Surrealist, Lover, Resistant
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Les reflets des nuages en assaut,
Le coup de sang de l’horizon
Et la première étoile au-dessus des maisons.
SONG OF THE SUMMER PAVEMENT
On the cobbles let us rest,
That are warmed and washed by sun,
In the pleasant smell of dust,
When the day is done,
Before the night,
Before first light.
We shall watch the streams’ reflection,
See the clouds go into action,
Stroke of blood on the horizon,
That first star above the houses rising.
COUPLET DU VERRE DE VIN
Quand le train partira n’agite pas la main,
Ni ton mouchoir, ni ton ombrelle,
Mais emplis un verre de vin
Et lance vers le train dont chantent les ridelles
La longue flamme du vin,
La sanglante flamme du vin pareille a ta langue
Et partageant avec elle
Le palais et la couche
De tes lèvres et de ta bouche.
SONG OF THE GLASS OF WINE
When the train goes don’t wave your hand,
Your handkerchief, your parasol,
But fill a glass with wine,
And throw, towards the train whose grab-rails are singing,
The wine’s long flame,
The wine’s bloody flame that is like your tongue,
And shares with it
The palate and the couch
Of your lips and your mouth.
COUPLET DU BOUCHER
La belle, si tu veux, je ferai ton lit
Dans le décor sanglant de ma boutique.
Mes couteaux seront les miroirs magiques
Où le jour se lève, éclate et pâlit.
Je ferai ton lit creux et chaud
Dans le ventre ouvert d’une génisse
Et, quand tu dormiras, pour qu’il te rajeunisse
Je veillerai sur lui comme un bourreau sur l’échafaud.
SONG OF THE BUTCHER
If you like, my beauty, I’ll make your bed
In my shop’s interior, bloody-red.
My knives shall be the magic mirrors
Where the daylight rises, flares and flickers.
I’ll make your bed hollow and hot
In a heifer’s slitted gut
To restore your youth. While you sleep I’ll watch it
Like an executioner wielding his hatchet.
FANTÔME
Arrête-toi! Je suis ici, mais tant de nuit
Nous sépare qu’en vain tu fatigues ta vue:
Tu te tais car l’espace, où se dissout la rue,
Nous-mêmes nous dissout et nous saoule de bruit.
C’est l’heure où, panaché de fumée et de suie
Le toit comme une plage offre au fantôme nu
Son ardoise où mirer le visage inconnu
De son double vivant dans un miroir de pluie.
Fantôme, laisse-nous rire de ta sottise.
Tu habites les bois, les châteaux, les églises
Mais tu es le valet de tout homme vivant.
Aussi n’as-tu jamais fait de mal à ces êtres
Tant, s’ils ouvraient un soir la porte et les fenêtres
Te dissoudrait la nuit dans le bruit et le vent.
PHANTOM
Don’t move! I’m here, but save your straining eyes:
Thick night divides us: they are mis-employed.
You’re quiet, for where the road dissolves, the void
Dissolves us too, and fuddles us with noise.
A plume of smoke and soot. This is the hour
The roof becomes a beach: the slate has shown
A face, the living face of your unknown
Double, mere phantom! in its rainy mirror.
Phantom, you’re just a fool we can deride.
You lurk in castles, churches, woods; but all
The living have you at their beck and call.
You couldn’t harm them with your evil mind:
The night they fling the doors and windows wide,
You’ll be dissolved by dark and noise and wind.
AU TEMPS DES DONJONS
As-tu déjà perdu le mot de passe?
Le château se ferme et devient prison,
La belle aux créneaux chante sa chanson
Et le prisonnier gémit dans l’In Pace.
Retrouveras-tu le chemin, la plaine,
La source et l’asile au cœur des forêts
Le détour du fleuve ou l’aube apparaît,
L’étoile du soir et la lune pleine?
Un serpent darde vers l’homme s’élance,
L’enlace, l’étreint entre ses anneaux,
La belle soupire au bord des créneaux,
Le soleil couchant brille sur les lances,
L’âge sans retour vers l’homme jaillit,
L’enlace, l’étreint entre ses années.
Amours! Ô saisons! Ô belles fanées!
Serpents lovés à l’ombre des taillis.
IN THE TIME OF EVIL STRONGHOLDS
Password slipped your memory?
