestés de bien-être une odeur de forum et de femmes nubiles, les monnaies jaunes, timbre pur, maniées sous les palmes, et les peuples en marche sur de fortes épices—dotations militaires, grands trafics d’influence à la barbe des fleuves, l’hommage d’un puissant voisin assis à l’ombre de ses filles et les messages échangés sur des lamelles d’or, les traités d’amitié et de délimitation, les conventions de peuple à peuple pour des barrages de rivières, et les tributs levés dans les pays enthousiasmés! (constructions de citernes, de granges, de bâtiments pour la cavalerie—les carrelages d’un bleu vif et les chemins de brique rose—les déploiements d’étoffes à loisir, les confitures de roses à miel et le poulain qui nous est né dans les bagages de l’armée—les déploiements d’étoffes à loisir et, dans les glaces de nos songes, la mer qui rouille les épées, et la descente, un soir, dans les provinces maritimes, vers nos pays de grand loisir et vers nos filles

  ‘parfumées, qui nous apaiseront d’un souffle, ces tissus …’)

  —Ainsi parfois nos seuils pressés d’u
n singulier destin et, sur les pas précipités du jour, de ce côté du monde, le plus vaste, où le pouvoir s’exile chaque soir, tout un veuvage de lauriers!

  Mais au soir, une odeur de violettes et d’argile, aux mains des filles de nos femmes, nous visitait dans nos projets d’établissement et de fortune

  et les vents calmes hébergeaient au fond des golfes désertiques.

  VI

  i Omnipotent in our great military governments, with our scented girls clad in a breath of silk webs,

  ii we set in high places our springes for happiness.

  iii Plenty and well-being, happiness! For so long the ice sang in our glasses, like Memnon …

  iv And deflecting a crossing of lights to the corners of terraces, great chargers of gold held up by the handmaidens, smote the weariness of the sands, at the confines of the world.

  v Then came a year of wind in the west and, on our roofs weighted with black stones, all the business of bright cloths abandoned to the delight of wide spaces. The horsemen on the crest of the capes, battered by luminous eagles, and feeding on their spear-tips the pure disasters of sunshine, published over the seas a fiery bulletin:

  vi Surely a history for men, a song of strength for men, like a shudder from afar of space shaking an iron tree! … laws enacted upon other shores, alliances by marriage in the midst of dissolute peoples, great territories auctioned away beneath the inflation of the Sun, the highlands subdued and the provinces priced in the solemn odour of roses …

  vii They who at birth have not sniffed such embers, what have they to do with us? Can they have commerce with the living? ‘It is your business, not mine, to rule over absence …’ For us who were there, we caused at the frontiers exceptional accidents, and pushing ourselves in our actions to the end of our strength, our joy amongst you was a very great joy:

  viii ‘I know this race settled on the slopes, horsemen dismounted among the food crops. Go say to them: a great risk to run with us! deeds innumerable unmeasured, puissant and destructive wills, and the power of man absorbed like the cluster in the vine … Go and say truly: our habits of violence, our horses abstemious and swift upon the seeds of sedition and our helmets sniffed by the fury of the day … In the exhausted countries where the ways of life are to be remade, so many families to be composed like cages of whistling birds, you shall see us, the way we act, gatherers of nations under vast shelters, readers aloud of decrees, and twenty peoples under our law speaking all tongues …

  [Commentary II 143 · Textual History II 647–48]

  ix ‘And already you know their favourite tale: the needy captains in immortal paths, the notables crowding to do us obeisance, the whole male population of the year holding aloft its gods on staves, and the princes fallen in the Northern wastes, their daughters tributary swearing fealty to us, and the Master saying: I have faith in my destiny …

  x ‘Or else you will tell them of the deeds of peace: in countries infested with comfort an odour of forum and of nubile women, the yellow coins of purest ring, fingered under palms, and peoples on the march on strong spices—military endowments, great traffic of influence in the teeth of the rivers, the homage of a powerful neighbour seated in the shadow of his daughters, and messages exchanged on leaves of gold, treaties of amity and of boundary, conventions of people with people for damming of streams, and tribute levied in lands roused to passion! (building of cisterns and of granges and of cavalry barracks—the floors of bright blue and the ways of rose red brick—leisurely unfolding of stuffs, the honey rose jelly and the colt which is born to us among the army gear—the leisurely unfolding of stuffs, and in the mirror of our dreams, the sword-rusting sea, and, one evening, descent into the coast provinces, towards our lands of great ease and towards our

  xi ‘scented girls, who shall soothe us with a breath, silken webs …’)

  xii —In this wise sometimes our threshold trodden by a strange destiny, and on the hurried steps of day, on this side of the world, the most vast, where power each evening is exiled, all a widowhood of laurels!

  [Commentary II 143 · Textual History II 648]

  xiii But at evening an odour of violets and clay in the hands of our wives’ maidens, haunted us in our thoughts of foundation and fortune

  xiv and the still winds harboured in the depths of the desert-like gulfs.