Castle’s closed, become a cage,
Maiden sings on ramparts high,
Prisoner descries In Pace,
Groans to hear God’s lullaby.
Will you find the streams again,
Forest refuge, path, and plain,
River-bed where dawn appears,
Great big moon and evening stars?
Poison-fanged, a serpent springs,
Crushes man with coiling rings.
Maiden sighs amid the towers,
Setting sun lights up the spears,
Age of no return appears,
Leaps at man and overpowers,
Crushes him with coiling years.
Loves and seasons, charms of yore!
Snakes coil close on forest floor.
DEMAIN
Agé de cent mille ans, j’aurais encor la force
De t’attendre, ô demain pressenti par l’espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir: Le matin est neuf, neuf est le soir.
Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l’oreille
À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent.
TOMORROW
I’d live a hundred thousand years, and still
Be staunch in hope’s foreknowledge of the dawn.
Old Father Time, whom sprains and shocks make ill,
Protests, but dusk and daybreak are reborn.
Too many months by now we’ve been on guard.
Alert, we’ve kept our firelight and our flame,
Talked low and pricked our ears at noises heard
That soon fell silent, lost, as in a game.
Now from night’s fastness we attest again
The splendour that accompanies the day.
Unsleeping, we are watchers for the dawn,
Proof that, at last, we are alive today.
SAISONS
Le jour est à sa place et coule au fond de temps,
À moins que l’être monte à travers des espaces
Superposés dans la mémoire et délestant
La cervelle et le cœur de souvenirs tenaces.
Étés, puissants étés, votre nom même passe,
Être et avoir été, passe-temps et printemps,
Il passe, il est passé comme une eau jamais lasse,
Sans cicatrices, sans témoins et sans étangs.
Saisons, vous chérissez du moins le grain de blé
Qui doit germer aux jours de dégel et la clé
Pour ouvrir aux départs les portes charretières.
Les astres dans le ciel par vous sont rassemblés,
L’an va bientôt finir et des pas accablés
Traînent sur les chemins ramenant aux frontières.
SEASONS
Day is in place, runs down as time expires,
Unless one soars through the successive layers
Of a recall that disencumbers, clears
The heart and brain of clinging souvenirs.
Great summers, étés, even your name goes past,
Now is, now has-been, pastimes, primes of years,
Tireless as water it goes past, has passed,
Leaving no pools, no witnesses, no scars.
Seasons, at least you nurse the corn, the grain
That burgeons in the thaw, you have the key
That opens gates for wagonloads to leave.
You bring the stars together in the sky.
The year will soon be done: tired footsteps heave
Down trails that lead to frontiers, back again.
CRÉPUSCULE D’ÉTÉ
Crépuscule d’été baigné de brouillard rose
Déchiré par le bleu des ardoises des toits,
Le bleu du ciel, le bleu de l’asphalte et, parfois
Saignant sur une vitre où des reflets s’opposent
Reflet de la rivière en le feuillage enclose
Reflet du son, reflet du lit en désarroi,
Vibrations des carreaux au fracas des convois,
Tout ici se rencontre et se métamorphose.
Le soleil lourdement roule sur les maisons,
Dans la rumeur du soir et l’écho des chansons:
La nuit effacera cet univers fragile,
Le fantôme du lit quitté par les amants
Et le défaut du verre imitant le diamant.
Mais la vitre longtemps vibrera sur la ville.
SUMMER TWILIGHT
Bathed in pink fog the long day’s end
Snagged by the rooftops’ quarried blue,
Blue sky, blue asphalt, sometimes too
Bleeding on glass where ghosts contend,
Image of river framed in leaves,
Image of sound, and bedclothes’ tumble,
Panes shaking at the convoys’ rumble,
Meetings and metamorphoses;
Trundling on housetops treads the sun,
Echoing songs, day’s noises done:
Frail universe to darkness gone,
Ghost of the lovers’ empty bed,
Not diamond, only glass instead.
Above the town the panes shake on.
L’ÉTOILE DU MATIN
C’est l’appel du village aux paresseux bergers
Qui chante ce matin dans mon cœur, et j’aspire,
Tous les verres vidés, à dormir aux vergers
Où chantent les oiseaux, où les abeilles girent.
Face au ciel, et cherchant dans les nuages en marche
Des géants abrutis par le froid et la nuit,
Je verrais se creuser des tunnels et des arches
Et des arbres de lueurs porter des lueurs de fruits.
Tout au fond d’un cratère écrasant de vertiges
Apparaîtrait l’étoile aux pointes de cristal,
La rose du matin détachée de sa tige,
La belle promeneuse au regard sans rival
Robe de velours noir et diadème éclatant
De la boue de comète à la soie du corsage,
Collier brisé laissant tomber tant de diamants
Que l’herbe autour de moi pleure comme un visage
Je t’enferme en mes yeux clos sur ta belle image
Aux ténébreux jardins roués par les éclairs
Que ta robe et tes pieds laissent sur leur passage
Quand tu sors de la mer tumultueuse de l’air.
Mais je voudrais savoir où tu passas la nuit.
Ainsi que moi, tu dors aux heures de lumière
Indifférente aux cris, aux chants, au jour, aux bruits
Ainsi que moi, tu dors et rêves la dernière.
Et je souhaite de dormir sous tes réseaux
De te voir apparaître au-dessus des campagnes
Dans un verger bruyant d’abeilles et d’oiseaux
À l’ombre du plus grand des châteaux en Espagne
Et je me dissoudrais dans un sommeil profond
Comme le café noir et comme la migraine
Ou la sonorité du bronze des bourdons
Et la monotonie du feu et des fontaines.
Tandis que toi, pâlie à l’écume du jour,
Disparaîtrais du ciel comme un reste de poudre
Sur un visage en proie aux charmes de l’amour
Qui flambe et monte avec le fracas de la foudre.
MORNING STAR
The call to lazy shepherds from the spire
Sings in my heart this morning. I desire,
When we have drunk, to sleep by apple-trees,
Orchards of singing birds and circling bees.
I’d search the sky, where clouds are on their marches,
For giants stupid with the cold of night;
See tunnels hollowed out, and lines of arches,
And lights of fruit that grow on trees of light.
Out of a dizzy crater would advance
The star with crystal-pointed diadem,
The fair proud walker of the matchless glance,
Rose of the morning, severed from its stem.
Jewels resplendent on black velvet gown
On silk corsage, a comet’s muddy trace:
The necklace breaks, the diamonds shower down,
The grass around me weeps like someone’s face.
I close my eyes and hold your beauty there
In twilit gardens lightning beats them down
You rise tumultuous from the sea of air
Spark lightning from your feet and from your gown
I’d like to know just where you spent the night.
Heedless of day of songs of noise of cries,
Like me you sleep through all the hours of light,
You’re last to dream, you’re last to close your eyes.
I’d wish to sleep beneath your nets, I’d see
You soar through countrysides, appear again,
In orchards resonant with birds and bees,
And castle-shade, the mightiest in Spain.
And I’d dissolve myself in sleep profound,
Deep as a migraine and as café noir,
As droning bumble-bees’ bronze humming-sound,
The monotone of fountains and of fire
While you grown pallid in the foam of day
Would quit the sky like some last scrap of powder
When love’s bewitched a face to be its prey,
And flames and climbs with flash and crash of thunder.
Translator’s Note *
Against the Grain (Contrée) which follows is a sequence of poems published in 1944. Some of the poems had been published or quoted as early as 1942. ‘It’s an odd experience for me,’ Desnos wrote to Paul Éluard that year. ‘I’m feeling my way forward, but the images, words and rhymes come to me like the details of a key to open a lock. Everything must be useful and essential for the poem to work, everything must be there to finish it an
d nothing else. I wonder why they come out so easily as sonnets. I believe more and more that automatic writing and speech are only the elementary stages of poetic initiation… I dream of poems which could not be other than they are: for which a different outcome could not be imagined. Something as implacable as the resolution of an equation.’
The title Contrée denotes both the various places visited in each poem (because it can mean something like Back Country) and the effect of ‘countering’, more or less by stealth, an enemy whose defeat is proclaimed: ‘I have wished your death and there is nothing that can delay it.’ The allusions multiply. Here is denunciation: ‘on a yellow poster the word in black letters, plague;’ the voice declaring ‘the beautiful season is near;’ and the poet’s anticipatory epitaph, his refusal to give in: ‘I lived intact, but I was prey.’ Classic in form, and drawing on mythology, the poems were able to pass the censor; and their philosophy of human destiny puts into a wider context various topical allusions which those in the know could understand.