  [Commentary II 143–44 · Textual History II 648]

  VII

  Nous n’habiterons pas toujours ces terres jaunes, notre délice …

  L’Eté plus vaste que l’Empire suspend aux tables de l’espace plusieurs étages de climats. La terre vaste sur son aire roule à pleins bords sa braise pâle sous les cendres—. Couleur de soufre, de miel, couleur de choses immortelles, toute la terre aux herbes s’allumant aux pailles de l’autre hiver—et de l’éponge verte d’un seul arbre le ciel tire son suc violet.

  Un lieu de pierres à mica! Pas une graine pure dans les barbes du vent. Et la lumière comme une huile.—De la fissure des paupières au fil des cimes m’unissant, je sais la pierre tachée d’ouies, les essaims du silence aux ruches de lumière; et mon cœur prend souci d’une famille d’acridiens …

  Chamelles douces sous la tonte, cousues de mauves cicatrices, que les collines s’acheminent sous les données du ciel agraire—qu’elles cheminent en silence sur les incandescences pâles de la plaine; et s’agenouillent à la fin, dans la fumée des songes, là où les peuples s’abolissent aux poudres mortes de la terre.

  Ce sont de grandes lignes calmes qui s’en vont à des bleuissements de vignes improbables. La terre en plus d’un point mûrit les violettes de l’orage; et ces fumées de sable qui s’élèvent au lieu des fleuves morts, comme des pans de siècles en voyage …

  A voix plus basse pour les morts, à voix plus basse dans le jour. Tant de douceur au cœur de l’homme, se peut-il qu’elle faille à trouver sa mesure? … ‘Je vous parle, mon âme!—mon âme tout enténébrée d’un parfum de cheval!’ Et quelques grands oiseaux de terre, naviguant en Ouest, sont de bons mimes de nos oiseaux de mer.

  A l’orient du ciel si pâle, comme un lieu saint scellé des linges de l’aveugle, des nuées calmes se disposent, où tournent les cancers du camphre et de la corne … Fumées qu’un souffle nous dispute! la terre tout attente en ses barbes d’insectes, la terre enfante des merveilles! …

  Et à midi, quand l’arbre jujubier fait éclater l’assise des tombeaux, l’homme clôt ses paupières et rafraîchit sa nuque dans les âges … Cavaleries du songe au lieu des poudres mortes, ô routes vaines qu’échevèle un souffle jusqu’à nous! où trouver, où trouver les guerriers qui garderont les fleuves dans leurs noces?

  Au bruit des grandes eaux en marche sur la terre, tout le sel de la terre tressaille dans les songes. Et soudain, ha! soudain que nous veulent ces voix? Levez un peuple de miroirs sur l’ossuaire des fleuves, qu’ils interjettent appel dans la suite des siècles! Levez des pierres à ma gloire, levez des pierres au silence, et à la garde de ces lieux les cavaleries de bronze vert sur de vastes chaussées! …

  (L’ombre d’un grand oiseau me passe sur la face.)

  VII

  i We shall not dwell forever in these yellow lands, our pleasance …

  ii The Summer vaster than the Empire hangs over the tables of space several terraces of climate. The huge earth rolls on its surface over-flowing its pale embers under the ashes—Sulphur colour, honey colour, colour of immortal things, the whole grassy earth taking light from the straw of last winter—and from the green sponge of a lone tree the sky draws its violet juices.

  iii A place glittering with mica! Not a pure grain in the wind’s barbs. And light like oil.—From the crack of my eye to the level of the hills I join myself, I know the stones gillstained, the swarms of silence in the hives of light; and my heart gives heed to a family of locusts …

  iv Like milch-camels, gentle beneath the shears and sewn with mauve scars, let the hills march forth under the scheme of the harvest sky—let them march in silence over the pale incandescence of
the plain; and kneel at last, in the smoke of dreams, there where the peoples annihilate themselves in the dead powder of earth.

  v These are the great quiet lines that disperse in the fading blue of doubtful vines. The earth here and there ripens the violets of storm; and these sandsmokes that rise over dead river courses, like the skirts of centuries on their route …

  vi Lower voice for the dead, lower voice by day. Such gentleness in the heart of man, can it fail to find its measure? … ‘I speak to you, my soul!—my soul darkened by the horse smell!’ And several great land birds, voyaging westwards, make good likeness of our sea birds.

  [Commentary II 144 · Textual History II 648]

  vii In the east of so pale a sky, like a holy place sealed by the blind man’s linen, calm clouds arrange themselves, where the cancers of camphor and horn revolve … Smoke which a breath of wind claims from us! the earth poised tense in its insect barbs, the earth is brought to bed of wonders! …

  viii And at noon, when the jujuba tree breaks the tombstone, man closes his lids and cools his neck in the ages … Horse-tramplings of dreams in the place of dead powders, O vain ways a breath sweeps smoking toward us! where find, where find, the warriors who shall watch the streams in their nuptials?

  ix At the sound of great waters on march over the earth, all the salt of the earth shudders in dream. And sudden, ah sudden, what would these voices with us? Levy a wilderness of mirrors on the boneyard of streams, let them appeal in the course of ages! Raise stones to my fame, raise stones to silence; and to guard these places, cavalcades of green bronze on the great causeways! …

  x (The shadow of a great bird falls on my face.)

 

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